Tribunal de grande instance de Paris, 21 décembre 2018, n° 06017092027

  • Corruption·
  • Agent public·
  • Suisse·
  • Contrats·
  • Sociétés·
  • Pétrolier·
  • Compte·
  • Étranger·
  • International·
  • Banque

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 21 déc. 2018, n° 06017092027
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 06017092027

Texte intégral

6Sexp De 28102/19 a Me BL MiGNEN BK Sechon Flot F2 Lunione PAPA TGI/ Paris. JCI Pares 1'exp le […]mis 1ème Ch.2 sexp le 30/04/19 a […]

Cour d’Appel de Paris Extrait des Minutes du Greffe du Tribunal de Grande Instance Tribunal de Grande Instance de Paris de PARIS

Jugement du : 21/12/2018

11e chambre correctionnelle 2

N° minute 1 :

No parquet : 06017092027

Plaidé les 11 et 12 octobre 2018

Délibéré le 21 décembre 2018

JUGEMENT CORRECTIONNEL

Prononcé à l’audience publique du Tribunal Correctionnel de Paris le VINGT ET UN DECEMBRE DEUX MILLE DIX-HUIT,

Composé de :

Président : Madame VIGUIER Caroline, vice-présidente,
Madame J K, juge, Assesseurs :

Monsieur CHENGUITI Mohammed, magistrat honoraire,

Assistés de Madame BERNARDON Charlotte, greffière,

en présence de Monsieur MADOZ-BLANCHET Stéphane, substitut,

A l’audience publique des débats du Tribunal Correctionnel de Paris les ONZE et DOUZE OCTOBRE DEUX MILLE DIX-HUIT,

Composé de :

Président : Madame VIGUIER Caroline, vice-présidente,
Madame J K, juge, Assesseurs :

Monsieur L M, juge d’instruction,

Assistés de Madame BERNARDON Charlotte, greffière,

en présence de Monsieur N O, vice-procureur de la République,

a été appelée l’affaire

ENTRE:

Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce tribunal, demandeur et poursuivant

Page 1/44



ET

Prévenu

Raison sociale de la société : H SA

N° SIREN/SIRET : 542 051 180

N° RCS : chez Me BG BH 22 av. de la Grande Domiciliée :

[…]

Antécédents judiciaires : déjà condamnée

REPRÉSENTÉE par Monsieur BV BW-BX, conseiller du Président Directeur Général, muni d’un pouvoir de représentation, par Maître BG BH BI, avocat au barreau de PARIS (R224) par Maître BJ BK BL avocat au barreau de PARIS (R224), par Maître SERRA Claude, avocat au barreau de PARIS (L 132) et par Maître MALKA, avocat au barreau de

Paris (L 132)

Prévenue du chef de :

✓CORRUPTION ACTIVE: PROPOSITION OU FOURNITURE D’AVANTAGE A

UN AGENT PUBLIC COMMUNAUTAIRE OU D’UN ETAT DE L’UNION

EUROPEENNE

****

Prévenu

Nom: BD AO AN né le […] à SIRJAN (D (REPUBLIQUE ISLAMIQUE D')) de AO Marzieh

Nationalité: iranienne

Antécédents judiciaires : jamais condamné

Sans domicile connu

NON-COMPARANT, NON REPRÉSENTÉ

Prévenu du chef de :

✓COMPLICITE DE CORRUPTION ACTIVE : PROPOSITION OU FOURNITURE

D’AVANTAGE A UN AGENT PUBLIC COMMUNAUTAIRE OU D’UN ETAT DE

L’UNION EUROPEENNE

****

Prévenu

Nom : BU AX BN né le […] à MAREUIL SUR LAY DISSAIS (Vendee) de BU AX BE-BF et de P Q décédé le […] (acte de décès au dossier)

Page 2/44


11ème Ch.2

Prévenu du chef de :

✓CORRUPTION ACTIVE: PROPOSITION OU FOURNITURE D’AVANTAGE A

UN AGENT PUBLIC COMMUNAUTAIRE OU D’UN ETAT DE L’UNION

EUROPEENNE

****

Prévenu

Nom : Z R né le […] à RASHI (D (REPUBLIQUE ISLAMIQUE D')) décédé le […] (acte de décès au dossier)

en présence de Maître MAREMBERT AZ, avocat au barreau de Paris, (P200) substitué à l’audience par Maître MARET Mathilde, avocat au barreau de Paris,

Prévenu du chef de :

✓COMPLICITE DE CORRUPTION ACTIVE: PROPOSITION OU FOURNITURE

D’AVANTAGE A UN AGENT PUBLIC COMMUNAUTAIRE OU D’UN ETAT DE

L’UNION EUROPEENNE

-

DEBATS

Les prévenus ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel par ordonnance de Monsieur S T, juge d’instruction, rendue le 15 octobre 2014 sous les préventions suivantes :

BN BU AX

- d’avoir à Paris et sur le territoire national, en Suisse. au Royaume Uni, en D à compter d’octobre 2000 et depuis temps non couvert par la prescription, proposé sans droit à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents, ou des avantages quelconques pour obtenir d’une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public dans un État étranger ou au sein d’une organisation internationale publique, qu’elle accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction. sa mission ou son mandat, en vue d’obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international, en l’espèce en ordonnant le versement par la société H SA dont il était le mandataire social de sommes d’argent d’un montant global de 30.305.245 USD, en exécution d’un contrat signé le 14 juillet 1997 avec la société

U V LTD de R Z, destinées à des agents publics iraniens et notamment AM AC C, dans le cadre de la négociation et de l’exécution du contrat du 28 septembre 1997 relatif au développement du programme AT AU phases 2 et 3 entre la société publique iranienne NIOC et le consortium constitué par H. I et X

Faits prévus et réprimés par les articles 435-3 et 433-5 du code pénal en vigueur à l’époque des faits et les articles 435-3 et 435-14 du code pénal;

Page 3 / 44



Société anonyme H

- d’avoir à Paris et sur le territoire national. en Suisse. au Royaume Uni. en D à compter d’octobre 2000 et depuis temps non couvert par la prescription, proposé sans droit à tout montent, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents, ou des avantages quelconques pour obtenir d’une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public dans un État étranger ou au sein d’une organisation internationale publique, qu’elle accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d’obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international, en l’espèce en versant des sommes d’argent d’un montant global de 30.305.245 USD. en exécution d’un contrat signé le 14 juillet 1997 avec la société U V LTD de R Z, destinées à des agents publics iraniens et notamment AM AC C. dans le cadre de la négociation et de l’exécution du contrat du 28 septembre 1997 relatif au développement du programme AT AU phases 2 et 3 entre la société publique iranienne NIOC et le consortium constitué par H. I et X

Faits prévus et réprimés par les articles 121-2, 435-3 et 435-6 du code pénal en vigueur à l’époque des faits et les articles 121-2, 435-3 et 435-15 du code pénal

R Z

-d’avoir été complice, à compter d’octobre 2000, par aide ou assistance, en en facilitant la préparation ou la consommation, des faits de corruption d’argent public étranger commis par BN BU AX et la société H à PARIS et sur le territoire national, en Suisse. au Royaume-Uni et en D, en faisant transiter sur des comptes bancaires dont il était le bénéficiaire économique et notamment le compte

U V BP (CREDIT SUISSE de GENEVE), NOOR et

SIAKAL(banque LOMBARDODIER) des sommes d’argent versées par H SA en exécution d’un contrat de consultant signé le 14 juillet 1997 avec la société

U V LTD de R Z à hauteur de 30.305,245 USD, destinées à des agents publics iraniens et notamment AM AC C, dans le cadre de la négociation et de l’exécution du contrat du 28 septembre 1997 relatif au développement du programme AT AU phases 2 et 3 entre la société publique iranienne NIOC et le consortium constitué par H, I et X

Faits prévus et réprimés par les articles 121-2, 121-6, 121-7, 435-3, 435-5 et 435-6 du code pénal en vigueur à l’époque des faits et les articles 121-2, 121-6, 121-7, 435-3, 435-14 et 435-15 du code pénal

AN BD AO

-d’avoir été complice, à compter d’octobre 2000, par aide ou assistance, en en facilitant la préparation ou la consommation. des faits de corruption d’argent public étranger commis par BN BU AX et H SA à PARIS et sur le territoire national, en Suisse, au Royaume-Uni et en D, en faisant transiter sur des comptes bancaires dont il était l’ayant droit économique, et notamment le compte

ATHENA (BANQUE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT) et le compte

W MANAGEMENT (Banque LOMBARDODIER) des sommes d’argent versées par la société H en exécution d’un contrat de consultant signé le 14

Page 4 / 44


11ème Ch.2

juillet 1997 avec la société U V LTD de R Z à hauteur de 30.305.245 USD. destinées à des agents publics iraniens et notamment AM AC C. dans le cadre de la négociation et de l’exécution du contrat du 28 septembre 1997 relatif au développement du programme AT AU phases 2 et 3 entre la société publique iranienne NIOC et le consortium constitué par H-I et X

Faits prévus et réprimés par les articles 121-2. 121-6. 121-7, 435-3, 435-5 et 435-6 du code pénal en vigueur à l’époque des faits et les articles 121-2, 121-6, 121-7, 435-3, 435-14 et 43-15 du code pénal;

La société H SA a été citée par le procureur de la République par acte d’huissier délivré à personne le 25 juin 2015 pour l’audience du 9 mars 2016. Aux audiences des

9 mars 2016, 30 mars 2017 et 15 décembre 2017, l’affaire a été renvoyée contradictoirement à son égard.

La société H SA est régulièrement représentée ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

BD AO AN a été cité par le procureur de la République par acte

d’huissier délivré à étude le 4 janvier 2018 ((LRAR revenue destinataire inconnu à

l’adresse).

BD AO AN n’a pas comparu; il y a lieu de statuer par défaut à son égard en application des dispositions de l’article 412 alinéa 1 du code de procédure pénale.

****

A l’appel de la cause, la présidente a constaté la présence et la représentation des parties et a donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal.

Avant toute défense au fond, Maître BG BH BI et Maître

BJ BK BL ont été entendus au soutien de leur conclusions in limine litis.

Les parties ayant été entendues et le ministère public ayant pris ses réquisitions, le tribunal a joint l’incident au fond, après en avoir délibéré.

La présidente a informé Monsieur BV BW-BX, représentant à l’audience la société H, de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

La présidente a instruit l’affaire et a interrogé le représentant de la société H.

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.

Maître SERRA Claude, Maître MALKA Didier, Maître BJ BK

BL et Maître BG BH BI, conseils de la société H SA ont été entendus en leur plaidoirie.

Monsieur BV BW-BX a eu la parole en dernier.

Page 5 / 44



Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

Puis à l’issue des débats tenus à l’audience des 11 et 12 octobre 2018, le tribunal a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que le jugement serait prononcé le 21 décembre 2018 à 13h30.

A cette date, vidant son délibéré conformément à la loi, la Présidente a donné lecture de la décision, en vertu de l’article 485 du code de procédure pénale,

Le tribunal a délibéré et statué conformément à la loi en ces termes :

1) Le contexte

L’affaire qui a été soumise au tribunal traite des conditions de conclusion et d’exécution du contrat passé le 28 septembre 1997 relativement aux phases 2 et 3 de l’exploitation du champ gazier dénommé AT AU entre un consortium composé des sociétés H, I et X et la Compagnie nationale iranienne du pétrole (National Iranian Oil Company ou NIOC).

A titre liminaire, il convient de rappeler que le secteur pétrolier et gazier en D est entièrement contrôlé par l’Etat depuis sa nationalisation en 1951. Toutes les opérations et activités qui y sont liées, depuis la prospection jusqu’à la consommation de ces ressources, sont ainsi gérées par la NIOC, créée en 1951, laquelle dépend entièrement du ministère du Pétrole. Au regard de l’étendue de son domaine d’activité, la NIOC exerce son activité à travers un grand nombre de filiales et unités mais, à l’aune de cette procédure, il est permis de dégager quelques structures particulières : il existe ainsi deux importantes sociétés d’exploitation appartenant à la NIOC : AU Oil & Gas

[…]).

Une autre unité de la NIOC est l’Iranian Consumption Optimizing Organisation (IFCOO), qui est notamment chargée d’étudier les possibilités de réduire la consommation d’essence. La NIOC a également des parts dans plusieurs sociétés d’entrepreneurs, comme l’Oil Industry Engineering Company (OIEC) ou l’Iranian Offshore Engineering & Construction Company (IOEC). Plusieurs de ces structures ont été dirigées par AM AC C, deuxième fils de AA AB

AC C, lequel a été le président de la République d’D de 1989 à 1997. Plus précisément, AM AC C a été directeur-administrateur de la société IOEC de 1993 à juin 1997 mais a également dirigé les sociétés IFCOO et

PEDEC, de juin 1997 à 1998 ou 1999, selon ce qui est indiqué dans l’ordonnance de renvoi. Il ressort cependant de la procédure que d’autres fonctions ont été exercées plus tard par AM AC C (cf. infra).

AT AU, North Dome ou encore North Field sont des termes qui désignent un gisement offshore de gaz naturel situé entre les eaux territoriales de l’D et celles du

Qatar. Découvert en 1971 par la Société Shell, il est présenté comme le plus grand gisement de gaz naturel au monde, représentant 20 % des réserves connues en 2014.

Le gisement gazier North Dome/AT AU constitue au plan géologique un unique champ gazier, mais, parce qu’il est présent sur les territoires des deux Etats mentionnés, il reçoit une appellation double : North Dome parfois North Field – pour le Qatar, et AT AU pour les Iraniens, pour "Perse du Sud'.

Le financement du projet reposait à 40 % sur H SA et à 30 % sur chacune des deux autres compagnies.

Page 6/44


11ème Ch.2

La conclusion de ce contrat du 28 septembre 1997 est intervenue dans le contexte économique et politique suivant :

H SA cherchait à se réengager en D, après s’être retirée, comme d’autres, de l’économie iranienne à la suite de la chute du Shah et de la constitution de la République Islamique d’D en 1979. Précédemment aux contrats AT AU, H SA avait déjà conclu, le 13 juillet 1995, un autre contrat avec la NIOC portant sur l’exploitation d’une partie des champs pétroliers de Sirri, île située au large des côtes iraniennes, face à Dubaï. La signature de ce contrat avait elle-même été précédée de celle d’un autre contrat, dit de consulting ou de lobbying, conclu le 10 juillet 1995, entre

AD Y, représentant R Z, et la société H INTERNATIONAL BP, sise aux Bermudes ; l’entrée en vigueur aux Etats-Unis de la loi dite d’Amato-Kennedy (D

AND LYBIA SANCTIONS ACTS) votée en juillet/août 1996 et prévoyant des sanctions contre les entreprises commerçant avec l’D, à la seule condition que le montant de l’investissement en D dépasse un certain montant; le souci des autorités iraniennes de lutter contre l’avance prise par les qataris quant à l’exploitation du amp gazier North Dome et ce, alors que les deux pays n’avaient pas passé d’accord de partage relatif aux réserves gazières et que les iraniens ne disposaient pas, par eux-mêmes, des moyens techniques et des infrastructures nécessaires pour assurer l’exploitation de ce gisement de gaz naturel.

Préalablement à la conclusion du contrat du 28 septembre 1997 et dans le cadre de la future mise en place du programme AT AU 2 et 3, H SA avait créé une filiale, la société anonyme H AT AU, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre le 12 décembre 1996, initialement dirigée par AV BM (PDG) auquel a succédé AE AF.

Par ailleurs, le 13 juillet 1997, le contrat de consulting de juillet 1995 était transféré de
M. Y à une société U V BP, sise aux Iles Vierges britanniques, dirigée par AG AH et dont l’ayant-droit économique était R Z.

S’agissant, cette fois, du développement des phases 2 et 3 du programme AT AU, H INTERNATIONAL BP signait, le 14 juillet 1997, un second contrat de consulting ou lobbying avec la société U V LTD, contrat stipulant notamment que H paierait :

10 millions USD sous forme d’acompte ;

-

30 millions USD sous forme de versements trimestriels ;

10 millions USD pour les frais (cf. l’interrogatoire de BN AX, même si ce montant n’apparaît pas sur le contrat lui-même); des honoraires de rémunération égaux à 4 % des dépenses totales

d’investissement dépassant les dépenses d’investissement stipulées dans le contrat de développement, ou 60 millions de dollars US.

Ce contrat du 14 juillet 1997 a été signé, pour le compte de H INTERNATIONAL BP, par AI AJ et, s’agissant de la société U V LTD, par AG AH, gestionnaire au sein de Crédit Suisse Trust de juillet 1996 à fin mars 2008 puis responsable du siège de

Genève. Entendu plus tard par les autorités judiciaires suisses, ce dernier a expliqué que la société U avait été créée exclusivement pour les besoins de cette

Page 7 / 44


opération.

