Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 1re section, 13 octobre 2016, n° 15/01415

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 1re sect., 13 oct. 2016, n° 15/01415
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 15/01415

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S (footnote: 1)

3e chambre 1re section

N° RG : 15/01415

N° MINUTE :

Assignation du :

28 Janvier 2015

JUGEMENT

rendu le 13 Octobre 2016

DEMANDEURS

Association O I X

Musée d’Art et d’Histoire de la ville de Meudon

[…]

[…]

Madame Y X

[…]

[…]

Monsieur Z X

[…]

[…]

Madame M X-N

[…]

[…]

Madame A B […]

[…]

[…]

représentés par Maître Q R de la SCP R BROSSOLLET, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0336

DÉFENDERESSE

MAIRIE DE VITRY SUR SEINE prise en la personne de son Maire Monsieur C D

[…]

[…]

représentée par Maître Gonzague PHÉLIP de la SELARL PHELIP & ASSOCIE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0839

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie-Christine COURBOULAY, Vice Présidente

E F, Juge

G H, Juge

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier

DEBATS

A l’audience du 06 Septembre 2016

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

en premier ressort

I X est un sculpteur français, décédé en 2006.

Madame M X N, Madame Y X et Monsieur Z X, ses enfants ainsi que Madame A B dite « […] », sa veuve, (ci-après les consorts X) se présentent en qualité d’ayants droit de ce dernier.

Le O I X (ci-après le O X) est une association constituée en 2001 entre le sculpteur, son épouse, ses enfants ainsi que des tiers et qui, selon ses statuts mis à jour le 3 décembre 2012 a notamment pour objet de « concourir à une meilleure connaissance de l’œuvre du sculpteur I X ; en assurer la gestion et l’exercice du droit moral en toutes ses prérogatives ». Elle regroupe désormais, outre les ayants droits du sculpteur, des tiers non partis à la présente procédure.

Les consorts X expliquent que Monsieur I X a réalisé, sur commande de la commune de Vitry sur Seine en date du 24 juin 1976, un ensemble de sculptures en bois composées de plusieurs éléments formant banc, stèles et sculptures « jeux » entourant un grand portique central. Cette œuvre intitulée « patinoire » a été installée sur une place publique de la ville.

Ils indiquent s’être aperçus en 2014 que l’œuvre ne figurait plus à son emplacement d’origine et avoir alors pris contact avec la commune de Vitry sur Seine pour obtenir des explications.

C’est ainsi que, par courrier électronique du 6 mai 2014, il leur a été répondu que l’œuvre en bois, malgré les travaux d’entretien réalisés et compte tenu de sa matière, s’était progressivement détériorée jusqu’à présenter un danger pour les usagers de la voie publique, ce qui avait justifié sa dépose au début des années 2000.

Après plusieurs relances du O X ou de son conseil pour savoir quel avait été le sort de l’œuvre déposée, la commune de VITRY SUR SEINE a finalement indiqué, par courrier du 19 décembre 2014 que celle-ci avait été en enlevée en octobre 2013 en raison de son état de dégradation, sans donner plus de précisions.

C’est dans ces conditions que, par acte d’huissier en date du 28 janvier 2015, le O X, Madame M X N, Madame Y X, Monsieur Z X et Madame A B dite « […] » ont assigné la commune de Vitry sur Seine devant le tribunal de grande instance de Paris pour violation des droits moraux et patrimoniaux sur l’œuvre « Patinoire ».

Dans leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 décembre 2015, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, le O X et les consorts X demandent au tribunal, au visa desarticles L.331-1, al. 1, L.121-1 et L.122-1 du code de la propriété intellectuelle, de l’article D.211-6-1 et de l’annexe VI du code de l’organisation judiciaire et sous le bénéfice de l’exécution provisoire de :

Dire et juger que la MAIRIE DE VITRY SUR SEINE, propriétaire et gardien de l’œuvre «Patinoire » (1977), de I X, installée à VITRY SUR SEINE s’est rendue responsable d’une violation du droit moral sur cette œuvre au préjudice du O X et d’une violation des droits patrimoniaux au préjudice de ses héritiers, Madame M X N, Madame Y X, et Monsieur Z X, Madame A B dite « […] », en la détruisant, la modifiant ou en la faisant disparaître sans autorisation préalable de l’auteur ou de ses ayants-droit;

