Tribunal Judiciaire de Fort-de-France, 18 octobre 2021, n° 21/00632

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Sur la décision

Référence :
TJ Fort-de-France, 18 oct. 2021, n° 21/00632
Numéro(s) : 21/00632

Sur les parties

Texte intégral

4

N° Minute : 21/403

TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE FORT DE FRANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS N° R.G.: 21/00632 – N° Portalis DB3X-W-B7F-THKRO Extrait des minutes du Greffe du Tribunal

Judiciaire de Fort-de-France (Mque)

AUDIENCE DEVANT LE TRIBUNAL JUDICIAIRE

STATUANT EN L’ETAT DE RÉFÉRÉ

JUGEMENT RENDU LE 18 OCTOBRE 2021

AFFAIRE

CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MARTINIQUE (CHUM)

C/

SYNDICAT UGTM,

SYNDICAT CGTM,

SYNDICAT CDMT,

SYNDICAT FO,

SYNDICAT USAM,

DEMANDEUR :

CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE […]

[…]-DE-FRANCE

Représenté par Me Jeanne YANG-TING HO, avocat au barreau de MARTINIQUE et Me Pascale BERTE, avocat au barreau de MARTINIQUE

DÉFENDEURS :

UNION GÉNÉRALE DES TRAVAILLEURS MARTINIQUAIS (SYNDICAT UGTM), pris en la personne de son représentant légal

[…]

[…]-DE-FRANCE

CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAIL DE LA MARTINIQUE (SYNDICAT CGTM), pris en la personne de son représentant légal Maison des Syndicat

[…]-DE-FRANCE

FORCE OUVRIÈRE (SYNDICAT FO), pris en la personne de son représentant légal Maison des Syndicat […]

[…]-DE-FRANCE

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Tous trois représentés par Me Georges-Emmanuel GERMANY, avocat au barreau de

MARTINIQUE

[…]

CDMT), pris en la personne de son représentant légal

Maison des Syndicats […] […]-DE-FRANCE Représenté par Me Nathalie NADIR, avocat au barreau de MARTINIQUE

UNION SYNDICALE AUTONOME DE MARTINIQUE (SYNDICAT USAM), pris en la personne de son représentant légal

Maisons des syndicats […]

[…] DE FRANCE Représenté par Me Sylvette ROMER, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : C D

Assesseur: Sabine CRABOT

Assesseur: Emmanuelle PERIER

Greffier: M N

DÉBATS:

L’affaire a été appelée à l’audience du 15 Octobre 2021 à 09 h 00 devant le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, renvoyée devant la formation collégiale du tribunal judiciaire statuant en l’état de référé à l’audience du 16 Octobre 2021 à 09 h 00, puis mise en délibéré au 18 Octobre 2021 à 16 h 00,

NATURE DE L’AFFAIRE:

Contradictoire premier ressort

JUGEMENT: rendu par mise à disposition au greffe le 18 Octobre 2021 à 16 h 00,

***********

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Selon une ordonnance rendue le 14 octobre 2021 à 13 h 30, le Centre Hospitalier Universitaire de Martinique ci-après CHUM a été autorisé à assigner les syndicats UGTM, CGTM, CDMT, FO et USAM à l’audience de référé d’heure à heure du tribunal judiciaire de Fort-de-France du 15 octobre 2021, l’assignation devant être délivrée avant le 14 octobre

2021 à 17h00.

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Selon actes signifiés à étude le 14 octobre 2021 à 16 h 05, à 16 h 10, à 16 h 15, à 16 h 22 et à 16 h 38, le Centre Hospitalier Universitaire de Martinique a fait assigner les syndicats UGTM, CGTM, CDMT, FO et USAM, en la personnes de leurs représentants légaux, devant le juge des référés de FORT-DE-FRANCE, sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, de la loi n°2021-1040 du 05 août 2021 et du décret du 07 août 2021 aux fins d’entendre :

- dire et juger qu’en empêchant la mise en place d’un contrôle du « pass sanitaire » dans les conditions exposées, les défendeurs commettent une voie de fait constituant un trouble manifestement illicite, ordonner aux défendeurs, pris en leur nom personnel et à tout titre que ce soit, ainsi qu’à toute personne perturbant le contrôle des « pass sanitaire » par toute personne habilité ou le libre accès à l’ensemble des sites composant le CHUM, de cesser et faire cesser immédiatement et sans délai les entraves au respect d’une obligation légale, au respect de la santé et la sécurité du personnel et des usagers, ainsi que le liberté de travail et de libre circulation, sous peine d’une astreinte de 10.000 euros par infraction constatée par personne à compter de la date de notification de l’ordonnance, dire par ailleurs que et le juge des référés sera compétent afin de procéder à la liquidation de la dite astreinte;

- ordonner en conséquence la cessation de toutes obstructions à la mise en place du contrôle du pass sanitaire et l’expulsion immédiate et sans délai, y compris la nuit, y compris avec le concours de la force publique si besoin est, de toute personne perturbant la mise en place du contrôle du pass sanitaire ou les accès de l’ensemble des sites faisant partie du CHUM, et notamment les syndicats UGTM, CGTM, CDMT, FO et USAM, en la personnes de leurs représentants légaux et tous occupants de leur chef,

- dire et juger que la présente ordonnance continuera de produire ses effets tant que les entraves persisteront, dire que la présente ordonnance sera exécutoire sur minutes,

- condamner les défendeurs en tous les dépens et au paiement de la somme de

5 000 €, in solidum, sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile.

Le CHUM explique être un établissement public de santé assurant une triple mission de service public : le soin, l’enseignement et la recherche, et ce sur plusieurs sites.

Il rappelle que la loi n°2021-1040 du 05 août 2021, déclarée conforme à la Constitution, et le décret du 07 août 2021, conditionnent l’accès des établissements de santé au dispositif du pass sanitaire et mettent le contrôle du pass sanitaire à la charge de l’exploitant sous peine de sanction. expose que dès la mise en place de ce dispositif en Martinique le 11 octobre 2021, des tensions sont apparues sur plusieurs sites du CHUM, que des manifestants vêtus de T-shirt rouges et remettant des prospectus au nom des organisations syndicales, empêchent le contrôle du pass sanitaire par les agents de sécurité, et font entre quiconque se présente à l’entrée de l’hôpital, qu’en outre des points de contrôle sont obstrués par des palettes empêchant tout contrôle du pass sanitaire.