A l’issue de ces étapes préparatoires, le consortium H, I et X signait donc, le 28 septembre 1997, avec la NIOC un contrat dit de « buy back » pour les phases 2 et 3 du projet AT AU. Selon les termes du contrat, le consortium finançait, construisait et mettait en service les installations du programme

AT AU puis les transférait à la NIOC, tout en assurant leur maintenance. En retour, ce consortium se rémunérait en condensats de gaz et brut d’appoint produits à partir du site de AT AU et ce, pendant une période de 7 ans.

Entre le 1er septembre 1998 et le 29 novembre 2004, H a procédé à onze versements en exécution du contrat de consultant AT AU pour un montant H de 44 969 728 USD. Les paiements ont tous été effectués sur le compte de la société U V LTD ouvert au Crédit Suisse de Genève, sauf le dernier, en date du 29 novembre 2004, qui a alimenté le compte U n° 146 du Crédit Suisse Private Banking, Singapour.

BN AX a expliqué qu’initialement devaient être versés, en exécution de ce contrat de lobbying, 100 millions de dollars, somme qui pouvait sembler importante mais qui devait être mise en balance avec le contrat de buy back portant sur un H d’environ 4 milliards de dollars dont 2,1 milliards de coût de développement répartis au sein du consortium. Selon lui, les paiements devaient initialement courir jusqu’en 2008/2009.

Le 1er Juin 2002, l’ensemble des installations du projet AT AU 2 et 3 était transféré à la NIOC.

2) L’origine de l’enquête française : l’enquête ouverte en Suisse pour blanchiment

Le 29 décembre 2004, une enquête était ouverte en Suisse, à la suite de l’exercice par la banque LOMBARDODIER de son droit de communication au ministère public de la Confédération, l’homme d’affaires et consultant iranien, R Z, étant soupçonné de se livrer à des opérations de blanchiment d’argent, au regard des sommes reçues et transférées sur deux comptes ouverts dans ses livres :

un compte individuel n° 93331 ZD SIAKAL (dit SIAKAL) ouvert le 6 juin

1996 par R Z lui-même.

Au crédit, l’examen des documents bancaires permettait d’établir que ce compte était alimenté tout d’abord en interne par un autre compte individuel n° 93950 ZD 950 NOOR (dit NOOR), ouvert par AK Y le 9 décembre

1996, pour un montant de 12 500 000 CHF.

Ce compte SIAKAL était ensuite alimenté par des fonds provenant de trois comptes bancaires ouverts au Crédit Suisse à Genève pour un montant H de 41 100 000

CHF, en relation, selon la banque LOMBARDODIER, avec des contrats de consulting conclus par le groupe pétrolier H et concernant les gisements AT AU en D : deux comptes numériques n° 251-582025-11 et n° 251-838321-91 dont le titulaire était R Z; un compte n° 261-661637-21-1 au nom de U V

BP dont l’ayant-droit économique était également R

Z.

Page 8 / 44


11ème Ch.2

Au débit, plusieurs transferts étaient répertoriés au profit tout d’abord du compte NOOR déjà cité, mais aussi de comptes ouverts à Dubaï auprès de la NATIONAL

BANK et de l’UNION NATIONAL BANK pour un montant H de 8 200 000 CHF, et enfin d’un compte ATHENA ouvert auprès du groupe DEUTSCHE BANK

(anciennement BANQUE DE FINANCEMENT ET DE PLACEMENT SA,

BANQUE WORMS SA et DEUTSCHE BANK) pour un montant de

40 700 000 CHF;

le compte individuel précité n° 93950 ZD 950 NOOR, ouvert le 9 décembre

1996 par AK Y, collaborateur indien de R

Z mais dont ce dernier était en réalité l’ayant-droit économique et sur lequel il avait d’ailleurs procuration. Lors d’un rendez-vous à la banque en 2003, R Z a ainsi indiqué avoir mis ce compte ZD 950 NOOR au nom de AK Y à la demande de H, qui ne souhaitait pas contracter officiellement avec un iranien.

Au crédit, les fonds alimentant ce compte dit NOOR provenaient, selon la banque, de la société H INTERNATIONAL BP, sise aux Bermudes, dans le cadre de contrats pétroliers et représentaient un H de 16 542 916 CHF. En outre, le compte avait reçu, par le biais de transferts internes, du compte SIAKAL, 37 600 000

CHF environ, ces sommes provenant elles-mêmes de comptes Crédit Suisse alimentés par H SA, toujours selon les banques suisses.

Au débit, le compte NOOR avait alimenté le compte SIAKAL pour 12 500 000 CHF, comme déjà mentionné. Des transferts avaient également été opérés à destination de la

BANQUE DE FINANCEMENT ET DE PLACEMENT SA, de la banque WORMS SA et de la DEUTSCHE BANK SA.

Depuis l’automne 2003, la banque LOMBARDODIER s’était efforcée d’obtenir des informations auprès de R Z agissant du nom du des cocontractants bénéficiaires finaux des 41 100 000 CHF se trouvant sur le compte SIAKAL ouvert dans ses livres, en vain ; elle ne connaissait ni les titulaires ni les bénéficiaires des comptes en effet, lorsque la société U V BP donnait des ordres de transfert, elle invitait le collaborateur du Crédit Suisse à Genève à ne pas mentionner le donneur d’ordre.

En outre, les autorités suisses précisaient qu’une autre procédure pénale avait été ouverte à l’encontre d’un ressortissant iranien, le 3 octobre 2003, également pour des faits de blanchiment du produit de la corruption. Dans le cadre de leurs investigations, les autorités suisses avaient ainsi appris qu’une enquête avait été ouverte en Norvège contre les dirigeants d’une société pétrolière norvégienne, en l’espèce F. Une perquisition avait alors été menée, qui avait permis la découverte de contrats de consulting relatifs à la société H INTERNATIONAL BP. Dès lors, selon les autorités suisses, « il n’est donc pas exclu que les contrats de consulting conclus avec la société H INTERNATIONAL BP soient des contrats fictifs établis pour justifier le paiement de sommes versées dans le cadre d’actes de corruption commis pour l’obtention de concessions d’exploitation pétrolière dans le gisement AT AU, en D. Dans le cadre de cette enquête, la direction de la société pétrolière norvégienne et la société elle-même ont été condamnées pour trafic d’influence, la direction de l’entreprise ayant reconnu qu’elle avait prévu de verser un montant H de USD 15'000'000, couvert par des contrats de consulting fictifs pour l’obtention de nouvelles concessions d’exploitation pétrolière dans le gisement AT

AU en D. Il ressort d’ailleurs du dossier KYC relatif au compte ouvert auprès du

Page 9 / 44



Crédit Suisse/Genève au nom de la société U V BP que le client est un consultant indépendant dans le domaine de l’industrie pétrolière et qu’un contrat a été signé entre cette société et « H FINA » et que le client va recevoir des commissions de « H FINA » ».

Se fondant sur les éléments qui précèdent, le ministère public de la Confédération helvétique avait non seulement ouvert une enquête mais ordonné le blocage du compte

SIAKAL dont le solde s’élevait, au 4 juillet 2005, à la somme de 9 320 000 CHF.

***

Au regard des premiers éléments recueillis, le Procureur fédéral de la Confédération helvétique présentait le 29 décembre 2005 aux autorités judiciaires françaises, et plus précisément au procureur général près la cour d’appel de Paris, copie au doyen des juges d’instruction de cette même juridiction, une demande d’entraide pénale internationale. Il y était demandé : une perquisition dans les locaux de la société

H SA en France et le séquestre de tous documents et pièces en relation avec le gisement pétrolier AT AU en D, ou avec les nommés R Z et AK Y (en particulier le contrat de consulting) et la société U V BP ; l’audition des collaborateurs de la société H SA en France qui avaient pu avoir un rôle dans la conclusion des contrats de consulting pour le gisement pétrolier AT AU en D ; l’identification de toutes relations bancaires utilisées par la société H SA pour l’exécution des contrats de consulting ou dans le cadre de ses relations avec R Z, AK Y et la société U V

BP ; enfin, plus généralement, séquestre de toute documentation utile.

A l’issue des investigations conduites en France à la demande des autorités suisses, ces dernières indiquaient que le juge d’instruction français n’avait pu que partiellement exécuter la requête, les collaborateurs de H ayant refusé de répondre aux questions du juge d’instruction saisi, au motif que les intérêts économiques essentiels de la France étaient en jeu (invoquant ainsi l’article 1er de loi n° 68-678 du 26 juillet

1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, modifiée par la loi n° 80-538 du 16 juillet 1980 qui dispose :

< Sous réserve des traités ou accords internationaux, il est interdit à toute personne physique de nationalité française ou résidant habituellement sur le territoire français et à tout dirigeant, représentant, agent ou préposé d’une personne morale y ayant son siège ou un établissement, de communiquer par écrit, oralement ou sous toute autre forme, en quelque lieu que ce soit, à des autorités publiques étrangères, les documents ou les renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dont la communication est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels de la France ou l’ordre public, précisés par l’autorité administrative en tant que de besoin »).

***

Le 31 mai 2016, les autorités judiciaires suisses dénonçaient cependant aux autorités judiciaires françaises, un certain nombre de faits aux fins de poursuite : « les faits tels qu’ils sont relatés pourraient être constitutifs en Suisse à l’égard de H INTERNATIONAL BP de corruption d’agents publics étrangers au sens de l’article 322septies CPS. En France, ces faits pourraient également tomber sous le coup des dispositions sanctionnant le trafic d’influence et d’abus de biens sociaux ».

Page 10/44



La procédure suisse s’achevait néanmoins par le prononcé, le 19 août 2011, d’une ordonnance définitive et exécutoire de classement de la procédure ouverte pour blanchiment, ainsi que de confiscation d’une partie des sommes saisies sur les comptes suisses de R Z. Le procureur fédéral suisse indiquait en effet, dans l’un de ses courriers adressé au juge d’instruction français, que les charges pesant sur

Messieurs Z et Y ne paraissaient pas suffisantes pour aboutir à une condamnation pénale mais qu’en revanche, les éléments de l’enquête permettaient le prononcé d’une confiscation partielle des avoirs des comptes concernés. Si le parquet fédéral suisse a envisagé à l’époque un partage à hauteur de 50

% de la somme confisquée, cette somme n’a pas été versée par la Suisse à la France.

***

Le 18 décembre 2006, une information judiciaire était ouverte en France par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, des chefs de : abus de biens sociaux commis au préjudice de la société H, s’agissant

-

des flux financiers opérés entre 1996 et 2003 sur les comptes mouvementés par M. A Z et en relation avec la conclusion d’un contrat de consultant pétrolier avec la société H INTERNATIONAL Ltd (TIL) et recel de ce délit ; corruption active d’agents publics étrangers, s’agissant des flux financiers opérés entre octobre 2000 et 2003 sur les comptes mouvementés par M. A

Z et en relation avec la conclusion d’un contrat de consultant pétrolier avec la société H INTERNATIONAL Ltd (TIL).

La Brigade de répression de la délinquance économique était chargée de l’enquête.

Au cours de l’information judiciaire, plusieurs demandes d’entraide pénale internationale étaient délivrées, de même que plusieurs commissions rogatoires internationales, émanant ou à destination de plusieurs pays.

3) Les éléments d’information issus des procédures norvégienne et américaine

3.1) L’enquête en Norvège

En 2003, une enquête était ouverte en Norvège relative aux conditions d’attribution, à la société norvégienne F, de la concession de la partie offshore de AT AU 6-8.

En effet, au printemps 2001, F – qui cherchait à s’implanter dans la région – avait créé un groupe chargé de recueillir des informations sur l’D et de nouer des contacts avec des acteurs locaux importants.

Mi-mai 2001, une personne de nationalité iranienne leur avait proposé de les faire bénéficier de ses contacts et c’est ainsi que les employés de F avaient rencontré AM AC C, qui se présentait comme un dirigeant de

l’IFCOO, filiale de la NIOC.

Mi-juillet 2001, une réunion avait eu lieu dans les locaux de l’IFCOO à Téhéran, en présence de AM AC C et de quatre représentants de F, réunion au cours de laquelle l’intéressé avait laissé entendre qu’il était le conseiller du ministre iranien du pétrole dans le domaine technologique.

Page 11 / 44



Entre le 13 et le 17 août 2001, AM AC C se rendait en Norvège pour rencontrer le dirigeant de F, AL E. Un échange de mails révélait que AM AC C avait indiqué, lors de cette réunion, que

F devrait signer un contrat avec lui pour obtenir des affaires en D.

A partir de ce moment, AL E devenait l’interlocuteur unique de AM AC C : des réunions avaient lieu à la mi-octobre 2001 dans un hôtel de Stockholm, fin novembre 2001 à Genève, et à Francfort en décembre 2001. Lors de ces réunions, AM AC C proposait de vendre ses services à F et, pour tenter de convaincre son interlocuteur quant à l’importance qu’il pouvait avoir dans le processus décisionnel iranien, il présentait deux contrats précédemment conclus avec des sociétés pétrolières se trouvant dans une situation similaire à celle de F: il s’agissait de deux contrats de consulting prévoyant un système de « success fees », selon lequel la rémunération du consultant iranien dépendait des contrats effectivement obtenus par la société pétrolière étrangère en

D. L’un de ces contrats était d’ailleurs retrouvé lors d’une perquisition conduite par la police britannique au domicile londonien de AN AO et consistait en un extrait du contrat conclu le 14 juillet 1997 entre H INTERNATIONAL

BP et U. AL E indiquait que ce document lui avait été

transmis par AM AC C pour le convaincre que certaines sociétés pétrolières concurrentes étaient non seulement prêtes à régler des « success fees » pour des montants de cet ordre, mais qu’elles obtenaient effectivement les marchés désirés.

En décembre 2001, AL E recevait par fax de la part de AM AC C, sous les initiales « MR Your friend in Teheran », plusieurs projets de contrats.

D’autres notes internes à F indiquaient que AM AC C avait proposé un contrat de consultant basé sur des « success fees », stipulant le versement d’une somme forfaitaire de 200 000 USD, auquel s’ajoutait le versement de

10 millions USD par an, se répartissant comme suit : 5 millions USD à verser au titre de la rémunération des services rendus et 5 millions USD à verser au titre d’activités caritatives. Il était aussi prévu que AM AC C ne serait pas personnellement la partie contractante et un contrat de trois ans était proposé avec une société immatriculée en Grande Bretagne, combiné à un accord de dix ans avec une société off shore.

Divers projets de contrats étaient encore échangés entre F et AM AC

C après le printemps 2002.

Dans la phase finale, AM AC C était représenté par AN BD AO.

En définitive, le contrat de consultant était signé le 12 juin 2002: F était représentée par AL E, et l’autre partie contractante – en l’espèce la société HORTON INVESTMENTS LTD, domiciliée dans les îles Turques et Caïques, paradis fiscal de la mer des Caraïbes était représentée par AM AC

C et AN AO. C’est ce dernier qui signait au nom de HORTON.

A l’issue de cette enquête, la direction de la société pétrolière norvégienne et la société elle-même étaient condamnées pour trafic d’influence, la direction de l’entreprise ayant reconnu qu’elle avait prévu de verser un montant H de 15 millions de USD, couverts par des contrats de consulting fictifs, pour l’obtention de nouvelles concessions d’exploitation pétrolière dans le gisement AT AU en D.

Page 12/44


11ams Ch.

3.2) L’enquête menée aux Etats-Unis

Le 7 juillet 2008, le Département de la justice des Etats-Unis (DoJ) transmettait aux autorités judiciaires françaises une demande dite d’assistance, expliquant qu’il était en train mener une enquête aux fins de savoir si la société H SA avait enfreint la législation pénale américaine en effectuant des paiements illégaux à des représentants du gouvernement iranien afin que ceux-ci « influencent » l’attribution de contrats à

H SA ou à l’une de ses filiales, ou à toute autre entité apparentée à H. II était indiqué que, parallèlement, la Commission américaine pour les valeurs et les bourses (SEC), organisme américain responsable de la régulation de la gestion des valeurs boursières, était elle aussi en train de mener une enquête sur la même affaire.

Le 29 mai 2013, la procédure conduite par le DoJ et la SEC aboutissait au dépôt d’un acte d’accusation.

Cet acte d’accusation comprenait trois chefs d’accusation : il était reproché à H d’avoir participé à une entente délictueuse en vue de la violation des dispositions anti corruption de la Foreign Corrupt Pratices Acts (FCPA), d’avoir violé les dispositions afférentes à la tenue des livres et registres et d’avoir violé les dispositions afférentes aux contrôles internes.

