Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre responsabilité des professionnels du droit, 10 février 2016, n° 13/01707

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 1re ch. responsabilité des professionnels du droit, 10 févr. 2016, n° 13/01707
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 13/01707

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

1/1/2 resp profess du drt

N° RG :

13/01707

N° MINUTE :

Assignation du :

24 janvier 2013

PAIEMENT

M. R.

(footnote: 1)

JUGEMENT

rendu le 10 février 2016

DEMANDERESSE

[…]

Strassburgstrasse 9

[…]

SUISSE

représentée par Maître Emmanuel CHRETIENNOT, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0969, Maître Nicolas BOISSERIE, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant,

DÉFENDEURS

Monsieur B C

[…]

[…]

représenté par Maître Jean-Pierre LÉON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C406

Monsieur D E

[…]

[…]

représenté par Maître Philippe BOCQUILLON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1085

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Michel A, 1er Vice-Président Adjoint

Président de la formation

Monsieur F G, Juge

Madame H I, Juge

Assesseurs

assistés de Juliette JARRY, Greffière, lors des débats

DÉBATS

A l’audience du 16 décembre 2015

tenue en audience publique

JUGEMENT

— Contradictoire.

— En premier ressort.

— Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— Signé par M. Michel A, Président et par Mme Caroline GAUTIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Résumé des faits et de la procédure

- Vu les dernières conclusions de la Pensionkasse Stadt Zurich notifiées par la voie électronique le 17 septembre 2015 ;

- Vu les dernières conclusions de Me D E notifiées par la voie électronique le 18 juin 2015 ;

- Vu les dernières conclusions de Me B C notifiées par la voie électronique le 23 avril 2015 ;

- Vu l’ordonnance du 19 novembre2015 portant clôture de l’instruction de l’affaire et la renvoyant pour être plaidée à l’audience du16 décembre 2015.

*****

***

*

Le 2 juillet 1995, Mme L Z, domiciliée en Suisse, a été victime d’un accident de la circulation survenu en France alors qu’elle était passagère de son propre véhicule assuré auprès de la société Compagnie royale belge aux droits de laquelle se trouve la société Axa Belgium.

Le 30 juin 2005, la société Zurich Assurances, représentée par Me B C, avocat, auprès de laquelle Mme L Z avait souscrit une assurance obligatoire prenant en charge les frais médicaux, pertes de gains et l’indemnité réparant l’atteinte à l’activité physique résultant des accidents de la circulation, a assigné la société Axa et la société Compagnie royale belge en recouvrement des sommes versées à la victime.

Le Bureau central français, Mme L Z et l’Office suisse assurance invalidité pour les assurés résidants à l’étranger sont intervenus volontairement à l’instance.

Le 26 avril 2007, la société Service Sinistres Suisse (SSS) a écrit à Me B C dans ces termes : « Nous agissons en tant que représentant de la caisse de pension de la ville de Zurich et sommes à ce titre habilités à recourir contre les tiers responsables pour les prestations de la caisse de pension a versées suite à un accident, à négocier et à transiger hors procès.

… D’après le peu d’informations dont nous disposons, il semblerait qu’un procès intenté par la Zurich Assurances soit en cours.

Nous aimerions vous demander de nous représenter également dans cette affaire et de nous aider à faire reconnaitre nos prétentions récursoires. Quelles sont les possibilités à l’heure actuelle au niveau de la procédure et d’une éventuelle prescription ».

Le 17 mai 2007, Me B C a répondu : « Je suis très sensible à votre confiance et accepte de vous représenter pour tenter d’obtenir le remboursement pour votre compagnie d’une partie des sommes qu’elle a réglées à Madame M N. Comme vous l’évoquez dans votre courrier, l’engagement d’une telle action à l’encontre d’AXA soulève un certain nombre de problèmes au niveau de la procédure, tant quant à une éventuelle prescription que quant à la recevabilité de vos demandes à l’encontre d’AXA ».

Le 29 mai 2007, Me B C a indiqué qu’il était prématuré d’engager une action dans l’intérêt de la société SSS avant de connaître le résultat des pourparlers confidentiels engagés au nom de la société Zurich Assurances.