Condamner LA MAIRIE DE VITRY SUR SEINE à payer d’une part au O X et d’autre part à Madame M X N, Madame Y X, Monsieur Z X, Madame A B dite « […] », ayants-droit de I X, respectivement les sommes de 70.000 € et 10.000 € à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

Condamner LA MAIRIE DE VITRY SUR SEINE à payer au O X, Madame M X N, Madame Y X, Monsieur Z X, Madame A B dite « […] », ayants droit de I X, pris solidairement, une somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile

Condamner LA MAIRIE DE VITRY SUR SEINE en tous les dépens.

En réplique, dans ses dernières écritures, notifiées par la voie électronique le 29 février 2016, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la commune de Vitry sur Seine demande au tribunal, au visa des articles L.331-1 et L.121-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle et de l’article 2224 du code civil, de :

Dire et juger le O I X et les consorts X irrecevables et en tout cas très mal fondés en leurs demandes et les en débouter.

Constater la prescription de leur action dirigée contre la Commune de Vitry sur Seine.

Subsidiairement, constater l’irrecevabilité des demandes du O I X faute de qualité pour agir.

A titre encore plus subsidiaire, constater que la Commune n’a commis aucune faute à l’origine de la destruction de la sculpture.

A titre infiniment subsidiaire constater le caractère injustifié et en tout cas excessif des sommes réclamées.

Condamner solidairement le O I X et les consorts X au paiement d’une indemnité de 5.000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2016. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l’article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DU JUGEMENT

Sur la recevabilité des demandes

La Commune de Vitry sur Seine soulève l’irrecevabilité des demandes du O X en raison du défaut de qualité à agir d’une part et de la prescription d’autre part, ce dernier moyen étant également opposé aux consorts X.

Sur le premier point, elle soutient qu’il n’est pas justifié de la qualité des « représentants légaux » qui déclarent agir au nom du O X et qu’en l’absence de stipulation exprès des statuts sur ce point, seule l’assemblée générale pouvait décider de l’introduction de la présente instance, et non son conseil d’administration.

Sur le second point, elle fait valoir que l’œuvre ayant été déposée en octobre 2003, l’action en paiement des éventuelles créances résultant de cette dépose sont nécessairement prescrites. Elle précise que l’œuvre ayant été installée sur le domaine public, sa disparition pouvait être constatée dès son déplacement et qu’il n’y a donc pas lieu de reporter le point de départ de la prescription au jour où les demandeurs prétendent l’avoir découvert.

En réplique, le O X rétorque que ses demandes sont recevables dès lors que la présente action a été autorisée le 29 septembre 2014 par son conseil d’administration qui a confié tout pouvoir à son avocat à cette fin, une telle décision n’étant pas statutairement réservée à l’assemblée générale. Les demandeurs ajoutent que leur action n’est pas prescrite, le point de départ du délai devant être fixé en 2014, date à laquelle ils ont fortuitement découvert la disparition de l’œuvre, et non en 2003, faute pour la commune de Vitry sur Seine d’avoir au moment de la dépose pris contact eux pour les informer de la dégradation de l’œuvre.

Sur ce

Sur la qualité à agir des représentants du O X

En vertu des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir étant irrecevable.

Et, conformément à l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

La commune de Vitry sur Seine conteste la recevabilité des demandes du O X faute pour ce dernier de justifier de la qualité de ses représentants à agir en justice au nom de l’association.

Le O X est une association soumise aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901 qui dispose notamment en son article 6 que « toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice ».

L’accomplissement des formalités de déclaration de l’association, qui conditionne sa capacité à agir, n’est pas contesté. En raison de la nature contractuelle de l’association, les statuts de celle-ci doivent prévoir la personne ou l’organe collégial qui a qualité pour agir en justice au nom de l’association. En l’absence de stipulations statutaires réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action en justice, il est admis que celle-ci est régulièrement engagée par la personne tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter l’association en justice. Ainsi, et contrairement à ce qu’affirme la commune de Vitry sur Seine qui fait une interprétation erronée de la décision rendue par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 16 janvier 2008, ce n’est que lorsque les statuts sont taisants sur l’organe habilité à représenter l’association en justice que la décision d’engager une action revient à l’assemblée générale.