Le chef d’accusation relatif à l’entente délictueuse était ainsi libellé : « Depuis mai 1995 au moins ou aux environs de cette date jusqu’au 29 novembre 2004 ou aux environs de cette date, dans le district Est de la B et ailleurs, la défenderesse H, de manière illégale, délibérée et en pleine connaissance de cause, s’est liguée, s’est associée, s’est entendue et a convenu de manière délictueuse avec

l’Intermédiaire Un, l’Intermédiaire Deux et d’autres personnes, connues et inconnues, afin de commettre des infractions à l’encontre des Etats-Unis, à savoir d’utiliser de manière intentionnelle des systèmes postaux et moyens et instruments du commerce entre Etats de manière corrompue afin de faire prospérer une offre, un paiement, une promesse de paiement, et l’autorisation de la remise de toute somme d’argent, offre, libéralité, promesse de libéralité, et l’autorisation de la remise de tout objet de valeur à tout responsable d’une puissance étrangère, et à toute autre personne en sachant que tout ou partie de ladite somme d’argent ou dudit objet de valeur aurait été ou avait été offert, donné ou promis directement ou indirectement à des responsables d’une puissance étrangère aux fins de (i) influer sur les actes et décisions desdits responsables d’une puissance étrangère dans l’exercice de leurs fonctions officielles, (ii) amener lesdits responsables d’une puissance étrangère à exécuter ou omettre d’exécuter des actes en violation des obligations légales desdits responsables; (iii) obtenir un avantage indu; et (iv) amener lesdits responsables d’une puissance étrangère à user de leur influence auprès d’un gouvernement étranger et des organes de ce dernier pour affecter et influencer les actes et décisions dudit gouvernement et des organes de ce dernier, dans le but d’aider H et autrui à obtenir et à conserver les affaires commerciales et à diriger vers H et autrui des affaires commerciales en violation du titre 15, Code des Etats-Unis, articles 78dd-l(a)(1) et

(a)(3)(B) ».

Le même jour, soit le 29 mai 2013, était également signé un accord de poursuite différé (Deffered Prosecution Agreement, DPA), d’une durée de 3 ans et 7 jours, le délai courant à compter du dépôt de l’acte d’accusation. Par cet accord, H SA:

a reconnu sa responsabilité engagée sur le fondement des chefs d’accusation qui étaient joints à l’accord;

s’est engagée à coopérer pleinement avec le Département; Page 13 / 44


a accepté de procéder à un examen de ses procédures de contrôle internes

(notamment comptables) et à poursuivre son programme dit de conformité et de déontologie, le tout aux fins d’empêcher des violations des dispositions anti-corruption tant américaines que françaises ;

a accepté de verser dans un délai de 10 jours à compter de l’accord, une pénalité financière de 245,2 millions USD ;

a renoncé à pouvoir faire des déclarations publiques relatives aux faits.

En contrepartie des engagements de H SA, le DoJ différait les poursuites pendant la durée de validité de cet accord, sous réserve que H SA exécute

l’intégralité des obligations qui lui étaient imparties. Si tel était le cas, 30 jours après la fin dudit accord, le Département devait demander le rejet des accusations formulées contre H.

Il était mentionné in fine que le présent accord avait force obligatoire pour H et le Département mais, notamment, n’avait pas force obligatoire pour tous autres Etats.

Si, à l’origine, il était prévu que l’accord expirât le 5 juin 2016, le DoJ et H SA avaient conclu un accord prolongeant la durée du DPA jusqu’au 31 octobre 2016 pour tenir compte d’un retard résultant de la nécessité de remplacer le contrôleur en cours de mandat. Le 25 juillet 2016, l’administration recevait un rapport définitif du contrôleur, concluant au fait que H SA s’était pleinement acquittée de ses obligations, en ce compris le paiement, à bonne date, de la sanction pécuniaire. Les Etats-Unis demandaient dès lors l’abandon définitif des poursuites engagées dans cette affaire le juge faisait alors droit à la requête des Etats-Unis et ordonnait l’abandon définitif des poursuites pénales à l’encontre de H SA.

Le 4 novembre 2016, cet accord était entériné par la District Court de B.

4) Le résultat des investigations nationales et internationales concernant les relations entre H SA et les autorités iraniennes dans le cadre de

l’exploitation de AT AU

L’ensemble des investigations – quel que soit le cadre juridique a été mené dans deux directions.

***

D’une part, il s’est agi de déterminer quelle était l’économie du contrat de consulting signé le 14 juillet 1997 et pour quelles prestations réelles les sommes identifiées plus haut avaient été versées. Dans ce cadre, les locaux de la société H SA et de sa société d’archivage LOCARCHIVES étaient perquisitionnés et les principaux collaborateurs ayant eu à connaître du programme AT AU en D étaient entendus.

Initialement, ces investigations se révélaient vaines quant à la découverte du contrat de consulting conclu le 14 juillet 1997 entre H INTERNATIONAL BP et U V BP (hors l’extrait retrouvé dans le cadre de la procédure norvégienne concernant F). Ce contrat de consulting n’était finalement joint au dossier que le 23 octobre 2008, à la suite de l’exécution d’une commission rogatoire internationale adressée à la Suisse, laquelle transmettait ce document qui lui avait été préalablement remis par la banque LOMBARDODIER.

Si aucun rapport écrit ou document écrit relatif à l’exécution de ces prestations de Page 14/44


11ème Ch.2

consulting n’était retrouvé, il était néanmoins démontré que ce contrat avait matériellement donné lieu à des paiements dont il était retrouvé trace et à des factures, au nombre de neuf, émises par U V LTD sur la période

1998/2003 (hors année 2000) pour un montant H de 38 685 580 USD (dont 30 305

245 USD pour la période courant de 2000 à 2004), étant précisé qu’il n’y a pas eu deux paiements d’un montant identique et qu’aucune régularité, dans les échéances propres aux paiements, ne s’est dégagée. Les factures correspondant aux montants retenus in fine par le juge d’instruction dans son ordonnance de renvoi figurent au dossier.

Concrètement, les factures étaient émises par la Société U V BP dans des courriers signés soit de deux directeurs « K. Kindle et U. Leiser » soit de la société DIZAME CONSULTING SA. Ces courriers étaient alors remis par

U V BP à BQ-AE BR, juriste à la Direction

H Moyen-Orient puis à la Direction Générale Exploration et Production. BQ AE BR vérifiait la conformité de la facture avec le contrat puis établissait une demande de paiement qui était transmise à BN AX pour approbation. BN AX signait la demande de paiement, ce qui valait approbation. La demande de paiement était enfin transmise à AP AQ, à la direction financière du groupe, pour exécution du paiement.

Chacun de ces paiements est parvenu au crédit des deux comptes déjà évoqués, ouverts par U V BP auprès du Crédit Suisse de Genève, pour un H de 41 100 000 CHF. Ainsi qu’il a déjà été dit, un dernier paiement du 29 novembre 2004, d’un montant de 4 840 691 USD, a, quant à lui, été effectué sur un compte Crédit Suisse mais à Singapour, toujours au nom de U V

LTD, ce qui a été confirmé par AG AH lorsqu’il a été entendu par les autorités judiciaires suisses.

***

D’autre part, le destinataire final des fonds a été activement recherché par plusieurs autorités. C’est d’ailleurs parce que ce destinataire final n’était pas identifié que les banques suisses ont procédé à leurs déclarations de soupçons.

En premier lieu, un certain nombre de documents ont été transmis par la banque LOMBARDODIER, permettant d’établir une synthèse des flux financiers. Il y apparaissait notamment que le compte dit NOOR était un simple compte de passage ou de transit, les fonds étant ensuite retransférés sur un compte ATHENA 5575 ouvert le 10 juillet 1995 dans les livres de la Banque Financière et d’Investissement (reprise depuis par la WORMS puis par la DEUTSCHE BANK) à Genève et sur un compte W MANAGEMENT ouvert le 27 mai 2003 sous le numéro 43489 dans les livres de la banque LOMBARD & ODIER, dont l’ayant-droit économique était à chaque fois AN AO, considéré en l’espèce comme le récipiendaire final de ces transferts en cascade.

Ces mouvements financiers étaient en outre caractérisés par des opérations de rétro transferts partiels entre les comptes SIAKAL et NOOR et par des opérations de conversion de francs suisses en dollars. En dehors des documents bancaires, il apparaissait que l’ayant-droit économique de ces comptes finaux était AN AO ; en effet, d’une part, les relevés de compte ATHENA faisaient apparaître au débit un grand nombre de bénéficiaires, personnes physiques ou morales, mais dont plusieurs étaient en lien familial évident avec l’ayant-droit économique ; d’autre part, le gestionnaire du compte W MANAGEMENT avait finalement demandé le

20 janvier 2006 la clôture du compte tenu par la banque LOMBARDODIER et le

Page 15 / 44


versement du solde en faveur de AO AN (et non AN AO) sur un compte du Crédit Suisse, étant précisé néanmoins qu’à la lecture du passeport de R Z, il apparaissait que le nom de son père était AN.

Tous les bénéficiaires des virements effectués à partir des comptes ATHENA et

W ne pouvaient cependant pas tous être identifiés, notamment ceux bénéficiaires des montants les plus élevés. Une demande d’entraide était ainsi adressée aux Etats-Unis le 15 juillet 2010 car plusieurs comptes bénéficiaires avaient été ouverts dans ce pays, auprès de banques principalement new-yorkaises, mais l’exécution de cette demande n’apportait aucun élément supplémentaire, les documents sollicités n’étant plus archivés ou étant inexploitables en ce qu’ils faisaient référence à de nouveaux noms de sociétés ou de gestionnaires de fonds, sans identification du bénéficiaire économique réel.

En second lieu, des recherches étaient réalisées aux fins de savoir, au vu des éléments de l’enquête, si le destinataire in fine de ces fonds n’était pas AM AC

C, ce qui a été la position du juge d’instruction français, dans son ordonnance de renvoi. Ce dernier a en effet écrit, en page 26 : « Lors de son audition, AN AO a communiqué quelques informations parcellaires et invérifiables mais les investigations ont démontré qu’il travaillait en étroite collaboration avec AM AC C. Il est donc hautement probable que celui-ci était le véritable bénéficiaire d’au moins une partie des commissions versées par H, ce qui a d’ailleurs été expressément admis par la société dans le cadre de la transaction avec les autorités américaines de poursuite. après avoir été nié par ses représentants tout au long de l’enquête judiciaire conduite en France ».

Comme l’indiquait le Service central de lutte contre la corruption qui avait été consulté dans ce dossier, des investigations complémentaires étaient néanmoins nécessaires pour permettre de mieux connaître le rôle exact de AM AC C dans le processus réel d’attribution du contrat, même si les chances d’obtenir des résultats étaient jugées minces : « ces investigations ne pourraient être fructueuses qu’à la condition que le pays concerné y participe activement. Or, compte tenu de l’absence de coopération judiciaire et policière avec l’D, mais également en raison du contexte politique, il est permis de douter du succès d’une telle démarche ».

En mars 2010, une demande d’entraide pénale était en tout état de cause adressée aux autorités judiciaires iraniennes.

Il leur était demandé : de fournir l’ensemble des renseignements disponibles sur le processus avant abouti à la signature du contrat « buy back » du 28 Septembre 1997 entre la NIOC et les parties au consortium dont H, et notamment la liste des négociateurs iraniens et des personnes décisionnaires ; d’entendre les responsables de l’époque tels Salehi FOROOZ et NAJAFI

SANI, respectivement Directeur et Directeur Technique de la AU AND

OIL GAS CIE, filiale de la NIOC en charge de l’off-shore ; de décrire l’implication des sociétés IOEC et PEDEC dans le programme

AT AU ;

d’enquêter sur R Z, AN AO et AM AC

C ;

d’indiquer, pour ce dernier, la nature de ses fonctions dans le secteur pétrolier et notamment à l’IOEC et à la PEDEC, de donner des précisions sur son statut d’agent public et d’indiquer si, dans le cadre de ses fonctions, il était intervenu

Page 16 / 44


dans l’attribution des contrats SIRRI et AT AU à H.

Près de huit mois après l’envoi de la commission rogatoire au bureau de l’entraide pénale du Ministère de la Justice, le Ministère des Affaires étrangères la renvoyait au magistrat mandant sans l’avoir adressée aux autorités iraniennes, indiquant « selon les informations dont nous disposons en provenance de Téhéran, la situation intérieure en D est telle aujourd’hui que les conditions ne semblent pas réunies pour permettre une exécution de cette Commission rogatoire internationale dans des conditions satisfaisantes. En effet, compte tenu des tensions très fortes entre le régime et la famille C, le risque d’instrumentalisation politique de cette demande par le pouvoir judiciaire iranien est très élevé, et les chances qu’elle puisse faire progresser l’enquête et concourir ainsi à la manifestation de la vérité sont très aléatoires ».

Le bureau de l’entraide pénale proposait alors un envoi direct au Parquet de Téhéran « mais compte tenu des risques mis en avant par le Ministère des Affaires étrangères, du relais de coopération de la représentation diplomatique française et en l’absence

d’un magistrat de liaison et d’un correspondant policier sur place, il était décidé de ne pas donner de suite à cette proposition ».

Par ailleurs, AM AC C n’étant pas localisé, il ne pouvait pas être procédé à son audition.

Pour autant le juge d’instruction rappelle dans son ordonnance de renvoi qu’outre les renseignements issus de l’enquête norvégienne, le dossier renferme de nombreux documents et témoignages qui permettent de retracer son parcours professionnel à la période intéressant les faits.

En outre, plusieurs documents découverts lors des perquisitions dans les locaux de H ou remis par la société sur réquisition, confirment la participation de AM AC C au dossier AT AU dans le cadre de ses différentes fonctions, de même que sa qualité d’interlocuteur de H.

Par exemple, les enquêteurs ont fait le lien entre R Z et AM AC C, notamment grâce à AV AW, Directeur Exploration et

Production au sein du groupe H de 2000 à 2002. En effet, dans le carnet

d’adresses (retrouvé sur son ordinateur portable), étaient notées les coordonnées

< AC, AM », suivi d’un numéro de téléphone de bureau et de l’indication

< R Dubai ». Ce numéro était identifié comme étant celui de R Z. En outre, AV AW, entendu, expliquait lui-même que R Z était le secrétaire de AM AC C. Il affirmait aussi avoir rencontré AM

AC C à plusieurs reprises, lequel avait des fonctions importantes au

sein de la société NIOC. Plus cisément il déclarait : «< « Le R » mentionné dans mon répertoire est associé avec AM AC, il s’agit de AM AC C fils de l’ancien président de l’D. [S’agissant de R] Je ne crois pas

l’avoir déjà vu et si j’ai son numéro de téléphone c’est que j’ai dû l’appeler ou recevoir un appel. Je pense que c’est le secrétaire de AM AC [S’agissant de AM AC C], je l’ai rencontré deux ou trois fois, pour les questions de gaz en général. Il s’agissait de réunions entre une délégation H et une délégation iranienne. La dernière dont je me souviens s’est déroulée dans un hôtel de ROISSY en présence de 6 ou 7 personnes de chaque côté. Je me souviens que cette réunion a eu lieu peu avant que je quitte le groupe. Lors de mes rencontres avec M.

C, j’étais toujours en compagnie de M. AX. Il y avait aussi peut être AE AY (M. D de l’époque) et des ingénieurs M.

Page 17 / 44



C avait des responsabilité à la NIOC sur des questions de gaz. Nous avons évoqué des questions générales mais rien de spécifique ».

***

S’agissant des positions des différents protagonistes de l’affaire, entendus dans ce dossier, BN AX a reconnu que H INTERNATIONAL LTD avait effectivement signé le contrat du 14 juillet 1997 avec la société U V LTD. Soit il avait lui-même signé ce contrat, soit il avait donné les instructions pour ce faire et, en tout état de cause, il en assumait la responsabilité. Il reconnaissait également qu’en exécution de ce contrat, des sommes avaient été versées, pour un montant H équivalent à celui retenu à la prévention et ce, jusqu’en 2003 ou 2004, moment où il avait lui-même décidé d’interrompre les versements. Ces derniers étaient destinés à rémunérer un groupe de « facilitateurs » de trois ou quatre personnes, dont R Z et ce, afin d’aider H SA à conclure le contrat avec la NIOC. Outre R Z, BN AX expliquait qu’il connaissait un autre de ces facilitateurs iraniens, dont il ne souhaitait et ne pouvait pas dire le nom. BN AX avait rencontré R Z et cette autre personne dès 1993 par l’intermédiaire d’hommes d’affaires de Dubaï. C’était, selon lui, un groupe de lobbying privé et non pas politique. De surcroît aucune personne de ce groupe n’avait pouvoir pour faire changer d’avis la NIOC, ou l’orienter.