Le 22 mai 2008, Me B C a informé la société SSS des risques de prescription :

« … La procédure vient enfin d’avancer, car Madame M N est intervenue volontairement devant la 5ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris. Dans ces conditions le moment apparaît opportun pour que la compagnie Suisse intervienne volontairement dans la procédure pour demander la condamnation d’AXA et du Bureau Central Français au paiement des sommes qu’elle est amenée à exposer au titre des prestations de la Caisse de la ville de Zurich.

Dans le cas présent, votre action apparaîtrait donc prescrite aux termes de l’article 2270-1 et de la loi n° 86-677 du 5 juillet 1985, les actions en responsabilités civile extracontractuelle se prescrivant par 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.

Toutefois la jurisprudence précise qu’en cas de préjudice corporel, c’est la date de la consolidation qui fait courir le délai de prescription de l’article 2270-1 (Civ.2 ème 4 mai 2000, Bull. Civ.IIn°167). Pour l’action en réparation de l’aggravation de l’état de santé, la prescription ne court qu’à compter de la manifestation de cette aggravation (Civ.2 ème 15 novembre 2001, Bull. Civ.II n°167).

Dans ces conditions, à l’occasion de l’expertise judiciaire qui va être ordonnée prochainement pour examiner le préjudice subi par Madame M Z, peut-être sera-t’il alors constaté, soit que son état n’a jamais été consolidée ou tout au moins il y a moins de 10 ans, soit qu’il y eu une aggravation.

Dans ces conditions, je pense que votre Société aurait intérêt à intervenir dans la procédure avant que l’expertise médicale soit ordonnée. Toutefois, avant de vous donner un avis circonstancié quant aux chances de succès d’une telle procédure je vous serai obligé de me confirmer votre accord pour que je procède à cette étude… ».

Le 21 juillet 2008, Me B C a rédigé cette étude concluant, notamment, qu’il était difficile de connaître le point de départ du délai de prescription de 10 ans prévu par l’article 2270-1 du code civil alors que la date de consolidation n’était pas fixée.

Par ordonnance du 14 octobre 2008, le juge de la mise en état a ordonné une expertise médicale et a désigné un expert qui a remis son rapport le 3 mai 2010, fixant la consolidation de l’état de la victime au 22 juillet 1998.

Par jugement du 15 février 2012, la 5e chambre du tribunal de céans a notamment condamné in solidum le Bureau central français et la société Axa Belgium venant aux droits de la société royale belge à payer la contre-valeur de 1.195.606,10 francs suisses à la société Zurich Assurances ainsi que la contre-valeur de 279.970 francs suisses à l’Office assurance invalidité pour les assurés résidants à l’étranger, outre intérêts.

*****

***

*

Le 24 janvier 2013, reprochant à Me B C à qui elle avait confié la défense de ses intérêts et à son successeur, Me D E, avocat, d’avoir laissé prescrire son action en recouvrement des frais qu’elle avait exposés, la Pensionkasse Stadt Zurich les a assignés en responsabilité civile professionnelle et indemnisation devant le tribunal de céans.

*****

***

*

Par jugement prononcé le 18 décembre 2014, auquel il convient de se reporter, le tribunal de céans a, avant dire droit :

— révoqué l’ordonnance de clôture,

— renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 19 mars 2015,

— invité les parties à conclure avant le 12 mars 2015, d’une part, sur l’application de l’article 35 de la convention de sécurité sociale conclue le 3 juillet 1975 entre la France et la Suisse et sur la loi fédérale suisse du 25 juin 1982 et, d’autre part, sur le point de départ de la prescription de l’action fondée sur la subrogation,

— réservé les dépens et les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ce tribunal a, dans ladite décision, déclaré recevable l’action engagée par la Pensionkasse Stadt Zurich laquelle justifie avoir payé des indemnités à Mme Y, et sur la responsabilité a relevé que :

— il résulte des correspondances échangées entre Me B C et la société SSS que celle-ci, qui était mandatée par la Pensionkasse Stadt Zurich, a expressément demandé à Me B C de le représenter pour “faire reconnaître [ses] prétentions récursoires” en sollicitant son avis sur “ les possibilités à l’heure actuelle au niveau de la procédure et d’une éventuelle prescription” (lettre du 26 avril 2007),

