Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre 1re section, 21 décembre 2017, n° 17/04546

  • Exequatur·
  • Algérie·
  • Banque·
  • Agence·
  • Yougoslavie·
  • Jugement·
  • Succursale·
  • Cour suprême·
  • Préjudice·
  • Ordre public

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 1re ch. 1re sect., 21 déc. 2017, n° 17/04546
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 17/04546

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

1/1/1 resp profess du droit

N° RG :

17/04546

N° MINUTE :

EXEQUATUR

C. BS

Assignation du :

22 mars 2017

JUGEMENT

rendu le 21 décembre 2017

DEMANDERESSE

La BANQUE EXTERIEURE D’ALGÉRIE

[…]

ALGER

ALGÉRIE

représentée par Maître Antoine TCHEKHOFF de la SELAS FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0010

DÉFENDEUR

Monsieur Y X

[…]

[…]

représenté par Me Djaafar BENSAOULA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1797

M. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

[…]

[…]

[…]

Madame Z CHEMIN, Vice-Procureure

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame B C-D, Première Vice-Présidente adjointe, statuant en juge unique, par application des articles L.311-11 du code de l’organisation judiciaire et 801 du code de procédure civile,

assistée de Z A, faisant fonction de greffier ;

DÉBATS

A l’audience du 22 novembre 2017

tenue en audience publique

JUGEMENT

— Contradictoire.

— En premier ressort.

— Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— Signé par Madame B C-D, Présidente et par Madame Z A, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[…]

Par jugement statuant sur l’action civile en date du 9 juin 2009, le tribunal criminel d’Oran (Algérie) a homologué le rapport d’expertise établi le 8 mars 2008, condamné le prévenu X Y solidairement avec quinze autres prévenus à payer à la partie civile, la Banque Extérieure d’Algérie (BEA)agence Oran 74, la somme de 6.054.051.246,42 dinars algériens (DA) représentant le montant dilapidé, avec deux autres prévenus à payer à la même partie civile, la somme de 615.910.501 DA représentant le montant qu’ils ont dilapidé, condamné l’ensemble des prévenus dont X Y à payer à la partie civile la somme d’un milliard de dinars algériens en réparation de tous les préjudices confondus et rejeté le surplus des autres chefs de demande.

La Cour suprême algérienne a, par arrêt du 19 janvier 2012, déclaré les pourvois formés par X Y et trois autres demandeurs contre la décision du 9 juin 2009, recevables en la forme mais les a rejetés au fond.

Par acte en date du 22 mars 2017, la Banque Extérieure d’Algérie (BEA) a fait assigner, en présence du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, M. Y X pour voir déclarer exécutoire en France le jugement rendu par le tribunal criminel près la cour d’appel d’Oran ayant condamné M. Y X à payer à la société Banque Extérieure d’Algérie le montant de 7.054.051.246,42 DA, dire et juger que ce montant sera converti en euros à la date d’exécution du jugement et portera intérêts aux taux légal français à compter du jugement algérien du 9 juin 2009, condamner M. Y X à payer à la demanderesse la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, ordonner l’exécution provisoire.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées par RPVA le 28 septembre 2017 reprend les mêmes demandes, sollicite le débouté de M. Y X de toutes ses demandes et sa condamnation au paiement d’une somme de 10.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que le jugement dont l’exequatur est demandé résulte d’une plainte pénale déposée par la Banque Extérieure d’Algérie à l’encontre de l’un de ses anciens clients, M. X. Elle a été victime d’une escroquerie portant sur plusieurs milliards depuis 2003 à la suite de la mise en place d’un mécanisme de cavalerie qui a été mis au jour suite à l’incapacité d’un autre établissement bancaire d’honorer sa signature avec la complicité notamment de M. X gérant de la société SOTRAPLA.

Par arrêt en date du 13 juin 2005, la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Oran a ordonné le renvoi de la cause devant le tribunal criminel notamment à l’encontre de M. X. Après le rejet du pourvoir formé par M. X devant la Cour suprême algérienne, le jugement du 9 juin 2009 est définitif, la formule exécutoire ayant été apposée le 23 novembre 2014 par la cour d’appel d’Oran. Après plusieurs tentatives et procédures, le jugement a été signifié les 9 et 14 août 2016 conformément aux dispositions légales algériennes. Le défendeur n’a pas exécuté le jugement du 9 juin 2009.