Lors de son interrogatoire de première comparution, la position de H SA a été la suivante : un contrat de consultant, de lobbying, de service avait bien été conclu entre les sociétés H et U et, en exécution de ce dernier, des sommes avaient bien été versées, sommes qui n’ont été contestées ni dans leurs montants, ni dans leurs modalités de transfert. Sur le fond, la société a soutenu que ce contrat n’était pas fictif : il s’agissait de l’un des contrats conclus dans le cadre du projet AT AU et sa conclusion était non seulement absolument nécessaire pour saisir le contexte iranien, mais il avait de surcroît donné lieu à des prestations réelles.

S’agissant de R Z, ce dernier n’a jamais pu être entendu. Les documents bancaires suisses renferment toutefois des comptes rendus d’entretien entre R

Z et le gestionnaire de son compte à la banque LOMBARDODIER. Dans ces comptes rendus, R Z a déclaré qu’il ignorait l’identité des bénéficiaires des fonds qu’il envoyait pourtant lui-même sur le compte ATHENA. Il a enfin ajouté qu’il ne connaissait pas AN AO < M Y ».

S’agissant de AN AO, entendu en premier lieu par les autorités judiciaires suisses dans le cadre de l’affaire F, il expliquait qu’il avait des activités professionnelles variées, notamment via deux sociétés AFRA NET et ARADGHAB domiciliées à Téhéran, la première ceuvrant dans le domaine informatique et la seconde, dans le secteur automobile. Il ajoutait qu’il n’apparaissait officiellement dans aucune de ces deux sociétés, rencontrant des difficultés en D et n’y étant plus lui même allé depuis 1995. Par ailleurs, il disait se livrer à des activités de consulting en matière de pétrole, sous le couvert de la société ARADGHAB : « j’ai utilisé cette compagnie car je ne voulais pas que mon nom apparaisse dans le cadre de ce consulting ». Pour fournir ces prestations de consulting, il déclarait disposer de l’assistance de 80 personnes.

S’agissant de l’affaire dite F, il affirmait avoir rencontré M. E à

l’automne 2001, de sa propre initiative parce que l’une de ses connaissances lui avait expliqué que F souhaitait élargir ses activités en D et qu’elle avait besoin de services de consulting. Lors de cet entretien, il avait expliqué oralement, sans aucun

Page 18/44


support écrit, ses activités et connaissances professionnelles à son interlocuteur. Ce dernier l’avait recontacté à l’hiver 2001 et lui avait fait savoir que F était

d’accord pour avoir recours à ses services. « J’ai expliqué que j’avais des relations avec des personnes de la NIOC et que je pouvais arranger des réunions dans la mesure où F devait rencontrer de telles personnes ». Il avait demandé pour prix de ses services 5 % de la rémunération qu’allait recevoir F. M.

E n’avait pas accepté cette manière de faire, de même qu’il n’avait pas accepté la solution alternative consistant à consacrer une partie des 5% de la rémunération à des activités de charité. Une rémunération annuelle forfaitaire avait été finalement convenue. Il ne savait pas de combien d’heures il avait besoin mais il avait estimé à 3 000 heures par an le temps consacré au consulting et le calcul s’était fait sur une durée de 11 ans : « j’ai expliqué que je pouvais fournir ces services de consulting aussi longtemps que cela pouvait s’avérer nécessaire ». « J’ai donné un exemple à M. E des autres services de consulting que j’avais donnés auparavant aux compagnies pétrolières H et SHELL. Je lui ai donné la documentation pour appuyer mes dires. Je lui ai présenté des documents concrets sur la société H.

M. E m’avait promis de détruire ces documents confidentiels après les avoir lus ». « Je n’ai pas expliqué à ce moment-là à M. E que je ne pouvais pas me rendre en D. Il ne m’a pas posé la question ». Sa rémunération avait été versée via une société offshore et des comptes bancaires en Suisse. Enfin, s’agissant du calendrier, il disait avoir commencé à fournir à F ses premières informations avant la signature du contrat et avoir continué à être payé y compris après la signature du contrat AT AU (phases 6, 7 et 8) par F, ses prestations de consulting consistant alors à rechercher de nouveaux projets.

Il reconnaissait en outre avoir présenté M. C à M. E comme consultant en février 2002. « Il avait de grandes connaissances en géopolitique aux niveaux national et régional. M. C avait un lien direct avec le projet GTL qui intéressait F. Je pense avoir dit à M. E que M. C était lié à NIOC. M. E a dû rencontrer M. C plusieurs fois en ma présence et plusieurs fois sans moi. Les rencontres avaient lieu à Dubaï, en Norvège et peut-être en Suisse. (…). J’ai aussi demandé à M. C de

m’accompagner car je ne voulais pas toujours être seul, M. E étant aussi accompagné de M. G et une femme dont j’ignore le nom. M C savait mieux présenter les choses. J’ai utilisé M. C pour vendre mieux les services que je proposais à F ». Ou encore : « j’ai fait intervenir M. C car il était connu et donnait ainsi plus de poids à mon offre ». « Je précise que M. C est l’un de mes amis. Nous sommes allés à l’école ensemble. Je ne lui jamais payé des frais ou des honoraires ».

Lors de sa première déposition devant le juge d’instruction français, comme témoin assisté, AN AO faisait des déclarations spontanées et disait connaître R Z depuis 20 ans : J’ai été engagé dans diverses sortes d’activités avec lui. Au début ou au milieu des années 1990 il m’a demandé de collaborer avec lui pour des projets pétroliers. J’avais déjà travaillé auparavant sur des projets pétroliers et gaziers. C’est à ce titre qu’il avait connaissance de mes relations et connexions dans le secteur pétrolier en D. Il m’a indiqué qu’il aidait H à acquérir des intérêts pétroliers dans la zone de SIRRI. Je voudrais attirer votre attention sur le fait que je ne peux pas vous révéler les noms des contacts et des personnes avec lesquelles je travaille en D. La raison en est que lorsque j’ai donné des noms au cours de mes interrogatoires en Suisse et auprès des autorités Norvégiennes en 2004 ou 2005, ces noms sont malheureusement tombés entre les mains des autorités iraniennes. Je communique avec les autorités norvégiennes depuis 2007, car je cherche à savoir comment, et par qui, les noms ont été transmis au autorités iraniennes alors que les

Page 19 / 44


autorités suisses et norvégiennes avaient garanti qu’ils ne le seraient pas. Grâce aux contacts que j’ai encore en D, j’ai appris que de nombreuses personnes avaient souffert de ces fuites. J’ai suivi cette affaire par l’intermédiaire de mes avocats à Oslo et aussi grâce aux rencontres que j’ai eues personnellement avec des représentants de la diplomatie norvégienne dans les Émirats. Pour éviter tout malentendu et toute confusion, je voudrais dire que je n’ai jamais été impliqué dans des projets AT AU de H en D. Bien sûr j’ai reçu des fonds de R Z pour mes services dans le cadre du projet SIRRI ainsi que d’autres affaires que nous avons traitées ensemble. Pour étayer ma déclaration, j’indique que j’ai reçu des fonds avant

1997, ce qui montre clairement que j’ai été impliqué dans l’affaire SIRRI mais pas AT AU. Le projet SIRRI a démarré en 1995 et il a été exécuté sur une durée de près de 5 ans et c’est durant cette même période que j’ai reçu des sommes en rémunération de mes prestations. Au cours du projet SIRRI, R Z a pu, grâce à moi, nouer et développer des contacts dans le secteur pétrolier et gazier en D. Puis, pour le projet AT AU, il a décidé de le traiter tout seul, sans faire appel à moi. J’ai eu connaissance de son implication plus tard et j’en ai été irrité. Nous avons donc décidé de ne plus travailler ensemble sur des projets pétroliers et gaziers. Par la suite, j’ai conclu mes propres contrats avec F pour les phases 6, 7 et 8 de AT AU, et pour des raffineries, et d’autres projets pétroliers dans divers pays du Moyen Orient ». Pour le projet SIRRI, il déclarait avoir perçu 25 millions d’euros.

AN AO admettait que les comptes ATHENA et W étaient ses comptes. Interrogé par le juge d’instruction sur les raisons qui expliquaient que des sommes avaient été versées depuis le compte NOOR sur deux comptes lui appartenant mais postérieurement aux dates qu’il avait indiquées (40,7 millions de CHF ayant été ainsi versés entre 1998 et décembre 2003 sur ATHENA et 2 millions de CHF en 2003 sur W), il déclarait : « j’ai traité d’autres activités avec R Z que les affaires pétrolières et gazières qui expliquent les autres versements » (investissements immobiliers, dans le domaine de l’informatique, mise en place d’une usine de production de pièces détachées dans l’automobile, import-export). Il ajoutait que, au vu des dates notamment, il n’avait pas gardé de justificatifs et de documentation et précisait : « si j’avais eu un rôle quelconque dans AT AU, j’aurais réclamé beaucoup plus que cela ». Il déclarait encore qu’il n’était jamais intervenu dans l’attribution et/ou l’évolution des contrats passés entre NIOC et

H, n’ayant ni les moyens ni l’intention de le faire, et affirmait enfin n’avoir jamais rencontré aucun personnel du groupe H.

S’agissant du contrat du 14 juillet 1997 retrouvé dans les documents internes à la banque LOMBARDODIER, AN AO expliquait que ce document devait se trouver dans le coffre qu’il détenait au sein de cette banque et qu’il lui avait été fourni par R Z. Il semblait en réalité résulter d’une note interne de

LOMBARDODIER que ce contrat, comme d’ailleurs le contrat de consulting du 10 juillet 1995, avait été remis par l’intéressé lui-même après la diffusion de l’affaire

F dans la presse – donc en 2003 – dans une enveloppe scellée. La note interne de la banque faisait également état d’éléments ne pouvant être connus que d’une personne ayant lu ces actes : « contrats qui nous sont remis datent de bien avant les faits incriminés. Les montants en jeu ne correspondent pas aux montants articulés dans la presse ». En tout état de cause, s’agissant de la raison pour laquelle il serait entré en possession de ce contrat du 14 juillet 1997, AN AO déclarait : « Je voulais montrer cela comme exemple de ce que j’avais fait avec des sociétés pétrolières, et ce, pour obtenir de nouveaux contrats ». Le juge d’instruction réagissait alors : « certes, mais ce n’était pas un exemple de ce que vous aviez fait puisque vous dites justement ne pas avoir travaillé sur AT AU? ». AN AO répondait

Page 20/44


alors : « c’est exact mais nous avons tous tendance à exagérer ce que nous faisons ».

Enfin, il doit être mentionné qu’un extrait de ce contrat du 14 juillet 1997 a également été retrouvé lors de la perquisition effectuée à son domicile londonien.

AN AO était encore interrogé sur les bénéficiaires finaux de l’argent transféré sur ses comptes ATHENA et W. S’il semblait savoir quels étaient les différents bénéficiaires, il se contentait de préciser qu’aucun n’était en relation avec des affaires pétrolières.

PLAN

1) Sur l’extinction de l’action publique du fait du décès des prévenus

2) Sur les conclusions soulevées in limine litis

2.1) Sur le non bis in idem

2.2) Sur l’égalité des armes et le procès équitable

3) Sur l’application de la loi dans le temps

4) Sur la méconnaissance des dispositions de l’article 80 du CPP

5) Sur la constitution des infractions de corruption active d’agent public étranger et de complicité de corruption active d’agent public étranger

5.1) Sur la constitution de l’infraction de corruption active d’agent public étranger et l’imputabilité de cette infraction à la société H SA

5.2) Sur la complicité de corruption de corruption active d’agent public étranger reprochée à AN BD AO

6) Sur les peines

***

1) Sur l’extinction de l’action publique du fait du décès des prévenus

Conformément aux dispositions de l’article 6 du code de procédure pénale, l’action publique s’éteint par le décès du prévenu au cours de l’instance.

BN BU AX, prévenu, est décédé le […] à

Moscou, suivant acte de décès produit lors de l’audience du 21 mai 2015. L’action publique est éteinte à son endroit.

A l’audience du 11 octobre 2018, un conseil s’est présenté pour le compte de R

Z. Il a produit un acte de décès en original, émanant des Emirats Arabes

Unis ; il y est indiqué que R Z est décédé à l’hôpital iranien de Dubaï, le […]. Le ministère public a confirmé l’authenticité de cet acte, après avoir pris contact avec l’attaché de sécurité intérieur basé à Dubaï. Au regard des éléments qui précèdent, le tribunal considère que l’action publique est éteinte en ce qui concerne R Z.

S’agissant de AN BD AO, son conseil a indiqué lors de

l’audience du tribunal correctionnel du 21 mai 2015 que son client avait été enlevé à

Page 21 / 44



Dubaï et qu’un jugement avait été rendu à Dubaï sur ces faits d’enlèvement en date du mois de mai ou de juin 2013. Il a aussi affirmé que son client était décédé, précisant que des condoléances avaient d’ailleurs été reçues par des membres de sa famille. Lors de cette audience déjà, le ministère public a sollicité des justificatifs susceptibles de permettre, le cas échéant, que soit constatée l’extinction de l’action publique à son endroit. Aucun document n’a été fourni au cours des audiences suivantes. A l’audience du 11 octobre 2018, son conseil a déclaré que le corps n’avait pas été retrouvé, sans produire aucune pièce. A défaut d’acte de décès et nonobstant les explications données

à l’audience, le tribunal examinera si l’infraction de complicité de corruption active

d’agent public étranger peut être imputée à AN BD AO et si les éléments constitutifs de cette infraction sont réunis le concernant.

2) Sur les conclusions soulevées in limine litis

A l’audience du 11 octobre 2018, les conseils de H SA ont régulièrement déposé des conclusions, soutenues oralement, par lesquelles ils demandent au tribunal de constater :

l’autorité de la chose jugée du jugement rendu le 4 novembre 2016 par la cour

- de B et entérinant le […]

2013; que les exigences du procès équitable ne peuvent pas être respectées en

-

l’espèce; par voie de conséquence, l’extinction de l’action publique à l’encontre de la

-

société H SA et ce, indépendamment du lieu de commission de l’infraction.

2.1) Sur l’autorité de la chose jugée

Les conseils de H SA font valoir que l’argumentaire retenu par le juge

d’instruction en page 63 de son ordonnance de renvoi selon lequel « la société H

n'a pas fait l’objet aux Etats-Unis d’un jugement définitif puisqu’il s’agit au contraire d’un accord transactionnel de poursuites différées conclu pour cinq ans, alternatif à un procès pénal » n’a plus lieu d’être, dans la mesure où le DPA, pleinement exécuté par la société H SA, a été entériné par un jugement de la cour de B du 4 novembre 2016.

Par ailleurs, selon eux, ce DPA aurait, d’une part, la valeur d’un jugement définitif tel que défini en droit interne et en droit international. A cet effet, ils exposent qu’un jugement définitif suppose qu’une appréciation ait été portée sur le fond de l’affaire, que la peine ou les peines prononcées aient été intégralement exécutées et qu’il ait enfin, pour conséquence, d’entraîner l’extinction de l’action publique, comme mentionné dans la décision de la cour de B (« the criminal information in the above-captioned case is hereby dismissed with prejudice »). Une telle valeur aurait d’ailleurs déjà été reconnue par des juridictions françaises à des accords transactionnels étrangers, notamment dans les affaires dites Pétrole contre nourriture, volets I et II.

Les Conseils de H SA font valoir, d’autre part, que les faits visés par le DPA du

29 mai 2013 et par la prévention seraient strictement identiques, tant sur le plan matériel que sur le plan juridique. Les deux procédures feraient ainsi référence au même contrat du 14 juillet 1997 relatif au développement du contrat AT AU en D, ainsi qu’aux mêmes flux financiers et aux mêmes personnes. En outre, les infractions visées dans le DPA et dans l’ordonnance de renvoi se rejoindraient quant à Page 22 / 44


11ème Ch.2

leur qualification juridique en ce que le DPA viserait, au titre de l’un des chefs d’accusation, une « conspiracy » et la violation subséquente des dispositions anti corruption du Foreign Corrupt Pratices Acts (FCPA).