— Me B C a expressément accepté ce mandat le 17 mai 2007, dans les termes suivants : « Je suis très sensible à votre confiance et accepte de vous représenter pour tenter d’obtenir le remboursement pour votre compagnie d’une partie des sommes qu’elle a réglées à Madame M N. Comme vous l’évoquez dans votre courrier, l’engagement d’une telle action à l’encontre d’AXA soulève un certain nombre de problèmes au niveau de la procédure, tant quant à une éventuelle prescription que quant à la recevabilité de vos demandes à l’encontre d’AXA »,

— si, dans diverses correspondances, Me B C a fait clairement état des risques d’accomplissement du délai de prescription de l’action, il n’a pour autant accompli aucune diligence de nature à interrompre cette prescription, indiquant au contraire le 21 août 2008 que “l’établissement d’une procuration régularisée par la Caisse de pension de la ville de Zurich” lui paraissait prématurée, qu’une intervention dans la procédure pendante devant le tribunal de grande instance de Paris lui paraissait très risquée et qu’il était dans l’intérêt même de la Pensionkasse Stadt Zurich “d’attendre, avant de prendre la décision d’intervenir volontairement dans la procédure (…), de connaître les résultats de l’expertise médicale”,

— par courriel du 28 octobre 2008, il ajoutait encore que “lorsque le médecin expert aura déposé son rapport, il pourra être alors utilement évalué les chances de l’action que souhaite engager la ville de Zurich”.

Ce tribunal a estimé qu’il résultait de ce qui précède qu’en n’agissant pas au plus vite pour interrompre le délai de prescription, dont il avait spécialement souligné le risque auprès de la société SSS, Me B C, qui avait clairement reçu mandat de représenter la Pensionkasse Stadt Zurich, a manqué à son obligation de diligences et est susceptible d’avoir engagé sa responsabilité professionnelle sur un fondement contractuel.

Cependant, ce tribunal a relevé qu’au soutien de la perte de chance de recouvrer les sommes versées à la victime qu’elle alléguait, la Pensionkasse Stadt Zurich s’était bornée à invoquer de manière générale la loi fédérale suisse du 25 juin 1982, qu’elle ne produisait pas, et ses propres statuts, dont elle ne versait aux débats la traduction en français que des articles 34, 36, 47 et 53, sans expliquer en quoi cette loi serait applicable en France et sans préciser les dispositions de la loi suisse régissant les modalités de son recours.

En considération de l’article 3 du code civil, ce tribunal a relevé d’office le moyen de droit tiré de l’application de l’article 35 de la convention de sécurité sociale conclue le 3 juillet 1975 entre la France et la Suisse qui prévoit que “si une personne bénéficie de prestations en vertu de la législation de l’un des Etats contractants pour un dommage résultant de faits survenus sur le territoire de l’autre Etat les droits éventuels de l’institution débitrice à l’encontre du tiers tenu à la réparation de dommages intérêts sont réglés de la manière suivante : a) lorsque l’institution débitrice est subrogée en vertu de la législation qu’elle applique , dans les droits que le bénéficiaire détient à l’égard du tiers, cette subrogation est reconnue par l’autre Etat contractant”, et a invité les parties à conclure sur ce point, conformément à l’article 12 du code de procédure civile.

Par ailleurs, la prescription de l’action fondée sur la subrogation ne pouvant commencer à courir avant le paiement subrogatoire (Civ 2, pourvoi n°13-26.416), ce tribunal a invité les parties, à conclure sur ce moyen de droit relevé d’office.

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Par ses dernières conclusions susvisées, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la Pensionkasse Stadt Zurich a demandé au tribunal de céans de :

— à titre principal, vu les articles 1134 et 1147 du code civil, condamner solidairement Me B C et Me D E à verser à la Pensionkasse Stadt Zurich la somme de 115.908,55 Francs suisses, ou sa contre-valeur en euros au jour du jugement à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,

— à titre subsidiaire, vu les articles 1382 et 1383 du code civil, condamner solidairement Me B C et Me D E à verser à la Pensionkasse Stadt Zurich la somme de 115.908,55 Francs suisses, ou sa contre-valeur en euros au jour du jugement à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,

— débouter Me B C et Me D E de leurs demandes reconventionnelles,

— en tout état de cause, condamner solidairement Me B C et Me D E à verser à la Pensionkasse Stadt Zurich la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des dépens de la procédure,

— ordonner l’exécution provisoire du jugement.