Sur l’intérêt à agir de la demanderesse contesté par le défendeur au motif que le jugement a été rendu au bénéfice de la Banque Extérieure d’Algérie agence Yougoslavie 74 qui serait seule recevable à solliciter l’exequatur, la demanderesse fait valoir que cette fin de non recevoir se heurte à l’autorité de la chose jugée car le juge de l’exécution dans une décision du 7 juin 2017, a déjà rejeté ce moyen, en jugeant que le créancier visé dans la décision du 9 juin 2009, une succursale de la Banque Extérieure d’Algérie dépourvue de personnalité morale, et celui désigné dans l’arrêt de la Cour suprême, la Banque Extérieure d’Algérie, étant une seule et même personne juridique, la Banque Extérieure d’Algérie, tantôt domiciliée à son siège social, tantôt dans l’une de ses succursales, de sorte qu’il n’avait pas de doute sur l’identification du créancier de M. X : la Banque Extérieure d’Algérie .

L’autorité de chose jugée attachée à ce jugement empêche le défendeur de réitérer ce moyen d’irrecevabilité.

En tout état de cause, il ne saurait prospérer puisque le fait que la banque se soit domiciliée dans une de ses 97 agences, eu égard au lieu de commission des faits délictueux, ne saurait conduire à retenir que l’agence concernée serait d’une personnalité juridique distincte de celle de la Banque Extérieure d’Algérie. Une agence bancaire ne dispose pas d’une personnalité morale distincte de la banque dont elle dépend.

Sur le bien fondé de l’exequatur, les conditions prévues à l’article 1er de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964 sont remplies : il s’agit bien d’un jugement rendu sur les intérêts civils, par un tribunal compétent au regard de la commission du délit. Le défendeur a été cité et représenté devant les juridictions algériennes.

Les voies de recours ont été exercées et le jugement dont l’exequatur est demandé est définitif et peut être exécuté.

Sur la conformité de la décision à l’ordre public français, le défendeur a été régulièrement cité, a été mis en mesure de se défendre et de présenter ses arguments, a pu exercer les voies de recours. S’agissant des dommages qu’il juge punitifs, M. X se fonde sur le règlement européen dit Rome II inapplicable en l’espèce, puisque la convention franco-algérienne doit s’appliquer et en outre les faits jugés par le tribunal algérien sont antérieurs à l’entrée en vigueur du règlement soit après le 11 janvier 2009.

Les condamnations financières se rapportent à des préjudices réels et certains, qui ont fait l’objet d’une expertise à laquelle le jugement fait référence. Les montants des condamnations correspondent aux montants dilapidés au détriment de la banque et la somme de 1 milliard de dinars, au préjudice moral subi par celle-ci “affectant sa réputation et sa crédibilité” sur le plan national et international justifiant selon le jugement des réparations conséquentes. Le préjudice moral a été admis par la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l’Homme.

Les condamnations n’ont rien de punitifs, mais indemnisent des préjudices concrets que le tribunal a identifiés à la suite d’une expertise judiciaire. Il n’y a pas de contrariété à l’ordre public français, d’autant que la peine privée n’est pas étrangère à la culture juridique française, ainsi la clause pénale, l’astreinte. La Cour de cassation a considéré que le principe d’une condamnation à des dommages intérêts punitifs n’est pas en soi contraire à l’ordre public. Le caractère prétendument disproportionné des dommages intérêts qui ne portent que sur la somme de 1 milliard de dinars qui a été appréciée au regard du préjudice subi par la banque s’élevant à plus de 6 milliards, n’est pas établi et la somme n’apparaît pas disproportionnée. En outre, il s’agit d’une condamnation solidaire avec les autres prévenus. Il appartient à M. X de se retourner contre eux. L’exécution de la condamnation doit avoir lieu dans la monnaie ayant cours sur le territoire français. La contre-valeur en euros d’une dette en monnaie étrangère doit être fixée au jour du paiement. Le dinar algérien est convertible, le règlement algérien n°91-07 du 14 août 1991 en prévoyant les modalités.

Par dernières conclusions signifiées par RPVA le 19 octobre 2017, M. Y X demande de rejeter la demande d’exequatur, de dire et juger que seule l’agence Yougoslavie 74 de la Banque Extérieure d’Algérie, bénéficiaire du jugement du 9 juin 2009, est habilitée au nom de son autonomie financière à solliciter l’exequatur, dire et juger que les dommages-intérêts prononcés sont punitifs et contraires à l’ordre public français, dire et juger qu’il s’agit du domicile familial dans lequel habitent son épouse et ses enfants qui sont de nationalité française, dire et juger que la demande ne peut être accueillie sur le motif demandé tendant à voir le montant de la condamnation convertie car le dinar algérien est inconvertible, condamner la demanderesse au paiement d’une somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que la Banque Extérieure d’Algérie agence Yougoslavie 74 Oran a initié la procédure pénale. Or la demande d’exequatur est faite par la banque Extérieure d’Algérie.