Enfin, toujours selon les avocats de H SA, il conviendrait de tenir compte des circonstances particulières de la présente affaire qui justifieraient une adaptation de la règle traditionnelle selon laquelle les jugements répressifs étrangers n’ont pas, en France, l’autorité de la chose jugée lorsqu’ils concernent des faits commis sur le territoire français. Le principe non bis in idem devrait ainsi s’appliquer dans les dossiers de corruption transnationale, sur le fondement des articles 14§7 du Pacte de

New-York, 4§3 de la Convention OCDE et 6 du code de procédure pénale.

L’évolution législative tendrait vers cette solution (cf. la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 dite loi Sapin II intégrant en droit français la convention judiciaire d’intérêt public; la signature en France le 24 mai 2018 du premier accord de résolution coordonnée avec les Etats-Unis dans l’affaire Société générale; la circulaire du 9 mai

2018 du Département de la justice américain affichant sa volonté d’encourager la coordination entre Etats et la prise en compte du montant des pénalités déjà versées dans le cadre de procédure initiées pour les mêmes faits).

S’agissant des fondements juridiques, l’article 14§7 du Pacte de New-York ne serait pas applicable uniquement aux poursuites engagées sur le territoire d’un même Etat, comme l’a affirmé la Cour de cassation dans son arrêt du 14 mars 2018 (Crim., 14 mars 2018, pourvoi n° 16-82.117). L’article 4§3 de la Convention OCDE du 17 décembre 1997 ratifiée par la France et les Etats-Unis (« Lorsque plusieurs Parties ont compétence à l’égard d’une infraction présumée visée dans la présente Convention, les Parties concernées se concertent, à la demande de l’une d’entre elles, afin de décider quelle est celle qui est la mieux à même d’exercer les poursuites ») constituerait également le texte spécial qui permettrait de déroger à la règle traditionnelle, comme le prévoit la Cour de cassation (Crim., 23 octobre 2013, Bull. n°

201).

***

Dans ses réquisitions écrites datées du 11 octobre 2018, versées au dossier et soutenues oralement, le procureur de la République a demandé au tribunal d’écarter

l’application du principe non bis in idem, aux motifs, d’une part, que cette solution serait justifiée par l’impossibilité pour le juge français d’assimiler les condamnations prononcées à l’étranger et celles prononcées en France, ces décisions s’inscrivant dans deux ordres juridiques distincts. D’autre part, écarter ce principe serait d’autant plus important que, réciproquement, les Etats-Unis ne l’appliqueraient pas, étant précisé qu’en l’espèce, ces derniers ont engagé des poursuites alors que l’enquête française était déjà avancée. Enfin, le DPA n’écarterait nullement la possibilité que H SA fasse l’objet de poursuites pour les mêmes faits, de la part d’autres autorités américaines ou d’autorités étrangères.

***

Sur ce, le tribunal rappelle que, par principe, les jugements répressifs étrangers n’ont pas, en France, l’autorité de la chose jugée lorsqu’ils concernent des faits commis sur le territoire français (ils ont autorité de la chose jugée lorsqu’ils concernent des fais commis hors du territoire de la République par application des articles 113-9 du code pénal et 692 du code de procédure pénale). En l’espèce, il n’est pas contesté que les faits reprochés ont été organisés et commis par H SA, personne morale mise en

Page 23 / 44


examen et renvoyée devant le tribunal correctionnel dont le siège se trouve en France, et par BN BU AX, de nationalité française, demeurant à

l’époque, à Paris. Le contrat du 14 juillet 1997, a été signé par AI

AJ certes pour le compte de H INTERNATIONAL BP sise aux Bermudes mais ce dernier a confirmé lors de ses auditions qu’il était

< sédentarisé » au siège de H SA en France et ce, pour des raisons personnelles.

Les factures de consulting ont été adressées pour paiement au siège de H SA. Les ordres de paiements ont été émis depuis le siège de H. Les virements ont été réalisés pour deux d’entre eux – ceux de 2003 – depuis le compte Société Générale de

H SA, agence Défense Entreprises.

Par exception, les jugements répressifs étrangers peuvent avoir l’autorité de la chose jugée en France mais uniquement lorsque des textes spéciaux le prévoient (Crim., 23 octobre 2013, pourvoi n° 13-83.499), parce que, notamment, des accords internationaux ont été préalablement entérinés.

S’agissant de ces textes spéciaux, d’une part, l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne régit que les rapports entre Etats membres de l’Union européenne et ne peut dès lors servir de fondement à l’autorité de la chose jugée, en France, de décisions américaines. En effet, son article 51 rappelle que « les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions et organes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ».

D’autre part, l’article 4 du protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de

l’homme et l’article 14-7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui font obstacle à des doubles poursuites pour des faits uniques, ne trouvent à s’appliquer que dans le cas où deux procédures ont été engagées sur le territoire d’un même Etat, comme il vient d’être rappelé récemment par la Cour de cassation (Crim.,

14 mars 2018, pourvoi n° 16-82.117). Ainsi l’article 4 du protocole n° 7 à la

Convention européenne des droits de l’homme dispose expressément que « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison

d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État ». Cette règle selon laquelle l’article 4 du Protocole n° 7 ne s’applique qu’aux juridictions d’un même État a été rappelée à plusieurs reprises par la Cour européenne.

S’agissant du Pacte international relatif aux droits civils et politiques signé à New York le 16 décembre 1966, ratifié par la France par la loi du 25 juin 1980 et publié par décret du 29 janvier 1981, il convient de rappeler qu’il a été adopté à une époque où sa dimension transnationale n’allait pas de soi. En outre, les Etats-Unis l’ont signé le 5 octobre 1977 et ratifié le 8 juin 1992 avec plusieurs réserves, tout en déclarant que les dispositions 1 à 27 du Pacte n’étaient pas exécutoires d’office. Enfin, le comité des droits de l’homme de l’ONU a grandement relativisé la portée internationale de l’article 14 § 7 dudit Pacte portant sur le non bis in idem en constatant dans ses décisions rendues les 2 novembre 1987 et 28 juillet 1997 dans les affaires A.P. c/ Italie

(A/43/40, Ann. VIII, p. 251 à 253, § 7.3 in fine) et A.R.J. c/ Australie (A/52/40, Vol. II, Ann. VI, sect. T, p. 230 à 242, par. 6.4) que ce texte n’interdisait les doubles condamnations pour un même fait que dans le cas de personnes jugées dans un État donné.

S’agissant enfin de l’article 4§3 de la Convention OCDE, selon lequel « Lorsque plusieurs Parties ont compétence à l’égard d’une infraction présumée visée dans la présente Convention, les Parties concernées se concertent, à la demande de l’une

Page 24 / 44



Ch.

d’entre elles, afin de décider quelle est celle qui est la mieux à même d’exercer les poursuites », il prévoit une concertation préalable, et non l’autorité de la chose jugée des décisions étrangères dans un Etat donné. Le rapport d’information n° 4082 sur l’extraterritorialité de la législation américaine, fait au nom de la commission des affaires étrangères et la commission des finances, souligne ainsi que le texte de

l’OCDE appelle explicitement à une coopération inter-étatique dans la répression de la corruption, plutôt qu’aux approches unilatérales et peu respectueuses des souverainetés. Il ajoute par ailleurs que cet article 4 crée un droit pour les Etats parties à la convention de demander une concertation en cas de concurrence de juridiction, et est « en fait un argument que pourraient utiliser les gouvernements européens pour combattre l’unilatéralisme de l’application de la loi FCPA en exigeant, au cas par cas, une concertation avec les autorités américaines en cas de poursuites contre leurs entreprises ».

Dès lors, le tribunal considère qu’en l’état des textes en vigueur, aucune disposition ne permet de donner à un DPA, même entériné par une cour américaine, l’autorité de la chose jugée et ce, indépendamment de la question de savoir si les faits sont identiques et si la décision dont s’agit doit être regardée comme une décision juridictionnelle définitive. Le moyen tiré de l’autorité de la chose jugée doit donc être rejeté.

2.2) Sur les exigences du procès équitable

Les conseils de H SA soutiennent que leur cliente est dans l’impossibilité absolue de bénéficier en France d’un procès équitable ce qui constituerait une violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et de

l’article préliminaire du code de procédure pénale – dans la mesure où la clause 21 du DPA, dite clause « muselière », l’empêcherait de se défendre. Plus précisément, cette clause lui interdirait de faire toute déclaration publique contestant sa reconnaissance de responsabilité ou contestant « en tout ou partie » les faits décrits dans le

< Statement of Facts » et ce, y compris dans le contexte d’un litige devant une juridiction étrangère. Ainsi, la prévenue ne serait pas en mesure de contester les faits relatés dans le DPA versé à la procédure française, pour partie reproduit dans l’ordonnance de renvoi et utilisé comme « aveu » de la commission de l’infraction.

Seule lui serait accordée, aux termes du DPA, la possibilité de soulever des défenses en droit, telles que le principe non bis in idem ou l’application de la loi dans le temps. La violation des termes du DPA exposerait la société concernée à un risque de réouverture des poursuites, le Department Of Justice (DOJ) ayant le pouvoir discrétionnaire de décider si les déclarations effectuées constituent un manquement aux obligations de l’accord, et H SA se trouverait ainsi dans l’impossibilité de développer une défense au fond autre que purement juridique. Toujours selon les conseils de H SA, ce handicap constituerait en outre une atteinte manifeste au principe de l’égalité des armes, lequel implique l’ob gati d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause – y compris ses preuves dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire.

Les conseils de H SA considèrent par ailleurs que cette première atteinte au procès équitable se double de l’impossibilité d’entendre contradictoirement les trois personnes physiques co-accusées, dont l’implication conditionnerait celle de H, celles-ci étant toutes décédées ou disparues. Ainsi, le droit pour tout accusé d’être entendu équitablement et le droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d’interroger les témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ne pourraient être respectés en l’espèce. Cette impossibilité irait à

Page 25 / 44


l’encontre de la jurisprudence récente de la CEDH selon laquelle il ne pourrait pas y avoir de procès équitable lorsqu’aucune confrontation directe ne peut avoir lieu à l’audience avec le témoin ou le co-accusé dont les déclarations ont déterminé la condamnation du prévenu (CEDH, affaire Cafagna contre Italie, 12 janvier 2018, n° 260173/13, s’agissant de la disparition du témoin à charge; CEDH, affaire Kuuchta contre Pologne, 23 avril 2018, n°58683/08; CEDH, affaire Lagardère c/ France, 12 avril 2012, n° 18851/07, §56).

Dans ses réquisitions écrites datées du 11 octobre 2018, versées au dossier et soutenues oralement, le procureur de la République demande au tribunal de rejeter les arguments de la défense et ce, aux trois motifs suivants : la justice pénale française serait souveraine et ne serait pas liée par l’accord conclu par H SA; celui-ci aurait été librement consenti et aurait, comme toute convention, un effet relatif. De surcroît, l’article 24 du DPA prévoirait lui-même l’inopposabilité de l’accord à toutes les agences fédérales américaines, à toutes les autorités judiciaires ou régulatrices des Etats-Unis ou de pays étrangers ; le droit à un procès équitable n’impliquerait pas la protection des justiciables contre eux-mêmes. H SA se serait ainsi elle-même placée volontairement dans la position qui est aujourd’hui la sienne. Elle aurait au demeurant encore le choix de la position à adopter à l’audience et, en tout état de cause, le droit de garder le silence et de ne pas s'auto-incriminer; le ministère public n’auraitpas besoin de s’appuyer sur les déclarations de

H auprès des autorités américaines pour établir sa culpabilité et requérir sa condamnation.

Sur l’impossibilité pour H SA de se défendre au regard de la clause 21 du

DPA

Cette clause est ainsi rédigée : « H convient expressément de s’abstenir, que ce soit par l’intermédiaire d’avocats, responsables, dirigeants, employés, agents actuels ou futurs ou de toute autre personne habilitée à parler au nom de H, de faire toute déclaration publique dans le contexte d’un litige ou de toute autre manière, contestant la reconnaissance de responsabilité par H en vertu des lois des Etats-Unis telle que définie ci-dessus, ou contestant les faits décrits dans l’Exposé des faits joint au présent. Toute contestation ou contradiction telle que définie ci-dessus constituera, sauf les droits à rectification de H tels que décrits ci-après, un manquement au présent Accord et H sera l’objet de poursuites conformément aux dispositions des paragraphes 16-19 du présent Accord. La décision d’imputer ou non à H toute déclaration contestant un fait contenu dans l’Exposé des faits afin de déterminer son manquement au présent Accord relèvera du seul pouvoir discrétionnaire du

Département. Si le Département estime qu’une déclaration publique de la part d’une personne définie ci-dessus contredit en tout ou partie une déclaration contenue dans

l’Exposé des faits, le Département en fera notification à H et H pourra éviter tout manquement au présent Accord en désavouant publiquement ladite déclaration dans les cinq (5) jours ouvrables de la notification de celle-ci. Il sera permis à H de soulever des exceptions de défense et de formuler des demandes dans d’autres procédures afférentes aux questions exposées dans l’Exposé des faits, à condition toutefois que lesdites exceptions de défense et demandes ne contredisent pas tout ou partie d’une déclaration contenue dans l’Exposé des faits. Le présent paragraphe ne

s’appliquera pas à toute déclaration fait par tout responsable, dirigeant ou employé passé ou présent de H au cours de toute action civile, pénale ou administrative intentée à l’encontre dudit personnage à moins que ce dernier ne s’exprime pour le Page 26/44



Tiene Ch.2

compte de H ».

Or, en premier lieu et contrairement à ce qui est soutenu, la clause 21 du DPA

n’interdit pas à H SA de se défendre à l’audience du tribunal correctionnel.

Elle n’interdit pas à H SA de faire tous types de déclaration ; elle prohibe uniquement les déclarations publiques et tel n’est pas le cas des déclarations faites

dans cabinet d’un juge d’instruction ou à huis clos; cette règle n’interdit pas de

s’exprimer, mais uniquement de se contredire; enfin, les personnes physiques ayant travaillé pour H SA peuvent s’exprimer en leur nom personnel.

En second lieu, cette clause comme l’ensemble du DPA – lie H SA et le DoJ mais n’a pas force obligatoire pour les autres Etats. En effet, le paragraphe 24 est ainsi rédigé : « le présent accord aura force obligatoire pour H et le Département mais

n’aura aucune force obligatoire pour toutes autres agences fédérales ou tous autres Etats, forces de maintien de l’ordre nationales ou étrangères ou des agences de réglementation, ou toutes autres autorités, mais le Département portera à l’attention de toutes agences et autorités telles qu’énumérées ci-dessus la coopération de H et le respect par cette dernière de toutes les obligations que lui impose le présent accord si H lui en fait la demande ».

En troisième lieu, indépendamment de son contenu, cette clause et, plus largement,

l’intégralité du DPA, ont une durée de validité limitée (en l’espèce 3 ans et 7 jours à compter du dépôt de l’acte d’accusation soit à compter du 29 mai 2013). D’ailleurs, en

l’espèce, cet accord expirait initialement le 5 juin 2016 et il a fallu le prolonger par un nouvel accord jusqu’au 31 octobre 2016 pour obtenir, dans les délais, le rapport du contrôleur. Il ne résulte donc pas de l’acte lui-même que celui-ci développerait ses effets sans limite de temps, comme il a été soutenu en l’espèce et notamment à

l’audience par BW-BX BY, représentant légal de la société H SA, lequel a ainsi déclaré : « on se sent lié pour toujours par ces engagements », ou

« C’est impossible de déroger à cet engagement pris », (cf. note d’audience du 12 octobre 2018, page 3/3). Il n’a pas été davantage démontré – autrement qu’en terme de

risque encouru que ses effets seraient susceptibles de se prolonger au-delà de la

-

décision judiciaire entérinant l’accord.

Enfin, H SA ne se trouve pas, en l’espèce, dans une situation où elle n’aurait jamais pu se défendre et aurait ensuite été contrainte par un accord transactionnel.

L’information judiciaire a ainsi été ouverte en France le 18 décembre 2006 pour, notamment, les mêmes faits que ceux pour lesquels elle comparait devant le tribunal correctionnel. Or, le DPA n’a été signé que le 29 mai 2013 et la société H SA a été mise en examen le 19 juin 2012, donc avant la signature de cet accord. Par note du

5 septembre 2012, les conseils de H ont répondu par écrit à des questions posées par le juge d’instruction. Le 18 juin 2013, les conseils de H ont transmis au magistrat instructeur leurs observations aux fins de non-lieu, après avoir pris connaissance du réquisitoire définitif, sans que ne soit évoquée l’impossibilité juridique de se défendre et ce, alors même qu’ils mentionnaient l’existence du DPA.

Au surplus et en tout état de cause, la comparution devant les juridictions françaises ne peut être régie par les dispositions d’un accord conclu entre la société H SA et le DoJ des Etats-Unis (Crim., 17 janvier 2018, pourvoi n° 16-86.491).

