Tribunal de grande instance de Paris, 4e chambre 1re section, 8 février 2016, n° 10/13241

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 4e ch. 1re sect., 8 févr. 2016, n° 10/13241
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 10/13241

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S(footnote: 1)

4e chambre 1re section

N° RG :

10/13241

N° MINUTE :

Assignation du :

06 Septembre 2010

JUGEMENT

rendu le 08 Février 2016

DEMANDERESSE

Compagnie d’assurances A B

[…]

[…]

représentée par Me Ariel DAHAN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0195

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. CHALON NAUTIQUE

[…]

[…]

représentée par Me C D, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #J0121

[…]

[…]

[…]

défaillant

[…]

[…]

[…]

[…]

représentée par Me E SINAVONG, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0168

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame ALBOU DUPOTY, Vice-Présidente

Madame LAGARDE, Vice-Présidente

Madame X, Juge

assistées de Marion PUAUX, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 04 Janvier 2016 tenue en audience publique devant Madame X, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition par le greffe,

Réputé contradictoire

En premier ressort

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 10 juin 2008, Monsieur Y a acquis une vedette à moteur de marque BAYLINER, modèle 245, dénommée CINQUIEME, par l’intermédiaire de la société de location avec option d’achat COFIGA BAIL.

Ce bateau lui a été vendu par l’intermédiaire du concessionnaire français CHALON NAUTIC et Monsieur Y a assuré son bien auprès de la compagnie A B.

Le 13 septembre 2008, alors que le bateau était à flot, il a été intégralement détruit par un incendie.

La compagnie d’assurance A B a diligenté une expertise de l’épave réalisée par Monsieur Z, en présence du concessionnaire CHALON NAUTIC, de son assureur GAN ASSURANCES et de l’importateur de droit belge BRUNSWICK MARINE.

Monsieur Z s’est fait assister au cours de son expertise par deux sachants spécialisés en incendie, lesquels ont notamment procédé à des analyses et des prélèvements sur l’épave et conclu que la destruction du bateau provenait d’un incendie dont la cause exclusive résultait du défaut de conformité d’un câble électrique ayant provoqué un court-circuit.

Il ressortait également de l’expertise que le bateau était intégralement perdu et insusceptible d’être réparé.

Sur la base de ces conclusions, la société A B a indemnisé Monsieur Y du prix du bateau et de divers accessoires dont les frais de stationnement pour la somme totale de 67 865 euros.

Usant de son recours subrogatoire, la société A B a, par exploit signifié le 6 septembre 2010, assigné la compagnie GAN ASSURANCES devant le présent tribunal en remboursement des sommes allouées à Monsieur Y.

Par exploit du 27 mars 2012, la compagnie A B a fait assigner la société CHALON NAUTIC en intervention forcée et en déclaration de jugement commun.

Par exploit du 19 septembre 2012, la société CHALON NAUTIC a appelé en garantie la société BRUNSWICK MARINE.

Par ordonnance prononcée le 5 novembre 2012, le juge de la mise en état a joint les trois procédures.

Dans ses dernières écritures, signifiées le 31 août 2015, auxquelles il est expressément référé, la société A B sollicite du tribunal au visa des 1602 du code civil et L.211-4 du code de la consommation, de:

— constater que l’assignation délivrée à la société GAN ASSURANCES a valablement interrompu la prescription à l’encontre des autres parties, solidairement débiteurs de la dette;

rejeter par conséquent les fins de non-recevoir tirées de la prescription à l’encontre des sociétés CHALON NAUTIC et BRUNSWICK MARINE.

— dire et juger que la cause de l’incendie ayant détruit entièrement le navire est imputable exclusivement à un défaut de construction;

— condamner solidairement et indivisiblement la société CHALON NAUTIC et son assureur la compagnie GAN ASSURANCES à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal:

 – sur le préjudice soumis à recours subrogatoire:

  • 65 159 euros au titre de la valeur de remplacement du bateau;
  • 1 164 euros au titre des équipements complémentaires GPS et sondeur;
  • 460 euros au titre de des effets personnels
  • 1 082 euros au titre du coût du stationnement du navire depuis l’incendie

— condamner solidairement et indivisiblement la société CHALON NAUTIC et son assureur la compagnie GAN ASSURANCES à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, la société A B fait en premier lieu valoir que son action ne serait pas prescrite à l’égard des sociétés CHALON NAUTIC et BRUNSWICK MARINE dans la mesure où elle aurait assigné la compagnie GAN ASSURANCES, assureur de CHALON NAUTIC, dans le délai biennal encadrant l’action en garantie des vices cachées de sorte qu’en vertu de l’article 2245 du code civil le délai de prescription aurait été interrompu à l’endroit de tous les débiteurs solidaires de sa créance.

