Tribunal Judiciaire de Paris, 22 juin 2022, n° 20/08161

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Chronologie de l’affaire

Commentaires3

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Village Justice · 6 mars 2023

En application de l'ancien article 1134 du Code civil, selon lequel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites (et) doivent être exécutées de bonne foi », les juges ont donné à la bonne foi de plus en plus d'importance, en jurisprudence, au fil des années. Le phénomène semble amener à se prolonger, s'agissant particulièrement des baux commerciaux, au vu des dernières réformes, certes, mais également des dernières décisions judiciaires. Les arrêts rendus par la Cour de cassation les 30 juin et 23 novembre 2022 sont très intéressants à cet égard. …

 

Gide Real Estate · 27 juillet 2022

Les mesures adoptées par les pouvoirs publics dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19 ont entraîné la fermeture de nombreux commerciaux ou professionnels et motivé la suspension unilatérale du paiement des loyers par certains preneurs pendant les périodes concernées. Les juridictions ont été saisies – le plus souvent à l'initiative des bailleurs – pour obtenir le paiement des loyers de locaux. Pour contester l'obligation de paiement des loyers pendant les périodes de fermetures administratives, les preneurs ont largement puisé dans les fondements juridiques suivants : la …

 

Gide Real Estate · 24 juin 2022

Dans un jugement rendu le 22 juin 2022, le Tribunal judiciaire de Paris a écarté tous les moyens invoqués par le preneur, en ce compris l'article 1722 du Code civil (destruction de la chose louée), pour contester son obligation de paiement au titre du bail dans le contexte de la crise sanitaire. Dans cette affaire, le bailleur et le preneur ont conclu un bail commercial portant sur un lot d'un immeuble en copropriété pour l'exercice de l'activité « fitness-danse et arts martiaux remise en forme – SPA – (…) ». Pour se soustraire à son obligation de paiement de loyers et charges pour les …

 
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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 22 juin 2022, n° 20/08161
Numéro(s) : 20/08161

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS

18° chambre

2ème section

N° RG 20/08161

N° Portalis

352J-W-B7E-CSUW6

JUGEMENT N° MINUTE: 5 rendu le 22 juin 2022

Assignation du : 07 août 2020

[…]

DÉFENDERESSE BAILLEUR

Société (SCI)

représentée par Me Gérald BERREBI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #G0289

C.C.C. + C.C.C.F.E. délivrées le :

à

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Décision du 22 juin 2022 18° chambre 2ème section

N° RG 20/08161 – N° Portalis 352J-W-B7E-CSUW6

COMPOSITION DU TRIBUNAL

X Y, Vice-président Laurence POISSENOT, Vice-Présidente

Violette BATY, Vice-présidente

Assistés de Henriette DURO, Greffier, lors des débats, et de Z A,

Greffier, lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 14 avril 2022, tenue en audience publique devant X Y, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au Greffe Contradictoire

En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

a consenti à la Selon acte sous signature privée du 23 mai 2017, la| société un bail commercial portant sur le lot n°39 d’un immeuble en copropriété édifié , constitué d'un local en sous-sol, pour une durée de neuf années courant à compter du 1er juillet 2017, pour l’exercice de l’activité de « Fitness-Danse et Arts martiaux remise en forme – SPA – et toutes activités annexes ou connexes, y compris à titre accessoire, la vente de matériels et de denrées en lien avec l’activité principale et l’organisation de cours individuels ou collectifs en rapport avec l’activité principale », en contrepartie du paiement d’un loyer indexé de par an HT et HC, payable trimestriellement et d’avance.

Par acte sous signature privée du même jour, la société a consenti à la un contrat de sous-location commerciale portant sur les lots n°2 et n°43 de l’immeuble précité, constitués chacun d’un local commercial situé au rez-de-chaussée du bâtiment, pour l’exercice de l’activité précitée et pour une durée courant du 1ª¹ juillet 2017 au 22 juin 2020, le contrat précisant à cet égard que la D s’engageait à solliciter de la société , que la durée du bail soit portée à neuf ans à compter de sa date de prise d’effet. Le loyer indexé a été fixé à la somme de 150.000 € par an HT et HC, payable trimestriellement et d’avance.

et de la société! Selon les déclarations non contestées de la exploite le « groupe » un réseau de salles de sport à Paris et en proche banlieue.

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N° RG 20/08161 – N° Portalis 352J-W-B7E-CSUW6

Faisant état de difficultés financières consécutives à la pandémie de Covid-19, la société et la ont saisi par voie de C requête le Président du tribunal de commerce de Paris qui, par ordonnance du

, a ordonné la suspension du paiement des loyers et des charges exigibles en application des baux conclus par les différentes entités du « M », dont les deux baux précités, et ce pendant toute la période de fermeture administrative résultant des arrêtés des 14 et 15 mars 2020 pris par le Gouvernement, jusqu’à ce que le tribunal de commerce, saisi à bref délai au fond, ait pu rendre une décision contradictoire dans les litiges relatifs à l’exonération des loyers et des charges pendant la période de fermeture administrative.

La D a saisi le Président du tribunal de commerce d’une demande de rétractation de l’ordonnance du 15 mai 2020, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 7 juillet 2020 motivée par l’incompétence du tribunal de commerce pour connaître d’un litige portant sur l’exécution d’un bail commercial. La et la société ont relevé appel de cette décision, que la a confirmée en toutes sescour d’appel de Paris, statuant par arrêt du dispositions.