Au regard des éléments sus-évoqués, le tribunal considère que la société H SA ne se trouvait pas dans l’impossibilité de se défendre à l’audience au fond du tribunal correctionnel de Paris et qu’aucune atteinte n’a été portée, pour ce motif, au droit à un

Page 27 / 44


procès équitable.

Sur l’impossibilité d’interroger les co-prévenus

Il est incontestable que la Cour européenne des droits de l’homme a appliqué l’article 6

§ 3 de la Convention, relatif au droit pour tout accusé d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge, par analogie, aux dépositions des co-accusés absents

(cf. notamment le point 44 de la décision relative à l’affaire Kuuchta contre Pologne précitée du 23 avril 2018). Pour autant, l’absence d’un témoin ou d’un co-accusé

n’enfreint pas, en tant que telle, les dispositions de ce texte.

En effet, il appartient aux juges du fond, dans le cadre d’une appréciation in concreto des circonstances de l’espèce, d’examiner les raisons qui font obstacle à la confrontation du prévenu avec les témoins ou avec les co-auteurs ou complices, avant, le cas échéant, de conclure à une violation du droit à un procès équitable. Ainsi, il a été jugé par la Cour de cassation que « s’il résulte de ce texte que tout prévenu a droit notamment à interroger ou faire interroger les témoins à charge avec lesquels il n’a, à aucun stade de la procédure, été confronté, le refus par les juges du second degré d’entendre un témoin n’enfreint pas, en tant que tel, les dispositions de ce texte, dès lors qu’ils justifient leur décision, en exposant les circonstances particulières qui font obstacle à la confrontation, ou sont de nature à la priver de toute force probante »

(Crim., 13 février 2001, pourvoi n° 00-86.871).

En outre, il appartient aux juges du fond, dans les situations où cette confrontation

n’aurait pas été possible, de ne pas se fonder exclusivement sur les dépositions faites par ces témoins lors de l’enquête mais d’examiner également d’autres éléments de conviction : « dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s’assurer que la déclaration de culpabilité ne repose pas exclusivement sur les dépositions faites par ces témoins lors de l’enquête mais est également fondée sur d’autres éléments de conviction, les griefs allégués ne sont pas encourus » (Crim., 10 mai 2006, pourvoi

n° 05-82.826).

En l’espèce, comme évoqué supra, deux des trois autres prévenus personnes physiques sont décédés et le troisième a disparu, ce qui constitue, de fait, des circonstances insurmontables et indépendantes de la volonté de la juridiction.

De plus, deux d’entre eux ont pu être interrogés lors de l’enquête, de telle sorte qu’une confrontation avec leurs déclarations aurait pu être opérée à l’époque, si H SA en avait ressenti le besoin. De multiples investigations ont été menées, tant en France qu’à l’étranger, permettant de récupérer des éléments matériels (documents issus des perquisitions, documents bancaires, pièces de procédures étrangères etc.). enfin, un nombre important de témoins a également été entendu de telle sorte que les éléments de preuve versés aux débats dans le cadre de cette procédure sont pluriels.

Au surplus, la société H SA n’a pas elle-même entendu devoir faire citer quiconque devant le tribunal de céans.

Au regard de l’ensemble des éléments ainsi évoqués, il n’apparaît pas que

l’impossibilité d’interroger les prévenus décédés et le prévenu ayant disparu constitue en l’espèce une violation du droit à un procès équitable.

Page 28/44


11ème Ch.2

3) Sur l’application de la loi dans le temps

Dans leurs conclusions « à titre subsidiaire, au fond et aux fins de relaxe », régulièrement déposées à l’audience et soutenues oralement, les conseils de la société

H SA demandent au tribunal de dire et juger que la poursuite manque de base légale.

Ils expliquent que la loi du 30 juin 2000 – à l’origine de l’article 435-3 du code pénal qui définit et réprime le délit de corruption d’agent public étranger n'était pas applicable aux faits poursuivis en ce que le pacte corrupteur visé par les poursuites serait antérieur au 30 septembre 2000, date d’entrée en vigueur de ladite loi, puisque scellé par le contrat du 14 juillet 1997. En outre, les cinq versements visés dans

l’ordonnance de renvoi procéderaient exclusivement de l’exécution de ce contrat et ne constitueraient pas le renouvellement d’une infraction antérieure, comme soutenu à tort par le Service central de lutte contre la corruption. En effet, d’une part, les principes régissant la prescription ne pourraient prévaloir sur le principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère, les premiers ayant trait à une question de procédure obéissant au principe d’application immédiate de la loi nouvelle. D’autre part, il ne pourrait s’agir du renouvellement d’un pacte corrupteur qui, en tout état de cause, n’était pas illicite sous l’empire de la législation de l’époque. Enfin, l’ordonnance de renvoi n’apprécierait les fonctions d’agent public iranien que pour la période antérieure au 1er octobre 2000 – plus précisément de 1993 à juin 1997 (pages 36 et

39) et ne relèverait aucune fonction ou acte qui serait postérieur au 30 septembre

2000.

***

Certes, à l’instar de ce qu’indiquent les conseils de H SA dans leurs conclusions, le principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère avait été expressément rappelé dans le projet de loi initial au sein d’un article 2 relatif à l’entrée en vigueur dudit texte et ce, en ces termes : « les articles 435-1 à 435-4 du code pénal ne s’appliquent pas aux faits commis à l’occasion des contrats signés antérieurement à

l’entrée en vigueur sur le territoire de la République de la convention visée par ces articles ». Cette disposition a cependant été supprimée, non seulement parce qu’aucun autre pays signataire de la convention OCDE n’avait cru devoir la faire figurer dans sa loi de transposition, mais également parce qu’elle avait fait l’objet de critiques de la part de certains partenaires de la France, et enfin parce que, s’agissant d’un principe constitutionnel, la non rétroactivité s’applique même en l’absence de texte.

Cependant, cette question de la date à laquelle le pacte corrupteur visé par les poursuites a été signé ne revêt pas une importance majeure dans la mesure où, au-delà même de ce pacte, il importait, comme il a été rappelé par la garde des Sceaux ministre de la justice devant l’Assemblée nationale en deuxième lecture, de réprimer les versements faits à des fonctionnaires « à tout moment », les nouveaux textes devant < permettre au juge d’appréhender, au fur et à mesure du déroulement de cette infraction complexe, tous les éléments constitutifs de la corruption ». C’est ainsi que dans sa circulaire du 3 juillet 2001 de présentation du nouveau dispositif, la garde des Sceaux a confirmé qu'« il appartiendra aux juridictions d’apprécier souverainement, sous le contrôle de la Cour de cassation, la portée du principe constitutionnel de la non-rétroactivité de la loi pénale dans les cas où des faits de corruption de fonctionnaire étranger ont été commis avant la promulgation de la loi du 30 juin 2000 mais continuent à produire leurs effets postérieurement ».

En outre, pour déterminer si une loi est applicable au cas d’espèce, il convient au

Page 29 / 44


préalable de rechercher la nature de l’infraction.

Or la corruption est un délit instantané. De surcroît la qualification se fait in abstracto, par rapport au texte d’incrimination et non par rapport au comportement de l’auteur.

En conséquence, la question qui se pose n’est pas tant celle de savoir si le contrat conclu en 1997 est susceptible d’être considéré comme un pacte de corruption, alors même que la loi sur la corruption d’agents publics étrangers n’était pas encore entrée en vigueur, pacte dont les paiements seraient l’exécution voire le renouvellement, mais consiste à savoir si les flux financiers postérieurs à 2000 sont eux-mêmes constitutifs du délit de corruption puisque ce sont ces faits – qui courent à compter d’octobre 2000

- qui saisissent le tribunal, aux termes de l’ordonnance de renvoi.

D’une part, sur le plan juridique, la réforme du 30 juin 2000 a déclaré indifférent le moment où la proposition était faite proposer un avantage quelconque à un agent public était désormais considéré comme fautif « à tout moment ». De même, il peut certes s’agir, par ce moyen d’obtenir un marché mais aussi « de conserver » un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international.

En outre, il a déjà été jugé, dans une affaire de complicité de corruption passive par personne n’exerçant pas une fonction publique, que le prévenu pouvait être déclaré CB dès lors qu’il avait maintenu, après l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, les instructions données pour la perception des fonds et la provocation à cette action, lesquelles avaient entraîné la poursuite des sollicitations et des remises de fonds.

Autrement dit, chaque sollicitation de fonds suivie du versement de ceux-ci constitue un acte de corruption. De même, la perception de la somme indue le prix de la corruption – postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi signifie qu’à cette date, le demandeur n’a pas mis fin au système frauduleux qu’il a conçu (Crim., 25 février

2015, pourvoi n° 13-88.506, Bull. n° 35).

D’autre part, dans les faits objet de la présente espèce, les versements ont été accompagnés de factures, de demandes de paiement internes adressées par BN AX à la direction financière de H SA, d’ordres de paiement adressées par H SA à sa banque et notamment par exemple à la Société générale, donc d’actes matériels positifs d’acceptation de la proposition de corruption, qui entérinent le pacte.

En outre, les objectifs visés en versant cet argent à des intermédiaires iraniens ne sont pas d’un seul ordre et ne correspondent pas, comme soutenu par H SA, à l’exécution d’un contrat commercial qui serait en l’espèce un contrat de lobbying ou de consultant. Ces flux financiers irréguliers, non échelonnés et de montants systématiquement différents étaient un moyen pour H SA de payer la chose promise en 1997, mais aussi de s’assurer du maintien dans le temps des bonnes dispositions à son endroit de l’agent public étranger et donc d’assurer la pérennité de ses relations avec ses partenaires, et enfin d’anticiper la réalisation de prestations futures.

BN AX a d’ailleurs reconnu que la majeure partie des sommes versées n’étaient pas fixes mais fonction de l’avancée du projet (D300/3) – ce qui a en outre été confirmé par AG AH du Crédit Suisse qui a expliqué que les honoraires étaient fonction des différentes étapes du projet et que le contrat de 1997 était un contrat-cadre (D1677/3) – et dès lors pas automatiquement dues dans leur ensemble (D300/4). BN AX a également expliqué que H SA, qui avait initialement prévu de payer jusqu’en 2009, avait arrêté de le faire car la

Page 30/44



T eme Ch.2

société n’avait plus besoin de ses interlocuteurs iraniens il ne saurait être plus clairement établi que les paiements faits dans le temps ne consistaient pas en un simple échelonnement d’un prix promis en 1997, mais poursuivaient bien, chacun, les trois objectifs qui viennent d’être rappelés.

En conséquence, au regard de l’ensemble des éléments ci-dessus mentionnés, le tribunal rejette le moyen tiré de l’absence de base légale.

4) Sur la méconnaissance des dispositions de l’article 80 du CPP

Dans leurs conclusions à titre subsidiaire, au fond et aux fins de relaxe précédemment évoquées, les conseils de la société H SA affirment que la saisine du tribunal intervient en méconnaissance des dispositions de l’article 80 du code de procédure pénale, puisqu’elle comprend le paiement effectué en 2004 alors même que ce dernier n’était pas visé au réquisitoire introductif- faisant expressément état de flux financiers opérés entre octobre 2000 et 2003 et que les juges d’instruction successifs n’en ont jamais été saisis (cf. conclusions page 13).

En effet, le 18 décembre 2006, une information judiciaire était ouverte en France, par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, des chefs de

:

abus de biens sociaux commis au préjudice de la société H SA, s’agissant des flux financiers opérés entre 1996 et 2003 sur les comptes mouvementés par M. A Z et en relation avec la conclusion d’un contrat de consultant pétrolier avec la société H INTERNATIONAL

Ltd (TIL) et recel de ce délit ; corruption active d’agents publics étrangers, s’agissant des flux financiers opérés entre octobre 2000 et 2003 sur les comptes mouvementés par M. A

Z et en relation avec la conclusion d’un contrat de consultant pétrolier avec la société H INTERNATIONAL Ltd (TIL).

Cependant, en l’espèce, le juge d’instruction était saisi in rem de l’ensemble des flux financiers ayant mouvementé les comptes de R Z, en relation avec les contrats pétroliers et gaziers SIRRI et AT AU et susceptibles de constituer des actes de corruption (cf. supra) et donc, y compris celui de 2004, étant précisé que ce dernier paiement de 2004 n’est pas intervenu sur le compte de U

V BP auprès du Crédit Suisse de Genève mais auprès d’un nouveau compte ouvert par la même société auprès du Crédit Suisse de Singapour, ce changement ayant été opéré à la demande de la société H SA (cf. compte-rendu d’un entretien avec AG JÄGER).

Dès lors, le moyen tiré d’une violation des dispositions de l’article 80 du code de procédure pénale doit être rejeté.

5) Sur la constitution des infractions de corruption active d’agent public étranger et de complicité de corruption active d’agent public étranger

Les conseils de H SA demandent au tribunal de relaxer leur cliente, pour absence d’élément constitutif de l’infraction et défaut de base légale ; les faits visés à la prévention correspondraient selon eux à du trafic d’influence non incriminé en droit français entre 2000 et 2004 – et non à de la corruption.

Page 31/44



En effet, la corruption suppose que la personne désignée ait accompli un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction.

Or l’ORTC n’identifierait aucune fonction exercée par AM AC C qui lui aurait permis de décider de l’attribution à H SA du marché de AT

AU, phases 2 et 3, ou de sa conservation. Ce ne serait donc pas en raison de ses fonctions de dirigeant d’IOEC, puis de dirigeant de PEDEC, que AM AC C aurait été en mesure de décider de l’attribution à H du marché, mais bien en raison de son influence réelle ou supposée, et de celle de sa famille, notamment dans le domaine pétrolier. Les autorités norvégiennes ont d’ailleurs retenu la qualification juridique de trafic d’influence dans l’affaire dite F, et non celle de corruption. Dans l’affaire dite BOUZARI jugée par une juridiction canadienne, il est apparu que AM AC C avait proposé l’aide de son père. Enfin, dans l’exposé des faits annexé au DPA américain – auxquels se réfèrent expressément les conseils de la défense – H SA a certes reconnu avoir effectué des paiements mais < dans le but d’amener le responsable iranien à user de son influence en rapport avec l’attribution des droits de développement des champs Sirri A et E et AT AU ».

En outre, les conseils de H SA font valoir que les fonctions évoquées dans

l’ordonnance de renvoi – celles de dirigeant d’IOEC puis de PEDEC – non seulement ne permettaient pas par elles-mêmes de décider de l’attribution, courant 1997, du marché AT AU, mais de surcroît, elles étaient antérieures à l’année 2000 puisqu’exercées, selon ce qui est rappelé dans l’ordonnance de renvoi, entre 1993 et

1997.

Enfin, aucun acte précis ne serait invoqué par le magistrat instructeur, lequel aurait procédé par suppositions ; ce dernier a ainsi écrit dans son ordonnance de renvoi :

< on peut raisonnablement penser » que AM AC C avait la capacité de contribuer au choix de H SA et de fournir à celle-ci les renseignements techniques nécessaires, ou encore, que les actes que ce dernier avait accomplis étaient «nécessairement en lien avec sa fonction, sa mission, ou son

-

mandat ou facilités par ses fonctions » (ORTC page 62). De même a été évoquée, lors de l’audience du tribunal correctionnel, la phrase selon laquelle il apparaissait

< hautement probable » que « le partenaire local de H dans cette affaire était en réalité AM AC C » (ORTC page 54).

Par ailleurs, à l’audience du 12 octobre 2018, les conseils de H SA ont régulièrement déposé un jeu de conclusions complémentaire dans lequel ils évoquent le fait qu’à l’audience du 11 octobre 2018, le procureur de la République aurait requis l’abandon du DPA. Or, selon eux, dans la mesure où le DPA est considéré par le juge

d’instruction comme un aveu de culpabilité et où il est, à ce titre, un fondement de

l’accusation, celle-ci n’aurait plus de support nécessaire.

5.1) Sur la constitution de l’infraction de corruption active d’agent public étranger et l’imputabilité de cette infraction à la société H SA

Il est reproché à H SA d’avoir à Paris et sur le territoire national, en Suisse, au

Royaume Uni, en D à compter d’octobre 2000 et depuis temps non couvert par la prescription, proposé sans droit à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents, ou des avantages quelconques pour obtenir d’une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public dans un État étranger ou au sein d’une organisation internationale publique, qu’elle accomplisse ou s’abstienne

Page 32/44


11eme Chiz

d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d’obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international, en l’espèce en versant des sommes d’argent d’un montant global de 30.305.245 USD. en exécution d’un contrat signé le 14 juillet 1997 avec la société U V LTD de R

Z, destinées à des agents publics iraniens et notamment AM AC C, dans le cadre de la négociation et de l’exécution du contrat du 28 septembre 1997 relatif au développement du programme AT AU phases 2 et 3 entre la société publique iranienne NIOC et le consortium constitué par H, I et X (article 435-3 du code pénal).

