Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre 1re section, 20 novembre 2013, n° 12/06526

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 1re ch. 1re sect., 20 nov. 2013, n° 12/06526
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 12/06526

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S (footnote: 1)

1/1/1 resp profess du drt

N° RG :

12/06526

N° MINUTE :

Assignation du :

17 avril 2012

PRESCRIPTION

A B

AJ du TGI DE BOBIGNY du 29 avril 2011 N° 2011/010222

[…]

JUGEMENT

rendu le 20 Novembre 2013

DEMANDERESSE

Madame C D X

[…]

93400 G-OUEN

représentée par Me Philippe MIRABEAU, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #PN716

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/010222 du 29/04/2011 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Bobigny)

DÉFENDEUR

MONSIEUR LE PRÉFET DE PARIS, en sa qualité de représentant de l’Etat

Préfecture de Paris

Direction des Affaires Juridiques

[…]

[…]

représenté par Me Nicole J-K, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0297

MINISTÈRE PUBLIC

Madame A B, Vice-Procureure

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Magali Z, Première Vice-Présidente

Présidente de la formation

Monsieur Patrice KURZ, Vice-Président

Madame Anne BERARD, Vice-Présidente

Assesseurs

assistés de Caroline GAUTIER, Greffière, lors des débats

DÉBATS

A l’audience du 2 octobre 2013

tenue en audience publique

JUGEMENT

— Contradictoire.

— En premier ressort.

— Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— Signé par Mme Magali Z, Présidente et par Mme Caroline GAUTIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte d’huissier du 17 avril 2012 , Madame X a assigné l’Etat français pris en la personne de M. le Préfet de Paris afin d’obtenir, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 6 du code civil et de l’article 2 de la loi du 5 avril 1937 dont est issu l’article L 911-4 du code de l’éducation, réparation du préjudice moral qu’elle estime avoir subi en raison du défaut de surveillance qu’elle impute à l’enseignante et à la direction de l’établissement scolaire où était scolarisé son fils Y, victime, le 4 mai 2007, d’une chute mortelle par la fenêtre du deuxième étage de sa classe, alors qu’il tentait de fermer un rideau à la demande de son professeur d’anglais.

Dans ses conclusions notifiées par huissier le 15 mars 2013, Mme X demande au tribunal de :

— dire et juger que l’enseignante, a commis un défaut de surveillance sur la personne de son fils ;

— dire et juger que la directrice de l’école Sainte F G H a commis un défaut de surveillance sur la personne de son fils et a été défaillante dans son obligation de sécurité ;

— dire et juger que ce défaut de surveillance et de sécurité a eu pour conséquence le décès de son fils ;

par conséquent :

— condamner M. le Préfet de Paris à lui verser une somme de 100.000 € en réparation de son préjudice moral ;

— ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir

— dire que les intérêts de la somme porteront eux-même intérêt en application de l’article 1154 du code civil ;

— condamner le préfet de Paris à lui payer une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ce dans les termes de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

— le condamner aux dépens.

Elle soutient principalement que :

— l’obligation de surveillance des élèves pendant le temps où ils sont confiés à l’institution scolaire s’impose au personnel de l’établissement sous l’autorité de la direction ;

— la faute de l’enseignante est caractérisée par ses propres déclarations et les auditions de plusieurs élèves, étant précisé que le caractère défectueux de la fermeture du rideau était connu, que Y a répondu à la demande du professeur de fermer ce rideau en montant sur le radiateur devant la fenêtre ouverte, que le professeur, assis derrière son bureau, lui a demandé de descendre, que le jeune garçon, en tirant fort pour décoincer le rideau, s’est coincé le pied entre le radiateur et la fenêtre, a perdu l’équilibre et est tombé dans le vide ;

— la responsabilité de l’établissement scolaire est engagée, aucune consigne particulière n’étant donnée quant aux fenêtres, celles-ci n’étant pas conformes et les rideaux étant défectueux ;

— la prescription n’est pas acquise, dès lors que l’action pénale qu’elle avait intentée n’a pas prospéré, une ordonnance de non lieu ayant été rendue sur sa plainte avec constitution de partie civile, confirmée le 2 mars 2010 par un arrêt de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris et elle s’est pourvue dans les délais de l’article L 911-4 du code de l’éducation, sa constitution de partie civile ayant interrompu la prescription de l’action en responsabilité ;

— les articles 2235 et 2226 du code civil permettent aux victimes indirectes d’agir en responsabilité en raison d’événements ayant donné lieu à un dommage corporel dans un délai de 10 années ;

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 mai 2013, le préfet de Paris en sa qualité de représentant de l’Etat demande :

— au visa de l’article 2 de la loi du 2 avril 1937 et de l’article 1384 alinéa 8 du code civil, de déclarer prescrite l’action de Mme X et de la déclarer irrecevable en toutes ses demandes ;

— subsidiairement, de la débouter de ses demandes mal fondées ;

— encore plus subsidiairement, de les réduire dans de très notables proportions ;

— de condamner Mme X à lui verser la somme de 1 500 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de maître N. J K, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code procédure civile.