Il souligne que l’impossibilité de contrôler le pass sanitaire à l’entrée de ses sites est susceptible d’engager sa responsabilité, qu’elle porte par ailleurs atteinte à la santé et à la sécurité des salariés et des usagers du CHUM, l’application du pass sanitaire au CHUM étant justifiée par d’impérieuses considérations de santé publique et notamment la limitation de la propagation du virus de la Covid 19 dans les établissements de soins, la protection des professionnels de santé des formes graves pouvant entraîner un absentéisme massif qui empêcherait d’assurer durablement la continuité des soins et protéger les patients par nature fragiles et vulnérables des formes graves de la covid 19.

Il soutient par ailleurs que les menaces et intimidations exercées par les manifestants sur le personnel et les usagers portent atteinte à leur sécurité ainsi qu’à la liberté de travailler du personnel, empêché sur certains site de prendre son poste avant 08h00 du matin, que les retards ainsi occasionnés ont des conséquences graves sur l’organisation du CHUM et la continuité du service public, car ils engendrent des retards dans les soins.

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Il estime que la persistance et la gravité des blocages caractérisent à l’évidence des troubles manifestement illicites et insiste sur les conséquences qui en résulteront si la

situation devait perdurer. A l’audience du 15 octobre 2021 à 9 h 00, le Centre Hospitalier Universitaire de

Martinique était représenté. Les syndicats UGTM, CGTM et FO étaient représentés et ont sollicité un renvoi au

lundi 18 octobre 2021 au matin. Le CHUM a indiqué ne pas être opposé au renvoi en fin de matinée ou début

d’après-midi, en tout cas dans la journée.

Les syndicats CDMT et USAM n’étaient pas représentés. L’affaire a été renvoyée en état de référé devant la formation collégiale conformément aux dispositions de l’article 487 du code de procédure civile à une audience fixée le samedi 16 octobre 2021 à 09 h 00.

Les syndicats CDMT et USAM ont constitué avocat à cette même audience.

Les syndicats UGTM, CGTM et FO ont communiqué leurs conclusions le 16 octobre 2021 juste avant l’ouverture des débats.

Dans ses écritures, le Syndicat FO demande à la formation collégiale en état de référés de :"A titre principal:

- déclarer nulle l’assignation,

- ordonner une médiation et surseoir à statuer,

A titre subsidiaire : débouter le Centre Hospitalier Universitaire de Martinique (CHUM) de toutes ses

demandes,

- déclarer qu’il n’y a pas de voie de fait de la part des syndicats mais de la part du CHUM,

- mettre hors de cause les syndicats en leur nom personnel,

- déclarer l’absence d’entraves ou de troubles manifestement illicites émanant des syndicats

CGTM, UGTM, USAM et FO,

- ordonner l’arrêt du processus illicite de contrôle du pass vaccinal discriminatoire,

- condamner le CHUM à payer la somme de 1.500 euros à FO en application du code de

procédure civile,

- condamner le CHUM aux entiers dépens y compris le coût des procès-verbaux de

constats.

Dans ses écritures, le Syndicat UGTM demande à la formation collégiale en état de

référés de:

A titre principal:

- déclarer nulle l’assignation,

- ordonner une médiation et surseoir à statuer,

A titre subsidiaire :

- débouter le Centre Hospitalier Universitaire de Martinique (CHUM) de toutes ses demandes,

- déclarer qu’il n’y a pas de voie de fait de la part des syndicats mais de la part du CHUM,

- mettre hors de cause les syndicats en leur nom personnel,

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- déclarer l’absence d’entraves ou de troubles manifestement illicites émanant des syndicats

CGTM, UGTM, USAM et FO,

- ordonner l’arrêt du processus illicite de contrôle du pass vaccinal discriminatoire,

- condamner le CHUM à payer la somme de 1.500 euros à l’UGTM en application du code de procédure civile,

- condamner le CHUM aux entiers dépens y compris le coût des procès-verbaux de constats.

Dans ses écritures, le Syndicat CGTM demande à la formation collégiale en état de référés de:

- se déclarer incompétent au profit du Tribunal Administratif de Fort-de-France,

- condamner le CHUM à payer la somme de 1.500 euros à la CGTM en application du code de procédure civile,

- condamner le CHUM aux entiers dépens.

Au rappel de l’affaire à l’audience du 16 octobre 2021, les parties étaient représentées.

Les parties défenderesses ont sollicité le renvoi.

Le conseil du syndicat USAM a indiqué avoir été saisi la veille. L’USAM a invoqué l’inégalité des armes, soulignant que les procès-verbaux d’huissier produits par le CHUM ont été dressés sur une période de trois jours alors qu’elle avait été assignée jeudi après-midi.

Le syndicat CDMT s’est associé à la demande de renvoi.

Les syndicats UGTM, CGTM et FO ont également présenté une demande de renvoi au dimanche 17 octobre 2021 au matin, soulignant que le demandeur avait disposé de 4 jours de préparation contre une demi-journée pour eux et que les huissiers de justice étaient en assemblée générale élective la veille. Il a ajouté ne pas avoir eu le temps de déposer une requête en Question Prioritaire de Constitutionnalité.

Le CHUM s’est opposé à la demande de renvoi, invoquant l’urgence.

Les demandes de renvois ont été rejetées après qu’il en était délibéré.

Monsieur I J K, agissant en qualité de représentant du syndicat CDMT Santé a déposé au greffe une demande de récusation à l’encontre de Madame C D, présidente de la formation collégiale.

L’audience a été suspendue.

Le greffier de l’audience a établi procès-verbal de cette demande de récusation formée à l’audience. Le procès-verbal et la demande de récusation ont été communiqués, sans délai, à Monsieur le premier président de la cour d’appel de Fort-de-France par la voie électronique.

En l’absence de sursis-à-statuer immédiatement ordonné par Monsieur le premier président de la cour d’appel porté à la connaissance de la juridiction de jugement, l’audience a repris.

In limine litis, les Syndicats UGTM et FO ont soulevé oralement, conformément à leurs écritures, la nullité de l’assignation, délivrée à la demande du CHUM, pris en la personne de directeur, sans que son identité ne soit précisée, ce qui ne permet pas de vérifier sa capacité à ester en justice. Ils excipent par ailleurs que le CHUM a un conseil d’administration qui a lui-même un président et que le directeur est dépourvu du droit d’agir.