Sur l’imputabilité de l’infraction de corruption à H SA

En premier lieu, il convient de rappeler, au regard de la date des faits incriminés, que la responsabilité pénale de la personne morale était expressément prévue par les dispositions de l’article 435-6, alinéa 1er, du code pénal, en vigueur à l’époque, de telle sorte que celle de H SA peut être recherchée.

En second lieu, conformément aux dispositions de l’article 121-2 du code pénal, dans sa version applicable à l’époque des faits, la personne morale ne peut être déclarée pénalement responsable que s’il est établi qu’une infraction a été commise, pour son compte, par ses organes ou représentants, étant précisé que cette responsabilité est autonome par rapport à celle encourue par la ou les personnes physiques; ainsi la relaxe prononcée à l’encontre de l’organe ou du représentant ou, comme en l’espèce,

l’extinction de l’action publique à l’égard de cette même personne n’exclut pas nécessairement la responsabilité pénale de la personne morale.

A l’époque des faits visés à la prévention, BN AX était d’abord directeur général adjoint exploration-production et membre du comité exécutif du groupe H FINA ELF, ensuite directeur général exploration-production du groupe, renommé H, après la fusion. A ce titre, il rendait compte au directeur général du groupe, qui lui-même en référait au président directeur général; à compter du 1er janvier 2003, date du départ en retraite de BW-BZ CA, BN AX en référait directement à AZ BA.

BN AX avait été amené à connaître ou à suivre le projet AT

AU, à partir de 1991, étant responsable de la négociation et du montage technique de cette opération industrielle de grande envergure. Il avait d’ailleurs, durant l’enquête, assumé la signature et la responsabilité du contrat du 14 juillet 1997, comme le fait

d’avoir donné des instructions en interne aux fins que H paie la société U V LTD. Matériellement, il a signé les demandes de paiement, qui ont été transmises à la direction financière. Il a lui-même décidé de l’arrêt de ces paiements, se contentant d’en informer son supérieur hiérarchique, comme il l’avait lui-même expliqué.

Dès lors, BN AX avait un pouvoir décisionnel mais également les compétences, l’autorité et les moyens nécessaires pour engager H SA qui, à aucun moment ne s’est d’ailleurs désolidarisée de ses agissements ; à l’audience du 11 octobre 2018, sur question du tribunal, BW-BX BV a confirmé que, nonobstant les conclusions de l’enquête américaine, il n’y avait eu, à aucun moment,

d’enquête interne (cf. note d’audience page 2/4). BN AX est ainsi

l’organe ou le représentant ayant agi pour le compte de la personne morale dont la responsabilité est susceptible d’être engagée.

Page 33 / 44



Sur la constitution de l’infraction de corruption active d’agent public étranger

En premier lieu, l’élément matériel de l’infraction de corruption est double.

Tout d’abord le particulier, auteur de l’infraction de corruption active, doit avoir été en relation avec une personne « dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public dans un État étranger ou au sein d’une organisation internationale publique », conformément au texte même de

l’article 435-3 du code pénal.

Contrairement à ce qui a été soutenu par défense, la qualité d’agent public iranien de

AM AC C est évoquée dans les qualifications de renvoi, de même que les postes qu’il a occupés, à savoir des postes de direction dans des sociétés pétrolières publiques iraniennes et ce, dans le corps de l’ordonnance (page 61).

En outre, il résulte de l’étude de l’entier dossier que AM AC C a eu les fonctions suivantes, au sein des sociétés :

IOEC: il a été président de la société IOEC, de 1993 à 2000. En outre, en 2001, s’il ne figurait plus officiellement parmi les membres du conseil

d’administration, il se présentait encore comme dirigeant de cette société. En effet, lors d’une réunion qui a eu lieu en mai 2001 à Téhéran, entre AM

AC C et deux représentants de F, « AC s’est présenté comme étant le dirigeant de IOEC, en indiquant qu’il était également le dirigeant de IFCOO. Les représentants de F avaient reçu une carte de visite de AC sur laquelle figurent les logos de IOEC et IFCOO » (cf. rapport du cabinet d’avocats HJORT, à l’attention de la direction de

F, sur le contrat HORTON et la copie de la carte de visite elle-même, jointe au dossier du tribunal). BN AX, lorsqu’il avait été entendu par les policiers français, avait d’ailleurs reconnu avoir rencontré

AM AC C à plusieurs reprises, au cours de la période 1993-2003 et notamment « dans le cadre de AT AU, mais également dans le cadre d’autres projets. Chacun de ces rendez-vous avait lieu avec Monsieur AM AC en sa qualité de président d’IOEC ». La société IOEC gérait l’intégralité des contrats liés au champ AT AU, pour le compte du ministère du pétrole. Plus précisément, elle a été créée en 1993 et « fait partie des leaders parmi les entrepreneurs iraniens travaillant dans le cadre des activités pétrolières et gazières. IOEC appartient à NIOC (à 51%)

(…). La société s’est spécialisée en ingénierie offshore, approvisionnement, construction, revêtement de conduites, pose et installation de conduites, etc. »>

(cf. note relative à l’activité pétrolière et gazière en D, procédure F). De la même manière, BB BC, directeur Moyen Orient à la direction générale exploration et production de H SA entre mars 2002 et février 2007, a également reconnu, lors de l’enquête, avoir rencontré à plusieurs reprises AM AC C, notamment lorsqu’il était président d’IOEC. Sur le rôle de cette société et celui de AM

AC C, BN AX, entendu en mars 2007, avait confirmé : « Monsieur AM AC était ou est le patron d’une société iranienne répondant au nom de IOEC, société de services, filiale de la NIOC, bien connue en D dans le domaine pétrolier. H a dû d’ailleurs signer en tant qu’opérateur – divers contrats avec cette société IOEC » ;

« cette ex-filiale de la NIOC est spécialisée dans les contrats pétroliers et a dû travailler pour la plupart des projets que nous avons développés en D. IOEC est l’un des contracteurs – parmi les nombreux contracteurs iraniens

Page 34/44


11ème Ch.2

que nous étions amenés à faire travailler dans le cadre de notre engagement prévu au contrat de buy back dit de « local content » » ; « cette société IOEC est un contracteur parmi d’autres en D ayant contribué à la construction du projet AT AU » ;

PEDEC a priori, AM AC C a été nommé à la tête de

-

cette société en 1997 et a continué à exercer ses fonctions jusqu’à la mi-1998.

PEDEC a été créée en 1995 pour développer AT AU phase 1 et appartient à 100 % à la NIOC. Quand les négociations relatives aux contrats de buy back ont démarré en 1998, PEDEC a été chargée des négociations et de la surveillance de la mise en oeuvre de ces contrats se rapportant à d’autres régions que AT AU. Au sein de son domaine de compétence, PEDEC évalue les réponses reçues aux appels d’offres relatifs aux contrats de buy back et donne son avis au directeur administrateur de la NIOC (cf. note relative à l’activité pétrolière et gazière en D, procédure F);

IFCOO dans le cadre de la procédure de F, mi-mai 2001, AM

AC C se présentait comme un dirigeant de l’IFCOO. Au vu

d’une carte de visite jointe au dossier, il en était même le directeur général. A la mi-juillet 2001, une nouvelle réunion a été organisée à Téhéran avec AM AC C et cette réunion a eu lieu dans les locaux de l’IFCOO.

Cette société IFCOO, créée en 2000 ou 2001, est une filiale à 100 % ou une unité de la NIOC, dont l’activité est de gérer la consommation et la gestion des ressources. Cette société rend compte à la NIOC par l’intermédiaire de son directeur administratif;

NIOC AM AC C est venu visiter F en

Norvège, du 13 au 17 août 2001. Or dans le programme que F avait élaboré pour cette visite, AM AC C était présenté comme «< President NIOC, Iranian Fuel Conc. Org. ». De même, une demande de visa avait été faite préalablement, auprès des autorités norvégiennes et AM AC C y était toujours présenté comme faisant partie de la NIOC. Dans le rapport final relatif à la politique du secteur du pétrole et du gaz en D, préparé par le groupe de contrôle des risques, pour F SSA et daté du 9 mars 2004, il est écrit que AM

AC C a occupé plusieurs postes différents au sein de la NIOC. Enfin, AV AW a déclaré à plusieurs reprises, lorsqu’il a été entendu, que AM AC C avait des fonctions de direction au sein de la NIOC et sur des questions en rapport avec le gaz.

Enfin, au cours d’une réunion qui a eu lieu à la mi-juillet 2001, entre F et

AM AC C, ce dernier avait laissé entendre qu’il était conseiller du ministre iranien du pétrole et ce, dans le domaine technologique. Dans une note interne à F, établie en vue de la future visite de AM Hashemi

C en Norvège au mois d’août 2001 et adressée à AL E, il est indiqué que AM AC C est conseiller du ministre iranien du pétrole.

En conséquence, au vu de l’ensemble des éléments ci-dessus rapportés, AM

AC C doit être considéré comme une personne chargée d’une mission de service public dans la mesure où il occupait contrairement à ce qu’a indiqué la défense des fonctions bien identifiées de direction au sein de plusieurs

-

entreprises de l’industrie pétrolière iranienne, ce secteur étant considéré dans ce pays

Page 35/44


comme un service public et étant à ce titre totalement nationalisé et étroitement lié au ministère du pétrole (le président de la NIOC étant ministre du pétrole). Même si la place de AM AC C dans l’organigramme de la NIOC a évolué dans le temps, il a toujours fait partie de l’équipe dirigeante de cette structure, que ce soit au sein de la maison mère ou en en dirigeant des filiales. C’est d’ailleurs ainsi qu’il s’est présenté à ses interlocuteurs étrangers. C’est également ainsi que ces derniers – et notamment des entreprises de premier plan dans le secteur de l’énergie comme H ou F disposant d’une connaissance fine du domaine et de ses pratiques l’ont perçu.

Peu importe, comme il a pu être soutenu que AM AC C n’ait pas eu de pouvoir de décision propre, puisque le corrompu n’est pas nécessairement une personne dépositaire de l’autorité publique mais peut être une personne qui poursuit une mission d’intérêt général mais sans disposer, à ce titre, d’un pouvoir de décision ou de contrainte qui lui soit propre.

Enfin, plusieurs personnels de H SA, comme déjà mentionné, ont effectivement eu des relations directes (réunions) avec lui. D’ailleurs, dans ses conclusions écrites comme à l’audience, la défense ne conteste pas ces contacts, considérant seulement qu’il s’agit de trafic d’influence.

Au regard de l’ensemble des éléments ci-dessus évoqués, la première condition relative aux relations avec l’agent public, nécessaire à la constitution de l’infraction, est réunie.

Ensuite, pour que l’infraction de corruption soit établie, il faut également

- outre des

relations entre le corrupteur et le corrompu – des actes.

D’un côté, le corrupteur doit avoir proposé sans droit, à tout moment, directement ou indirectement des offres, promesses, dons, des présents ou des avantages quelconques ou cédé aux sollicitations d’une personne qui lui a fait de telles propositions. En l’espèce, H SA a versé des fonds, ce qui résulte des informations fournies par les banques comme des demandes et ordres de paiement retrouvés chez H SA.

Certes, la preuve du cheminement direct et complet des fonds, depuis les comptes de

H SA jusqu’à ceux de AM AC C, n’est pas rapportée, mais peu importe le texte de loi prévoit que l’offre peut être faite directement ou, dans un souci de discrétion, indirectement, c’est-à-dire par l’entremise d’un tiers, de bonne ou de mauvaise foi. Le tribunal rappelle à ce titre que la corruption – non assimilable au trafic d’influence – suppose une relation duale entre le corrupteur et le corrompu – fût elle indirecte parce que se seraient interposées des personnes dont le rôle principal est de faire écran et de recueillir les fonds. En tout état de cause, le tribunal observe que la défense n’a pas contesté la destination finale de ces flux financiers, étant ajouté que ces derniers ont in fine alimenté les comptes de AN BD AO, ami d’enfance de AM AC C et avec lequel ce dernier travaillait

(ainsi, lors de la signature du contrat de consulting dans le dossier F, le 12 juin 2002 à Londres, l’entreprise norvégienne était représentée par AL E, son assistant personnel et Tor Ivar Pedersen mais l’autre partie contractante était représentée par AM AC C et AN

BD AO, ce dernier ayant signé le contrat au nom de la société

HORTON INVESTMENTS LTD). Enfin, H SA a reconnu dans la procédure judiciaire américaine que les fonds versés par groupe français ont été envoyés à des

< intermédiaires désignés par le responsable iranien », ce dernier étant « le président

d’une société d’ingénierie iranienne détenue à plus de 90 % par le gouvernement iranien et essentiellement sous le contrôle du gouvernement iranien. A compter du

Page 36/44


début de 2001, au moins, le responsable iranien était à la tête d’une organisation iranienne s’occupant de la consommation de fuel, filiale à 100 % de la NIOC, et également conseiller gouvernemental auprès d’un responsable iranien de haut niveau » : ces éléments visent clairement AM AC C.

D’autre part, l’enjeu d’une telle opération doit être l’accomplissement, ou le non accomplissement, par l’agent public en question, d’un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat.

Ce qui est visé à ce titre est l’objectif recherché et non l’acte lui-même, qui d’ailleurs

n’est pas précisément défini par le législateur.

Ainsi « il n’importe que le corrompu n’ait pas accompli lui-même ledit acte dès lors qu’il entrait dans ses attributions d’en proposer ou préparer la réalisation » (Crim., 29 juin 2005, Bull. n° 200). En d’autres termes, ces actes peuvent être des actes préparatoires aux décisions finalement prises.

Il importe peu également que l’acte ait été accompli individuellement ou collectivement: l’existence d’un processus collectif d’adoption de décisions ne fait pas obstacle à la sanction d’éventuels actes de corruption.

Enfin, ont été considérés comme des actes facilités par les fonctions la simple fourniture d’informations ou de renseignements. En effet, il a été jugé que le fait pour une personne chargée de mission de service public de fournir des renseignements sur les marchés envisagés par son entreprise pouvait être considéré comme un acte facilité par les fonctions, constitutif du délit de corruption (Crim., 26 janvier 2011, pourvoi n° 10-80.155).

Dès lors, en l’espèce, le fait pour H SA d’avoir obtenu l’organisation de réunions, en marge de la réalisation du marché, avec un membre des équipes de direction de plusieurs sociétés pétrolières iraniennes, filiales ou unités composant la

NIOC, pour obtenir – ce qui est reconnu des informations lui permettant de conclure un contrat, de l’exécuter, le développer et le conserver, constitue incontestablement un acte facilité par la fonction au sens de la loi.

En outre, si au vu des auditions des différents personnels de H SA, ces réunions ont eu lieu avant l’obtention du contrat de buy back de 1997, d’autres ont été organisées postérieurement à 2000, comme en attestent les déclarations par exemple de AV AW déjà citées, ou de BB BC qui lui a succédé à partir de 2002. De même, BN AX, lorsqu’il avait été entendu par les policiers français, avait lui aussi admis avoir rencontré AM AC C à plusieurs reprises, avec ou sans collaborateurs et ce, au cours de la période 1993-2003.

Par ailleurs, l’exécution du contrat de buy back et son développement forment autant d’actes qui ressortaient de la compétence de AM AC C, en sa qualité de membre dirigeant de plusieurs sociétés pétrolières iraniennes, filiales ou unités composant la NIOC. Ainsi, à la question posée par le juge d’instruction de savoir si AM AC C avait joué un rôle dans la conclusion du contrat de buy back, BN AX avait répondu : « je le connais pour avoir joué un rôle dans l’exécution du contrat en tant que président de l’IOEC, prestataire de services », ou encore « nous avons eu à faire à un certain nombre de contracteurs c’est-à-dire de fournisseurs iraniens pour le développement de ce projet et notamment à AM C qui était le président directeur général de la

Page 37 / 44


compagnie IOEC qui est une filiale de la NIOC ». BN AX avait donc reconnu que AM AC C avait joué un rôle effectif ; il n'avait pas affirmé, comme l’a fait H SA via ses conseils à l’audience, que ce dernier s’était simplement prévalu d’être le fils de son père et d’une influence réelle ou supposée. De même, interrogé par le juge d’instruction, BW-BX BV, représentant légal de H SA, avait expliqué par exemple que son entreprise avait eu un différend avec une filiale de la NIOC, IOEC, dans le cadre du projet AT

AU, pour une mauvaise exécution de travaux des plates-forme; IOEC n’était donc pas seulement susceptible d’intervenir mais était effectivement intervenue en l’espèce.