L’agence Yougoslavie 74 a une personnalité morale distincte de celle de la société Banque Extérieure d’Algérie.

Seule cette agence est habilitée à solliciter l’exequatur. Les agences disposent d’une autonomie financière statutaire organisationnelle certaine et avérée notamment dans le cas de perte de trésorerie et sont donc dans l’obligation de combler le déficit en intentant des actions judiciaires. Le jugement a fait droit au préjudice subi par l’agence , les indemnisations visant à consolider le bilan de l’agence et non celui de la Banque Extérieure d’Algérie. En conséquence, la demande d’exequatur est irrecevable pour défaut de qualité à agir.

Sur les dommages-intérêts punitifs prononcés par le tribunal algérien, en France les dommages et intérêts sont destinés à réparer le préjudice subi et uniquement le préjudice subi, ce principe découlant de l’application des articles 1382 et 1149 du Code civil (sic).

Les dommages-intérêts punitifs ne sont pas consacrés dans l’ordre juridique français et sont totalement inconnus voire prohibés dans le droit civil français. Les tribunaux se limitent à appliquer le principe de la réparation intégrale découlant de la responsabilité civile. Le jugement algérien n’est pas motivé quant à l’évaluation de chacun des préjudices consacrés et réparés, s’agissant d’une réparation d’un préjudice global au titre de préjudices confondus.

Il s’agit d’une condamnation quasi criminelle ayant pour conséquence d’imposer une sanction quasi pénale à M. X. Les dommages-intérêts punitifs d’un milliard de dinars en réparation de tous les préjudices confondus sont accordés dans le cadre d’une procédure civile, M. X ne bénéfice pas des garanties habituelles rencontrées lors des procédures pénales. L’ordre public français connaît son propre système de sanctions pécuniaires en matière civile comme l’astreinte et la clause pénale mais la principale différence réside dans le fait que les indemnités ne sont pas octroyées par le juge mais prévues lors de la rédaction du contrat.

Au surplus les dommages intérêts sont disproportionnés par rapport au préjudice subi. En outre, la demanderesse la fait peser uniquement sur M. X alors qu’il existe d’autres protagonistes. La demande d’exequatur est contraire au principe de la personnalité des peines et de la personnalité juridique distincte des personnes physiques et des personnes morales. Le règlement Rome II sur les obligations contractuelles prévoit que l’octroi de dommages-intérêts punitifs excessifs et déraisonnables est contraire à l’ordre public du for du pays dans lequel l’exequatur est demandé. Enfin, le dinar algérien est inconvertible car la loi algérienne prohibe toute convertibilité de sa monnaie.

Le ministère public n’a pas conclu.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualité à agir

Selon l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ;

En application de l’article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ;

En l’espèce, le défendeur oppose une fin de recevoir à la demande d’exequatur formée par la Banque Extérieure d’Algérie, pour défaut de qualité à agir de celle-ci, le jugement algérien ayant été rendu au profit de l’agence Yougoslavie Oran 74 de la Banque Extérieure d’Algérie et non de la banque elle-même ;

Cette dernière soulève également une fin de non recevoir au moyen au moyen d’irrecevabilité du défendeur, au motif que, par jugement du 7 juin 2017, le juge de l’exécution du tribunal de céans, saisi d’une demande de mainlevée d’une hypothèque judiciaire provisoire inscrite sur un immeuble appartenant à M. X à Paris, s’est d’ores et déjà prononcé sur ce moyen et l’a rejeté ;

Cependant, le juge d’exécution s’est borné au visa de l’article L 213-6 du code de l’organisation judiciaire, d’indiquer que “si le juge de l’exécution a le pouvoir d’interpréter le titre exécutoire afin notamment de déterminer si les différentes dénominations du créancier ne laissent aucun doute sur son identification, ce pouvoir ne peut être exercé en l’absence de voie d’exécution et de titre exécutoire, la décision du 9 juin 2009 n’ayant pas encore reçu l’exequatur. Il demeure que, pour les seuls besoins de la présente procédure (…), il peut être retenu que le créancier visé dans la décision du 9 juin 2009, une succursale de la BEA dépourvue de personnalité morale, et celui désigné dans l’arrêt de la Cour suprême d’Algérie du 19 janvier 2012, la BEA, sont une seule et même personne juridique, la BEA, tantôt domiciliée à son siège social, tantôt dans l’une de ses succursales, de sorte qu’il n’y a pas de doute sur l’identification du créancier de M. X : la BEA”;