En l’espèce, les statuts du O X mis à jour le 3 décembre 2012 prévoient en leur article 8 que « le président assure l’exécution des décisions du Conseil et de l’assemblée ainsi que le fonctionnement régulier de l’association qu’il représente en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il peut se faire suppléer par un mandataire pour un ou plusieurs objets déterminés ». Le même article définit les pouvoir du conseil d’administration comme suit : « le conseil est investi des pouvoirs les plus étendus pour faire ou autoriser tout actes et opérations permis à l’association et qui ne sont pas réservés à l’assemblé générale. Notamment, il définit les actions entrant dans l’objet de l’association, pourvoit à leur financement, surveille et contrôle la gestion, nomme et révoque tous employés, fixe leur rémunération, autorise la prise à bail et même l’acquisition des locaux et immeubles, autorise toutes acquisitions et ventes de valeurs et objets mobiliers, statue sur l’admission des sociétaires et prononce leur exclusion, convoque les assemblées générales ». pouvoirs de l’assemblée générale sont précisés à l’article 9 : « elle approuve ou redresse les comptes de l’exercice clos le 31 décembre précédent, vote le budget de l’exercice suivant, pourvoit quand il y a lieu au renouvellement des administrateurs à fin de mandat et ratifie les remplacements décidés par le Conseil. Elle établit ou modifie tout règlement intérieur. D’une manière générale, elle se prononce sur toutes les questions relatives au fonctionnement de l’association, donne toutes autorisations au Conseil pour effectuer toute opérations rentrant dans son objet et autorisées par les lois sur les associations ».

Ainsi, le président du O X est statutairement investi du pouvoir de représenter l’association en justice et celui de décider de l’introduction d’une instance judiciaire n’est pas statutairement réservé à un autre organe de l’association. Dès lors, le président tire de son pouvoir de représentation celui de décider de l’introduction d’une instance, sans besoin d’être habilité à cet effet, ni par son conseil d’administration, ni par l’assemblée générale, de sorte que la décision du conseil d’administration du 29 septembre 2014 dont se prévaut la demanderesse, et par laquelle il a été donné « tout pouvoir à Q R pour engager s’il y a lieu [une] action judiciaire [à l’encontre de la commune de VITRY SUR SEINE] », est à tout le moins superflue. Néanmoins, seul le président ayant qualité pour représenter l’association en justice, celui qui prétend agir au nom de celle-ci doit naturellement justifier de sa qualité lorsque celle-ci lui est contestée, ce qui est le cas ici. Or, comme le relève la défenderesse, la présente action a été engagée par « le O I X agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux ». L’absence de précision relative à l’identité de ces « représentants légaux » ne permet pas au tribunal de vérifier la qualité de ces derniers à valablement représenter l’association, d’autant que le pluriel employé apparait incompatible avec les statuts qui confient au seul président le pouvoir de représenter le O X en justice et qu’aucune précision relative à l’identité du président ne figure au dossier.

En conséquence, faute de justifier de la qualité des personnes prétendant agir au nom du O X, les demandes de ce dernier seront déclarées intégralement irrecevables.

Surabondamment, le O X, qui forme en son nom propre des demandes d’indemnisation au titre de la violation du droit moral attaché à la sculpture de I X ne justifie pas de la titularité du droit qu’elle entend opposer. En effet, celui-ci est, aux termes de 'article L121-1 du code de la propriété intellectuelle, perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur et l’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires. « l’exercice du droit moral après la disparition de l’auteur » figure expressément parmi les objets de l’association énoncés à ses statuts, cette stipulation, qui ne concerne que l’exercice de ce droit, ne confère pas pour autant à cette association la titularité de celui-ci, par définition incessible et dévolu aux seuls héritiers de l’auteur et, partant, la qualité à solliciter en son nom l’indemnisation en cas de violation de ce dernier. Ses demandes sont donc encore irrecevables de ce chef.