Sur le fond, la demanderesse entend se prévaloir du rapport d’expertise réalisé lors de la phase amiable, insistant à la fois sur son caractère contradictoire à l’égard de chacune des parties et sur la qualité de ses conclusions établies avec le concours du laboratoire LAVOUE, spécialisé en incendie.

Elle rappelle qu’il en résulterait de manière catégorique que l’origine de l’incendie ayant entièrement détruit le navire proviendrait d’un court-circuit électrique lui même généré par le défaut de conformité d’un câble et souligne que, peu après la livraison de son bateau, Monsieur Y s’était plaint à plusieurs reprises de dysfonctionnements électriques.

Dans ses dernières écritures signifiées le 2 février 2015, auxquelles il est expressément référé, la société CHALON NAUTIC sollicite du tribunal, sur le fondement des articles L 622-21 du code de commerce, 1648, 1603, 1641 et 1643 du code civil, de:

— déclarer irrecevable la demande de condamnation dirigée à son encontre en raison de son placement en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Chalon Sur Saone le 2 août 2012;

— déclarer irrecevable les demandes dirigées à son encontre par la société A B en raison du non respect du délai de prescription de deux ans prévu à l’article 1648 du code civil;

 – subsidiairement:

— condamner la société BRUNSWICK MARINE à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre dans le cadre de la présente instance;

— condamner la société BRUNSWICK MARINE à lui verser une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître C D, selon les dispositions de l’article 699 de ce même code.

En réplique, la société CHALON NAUTIC soulève l’irrecevabilité de l’action dirigée à son encontre aux motifs d’une part que l’instance serait prescrite pour ne pas avoir respecté le délai de prescription biennale encadrant l’action en garantie des vices cachés et d’autre part que son statut de société en redressement judiciaire empêcherait de solliciter sa condamnation au paiement d’une créance née antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective.

Subsidiairement, si le tribunal déclarait recevable l’action de la société A B, la société CHALON NAUTIC considère, sur le fondement du rapport d’expertise réalisé par Monsieur Z, que l’origine du sinistre résulte bien d’un défaut électrique inhérent au bateau, de sorte que la responsabilité finale de l’indemnisation incomberait à la société BRUNSWICK MARINE dont elle demande qu’il la relève et garantisse de toutes condamnations.

Dans ses dernières écritures signifiées le 2 février 2015, auxquelles il est expressément référé, la société BRUNSWICK MARINE IN EMEA sollicite du tribunal, au visa des articles 1648 du code civil, 144 et 263 du code de procédure civile, de:

à titre principal:

— juger la compagnie A B et la société CHALON NAUTIC irrecevables en leurs actions sur le fondement des vices cachés pour forclusion;

— débouter la compagnie A B et la société CHALON NAUTIC de l’ensemble d leurs demandes faute de pouvoir prouver que sa responsabilité serait engagée pour vice caché;

à titre subsidiaire:

— ordonner une expertise aux frais avancés de la compagnie A B afin de déterminer notamment les causes du sinistre et de qualifier les désordres;

en tout état de cause:

— débouter la compagnie A B et la société CHALON NAUTIC de l’ensemble de leurs demandes;

— condamner la société A B et la société CHALON NAUTIC à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

— condamner la compagnie A B aux entiers dépens de la procédure, dont distraction au profit de Maître E F G, selon les dispositions de l’article 699 de ce même code.

En réplique, la société BRUNSWICK MARINE fait essentiellement valoir que les demandes formées à son encontre sur le fondement de l’action en garantie des vices cachés seraient irrecevables faute d’avoir été engagées dans le délai biennal imparti.

Sur le fond, la société défenderesse estime que l’origine du sinistre ne serait pas suffisamment démontré non plus que sa responsabilité en qualité de constructeur du bateau.

Bien que régulièrement assignée, la compagnie GAN ASSURANCES n’a pas constitué avocat.

Il sera statué par jugement réputé contradictoire.