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Le syndicat CGTM a repris les termes de ses écritures et soulevé l’incompétence de la juridiction, invoquant la compétence du juge administratif en matière de litige individuel ou collectif opposant un employeur personne publique et des agents de la fonction publique hospitalière. Il a rappelé par ailleurs qu’en vertu de l’article 78 du code de procédure civile, lorsqu’une partie soulève l’incompétence et s’abstient de tout autre moyen, si le juge décide de joindre l’incident au fond, avant de statuer sur la compétence et le fond, il doit préalablement mettre la partie qui n’a pas présenté sa défense au fond en demeure de le faire. Il sollicite un jugement sur l’exception d’incompétence et en cas de refus de statuer sur l’incompétence, un délai pour statuer sur le fond.

Le CHUM a conclu oralement au débouté des exceptions de procédure, répondant à la nullité de l’assignation, aux motifs que l’article L.6143-7 du code de la santé publique donnait compétence au directeur d’établissement pour représenter le CHUM et citait une jurisprudence du tribunal judiciaire Pointe-à-Pitre. Sur la compétence, il a rappelé que le jugedes référés avait été saisi sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile et que le juge judiciaire était le garant des libertés individuelles selon les dispositions de l’article 66 de la Constitution. Il a ajouté que l’article 78 du code de procédure civile dispose que le juge peut s’estimer compétent. Il a évoqué une jurisprudence du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre du 23 mars 2021 ayant écarté ce moyen.

Le CHUM a communiqué ces jurisprudences à la partie adverse.

L’audience a été suspendue pour permettre au syndicat CGTM de prendre connaissance de ces jurisprudences. A la reprise des débats, le syndicat CGTM a répliqué que les deux jurisprudences produites ne portaient pas sur la qualité à agir du directeur.

Au visa de l’article 114 du code de procédure civile, le CHUM a rappelé qu’il appartenait à la CGTM de prouver un grief dès lors qu’il s’agissait d’une nullité de forme. Sur la compétence, il a ajouté que l’article L.521-2 du code de la justice administrative prévoit la compétence du tribunal administratif en cas d’atteinte grave commise par la personne publique ou une personne privée en charge d’un service public et que l’article 835 du code de procédure civile autorise le juge des référés à statuer même en cas de contestation sérieuse.

En vertu de l’article 78 du code de procédure civile, la formation collégiale, en état de référé, a enjoint au syndicat CGTM de conclure au fond, dans un délai de deux heures.

L’audience a été suspendue. A la reprise des débats à 14 h 30, le syndicat CGTM a communiqué de nouvelles écritures aux termes desquelles il sollicite que la formation collégiale statuant en référé : se déclare incompétente au profit au Tribunal Administratif de Fort-de-France,

-

- fasse droit à l’exception de question préjudicielle et d’illégalité de l’acte administratif et ordonne le sursis à statuer dans l’attente de la décision du Tribunal Administratif de

Fort-de-France,

- condamne le CHUM à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamne le CHUM aux dépens. L’audience a été suspendue pour permettre au CHUM d’apporter une réponse à la question préjudicielle. A la reprise des débats, le syndicat CGTM a repris oralement ses dernières écritures et fait valoir que la loi du 5 août 2021, et notamment ses articles 14, 15 et 16, imposent à l’employeur d’un personnel soumis à l’obligation vaccinale, de contrôler le respect de cette obligation, sous peine de se voir infliger une peine d’amende, que cette loi, qui n’est pas une loi de police, ne prévoit pas que l’employeur puisse refuser l’accès du lieu de travail aux agents mais simplement constater l’absence de pass sanitaire et la situation vaccinale des employés. Il a indiqué que le Conseil de Prud’Homme de SAINT-BRIEUC avait pris une décision suspendant la suspension du contrat de travail d’un salarié et ordonné la

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transmission d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité.

Il a affirmé que le directeur du CHUM avait requis une société privée de gardiennage pour empêcher l’accès de l’établissement, qu’en se départissant de ses prérogatives au profit d’une société privée, dont on ignore si elle est habilitée, il a commis un excès de pouvoir et que cette décision qui fait grief, devra être annulée par le tribunal administratif de Fort-de-France. Il a soulevé que le décret du 7 août 2021 impose que l’agent chargé du contrôle soit spécialement habilité, avec une habilitation horaire ainsi que la tenue d’un registre, le CHUM ne communiquant ni les habilitations horaires ni le registre.

Il a invoqué que l’acte administratif ainsi pris par le directeur était illégal et devait dès lors être sanctionné soit conformément à la théorie de l’inexistence soit par la nullité. La CGTM a indiqué avoir déposé un recours pour excès de pouvoir avec l’UGTM, versant aux débats la copie de la requête en excès de pouvoir et l’accusé de réception de la télétransmission.

Il a fait état d’une jurisprudence selon laquelle le juge des référés devait surseoir à statuer pour ne pas ordonner une mesure irréversible et affirmé qu’au coeur des débats se trouvait la question du droit au travail et de l’entrave illicite faite par l’employeur, le tribunal administratif en étant saisi.

En réponse à la question préjudicielle et d’illégalité, le CHUM a rappelé que l’article 835 du code de procédure civile permet de poursuivre l’audience même en présence de moyens sérieux et que l’article 545 du code de procédure civile renvoie la question préjudicielle devant le juge de l’Union Européenne. Il a affirmé également que les questions soulevées ont déjà été traitées dans la décision du Conseil Constitutionnel du 5 août 2021, en son paragraphe 45, outre l’avis du Conseil d’État du 15 juillet 2021, complétant l’avis du 21 avril 2021. Il a souligné que le pass sanitaire ne doit pas être confondu avec l’obligation vaccinale et invoqué les dispositions de l’article L.6343-7 du code de la santé publique.

L’audience a été suspendue.

A la reprise des débats, en l’absence d’autres moyens d’exception soulevés, le CHUM a été invité à développer oralement ses demandes.

Il a réitéré les demandes formulées dans son assignation sauf à préciser que

l’injonction de cesser les entraves sera délivrée aux défendeurs et tous occupants de leurs chefs, et a sollicité une condamnation du syndicat UGTM à une amende de 3.000 euros en vertu de l’article 353 du code de procédure civile.

Il a insisté sur les conséquences de la crise sanitaire en Martinique et l’objectif du pass sanitaire de limiter la propagation du virus et protéger les patients et les soignants.

Il a rappelé la définition du trouble manifestement illicite et l’obligation pour le directeur du CHUM d’appliquer le pass sanitaire dans l’enceinte de l’établissement, sous peine d’engager sa responsabilité.