*****

***

*

Par ses dernières conclusions susvisées, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, Me D E a demandé au tribunal de céans de :

— le mettre hors de cause,

et subsidiairement, de :

— dire et juger la Pensionkasse Stadt Zurich irrecevable en tout cas mal fondée en ses demandes en ce qu’elles sont notamment dirigées à l’encontre de Me D E ;

— l’en débouter ;

— condamner la Pensionkasse Stadt Zurich à payer à Me D E une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive,

— la condamner à payer à Me D E une somme de 6.000 euros au titre de l’article au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Philippe Bocquillon, avocat.

*****

***

*

Par ses dernières conclusions susvisées, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, Me B C a demandé au tribunal de céans de :

— dire et juger non établi le dommage allégué par la Pensionkasse Stadt Zurich du fait d’une éventuelle prescription de son recours par la faute de Me B C ;

— dire et juger non établie la perte d’une chance de recouvrer sa créance par la faute de Me B C ;

— dire et juger subsidiairement qu’elle ne justifie pas de ladite créance ;

— la dire en conséquence non fondée en ses demandes contre Me B C et l’en débouter ;

— la condamner à lui payer une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

— la condamner au paiement de 5.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— la condamner aux dépens, dont le recouvrement pourra être effectué par Me Jean-Pierre LEON, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

*****

***

*

Analyse de l’espèce et motivations

Sur la responsabilité

Soumis à une obligation générale de loyauté, de prudence et de diligence, l’avocat est tenu à une obligation absolue de conseil, comprenant l’obligation d’informer et d’éclairer son client, dans la limite de la mission qui lui est confiée, et, à défaut de rapporter la preuve qu’il a rempli son devoir de conseil, il doit réparer le préjudice direct, certain et actuel en relation de causalité avec le manquement commis, sur le fondement de l’article 1147 du code civil.

Il est constant que le représentant de la Pensionkasse Stadt Zurich a saisi Me B C, le 26 avril 2007, auquel Me D E a succédé le 31 décembre 2008, afin qu’il la représente dans une procédure en cours devant le tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir le remboursement des sommes qu’elle a versées à Mme Z à la suite de l’accident de la circulation.

Si un avocat peut décider de ne pas accepter ou de ne pas poursuivre une mission, il lui appartient alors de prévenir son client en temps utile, afin de permettre à celui-ci de le remplacer tout en préservant ses droits. Or, en l’espèce, ni Me B C ni son successeur, Me D E, n’ont décliné leur mission pas plus qu’ils n’ont engagé de procédure.

Alors qu’à plusieurs reprises dans ses courriers, Me B C a fait clairement état des risques de prescription de l’action, il n’a pour autant accompli aucune diligence de nature à interrompre celle-ci, indiquant au contraire le 21 août 2008 que “l’établissement d’une procuration régularisée par la Caisse de pension de la ville de Zurich” lui paraissait prématurée, qu’une intervention dans la procédure pendante devant le tribunal de grande instance de Paris lui paraissait très risquée et qu’il était dans l’intérêt même de la Pensionkasse Stadt Zurich “d’attendre, avant de prendre la décision d’intervenir volontairement dans la procédure (…), de connaître les résultats de l’expertise médicale”.

Par courriel du 28 octobre 2008, il a ajouté encore que “lorsque le médecin expert aura déposé son rapport, il pourra être alors utilement évalué les chances de l’action que souhaite engager la ville de Zurich”.

Pas plus, en répondant par un courrier du 11 janvier 2010 à celui daté du 3 novembre 2009 émanant du représentant de la Pensionkasse Stadt Zurich, Me D E n’a envisagé devoir accomplir de diligences, qu’il considérait comme inopportunes tant que l’expert médical n’aurait pas déposé son nouveau rapport.