L’ordonnance de clôture des débats a été prononcée le 31 août 2015 et l’affaire plaidée le 4 janvier 2016.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’action engagée par la compagnie A B

Aux termes des dernières écritures des parties, il convient de noter que la compagnie A B forme une demande de condamnation en paiement uniquement à l’encontre de la société CHALON NAUTIC, la société BRUNSWICK MARINE étant uniquement appelée en garantie à titre subsidiaire par CHALON NAUTIC.

En conséquence, il y a lieu de statuer en premier lieu sur le moyen d’irrecevabilité soulevée par la société CHALON NAUTIC tenant à son placement en redressement judiciaire, avant d’examiner en tant que de besoin, une éventuelle prescription de l’instance à l’endroit de toutes les parties.

Sur le moyen tiré du placement en redressement judiciaire de la société CHALON NAUTIC, défendeur principal:

En vertu de l’article 369 du code de procédure civile, l’instance est interrompue notamment par l’effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire .

Aux termes de l’article L 622-21 du code de commerce, le jugement d’ouverture d’une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers tendant notamment à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent.

Il appartient à celui qui se prévaut d’une créance née antérieurement à l’ouverture d’une procédure collective de procéder à la déclaration de sa créance selon les modalités définies par le code de commerce et de mettre en cause les organes représentatives de la société.

L’adoption d’un plan de continuation par le tribunal de commerce à l’issue de la période d’observation, s’il permet le maintien de la société et la poursuite de son activité ne modifie pas le régime des créances nées antérieurement au placement en redressement judiciaire qui restent soumises aux obligations ci-dessus rappelées et ne peuvent à défaut être accueillies par le juge civil.

En l’espèce, il est constant que la société CHALON NAUTIC a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Chalon sur Saone le 2 août 2012, soit postérieurement à l’assignation qui lui a été délivrée par la compagnie A FRANCE dans le cadre de la présente instance.

Cette information a été portée aux débats et a en partie motivé la décision du juge de la mise en état du 24 novembre 2014 d’ordonner le rabat de la première ordonnance de clôture et une réouverture des débats.

Depuis lors, il est démontré que la société CHALON NAUTIC a bénéficié d’un plan de continuation homologué par jugement du tribunal de commerce de Chalon sur Saone le 4 juillet 2013, sans pour autant que la compagnie A B n’ait accompli les diligences nécessaires à la reprise de l’instance civile et à la recevabilité de ses demandes puisqu’elle n’a jamais déclaré sa créance aux organes de la procédure, ni mis en cause ces derniers.

Alors que l’assignation introductive de l’instance a été signifiée le 6 septembre 2010, soit il y a plus de cinq ans, qu’une révocation de l’ordonnance de clôture a été accordée en 2014 sans que la situation ne soit pour autant régularisée, le tribunal ne peut que constater l’impossibilité de prononcer une quelconque condamnation à l’encontre de la société CHALON NAUTIC, ni même de fixer une créance à son passif puisqu’il n’est justifié d’aucune déclaration préalable dans les délais impartis par le code de commerce.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de déclarer irrecevable l’action de la compagnie A B à l’encontre de la société CHALON NAUTIC et par conséquent de l’assureur de celle-ci, la compagnie GAN ASSURANCES.

Enfin, comme rappelé ci-dessus, la société BRUNSWICK MARINE ayant été attraite en intervention forcée par la société CHALON NAUTIC pour la garantir et ne répondant d’aucune demande directe de la part de la compagnie A B, l’irrecevabilité de l’action contre le défendeur principal rend la mise en cause de BRUNSWICK MARINE sans objet.

Sur les demandes accessoires

La compagnie A B succombant, elle sera condamnée à verser à chacun des défendeurs la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens de l’instance dont distraction selon les modalités prévues à l’article 699 de ce même code.

Enfin, compte tenu de la teneur du présent jugement, il n’y a pas lieu d’en ordonner l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire, prononcé en premier ressort et par mise à disposition au greffe;

Déclare irrecevable l’action de la société A B et rejette l’intégralité de ses demandes;

Condamne la société A B à payer respectivement à la société CHALON NAUTIC et la société BRUNSWICK MARINE la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société A B aux entiers dépens de l’instance dont distraction selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître E F G, pour la société BRUNSWICK MARINE et de Maître C D, pour la société CHALON NAUTIC.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement;

Fait et jugé à Paris le 08 Février 2016

Le Greffier Le Président

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