Le juge de l’exécution n’a pas statué sur une fin de recevoir pour défaut de qualité ou intérêt à agir, qui aurait été soulevée en application des articles 31 et 122 du code de procédure mais, pour les besoins de la seule procédure (la demande de mainlevée), a fait connaître sa position, quant à l’identification du créancier hypothécaire ;

Il ne peut donc être considéré que la décision du juge de l’exécution a statué sur une fin de non recevoir ou tout autre incident et a eu dès son prononcé autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’elle a tranché par application de l’article 480 du code de procédure civile ;

En conséquence, la fin de non recevoir opposée par la Banque Extérieure d’Algérie pour défaut de droit d’agir, en l’espèce, la chose jugée, sera rejetée ;

S’agissant de l’intérêt ou de la qualité de la Banque Extérieure d’Algérie, à solliciter l’exequatur du jugement algérien, il n’est pas contesté que les faits reprochés à M. X et à d’autres prévenus ont eu lieu à Oran au détriment d’une agence ou succursale de la Banque Extérieure d’Algérie qui en compte un grand nombre en Algérie, ce qui justifiait du dépôt de plainte et de la procédure pénale subséquente devant le tribunal d’Oran ;

Le jugement du 9 juin 2009 mentionne comme partie civile “la Banque Extérieure d’Algérie agence Yougoslavie 74 Oran” ou “la Banque Extérieure d’Algérie agence Oran 74, tout en indiquant dans les motifs de la décision également l’agence SIG de ladite banque; la Cour suprême d’Algérie, dans son arrêt du 19 janvier 2012 rejetant le pourvoi formé par M. X, mentionne quant à elle comme défenderesse au pourvoi, “la Banque Extérieure d’Algérie” ;

Or, une agence ou succursale bancaire ne dispose pas d’une personnalité morale distincte de la banque dont elle dépend ;

M. X n’apporte aucun élément permettant d’affirmer que tel n’est pas le cas des agences ou succursales algériennes ;

En conséquence, la Banque Extérieure d’Algérie a bien qualité pour agir en exequatur du jugement du 9 juin 2009 ;

La fin de non recevoir pour défaut de qualité à agir soulevée par M. X sera rejetée ;

Sur la demande d’exequatur

La convention franco-algérienne du 27 août 1964 relative à l’exequatur prévoit en son article 1, quatre conditions pour qu’une décision rendue par une juridiction algérienne puisse être déclarée exécutoire en France :

  • la décision doit émaner d’une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence admises en France,
  • les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes selon la loi algérienne, la décision est passée en force de chose jugée et est exécutoire,
  • la décision doit ne rien contenir de contraire à l’ordre public ou aux principes de droit public et ne doit pas être contraire à une décision judiciaire rendue en France et y ayant l’autorité de la chose jugée ;

En l’espèce, la décision dont l’exequatur est demandé a été rendue par une juridiction compétente au regard du lieu de commission des infractions reprochées à M. X et aux autres prévenus ;

Elle ne recèle aucune fraude à la loi, a été rendue contradictoirement, M. X étant présent et représenté par son conseil, n’est pas contraire à une décision judiciaire rendue en France et y ayant l’autorité de la chose jugée ;

Il est justifié que le jugement dont l’exequatur est demandé est passé en force de chose jugée, le pourvoi contre la décision ayant été rejeté par la Cour suprême d’Algérie et la formule exécutoire du jugement du 9 juin 2009 ayant été apposée le 23 novembre 2014 par le greffier en chef de la cour d’appel d’Oran ;

S’agissant de la conformité de la décision à l’ordre public international français quant à la condamnation à des dommages-intérêts jugés par le défendeur à l’exequatur, punitifs, le principe d’une condamnation à des dommages-intérêts punitifs n’est pas en soi contraire à l’ordre public ; il en est autrement cependant lorsque le montant alloué est disproportionné au regard du préjudice subi ;

En l’espèce, M. X et les autres prévenus étaient poursuivis pour avoir commis le délit de dilapidation de deniers publics conformément à la loi n°06-01 relative à la lutte contre la corruption et aux articles 42 et 44 du code pénal algérien ;

Le tribunal a fixé les sommes dues solidairement à la partie civile par M. X et d’autres prévenus en s’appuyant sur un rapport d’expertise lequel a été homologué, les sommes allouées représentant le montant qui avait été dilapidé, soit un total de près de 7 milliards de dinars algériens ;

Les seuls dommages-intérêts auxquels M. X et d’autres prévenus ont été condamnés solidairement à payer à la partie civile, tous préjudices confondus, s’élèvent à 1 milliard de dinars algériens, montant qui n’est pas excessif ou disproportionné au regard des condamnations prononcées à hauteur de près de 7 milliards de dinars algériens, correspondant aux sommes dilapidées par les auteurs de l’infraction au préjudice de la banque ;