Il a indiqué ne pas s’opposer à une médiation en rappelant qu’elle ne mettra pas fin au blocage.

Il a souligné que les organisations syndicales étaient assignées en tant que personne morale et que deux syndicats étaient beaucoup plus actifs soit l’UGTM et l’USAM. Il a précisé que les constats d’huissier identifiaient les organisations syndicales, qu’ils montraient qu’il y a des pressions, de l’intimidation et de l’empêchement au contrôle du pass sanitaire et que des constats prouvaient qu’il y a entrave à la liberté de travailler, les manifestants empêchant l’accès au CHUM, les agents hospitaliers ne pouvant prendre leurs postes. Il a insisté sur la désorganisation des services qu’engendre cette atteinte à la liberté de travailler, la relève étant empêchée d’entre, la personne de permanence étant ainsi obligée d’attendre après sa garde au risque d’erreurs médicales.

Les parties défenderesses ont été appelées à soutenir leurs argumentations au fond et demandes.

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La CDMT a déclaré faire sienne les conclusions de l’UGTM et FO sur le fond.

Les syndicats UGTM, CGTM et FO ont en premier lieu relevé que le principe de la médiation a été accepté par le CHUM. Développant oralement les moyens énoncés dans les écritures de l’UGTM et FO, ils ont rappelé le lourd tribu payé par l’un des syndicats dans la crise sanitaire et qu’il y avait des vies humaines en jeu. Ils ont souligné que malgré un préavis de grève illimitée déposé depuis juillet 2021, ils n’ont pas fait grève mais au contraire, se battent pour que les agents puissent travailler, s’opposant à l’exclusion de soignants par le pass sanitaire.

Ils ont insisté sur le fait que les constats d’huissier versés par le CHUM n’apportent aucun élément permettant d’imputer une entrave à un employé ou un syndicat.

Rappelant que la liberté syndicale s’exprime avec une certaine véhémence tel que consacré par la jurisprudence, ils ont affirmé que le fait de s’adresser aux agents de sécurité avec véhémence n’excède pas la liberté d’expression du travailleur et du syndicat, contestant tout comportement délictuel.

*

Soulevant que le CHUM avait déclaré à l’audience que deux syndicats étaient plus actifs, et que les autres ne faisaient rien, sinon « masse », ils ont demandé la mise hors de cause des syndicats non concernés, la présence passive d’une personne morale, ne permettant pas de lui opposer l’entrave à la liberté d’aller et venir.

Ils ont répété par ailleurs que les personnes qui procèdent au contrôle du pass sanitaire ne sont pas habilitées pour le faire, que le directeur du CHUM n’avait pas communiqué le registre des personnes habilitées, de sorte qu’en réalité, le trouble manifestement illicite est caractérisé par ces contrôles effectués dans des conditions qui ne respectent pas le décret du 07 août 2021.

Enfin, les syndicats défendeurs ont soulevé l’absence d’obligation vaccinale pour les policiers et gendarmes déployés sur le site du CHUM et qui ne sont pas soumis au pass sanitaire et ont regretté la rupture du dialogue avec les soignants, hier applaudis et invités à retourner travailler alors qu’ils étaient positifs à la Covid 19, aujourd’hui empêchés

d’aller travailler.

Ils ont sollicité chacun 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sollicité le sursis à statuer soit en raison de la question préjudicielle, soit du fait de la mesure de médiation.

L’USAM a déclaré s’associer aux observations faites par les syndicats UGTM, CGTM et FO, n’ayant pas reçu l’assignation et les pièces et n’ayant pas pu préparer sa défense. Elle a sollicité la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, indiquant ne pas être opposé à une médiation.

La CDMT a exposé ne pas avoir compris, à l’examen de l’assignation, la raison pour laquelle elle était mise en cause par le CHUM. Elle a rappelé que devait être de prendre en considération sa position passive dans le conflit telle que reconnue par le requérant. Elle a sollicité le rejet des demandes formées par le CHUM à son encontre. Elle a déclaré accepter la proposition de médiation, la somme de 1.000 euros au titre de l’article

700 du code de procédure civile étant sollicitée.

Le CHUM a ajouté qu’il n’appartenait pas au juge des référés de dire si des agents de sécurité étaient habilités à contrôler le pass sanitaire, que le Conseil d’État et le Conseil Constitutionnel avaient déjà tranché ce point. Il a précisé que les syndicalistes étaient identifiables par leurs tenues, qu’il y avait bien des cris et des insultes proférées. Elle a conclu au maintient de l’ensemble de ses demandes indiquant ceci ne faisait pas obstacle

à la médiation.

L’USAM a terminé en soulignant que le demandeur n’ignorait pas que Monsieur X était décédé n’hésitant pas malgré tout à faire délivrer l’assignation chez lui.

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A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 18 octobre 2021 à 16h00 et rendue par mise à disposition au greffe.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur les exceptions de nullité de l’assignation :

L’UGTM et FO soulèvent en premier lieu la nullité de l’assignation pour défaut d’identification du directeur.

L’UGTM et FO invoquent que la seule mention « directeur général » ne permet pas d’établir la qualité de ce dernier à agir au nom du CHUM, seul le président du conseil d’administration pouvant le faire, entachant l’assignation d’une nullité de fond.

L’article 648 du code de procédure civile énonce que "tout acte d’huissier indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs : […]

2. b) si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui le représente légalement. […]".

L’article 117 du code de procédure civile dispose quant à lui que " le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant […] une personne morale" constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte.

Il est constant que si l’organe qui représente la personne morale doit être désigné, la mention du nom de la personne physique qui exerce les pouvoirs de représentant n’est pas exigée.

D’une part, en vertu de l’article L.6143-7 alinéa 1 du code de la santé publique le directeur, président du directoire,« représente l’établissement public hospitalier dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l’établissement. ». Le directeur du CHUM a donc pouvoir de représenter l’établissement.

D’autre part, aux termes de l’article 114 alinéa 2 du code de procédure civile, la nullité d’un acte de procédure ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité même s’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

Les syndicats UGTM et FO ne justifient d’aucun grief dès lors qu’ils ont pu identifié le requérant, le CHUM, constitué avocats et faire valoir leurs moyens de défense.

Les exceptions de nullité de l’assignation seront dès lors rejetées.