Il soutient principalement que :

— la prescription de l’action en réparation des dommages prévue par la loi du 5 avril 1937 est de trois années à partir du jour du fait dommageable et que l’action n’a été introduite que le 17 avril 2012 pour des faits survenus le 4 mai 2007 ;

— subsidiairement, le défaut de surveillance de l’enseignante n’est pas prouvé, le simple fait de demander quelque chose à un élève, en l’espèce de fermer un rideau, si une telle demande est avérée, ne saurait constituer une faute ou une négligence et l’enseignante ayant demandé à deux reprises à l’enfant de descendre du radiateur ;

— en refusant d’obéir aux injonctions de ses professeurs, il a manqué à ses obligations d’élève, se mettant en danger et l’enseignante n’a pas commis une violation délibérée d’une obligation manifeste de prudence ou de sécurité, la preuve demandée par l’article 1384 al. 8 du code civil n’est pas rapportée ;

— la mise en cause de l’établissement scolaire devant le juge judiciaire, qui sort du champ d’application de la loi du 5 avril 1937, est irrecevable, seul le juge administratif est compétent lorsque le dommage résulte d’une mauvaise organisation ou d’un fonctionnement défectueux du service public de l’enseignement, par exemple le défaut d’exercice par le chef d’établissement de sa mission de sécurité des personnes et des biens ;

— très subsidiairement, le rapport de police du 4 juin 2007 avait fait état du rapport de la commission de sécurité en 2005, qui avait émis un avis favorable et aucune observation n’avait été faite quant à l’aménagement des locaux, les déclarant conformes à la réglementation en vigueur à l’époque.

Selon l’avis du ministère public, notifié par voie électronique le 22 janvier 2013 :

— l’action est prescrite comme ayant été engagée plus de 3 ans après la commission du fait dommageable et doit donc être déclarée irrecevable.

MOTIFS

Si l’accident mortel dont Y a été victime dans l’enceinte de son établissement scolaire n’a pu que plonger sa mère dans une affliction profonde, il n’en demeure pas moins que c’est sur le terrain du droit qu’il convient d’appréhender l’action en responsabilité de l’Etat dont Mme X a pris l’initiative.

Avant même d’aborder le bien fondé de l’action, par l’examen des pièces produites à la démonstration de la responsabilité, limitées en l’espèce aux seules auditions, aux termes contrastés, d’enseignants et d’élèves lors de l’enquête initiale, il convient de statuer sur la recevabilité de cette action, en considération du cours de la prescription.

Aux termes de l’article L 911-4 du code de l’éducation “ Dans tous les cas où la responsabilité des membres de l’enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l’occasion d’un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l’Etat est substituée à celle desdits membres de l’enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants.

Il en est ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d’enseignement ou d’éducation physique, non interdit par les règlements, les élèves et les étudiants confiés ainsi aux membres de l’enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers.

L’action récursoire peut être exercée par l’Etat soit contre le membre de l’enseignement public, soit contre les tiers, conformément au droit commun.

Dans l’action principale, les membres de l’enseignement public contre lesquels l’Etat pourrait éventuellement exercer l’action récursoire ne peuvent être entendus comme témoins.

L’action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l’Etat, ainsi responsable du dommage, est portée devant le tribunal de l’ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé et dirigée contre le représentant de l’Etat dans le département.

La prescription en ce qui concerne la réparation des dommages prévus par le présent article est acquise par trois années à partir du jour où le fait dommageable a été commis”.

L’existence d’une disposition spéciale écarte donc ici l’application de la prescription décennale relatives aux dommages corporels de l’article 2226 du code civil.

Il résulte de cette disposition spéciale que la prescription de l’action est triennale et qu’elle a commencé à courir le 4 mai 2007.

La suspension du cours de la prescription durant la minorité, résultant de l’article 2235 du code civil est purement personnelle au mineur. Elle n’aurait pu bénéficier qu’à Y lui-même et n’est donc pas applicable en l’espèce

Aux termes de l’article 2241 du code civil : “La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure”.

S’il se déduit de cette disposition que l’engagement de la partie civile dans la voie pénale a un effet sur la prescription de l’action civile, Mme X n’a produit aucune pièce de procédure justifiant de son action.

En admettant que puisse faire office de commencement de preuve le courrier que la SCP Gadiou-Chevalier a adressé le 5 juillet 2010 au Premier président de la cour de cassation pour former un recours contre une décision du 2 juin 2010 qui aurait rejeté une demande d’aide juridictionnelle à effet de suivre un pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt rendu le 2 mars 2010 par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, il se déduit de ce courrier que cette décision ne pouvait consister qu’en un non-lieu, ce que soutient effectivement la demanderesse.

La décision de non lieu n’ayant finalement pas été frappée de recours, l’interruption de la prescription doit, dès lors, être regardée comme non avenue.

Ainsi, conformément à l’article 122 du code de procédure civile, l’action en responsabilité de l’Etat engagée par Mme X le 17 avril 2012, doit être déclarée irrecevable, comme étant prescrite.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL

Dit que Mme X est irrecevable en son action, désormais prescrite ;

Dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire ;

Condamne Mme X à verser à M. le Préfet de Paris, la somme de 1 000 € (mille euros) en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme X aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi sur l’aide juridictionnelle.

Fait et jugé à Paris le 20 novembre 2013.

Le Greffier La Présidente

C. GAUTIER M. Z

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