En outre, le tribunal motive sa décision quant aux dommages-intérêts alloués en faisant état “du préjudice moral important affectant la réputation et la crédibilité” de la partie civile “sur les plans national et international” justifiant de lui “allouer des réparations conséquentes en adéquation avec l’ampleur dudit préjudice”, tout en rejetant les demandes de la partie civile relatives aux intérêts et taxes (agios) afférents aux montants subtilisés ;

M. X ne justifie pas en conséquence que la décision dont l’exequatur est demandé serait contraire à l’ordre public français au motif que les dommages-intérêts auxquels il a été condamné solidairement avec d’autres prévenus, seraient punitifs ou même simplement excessifs ou disproportionnés ;

Il sera observé que s’agissant de l’éventuelle prohibition de dommages-intérêts punitifs excessifs visée par le Règlement(CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles («Rome II»), ces dispositions ne s’appliquent pas à la présente procédure d’exequatur régie par la Convention franco-algérienne précitée du 1er août 1964 seule applicable à la présente procédure ;

De même, la demanderesse qui bénéficie au terme du jugement algérien de condamnations solidaires à l’égard des prévenus, est en droit de poursuivre l’un d’entre eux, sans avoir à justifier de procédures d’exécution à l’égard des autres prévenus, M. X pouvant, en cas d’exécution contre lui du jugement algérien, se retourner contre eux ;

Il convient en conséquence de faire droit à la demande d’exequatur selon les termes du dispositif ci-après ;

Sur la conversion en euros des condamnations

Il n’appartient pas au juge de l’exequatur français de modifier les termes d’une condamnation à somme fixe, prononcée par un juge étranger dans sa monnaie nationale ;

En outre, il est nul besoin de préciser que le montant de condamnation sera converti en euros à la date d’exécution du jugement; il suffit à la demanderesse d’exécuter le jugement d’exequatur, la conversion de dinars algériens en euros se faisant lors de l’exécution du jugement, étant précisé que l’Etat algérien ne prohibe pas la conversion de sa monnaie nationale en une monnaie étrangère, sauf à rendre toute décision algérienne inexécutable en France, ce qui serait contraire à la Convention franco-algérienne précitée ;

S’agissant des intérêts aux taux légal à compter du jugement algérien, outre l’interdiction rappelée ci-dessus faite au juge de l’exequatur français, de modifier la décision étrangère, l’article 1231-7 du Code civil s’applique comme loi du for à l’exécution en France d’une condamnation prononcée par une juridiction étrangère ;

En conséquence, l’intérêt au taux légal sur les condamnations prononcées par la juridiction algérienne court à compter du présent jugement d’exequatur ;

La demanderesse sera déboutée du surplus de ses demandes à ce titre ;

Sur l’exécution provisoire

Compatible avec la nature de l’affaire, l’exécution provisoire est nécessaire et doit être prononcée ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité commande qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile ;

M. Y X sera condamné à payer à la demanderesse la somme de 6.000 € à ce titre ;

Il sera également condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Rejette les fins de non recevoir soulevées par M. Y X et la Banque Extérieure d’Algérie,

Déclare recevable la demande d’exequatur,

Déclare exécutoire sur le territoire français le jugement statuant sur l’action civile en date du 9 juin 2009, rendu par le tribunal criminel d’Oran (Algérie) ayant homologué le rapport d’expertise établi le 8 mars 2008, condamné le prévenu X Y solidairement avec quinze autres prévenus à payer à la partie civile, la Banque Extérieure d’Algérie agence Oran 74, la somme de 6.054.051.246,42 dinars algériens représentant le montant dilapidé, avec deux autres prévenus à payer à la même partie civile, la Banque Extérieure d’Algérie agence Oran 74, la somme de 615.910.501 dinars algériens représentant le montant qu’ils ont dilapidé, condamné l’ensemble des prévenus dont X Y à payer à la partie civile la somme d’un milliard de dinars algériens en réparation de tous les préjudices confondus et rejeté le surplus des autres chefs de demande,

Rappelle que l’intérêt au taux légal sur les condamnations prononcées par le jugement du 9 juin 2009 court à compter du présent jugement,

Rejette le surplus des demandes,

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,

Condamne M. Y X à payer à la Banque Extérieure d’Algérie la somme de 6.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. Y X aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 21 décembre 2017.

Le Greffier Le Président

Z A B C-D

1:

Expéditions

exécutoires

délivrées le:

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre 1re section, 21 décembre 2017, n° 17/04546