Sur l’exception d’incompétence:

Au visa des dispositions de l’article L.311-1 du code de la justice administrative, la CDMT soulève une exception d’incompétence au profit du tribunal administratif, faisant valoir que le personnel du CHUM et leurs syndicats relèvent de fonction publique et que les litiges qui les opposent au CHUM, d’ordre individuel ou collectif, relèvent aussi de la compétence du tribunal administratif. La CDMT invoque par ailleurs que le litige porte principalement sur les interdictions d’accès à l’hôpital au personnel soignant non détenteur d’un pass sanitaire.

Au visa de l’article 835 du code de procédure civile, le CHUM oppose que la procédure de référé-liberté n’est pas applicable à l’espèce, dès lors que le litige ne porte pas sur une atteinte grave commise par la personne publique mais a pour objet de mettre un terme au trouble manifestement illicite causé à l’établissement public.

En vertu de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé

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les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique, qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit, y compris une liberté fondamentale.

Le référé-liberté énoncé à l’article L.511-2 du code de la justice administrative permet d’obtenir du juge administratif en référé « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ». Le justiciable peut donc saisir le juge administratif dès lors qu’une décision ou un refus de prendre une décision, qui ne constitue pas une voie de fait, émanant d’une personne publique ou chargée d’une mission de service public, porte atteinte à une de ses libertés fondamentales.

En l’espèce, il est établi que le CHUM de la Martinique est un établissement public à caractère administratif.

Toutefois, la présente action ne vise pas à sanctionner la violation par la personne publique d’une liberté fondamentale mais à faire cesser un dommage illicite qui serait causé à la personne publique, par des syndicats, lesquelles sont des personnes morales de droit privé. En effet, il n’est pas ici question des prérogatives d’employeur du CHUM mais de l’empêchement allégué par ce dernier de mettre en oeuvre le contrôle du pass sanitaire comme obligation qui lui est faite. Il est rappelé que c’est à titre reconventionnel, que les défendeurs excipent d’une violation par la personne publique de la liberté de travailler des agents du CHUM. b

Les moyens de défense et demandes reconventionnelles ne sauraient modifier

l’objet du litige, tel que circonscrit par l’assignation.

Le litige ne s’analyse pas non plus en un litige du travail, individuel ou collectif, opposant le CHUM, établissement public hospitalier, à un ou plusieurs de ses agents, relevant de la compétence du juge administratif par application de l’article L.311-1 du code de la justice administrative.

En conséquence, le juge judiciaire a bien compétence pour connaître du présent litige, l’exception devant être rejetée.

Sur l’exception de question préjudicielle :

Aux termes de l’article 73 du code de procédure civile «constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière, soit à en suspendre le cours».

Il résulte de ce texte qu’en soulevant une exception de procédure, le défendeur sans s’attaquer au fond du droit demande notamment au juge de surseoir à statuer pendant un certain délai ou jusqu’à ce qu’un événement soit accompli.

Tel est précisément l’objet de la question préjudicielle de droit interne régie par l’article 49 alinéa 2 du code de procédure civile qui permet à une juridiction judiciaire initialement saisie, lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, de la transmettre au juge administratif compétent en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative, cet article disposant en outre que la juridiction judiciaire « sursoit

à statuer jusqu’à la décision sur la question préjudicielle ».

Il est constant que l’article 835 du code de procédure civile permet au juge des

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référés même en présence d’une contestation sérieuse, de prendre les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent dès lors qu’il s’agit de prévenir un dommage imminent, soit de faire cesser un trouble manifestement illicite.

S’il est conclu par le CHUM au rejet de l’exception préjudicielle au seul moyen qu’il s’agit d’une contestation sérieuse au sens de l’article 835 du code de procédure civile qui ne fait pas obstacle à la compétence du juge des référés, pour autant il y a lieu de rappeler que le juge des référés a l’obligation de statuer sur toute exception de compétence lui étant soumise.

Dès lors, il appartient au juge des référés, saisi d’une question préjudicielle au visa de l’article 49 du code de procédure civile, de s’assurer que la résolution de cette question relevant de la compétence d’un autre ordre juridictionnel, n’est pas nécessaire au règlement du litige lui étant soumis.

L’exception de question préjudicielle suppose donc trois conditions cumulatives:

- le caractère sérieux de la question,

- sa nécessité pour la résolution du litige soumis au juge judiciaire,

- la compétence de la juridiction administrative pour en connaître.

S’agissant de la compétence du tribunal administratif pour connaître de la légalité externe et de la légalité interne d’un acte administratif à savoir la décision prise par le directeur du CHUM de faire procéder au contrôle du pass sanitaire, il n’est pas contesté que celle-ci ressort exclusivement de la compétence du juge administratif en vertu de l’article 13 du titre II de la loi des 16 et 24 août 1790 faisant défense aux juridictions judiciaires de troubler les opérations des corps administratifs.

Il est relevé que cette question de légalité de la décision prise par le directeur du CHUM de faire procéder au contrôle du pass sanitaire fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Fort-de-France par l’UGTM et la CGTM, selon saisine électronique du 16 octobre 2021 à 14 h 13.

Sur les deux autres conditions, il échet de rappeler que selon les dispositions de l’article 2-3 du décret 2021-699 du 1er juin 2021 modifié par le décret 2021-1059 du 07 août 2021:

« II.-Les justificatifs mentionnés au I peuvent être présentés sous format papier ou numérique, enregistré sur l’application mobile »Tous AntiCovid ou tout autre support numérique au choix de la personne concernée.

Sont autorisés à contrôler ces justificatifs, dans les seuls cas prévus au A du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 susvisée, et dans la limite de ce qui est nécessaire au contrôle des déplacements et de l’accès aux lieux, établissements, services ou événements mentionnés par ce A: 1° Les exploitants de services de transport de voyageurs ;

2° Les personnes chargées du contrôle sanitaire aux frontières ;

3° Les responsables des lieux, établissements et services ou les organisateurs des événements dont l’accès est subordonné à leur présentation en application du présent décret;

4° Les agents de contrôle habilités à constater les infractions prévues à l’article L. 3136-1 du code de la santé publique.

Les personnes mentionnées aux 1° à 3° du présent II habilitent nommément les personnes et services autorisés à contrôler les justificatifs pour leur compte, selon les modalités décrites au III du présent article. Elles tiennent un registre détaillant les personnes et services ainsi habilités et la date de leur habilitation, ainsi que les jours et horaires des contrôles effectués par ces personnes et services."