Sur la prescription de l’action

L’article 2224 du Code civil dispose : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

La commune de Vitry sur Seine soutient que l’œuvre a été déposée en octobre 2003, date à laquelle le délai de prescription a commencé à courir et en déduit que l’action, introduite par assignation délivrée près de 11 années plus tard, est prescrite. Elle produit, pour justifier de la date de dépose, un seul et unique courrier du 29 septembre 2003 émanant du service de la culture de la Ville de Vitry sur Seine et adressé à « M. K L » sans précision de sa fonction ni de son adresse, indiquant : « on nous a signalé que la sculpture de I X sur la place du 8 mai était quasiment détruite. Serait-il possible que vous fassiez procéder à son enlèvement en totalité, et que vous puissiez entreposer comme précédemment les morceaux récupérés ? ». S’il découle de ce courrier que la dépose de l’œuvre a bien été envisagée dès cette date, il ne peut en être déduit avec certitude qu’il a immédiatement été suivi d’effet et que l’œuvre a bien été déposée en octobre 2003 comme l’affirme la défenderesse. Faute de tout autre élément postérieur, cet évènement, qui a nécessairement eu lieu entre le 29 septembre 2003, date du courrier, et début 2014, période à laquelle les ayants droit de l’auteur ont constaté sa disparition, ne peut être plus précisément daté, ce qui en soi fait déjà obstacle à ce qu’il constitue le point de départ du délai de prescription. De plus, et à supposer la date d’enlèvement de l’œuvre antérieure de plus de 5 ans à celle à laquelle les ayants droit de l’auteur l’ont appris, leur action n’en serait pas pour autant prescrite. En effet, il appartenait à la Commune de Vitry Sur Seine, propriétaire de l’œuvre, de prendre contact avec l’auteur ou ses ayants droit antérieurement à son enlèvement afin de leur permettre d’exercer les droits moraux qu’ils détenaient toujours et elle ne peut, sans une mauvaise foi certaine, se prévaloir de l’ignorance dans laquelle ils sont restés de son fait pour leur opposer la prescription, laquelle n’a pu commencer à courir avant que ces derniers aient eu connaissance de cette disparition, soit avant début 2014.

La fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action des consorts X sera rejetée.

Sur la violation du droit patrimonial

Les consorts X font valoir que la disparition de l’œuvre est à l’origine d’un préjudice patrimonial tenant dans l’impossibilité d’exercer les droits de reproduction et de représentation sur l’œuvre disparue dont ils ont hérité, ce qui constitue une perte de chance de pourvoir désormais tirer financièrement parti de l’exploitation de cette œuvre, soit par reproduction, notamment photographique, soit par représentation.

En réplique, la commune de Vitry sur Seine, qui estime n’avoir commis aucune faute en faisant procédant à la dépose de cette œuvre en raison des impératifs de sécurité publique qui imposaient cette décision, soulignent que les consorts X ne justifient à aucun moment de la valeur patrimoniale des droits dont ils font état et n’établissent pas, en près de 30 ans d’existence, avoir jamais exploité ces droits sur cette œuvre qui ne figure même pas dans la monographie de son auteur. Ils ajoutent que l’état de l’œuvre excluait manifestement toute valeur à une quelconque exploitation commerciale.

Appréciation du tribunal

En application de l’article L122-1 du code de la propriété intellectuelle, le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction.

Selon l’article L122-2 du même code, la représentation consiste dans la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque, et notamment :

1° Par récitation publique, exécution lyrique, représentation dramatique, présentation publique, projection publique et transmission dans un lieu public de l’œuvre télédiffusée ;

2° Par télédiffusion.

La télédiffusion s’entend de la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons, d’images, de documents, de données et de messages de toute nature. Est assimilée à une représentation l’émission d’une œuvre vers un satellite.

Et, l’article L122-3 énonce que la reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte. Elle peut s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique. Pour les œuvres d’architecture, la reproduction consiste également dans l’exécution répétée d’un plan ou d’un projet type.

Enfin, l’article L123-1 dispose que l’auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d’exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire et qu’à son décès, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent.

Ni la qualité d’auteur de I X, ni la qualité d’héritiers des consorts X, ni la titularité des droits patrimoniaux de ces derniers sur l’œuvre disparue ne sont contestés en défense.