En l’espèce, le préjudice découlant de l’absence d’exercice du recours subrogatoire s’analyse en une perte de chance d’obtenir une décision accueillant ledit recours, dont la réparation doit être appréciée en considération de l’aléa évalué notamment à l’aune des dispositions légales qui avaient vocation à s’appliquer, sans pouvoir égaler l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

Au titre des sommes versées à son assurée, Mme L Z, la Pensionkasse Stadt Zurich qui a déclaré ramener le montant de ses prétentions aux fins d’indemnisation de son préjudice à 115.908,55 Francs suisses, n’ a cependant produit de justificatifs des versements effectués qu’à hauteur de 8400,4 CHF en tout, entre le 7 février 2007 et le 6 janvier 2012, cette somme correspondant à 7.647 € au jour de la décision.

Dès lors, la Pensionkasse Stadt Zurich pouvait se prévaloir au titre de ces versements des dispositions de l’article 35 de la convention de sécurité sociale conclue le 3 juillet 1975 entre la France et la Suisse, applicable à la cause, qui prévoit que lorsque une personne bénéficie de prestations en vertu de la législation de l’un des Etats contractants pour un dommage résultant de faits survenus sur le territoire de l’autre Etat, les droits éventuels de l’institution débitrice à l’encontre du tiers tenu à la réparation du dommage sont réglés de la manière suivante : a) lorsque l’institution débitrice est subrogée, en vertu de la législation qu’elle pratique, dans les droits que le bénéficiaire détient à l’égard du tiers, cette subrogation est reconnue par l’autre Etat contractant.

En l’espèce, les droits à indemnisation dont bénéficiait Mme L Z étaient ceux prévus par la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation.

Or, il ne peut être considéré que l’action de la victime aurait été, par principe, prescrite lorsque tant Me B C que Me D E ont été saisis.

En effet, d’une part, il demeure incertain qu’une partie aurait opposé à la demande de la Pensionkasse Stadt Zurich une fin de non-recevoir tirée de la prescription, étant rappelé que, par ailleurs, comme le prévoit l’article 2247du code civil, les juges ne peuvent pas suppléer d’office le moyen résultant de la prescription.

D’autre part, il ne peut être prétendu que le point de départ de la prescription décennale prévue par l’article 2270-1 du code civil serait la date de consolidation de la victime fixée par l’expert au 22 juillet 1998, alors que l’action fondée sur la subrogation ne pouvait commencer à courir avant les paiements subrogatoires, ici effectués entre le 7 février 2007 et le 6 janvier 2012.

Au vu de ce qui précède, il convient de considérer que, dans l’hypothèse où le tribunal de grande instance de céans aurait été saisi des demandes de la Pensionkasse Stadt Zurich, les chances de succès de ce recours subrogatoire, perdu du fait de l’inertie de ses conseils, peuvent être estimées à 75 % .

Par conséquent, en prenant en compte le montant justifié des sommes versées à son assurée, soit 7.647 €, il y a lieu d’évaluer l’indemnité destinée à réparer cette perte de chance à la somme de 5.735,25 € (7.647 € X 0,75).

Me B C et Me D E seront dès lors condamnés, solidairement, à payer à la Pensionkasse Stadt Zurich la somme de 5.735,25 € avec intérêts au taux légal à compter de la décision, en réparation de son entier préjudice.

Les défendeurs doivent conséquemment être déboutés de leurs demandes pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de condamner Me B C et Me D E, parties perdantes, solidairement, aux dépens.

En outre, Me B C et Me D E doivent être condamnés, solidairement, à verser à la Pensionkasse Stadt Zurich, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité qu’il est équitable de fixer à la somme de 5.000 € conformément à l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 515 du code de procédure civile et eu égard aux circonstances de l’espèce, le prononcé de l’exécution provisoire est justifié.

P A R C E S M O T I F S

Le Tribunal,

— Rejetant toutes prétentions plus amples ou contraires des parties,

— CONDAMNE Me B C et Me D E, solidairement, à payer à la Pensionkasse Stadt Zurich la somme de 5.735,25 € (cinq mille sept-cent trente-cinq euros et vingt-cinq centimes) à titre de dommages-intérêts ;

— DÉBOUTE Me B C et Me D E de leurs demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts ;

— CONDAMNE Me B C et Me D E, solidairement, à payer à la Pensionkasse Stadt Zurich la somme de 5.000 € (cinq mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— CONDAMNE Me B C et Me D E, solidairement, aux dépens ;

— ORDONNE l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 10 février 2016

Le Greffier Le Président

C. GAUTIER M. A

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