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4

Le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 5 août 2021 a déclaré les dispositions de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 relatives au contrôle de la détention des documents nécessaires pour accéder à un lieu, appelé pass-sanitaire, conformes à la Constitution, en ce qu’elles opèrent une conciliation équilibrée entre différentes exigences constitutionnelles que sont la liberté d’aller et venir, le droit au respect de la vie privée, le droit d’expression collective des idées et des opinions avec l’objectif également de valeur constitutionnelle de protection de la santé.

Le Conseil d’État, dans un avis du 17 juillet 2021, a estimé que la mesure ne portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’exercice des professionnels intervenant dans les lieux, établissements, services et événements où se trouve à appliquer le dispositif du pass sanitaire.

Ces deux décisions sont motivées par le respect du critère de proportionnalité qui lui même découle des garanties entourant ces contrôles tels que fixées par la loi et le règlement.

En l’espèce, la lecture attentive de l’assignation, et notamment de son dispositif, permet de relever que le CHUM sollicite de lever les entraves au contrôle du pass sanitaire effectué « par toute personne habilitée » et non par tout agent de sécurité ou par la société PREVENTY GUARD. C’est pourquoi la question de la légalité de la décision du directeur

d’habiliter ladite société, n’est en réalité pas nécessaire à la résolution du litige soumis au juge des référés.

En effet, indépendamment de la décision du juge administratif à intervenir, le juge des référés, s’il fait droit à la demande du CHUM, n’autorisera qu’une levée des entraves au contrôle du pass sanitaire dès lors ce dernier sera exercé par une personne dûment habilitée dans le respect des dispositions ci-dessus rappelées.

Le CHUM ne demande pas et ne saurait demander au juge des référés du tribunal judiciaire, garant des libertés individuelles en vertu de l’article 66 de la Constitution, de permettre des contrôles qui pourraient eux-même représenter une violation évidente de la

Ioi.

En conséquence, l’exception de question préjudicielle sera rejetée.

Le syndicat CDMT ayant été mis en demeure à l’audience du 16 octobre 2021 de conclure au fond et un délai lui ayant été accordé à cette fin, la formation collégiale en état de référé peut, conformément aux dispositions de l’article 78 du code de procédure civile, par la même décision dans laquelle elle se déclare compétente, statuer sur le fond du litige et ce d’autant plus, qu’oralement, la CDMT a déclaré faire siennes les conclusions au fond des syndicats UGTM et FO.

Sur la demande tendant à faire cesser le trouble manifestement illicite :

Il a déjà été rappelé que l’article 835 du code de procédure civile permet au juge des référés, même en présence d’une contestation sérieuse, de prescrire toutes les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En l’espèce, il ressort des explications fournies par les parties et des pièces versées aux débats que le 11 octobre 2021, le directeur du CHUM a mis en oeuvre l’obligation qui lui est faite par la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, le décret 2021-699 du 1er juin 2021 modifié par le décret 2021-1059 du 07 août 2021 et l’arrêté préfectoral R02-2021-09-17 00002 du 17 septembre 2021, de faire procéder au contrôle du pass sanitaire à l’entrée de ses différents sites,tant à l’égard des agents que des usagers.

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Les syndicats UGTM, CGTM, CDMT, FO et USAM ont affirmé à l’audience avoir déposé un préavis de grève illimitée en juillet 2021, dont il n’est pas justifié mais qui serait en tout état de cause sans emport sur la solution du litige dès lors qu’il est admis que les entraves alléguées par le CHUM ne s’exercent pas dans l’usage du droit de grève.

L’exercice de la liberté syndicale de manifester et de la liberté syndicale d’expression trouvent leurs sources dansl’article 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, repris par le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958. Ce sont des droits fondamentaux à valeur constitutionnelle.

Leur libre exercice trouve cependant sa limite en cas d’atteinte à un droit de même valeur. Ainsi, il est constant que l’exercice de la liberté syndicale de manifester et de la liberté d’expression syndicale peut dégénérer en abus s’il porte atteinte à la liberté du travail, à la liberté d’aller et venir, à la sécurité des autres agents ou usagers, ou s’il risque d’entraîner une désorganisation réelle et grave de l’entreprise ou de l’établissement public employeur.

Il appartient au juge des référés, non pas de juger le caractère licite ou non de l’exercice de ces droits fondamentaux, celui-ci étant par principe licite lorsqu’il s’inscrit dans l’accomplissement des missions des syndicats qui peuvent exprimer leurs opinions ou des revendications professionnelles, mais d’apprécier sur le fondement de l’article 835 pré cité, si son exercice entraîne ou non, un trouble manifestement illicite, au moment où il statue.

En l’occurrence, le CHUM produit plusieurs constats d’huissier dressés entre le 11 octobre 2021 et le 14 octobre 2021, sur différents sites: Centre Hospitalier Louis Domergue de Y, Centre Hospitalier E F-L, Cité Hospitalière de G H au LAMENTIN.

Les défendeurs critiquent ces constats et produisent, s’agissant de l’UGTM, de la CGTM et de FO, un constat d’huissier établi le 15 octobre 2021.

Conformément à l’article 1369 du code civil, il importe de rappeler que les constats

d’huissier, dressés par des officiers publics, sont des actes authentiques s’agissant des mentions relatant l’identité de l’officier ministériel, la date et le lieu du constat. Pour le surplus, concernant les mentions relatives aux faits juridiques constatés par l’huissier, les constats, s’ils n’ont pas valeur d’acte authentique, font néanmoins foi jusqu’à preuve contraire.

Le constat établi par Maître Z le 11 octobre 2021 à partir de 6 h 41, au centre hospitalier Louis Domergue de Y rapporte la présence d’une soixantaine de personnes « attroupées devant l’entrée ». L’affiliation de ces personnes à des syndicats défendeurs ressort des tee-shirts rouges portés, soit à l’UGTM et à la CGTM. L’huissier, après avoir pris le soin de décliner son identité et sa mission, a constaté que l’agent chargé de procéder au contrôle du pass sanitaire « est empêché systématiquement par les individus vétus de tee-shirts de couleur rouge, lesquels font entrer sans contrôle quiconque se présente devant l’enceinte de l’hôpital. » Il a joint à son constat le tract distribué.