Il est constant que l’œuvre « Patinoire », sculpture en bois monumentale, a été acquise par la Commune de Vitry sur Seine en 1976 et a été déposée à son initiative à une date indéterminée entre 2003 et 2014. La commune de Vitry sur Seine n’ayant pu fournir, dans le cadre de cette procédure comme dans celui des échanges antérieurs entre les parties, aucun élément relatif au sort subi par l’œuvre postérieurement à sa dépose, il s’en déduit nécessairement que celle-ci a été jetée ou détruite ou, qu’à tout le moins, la défenderesse n’est plus en capacité de la restituer aux consorts X.

La Commune de Vitry Sur Seine estime n’avoir commis aucune faute à l’occasion de l’enlèvement de la sculpture en raison de son état de dégradation qui la rendait dangereuse pour les usagers de la voie publique. Néanmoins, en sa qualité de propriétaire du support matériel de l’œuvre, il lui appartenait de veiller à la préservation de son intégrité en procédant à son entretien régulier. Or, la commune de Vitry sur Seine ne justifie d’aucune intervention sur la sculpture postérieure à 1989. Si, comme l’affirme la défenderesse sans le démontrer, la sculpture en bois avait, malgré un entretien régulier, subi des dégradations telles qu’il n’était plus possible ni de la restaurer, ni, pour des impératifs de sécurité publique, de la maintenir sur le site de son installation, il appartenait à la Commune de Vitry sur Seine de prendre contact avec l’auteur ou ses ayants droit pour les associer à la décision relative à la destination de l’œuvre postérieurement à sa dépose. En s’en abstenant et en décidant unilatéralement d’enlever l’œuvre sans s’assurer de sa conservation, la commune de Vitry-sur-Seine a commis une faute susceptible de priver les titulaires des droits patrimoniaux de la possibilité à l’avenir d’exercer ceux-ci.

Cette perte de chance doit néanmoins être appréciée à l’aune de la nature de l’œuvre en cause, sculpture monumentale de grande dimension (270 x 850 x850 cm), destinée à être installée dans l’espace public et par nature difficilement déplaçable, et relativisée dès lors qu’il subsiste des photographies de l’œuvre pouvant être reproduites et exposées. De plus, les consorts X ne justifient à aucun moment avoir cherché à exploiter les droits qu’ils opposent autrement que par l’intermédiaire de photographies de l’œuvre. Leur demande au titre de la perte de chance de tirer financièrement parti de l’exploitation de l’œuvre, de ce fait hypothétique, sera en conséquence rejetée.

Au demeurant, et à titre surabondant, le tribunal relève que le contrat de commande initial n’est pas produit, ce qui ne permet d’apprécier ni l’étendue de la cession consentie à la Ville, ni le prix de celle-ci, et qu’aucune pièce ne permet d’estimer la côte actuelle de l’auteur, de sorte qu’à supposer l’existence du préjudice établie, le tribunal ne disposerait pas des éléments nécessaires à l’appréciation de sa mesure.

3°) Sur les demandes accessoires et les dépens

Succombant au litige, le O X et les consorts X seront condamnés à supporter les entiers dépens de l’instance.

L’équité commande de laisser à la charge de chacune des parties la charge des frais irrépétibles qu’elles ont exposé dans le cadre de la présente procédure. Leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Au regard de la nature et de la solution du litige, l’exécution provisoire du jugement n’est pas nécessaire

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à la disposition par le greffe le jour du délibéré,

Déclare irrecevable l’intégralité des demandes de l’association O I X pour défaut de qualité à agir ;

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action de Madame M X N, Madame Y X et Monsieur Z X et de Madame A B dite « […] »,

Dit qu’en procédant à l’enlèvement de l’œuvre « Patinoire » de I X sans s’assurer de la conservation de celle-ci, la commune de Vitry Sur seine a commis une faute engageant sa responsabilité à l’égard des titulaires des droits de propriété intellectuelle sur cette œuvre ;

Déboute Madame M X N, Madame Y X et Monsieur Z X et de Madame A B dite « […] » de leur demande au titre de la perte de chance d’exploiter les droits patrimoniaux

Rejette les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Laisse les dépens à la charge de l’association O I X et de Madame M X N, Madame Y X et Monsieur Z X et Madame A B dite « […] »,

Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du jugement.

Fait et jugé à Paris le 13 Octobre 2016

Le Greffier Le Président

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