En conséquence, outre les actes accomplis par AM AC C pour permettre à H SA d’obtenir le marché AT AU en contrepartie desquels H SA a accepté de verser des fonds, ce dernier a fourni des renseignements et permis par ses actes d’exécuter ledit marché et de le conserver, dans des conditions qui ont satisfait H SA, au moins jusqu’en 2004.

***

En second lieu, l’élément moral est lui aussi double : le délit de corruption suppose la preuve d’une intention frauduleuse c’est-à-dire la violation délibérée du devoir de probité; au-delà de ce dol général, il faut ajouter un dol spécial qui consiste en la volonté de faire accomplir à l’agent public étranger un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat.

Or en l’espèce, la clandestinité du contrat dit de lobbying comme des paiements apparaît suffisante pour caractériser l’élément moral.

S’agissant du contrat de lobbying tout d’abord, les personnels de H SA, entendus dans la procédure et ce, y compris au sein de la Direction exportation production et de la Direction Moyen-Orient, ont dit ignorer son existence. Lioubomir AJ a expliqué avoir appris a posteriori qu’il faisait partie de H

INTERNATIONAL BP et avoir signé ce contrat, au nom de cette société mais sans savoir ce qu’il signait : « On m’a affirmé que cela ne représenterait aucune charge de travail supplémentaire me concernant, puisqu’il suffirait que j’appose ma signature sur des documents déjà établis ». Il reconnaissait sa signature sur le contrat de consulting qui lui était présenté lors de l’enquête, par les policiers, mais expliquait qu’il ne savait pas de quoi il retournait et qu’il n’avait pas vraiment eu le choix, ajoutant qu’il n’avait même pas été payé pour ce faire.

S’agissant des fonds, un système en cascade a été conçu afin de rendre malaisée

l’identification du cheminement de l’argent et de ses bénéficiaires réels. Ainsi les fonds ont été versés sur des comptes dont R Z n’était pas le titulaire mais seulement l’ayant droit économique, fonds eux-mêmes reversés sur des comptes tiers, au bénéfice cette fois de AN BD AO, avant d’être transférés à nouveau à divers bénéficiaires restés inconnus. Or, ce cheminement complexe paraît incompatible avec les explications fournies par R Z selon lesquelles ces sommes auraient constitué la juste rémunération de services qu’il aurait réellement et personnellement rendus.

En outre, personne au sein de H SA, parmi les personnels entendus, n’a été capable de justifier des prestations supposément accomplies par R Z.

BN AX a refusé à plusieurs reprises de donner le nom des membres du groupe de facilitateurs auquel a déclaré avoir eu recours.

Page 38/44



Le montant des sommes versées à des personnes physiques pour un simple contrat dit de lobbying ou de facilitation était très important par rapport au bénéfice net estimé du marché et eu égard au fait que les versements ont cessé en 2004 et que tout ce qui avait été promis n’a pas été payé.

***

Ainsi, au regard de l’ensemble des éléments sus-évoqués, qui s’ajoutent à ceux susceptibles d’être extraits du DPA sur lequel le parquet n’entendait pas exclusivement se fonder, le tribunal déclare H SA CB de l’infraction de corruption

d’agent public étranger qui lui était reprochée et dans les termes de la prévention.

5.2) Sur la complicité de corruption active d’agent public étranger reprochée à AN BD AO

Il est en effet reproché à AN BD AO d’avoir été complice, à compter d’octobre 2000, par aide ou assistance, en en facilitant la préparation ou la consommation, des faits de corruption d’argent public étranger commis par BN BU AX et H SA à Paris et sur le territoire national, en

Suisse, au Royaume-Uni et en D, en faisant transiter sur des comptes bancaires dont il était l’ayant droit économique, et notamment le compte ATHENA (BANQUE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT) et le compte STARMOON

MANAGEMENT (Banque LOMBARDODIER) des sommes d’argent versées par la société H en exécution d’un contrat de consultant signé le 14 juillet 1997 avec la société U V LTD de R Z à hauteur de 30 305 245

USD, destinées à des agents publics iraniens et notamment AM AC

C dans le cadre de la négociation et de l’exécution du contrat du 28 septembre 1997 relatif au développement du programme AT AU phases 2 et 3 entre la société publique iranienne NIOC et le consortium constitué par H, I et X.

***

La complicité n’existe qu’autant qu’il y a un fait principal punissable, ce qui est le cas en l’espèce, comme développé supra.

La complicité visée à la prévention est une complicité par aide et assistance qui suppose en tout état de cause l’accomplissement d’actes matériels positifs, antérieurs ou concomitants à la perpétration du délit. En l’espèce, AN BD

AO a d’abord fait ouvrir des comptes bancaires : le compte ATHENA, le 10 juillet 1995, auprès du groupe DEUTSCHE BANK à Genève et le compte W, le

27 mai 2003, à la Banque LOMBARDODIER de Genève. Entendu par le magistrat instructeur français, AN BD AO a indirectement reconnu ces ouvertures de comptes dans la mesure où, par exemple, il a justifié l’ouverture du second par le fait que son gestionnaire de patrimoine n’était pas content des services de la Banque de Financement, devenue DEUTSCHE BANK. AN BD

AO a ensuite communiqué ses coordonnées bancaires, notamment à R Z mais aussi à H SA et permis ainsi que des sommes d’argent transitent par ses comptes bancaires. Les actes matériels de complicité sont constitués et non contestés.

La complicité par aide et assistance n’est cependant punissable que si cette aide a été

Page 39 / 44


apportée sciemment à l’auteur principal.

Or, les sommes ont d’abord été versées sur les comptes de R Z avant d’être transférées sur des comptes bancaires lui appartenant mais dont il n’était pourtant pas le titulaire direct, avant d’être à nouveau transférées à diverses personnes, physiques ou morales, qu’il n’a pas été possible d’identifier formellement. Outre cette interposition de comptes qui atteste que ces sommes ne lui étaient pas destinées en propre, AN BD AO a refusé de donner le nom des personnes avec lesquelles il travaillait et n’a pu communiquer aucun justificatif relatif aux activités de consulting qu’il aurait exercées personnellement et indépendamment de R Z, au titre du champ SIRRI et non, selon lui, de AT AU. Une copie du contrat du 14 juillet 1997 a néanmoins été retrouvée dans les documents transmis par la banque LOMBARDODIER, interrogée sur le compte W.

En conséquence, le tribunal déclare AN BD AO CB des faits de complicité de corruption active d’agent public étranger qui lui étaient reprochés.

6) Sur les peines

6.1) S’agissant de H SA

A l’audience du 12 octobre 2018 et à titre infiniment subsidiaire, les conseils de

H SA ont demandé au tribunal, d’une part, de tenir compte du principe non bis in idem pour le prononcé de la peine et d’autre part, d’ordonner, à l’encontre de leur cliente, une dispense de peine et une exclusion de la condamnation éventuellement prononcée du bulletin n° 2 du casier judiciaire.

***

A titre liminaire, il convient de ppeler que les peines susceptibles d’être prononcées à l’encontre de H SA, personne morale, prévues aux articles 435-3, 435-6 et 131

8, 131-21 et 131-35 du code pénal dans leur version en vigueur à l’époque des faits sont, à titre principal, une peine d’amende, outre plusieurs peines complémentaires, dont « la confiscation, suivant les modalités prévues par l’article 131-21, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit, à l’exception des objets susceptibles de restitution ».

S’agissant de l’amende, initialement les peines encourues pour les personnes physiques étaient de dix ans d’emprisonnement et 1 000 000 francs d’amende puis, à compter du ler janvier 2002 (conformément à l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs), de dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

Conformément aux dispositions de l’article 435-6 du code pénal qui renvoient à celles de l’article 131-38 du code pénal, le taux maximum de l’amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l’infraction, soit en l’espèce 750 000 euros.

S’agissant de la confiscation susceptible d’être prononcée en l’espèce, d’une part, le tribunal ne peut pas prononcer cette peine complémentaire à titre de peine principale, comme le permettent les dispositions de l’article 131-11 du code pénal, ce texte n’étant applicable qu’aux peines complémentaires limitativement énumérées à l’article 131-10 et « frappant les personnes physiques ». Au surplus, seule la confiscation « d’un objet »

Page 40/44


11ème Ch.2

(et non tout type de confiscations) peut être prononcée à titre principal (mêmes articles).

D’autre part, certes le principe de proportionnalité ne s’applique pas aux confiscations en valeur (Crim., 3 mai 2018, pourvoi n° 17-82.098), comme il a été rappelé à l’audience ; mais cette proportionnalité est celle qui résulte de l’atteinte portée au droit de propriété de la personne condamnée, et non celle qui est applicable en raison de la pluralité des sanctions prononcées.

***

Sur ce, indépendamment de la question de savoir si les conditions de l’article 132-59 du code pénal sont remplies, octroyer une dispense de peine reste toujours une faculté pour le juge pénal.

Or, en l’espèce, le prononcé d’une peine est apparu nécessaire au tribunal, peine qui se justifie au regard de l’atteinte à l’ordre public économique français et aux intérêts sociaux protégés en France, s’agissant d’une infraction commise par une entreprise française de premier plan et classée par le code pénal parmi les atteintes à l’autorité de l’Etat.

Pour ce faire, non seulement le juge pénal doit tenir compte des circonstances de

l’infraction, de la personnalité de l’auteur, également des ressources et des charges de ce dernier par application des dispositions de l’article 132-24 du code pénal mais il

doit aussi motiver peine au vu de ces éléments et notamment « s’expliquer sur les ressources et les charges des prévenues » (Crim., 1er février 2017, Bull. n° 29) et dès lors, « sur la situation financière de la société » (Crim., 27 mars 2018, pourvoi n° 16

87.585).

S’agissant des circonstances de l’infraction, le tribunal a tenu compte de l’importance du projet, pour lequel des actes de corruption ont été commis, projet restant probablement en D, selon ce qui a été indiqué par BN AX au juge d’instruction, « comme un contrat historique, compte tenu de sa taille, de sa réalisation dans les temps impartis et dans le budget prévu »>.

Le montant des sommes versées en l’espèce, au titre de la période de prévention et des actes de corruption proprement dits, est de plus de 30 millions de dollars.

Le bénéfice net tiré du marché obtenu de manière illicite, a été, aux termes du DPA, de

147 millions de dollars.

S’agissant des éléments de personnalité de l’auteur de l’infraction, le casier judiciaire de H fait mention d’une condamnation, certes postérieure aux faits objets de la présente procédure, mais pour des faits antérieurs; en effet, H SA a été condamnée par la chambre des appels correctionnels de Paris, le 30 mars 2010, à 375

000 euros d’amende pour pollution des eaux par personne morale suite à un accident de mer par navire-citerne, faits du 12 décembre 1999. L’amende a été payée en totalité le 10 juin 2014.

Au vu des pièces produites par les conseils à l’audience, au titre de l’exercice 2017, le groupe enregistre un résultat annuel net ajusté de 10,6 milliards de dollars, en hausse de 28% (contre 24 % d’augmentation du prix du pétrole), affichant par ailleurs une rentabilité des capitaux propres supérieure à 10%.

Page 41 / 44



Pour autant, le tribunal a considéré qu’il convenait de resituer, à tous points de vue, les faits dans le contexte de l’époque, contexte économique, politique en D, juridique et législatif (puisque les faits ont été commis avant et juste après l’entrée en vigueur de règles de droit nouvelles réprimant la corruption d’agent public étranger).

En outre, conformément à une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, « si

l’éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues ».

Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s’étendent à toute sanction ayant le caractère d’une punition.

Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts. Néanmoins, si l’éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues.

En l’espèce, H SA a été condamnée par les autorités judiciaires américaines à verser 245 200 000 USD, de surcroît pour une période de prévention bien plus importante que celle retenue en l’espèce.

S’agissant de la peine de confiscation requise par le ministère public, parfaitement justifiée sur le fond et qui aurait motivé la confiscation de 147 millions de dollars (et donc leur contre-valeur en euros), elle ne sera cependant pas prononcée dans le cas d’espèce par le tribunal en raison de la sanction déjà infligée à H SA par les autorités judiciaires américaines à hauteur de 245 200 000 USD. En effet, ce montant dépasse le produit de l’infraction au sens du droit français et est fondé sur des modalités de calcul qui poursuivent le même objectif que la peine de confiscation française puisqu’il s’agit précisément de priver l’entreprise CB du gain attendu de

l’opération illicite : le principe de proportionnalité des peines interdit donc de procéder à la peine complémentaire de confiscation requise par le ministère public. En revanche, le prononcé de l’amende à titre de peine principale reste, pour sa part, possible en raison du caractère distinct des intérêts sociaux protégés, intérêts déjà évoqués plus haut.

Le tribunal rejette enfin la demande de non inscription de la présente condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire de l’intéressée, en l’absence de raisons et de justificatifs présentés.

6.2) S’agissant de AN BD AO

Certes le casier judiciaire de AN BD AO ne porte mention

d’aucune condamnation et, à l’inverse par exemple de R Z, ce dernier a répondu aux convocations de la justice et s’est expliqué sur les faits pour lesquels in fine il a été mis en examen.

Pour autant, il s’agit d’un casier judiciaire français, ce qui au regard de la nationalité et du parcours professionnel et personnel de l’intéressé ne permet pas de s’assurer de

Page 42/44


l’absence totale de condamnation.

Il est celui qui a perçu les sommes destinées à AM AC C, d’un montant déjà rappelé, non négligeable s’agissant de sommes perçues par une personne physique.

En conséquence, le tribunal le condamne à la peine de 4 ans d’emprisonnement et le tribunal, au regard de l’incertitude sur son éventuel lieu de résidence, décerne mandat

d’arrêt à son endroit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et contradictoirement à l’égard de la société H SA, par défaut à l’égard de BD AO AN,

CONSTATE l’extinction de l’action publique à l’égard de BN BU DE

MARGERIE ;

CONSTATE l’extinction de l’action publique à l’égard de R Z;

REJETTE les moyens soulevés in limine litis par les conseils de la société H

SA;

DÉCLARE la société H SA CB des faits qui lui sont reprochés :

[…]

UN AGENT PUBLIC COMMUNAUTAIRE OU D’UN ETAT DE L’UNION

EUROPEENNE commis à compter d’octobre 2000 et depuis temps non couvert par la prescription à Paris et sur le territoire national, en Suisse, au Royaume Uni, en D;

CONDAMNE la société H SA au paiement d’une amende de cinq cents mille euros (500 000 euros);

REJETTE la demande d’exclusion de la présente condamnation au bulletin n°2 du casier judiciaire ;

A l’issue de l’audience, la présidente avise le représentant de la société H SA que si cette dernière s’acquitte du montant de cette amende dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de

20% sans que cette diminution puisse excéder 1500 euros.

Le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.

Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à

l’intéressée de demander la restitution des sommes versées.

Page 43/44



DÉCLARE BD AO AN CB des faits qui lui sont reprochés :

✓COMPLICITE DE CORRUPTION ACTIVE: PROPOSITION OU FOURNITURE

D’AVANTAGE A UN AGENT PUBLIC COMMUNAUTAIRE OU D’UN ETAT DE

L’UNION EUROPEENNE commis à compter d’octobre 2000 et depuis temps non couvert par la prescription à Paris et sur le territoire national, en Suisse, au Royaume Uni, en D;

CONDAMNE BD AO AN à un emprisonnement délictuel de

QUATRE ANS ;

DÉCERNE mandat d’arrêt à l’encontre de BD AO AN;

En application de l’article 1018 A du code général des impôts, la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 127 euros dont sont redevables chacun :

- la société H SA;

La condamnée est informée qu’en cas de paiement de l’amende et du droit fixe de procédure dans le délai d’un mois à compter de la date du jugement, elle bénéficie d’une diminution de 20% sur la totalité de la somme à payer.

- BD AO AN;

Le condamné est informé qu’en cas de paiement du droit fixe de procédure dans le délai

d’un mois à compter de la date où il a eu connaissance du jugement, il bénéficie d’une diminution de 20% de la somme à payer.

et le présent jugement ayant été signé par la présidente et la greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE Pour expédition cortinée conforme

Le Greffier en Chef,

INS N

ANCE A

R

G

E

D

L

A

N

U

R

I

A

P

S

B

I

R

T

S 052

Page 44/44

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de grande instance de Paris, 21 décembre 2018, n° 06017092027