Le même jour, 11 octobre 2021, Maître A, constate à partir de 6 h 25 au centre hospitalier E F-L, la présence à l’entrée du parking de manifestants arborant un tee-shirt rouge de l’UGTM. Si l’huissier relate une certaine tension, les manifestants « harranguant » la foule, elle relève aussi que l’agent contrôle chaque entrant en lui demandant de présenter le pass sanitaire. Le même jour à G H, à partir de 7 h 50, elle constate la présence de manifestants, de palettes de bois et de drapeaux avec les inscriptions UGTM, CGTM et CDMT au rond-point. Elle déclare aussi être arrivée sur le site et ne constater aucun acte positif d’empêchement du contrôle, se bornant à reprendre les déclarations d’un agent de sécurité.

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Le 13 octobre 2021, Maître A, constate à partir de 6 h 25 à l’entrée principale du centre hospitalier E F-L, la présence d’une quinzaine de personnes, dont quatre arborant un tee-shirt rouge de l’UGTM, et trois des tee-shirts de l’USAM. Elle expose que l’un des manifestants portant un tee-shirt de l’UGTM a appelé les arrivants à se rassembler dans le hall pour une prise de parole, les portes étant « ouvertes et les agents hospitaliers et toutes autres personnes rentrent librement ». Elle relève que les agents de contrôle ne peuvent procéder au contrôle du pass sanitaire. L’huissier constate ensuite que des palettes de bois sont amoncelées devant les postes de contrôle au -1 et à coté de l’IFSI au 0 et qu’à 8 h 15, les agents de contrôle ne peuvent toujours pas effectuer leur mission à

l’entrée principale.

Le constat établi par Maître Z le 13 octobre 2021 à partir de 6 h 30, au centre hospitalier Louis Domergue de Y rapporte quant à lui la présence d’une vingtaine de personnes vêtues de tee-shirts rouges avec mention UGTM « postées devant le portail d’entrée du site lequel est ouvert ». L’huissier constate que de nombreuses personnes se tiennent debout à proximité de l’entrée et qu’une des manifestantes empêche l’accès aux lieux au personnel venu travailler avant 8 heures. L’huissier relate encore qu’une femme portant un tee-shirt estampillé UGTM, « harrangue la foule à refuser de se soumettre au contrôle du pass sanitaire par l’agent de sécurité. » L’huissier mentionne que le ton monte entre manifestants et gendarmes, qu’un homme vêtu d’un tee-shirt et d’une casquette CDMT exhorte les personnes à rester à l’extérieur de l’hôpital, qu’un syndicaliste du groupe FO prend la parole (sans que ses propos ne soient relatés). L’officier ministériel indique que la parole est prise ensuite par une femme arborant un tee-shirt et une casquette CGTM demandant aux agents de ne pas entrer dans l’établissement et de ne pas se soumettre au pass sanitaire. L’huissier constate enfin qu’à 8 h 00, après la prise de parole d’une femme arborant un tee-shirt UGTM, « les manifestants forment une haie de part et d’autre du portail et laissent accès libre aux personnes situées à l’extérieur du site. Une centaine de personnes et de nombreux véhicules rentrent sous les applaudissements de la vingtaine de manifestants. »

Le 14 octobre 2021, à partir de 6 h 25, Maître A constate devant le centre hospitalier E F-L, la présence à l’entrée du parking d’un petit groupe de manifestants prenant à partir, injuriant et menaçant les agents de sécurité, l’un d’eux arbore un tee-shirt rouge de l’UGTM. L’huissier relate que les manifestants entrent ensuite dans le hall et prennent à partie les agents hospitaliers, sommés de sortir de l’hôpital et de ne pas travailler. L’officier ministériel mentionne que les agents de sécurité procèdent au contrôle en la présence des forces de l’ordre, que cependant le ton monte, des échauffourées ayant lieu. Elle note que plusieurs manifestants prennent la parole, portant des tee-shirts CGTM, UGTM, USAM et FO.

Le 14 octobre 2021 toujours, à partir de 6 h 31, Maître Z constate la présence d’un barrage au rond-point menant à l’hôpital de G-H, les manifestants affiliés à l’UGTM, à l’USAM, à la CDMT, selon les tee-shirts et drapeaux portés, organisent le passage des agents et visiteurs.

Il résulte de la lecture de l’ensemble de ces constats que les manifestants se revendiquent des syndicats assignés, qu’ils exercent un rôle actif soit en entravant l’accès des lieux aux agents, soit en empêchant le contrôle du pass sanitaire. Dès lors, ces actes excédent le droit à l’exercice de la liberté syndicale de manifester et les insultes et intimidations proférées excèdent quant à elles le droit à une libre expression syndicale.

Si l’UGTM et l’USAM paraissent plus impliquées dans le conflit tant au travers des débats d’audience que dans les mentions relatées aux divers constats, il ne saurait être considéré que la CDMT et FO n’exercent qu’un rôle passif dès lors que le rassemblement d’un plus grand nombre de manifestants est de nature à dissuader les agents, souhaitant prendre leur poste, de passer outre aux interdictions véhémentes qui leur sont faites. Cela caractérise à l’évidence une entrave au libre accès aux locaux pour les personnels qui souhaitent travailler.

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:

Ces actions qui empêchent de fait des contrôles de s’opérer, portent par ailleurs atteinte à la santé et à la sécurité des salariés et des usagers du CHUM dès lors que l’application du pass sanitaire au CHUM est justifiée par d’impérieuses considérations de santé publique.

Le constat d’huissier produit par les syndicats UGTM, CGTM et FO, établi le 15 octobre 2021 entre 16 h 30 et 19 h 10, par Maître B, aux […], E F-L et G H, aux termes duquel il n’y aurait au moment du passage de cet officier public ministériel aucun manifestant, ni aucune entrave matérielle, n’est pas de nature à remettre en cause les constatations faites antérieurement. Il permet uniquement d’établir que les entraves et manifestations ont été levées au moment du passage de cet huissier.

En outre, il sera répondu aux syndicats UGTM, CGTM et FO qui arguent que le trouble manifestement illicite serait imputable à l’employeur qui empêcherait illégalement les agents de prendre leur postes et les usagers de bénéficier de soins, que l’application stricte de la loi et du règlement ne saurait dégénérer en un trouble manifestement illicite.

processus du Leur demande tendant à ce que soit ordonné l’arrêt du pass sanitaire ne peut dès lors qu’être rejetée.

Par ailleurs, s’il n’appartient pas au juge des référés de porter une appréciation sur les revendications des manifestants et les réponses qui peuvent ou non y être apportées par le CHUM, l’existence ou au contraire l’absence de toute perspective de discussion constitue néanmoins l’un des éléments d’appréciation de l’existence du trouble illicite.

Si à l’audience les deux parties ont évoqué leur volonté de renouer un dialogue social, force est de constater que celui-ci est aujourd’hui rompu. La médiation proposée par les défendeurs pourrait être accueillie comme une occasion de renouer ce dialogue. Toutefois, le CHUM ayant conditionné sa participation à une mesure de médiation au prononcé préalable d’un jugement et la discussion ne pouvant avoir lieu de manière apaisée si de nouvelles entraves constitutives de troubles illicites venaient à se reproduire, la présente juridiction ne peut dès lors que constater que la condition énoncée à l’article 131-1 code de procédure civile consistant à recueillir préalablement l’accord des parties, n’est pas remplie en l’état. De sorte, une mesure de médiation ne peut être ordonnée et il n’y a pas lieu à surseoir à statuer.

Il résulte des développements qui précèdent que les éléments versés par le CHUM caractérisent bien un trouble manifestement illicite. Il convient d’y mettre fin en enjoignant aux syndicats UGTM, CGTM, CDMT, FO et USAM, pris en leur nom personnel et à tout titre que ce soit, ainsi qu’à toute personne de leur chef, empêchant ou perturbant le contrôle des « pass sanitaire » par toute personne habilitée dans les strictes conditions fixées par la loi ou le règlement, ou le libre accès à n’importe quel des sites composant le CHUM, de cesser et faire cesser immédiatement et sans délai ces entraves, au seul vu de la minute de la présente décision, faute de quoi il sera procédé à leur expulsion, et l’enlèvement de toutes obstructions matérielles des accès aux établissements ou aux différents points de contrôle du CHUM, et en tant que de besoin avec le concours de la force publique.

Pour favoriser l’exécution de la présente décision, cette injonction sera en outre assortie d’une astreinte provisoire de 500 euros par jour civil de retard et par organisation syndicale, passé un délai de six heures suivant la présentation de la minute de la présente décision, l’entrave ou la perturbation effective du contrôle du pass sanitaire dans les conditions sus-visées, d’un seul site, suffisant à faire courir l’astreinte. Le juge des référés se réserve compétence aux fins de la liquidation de ladite astreinte.

La présente décision produira ses effets jusqu’au 1er décembre 2021 inclus, sauf levée avant l’expiration de ce délai, de l’obligation légale de contrôle du pass sanitaire s’imposant au CHUM.

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S’agissant de la demande de condamnation d’amende civile de 3.000 euros formée par le CHUM, il convient de déclarer celle-ci sans objet dès lors qu’il n’a pas été statué sur la demande de récusation formée à l’encontre d’un membre de la juridiction conformément à l’article 348 du code de procédure civile.

Les syndicats UGTM, CGTM, CDMT, FO et USAM qui succombent à l’instance seront condamnés in solidum aux frais et dépens. Il n’apparaît pas inéquitable cependant de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera jugé enfin que le jugement à intervenir sera exécutoire au seul vu de la minute.

PAR CES MOTIFS,

La formation collégiale du Tribunal Judiciaire statuant en état de référés, après débats publics, par décision contradictoire, et en premier ressort mise à disposition des parties conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, après que les parties en aient été informées à l’audience de plaidoirie,

Rejette les exceptions de nullité de l’assignation,

Rejette l’exception d’incompétence soulevée par la CDMT au profit du tribunal administratif de la Martinique,

Rejette l’exception de question préjudicielle et d’illégalité soulevée par la CDMT,

Rejette la demande de médiation,

En conséquence,

Dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer,

Rejette la demande de l’UGTM, de la CGTM et de FO tendant à ce que soit ordonné l’arrêt du processus du pass sanitaire,

Rejette la demande de mise hors de cause des syndicats USAM et CDMT,

Constate l’existence d’un trouble manifestement illicite imputable aux syndicats UGTM, CGTM, CDMT, FO et USAM,

Enjoint aux syndicats UGTM, CGTM, CDMT, FO et USAM pris en leur nom personnel et à tout titre que ce soit, ainsi qu’à toute personne de leur chef, empêchant ou perturbant le contrôle des « pass sanitaires » par toute personne habilitée dans les strictes conditions fixées par la loi ou le règlement, ou le libre accès à n’importe quel des sites composant le CHUM, de cesser et faire cesser immédiatement et sans délai ces entraves, dans un délai de six heures suivant la présentation de la minute de la présente décision, faute de quoi il sera procédé à leur expulsion, et à l’enlèvement de toutes obstructions matérielles des accès aux établissements ou aux différents points de contrôle du CHUM, et en tant que de besoin avec le concours de la force publique,

Fait interdiction aux syndicats UGTM, CGTM, CDMT, FO et USAM pris en leur nom personnel et à tout titre que ce soit, ainsi qu’à toute personne de leur chef, après libération des entraves constatées par la présente décision, d’empêcher ou de perturber à nouveau le contrôle des « pass sanitaires » par toute personne habilitée dans les strictes conditions fixées par la loi ou le règlement, ou le libre accès à n’importe quel des sites composant le CHUM,

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Dit quecette interdiction est ordonnée sous peine d’une astreinte provisoire de 500 euros par jour civil et par organisation syndicale, la présente interdiction étant valable jusqu’au 1er décembre 2021 inclus, sauf levée avant cette date de l’obligation légale de contrôle du pass sanitaire imposée au CHUM, et que l’entrave ou la perturbation effective du contrôle du pass sanitaire dans les conditions sus-visées d’un seul site suffit à faire courir

l’astreinte, Réserve au juge des référés de connaître de la liquidation de l’astreinte,

Déclare sans objet la demande d’amende civile formée par le CHUM,

Condamne in solidum les syndicats UGTM, CGTM, CDMT, FO et USAM aux

Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de dépens,

procédure civile, Dit que la présente décision est exécutoire au seul vu de la minute.

Ainsi fait et jugé les jours, mois et an susdits. La présente décision a été signée par

C D, 1ère Vice Présidente, et M N, greffier.

C D M N

En conséquence la République Française Mande et ordonne a tous Huissiers de justice sur ce requis de mettre ladite ordonnance

à exécution. Aux Procureurs Généraux et aux Procureurs

De la République près les Tribunaux Judiciaires d’y tenir la main. A tous Commandants et Officlers de la Force

Publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi la présente ordonnance a été signée par le Présiden t le Greffier. Pour première groe, délivrée ce jour à Maître BERTE Le Directeur des services de greffe judiciaires du Tribunal k

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Tribunal Judiciaire de Fort-de-France, 18 octobre 2021, n° 21/00632