Le 27 juillet 2020, la s a fait signifier à la un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur un arriéré locatif de 85.687 € au titre des deux baux précités.

Le 7 août 2020, la et devant ce tribunal en opposition à ont fait assigner la société commandement de payer. C’est la présente instance.

Par actes des 31 juillet et 1er septembre 2020, la a fait assigner la devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins, notamment, de constat de l’acquisition de la clause résolutoire du bail et de condamnation de la défenderesse au paiement d’une provision à valoir sur arriéré locatif. Par ordonnance du 21 janvier 2021, le juge a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la bailleresse. Cette dernière a relevé appel de cette décision devant la cour d’appel de Paris qui, statuant par arrêt du 8 juillet 2021, a confirmé l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation provisionnelle au paiement d’un arriéré locatif, mais l’a infirmée en constatant l’acquisition de la clause résolutoire, en accordant rétroactivement des délais de paiement à la et en constatant que la clause résolutoire, compte tenu du paiement intervenu, devait être réputée ne jamais avoir joué.

Parallèlement, le 12 août 2020, ont fait assigner leurs divers bailleurs devant le tribunal de commerce de Paris aux fins, notamment, d’être exonérées du paiement des loyers et des charges pendant la période de fermeture administrative des établissements. Par jugement du 21 juin 2021, le tribunal s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris.

Par ordonnance du 29 mars 2021, le juge de la mise en état désigné dans le cadre de la présente instance a ordonné une médiation judiciaire confiée à

La médiation n’ayant toutefois pas permis de parvenir à un règlement amiable du litige, l’affaire a été renvoyée à la mise en état.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 août 2021,

demandent au tribunal de

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"Vu les articles 1104, 1148, 1195, 1218, 1219,1220,1231-1,1719 et 1722 du Code civil,

Vu les anciens articles 1148 et 1184 du Code civil,

Vu les jurisprudences citées,

DECLARER recevable et bien fondée M

toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

ORDONNER au bénéfice de la s

l’exonération des loyers et des charges pendant toute la durée de la fermeture administrative et d’interdiction d’accueillir du public telles que fixés dans le contrat de bail conclu avec PRONONCER en conséquence la nullité du commandement de payer, les sommes réclamées n’étant pas dues, ou à tout le moins, DECLARER sans effet le commandement de payer;

- DEBOUTER de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en vue

d’obtenir le paiement le règlement des sommes mentionnées dans le commandement de payer du 27 juillet 2020;

En tout état de cause,

|à payer aux requérantes la somme de 15.000 € à

- CONDAMNER la titre de dommages et intérêts pour commandement abusif; à payer à régler la somme de 10.000 € sur le

- CONDAMNER la fondement de

l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’instance".

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 novembre 2021, la demande au tribunal de :

"Vu l’article 1728 du code civil,

Vu les articles L.145-1 et suivants et R. 145-1 et suivants du Code de commerce,

Condamner à payer à la

| la somme de 236.676,65 euros au titre des loyers, charges et accessoires dus,

Débouter de l’ensemble de leurs demandes,

Condamner solidairement

la somme de 15.000 euros au titre à payer de l’article 700 du CPC,

Condamner solidairement

aux entiers dépens, dont le commandement de payer."

La clôture a été prononcée par ordonnance du 24 novembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’exonération des loyers et des charges pendant la période de fermeture administrative et d’interdiction d’accueillir du public et sur la demande aux fins de voir dire nul ou de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire du 27 juillet 2020

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A l’appui de leurs demandes, la s expliquent :

- qu’à titre liminaire, à laquelle

l’exploitation des lieux loués a été déléguée, à un intérêt légitime à intervenir dans la présente instance; qu’il importe peu que s’explique sur les conditions juridiques et financières de cette délégation, ainsi que le demande la] dès lors que l’impact la crise sanitaire a été le même pour les deux sociétés;

- que par suite des mesures de confinement adoptées par les pouvoirs publics pour lutter contre la pandémie de Covid-19, et Ro do se trouvent dans une situation financière extrêmement complexe, alors qu’elles ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier des aides financières mises en place par le décret n°2020-371 du 30 mars 2020;

- que la s a manqué à son obligation de bonne foi résultant de l’article

1104 du code civil en refusant d’apporter une réponse satisfaisante aux demandes de franchise de loyer et d’aménagement des termes du bail que la lui a adressées;

- que par ailleurs, pendant les périodes courant du 14 mars au 22 juin 2020 puis du 26 septembre 2020 au 9 juin 2021, la a manqué à ses obligations de délivrance et de jouissance paisible en raison d’un cas de force majeure constitué par la pandémie de Covid-19; que dans ces conditions, la est fondée à se prévaloir de l’exception d’inexécution pour ne pas payer le loyer et les charges normalement exigibles;

- qu’en outre, la fermeture administrative de son local pendant les périodes précitées s’apparente à une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du code civil;

- qu’enfin, la survenance de la pandémie de Covid-19 justifie la mise en oeuvre de la révision du loyer prévue par l’article 1195 du code civil, qui doit conduire le tribunal à annuler les échéances des 2ème et 4ème trimestres 2020; que par voie de conséquence, le commandement de payer du 27 juillet 2020 porte sur une créance non exigible et doit donc être annulé ou dit de nul effet.

La | réplique:

- que la formule une demande d’exonération de loyer sans toutefois verser aux débats le ou les contrats qui la lient à sa filiale, la

,qui a la jouissance des lieux loués; qu’à défaut d’explication sur cette "situation particulière”, la doit être déboutée de ses demandes;

- qu’en tout état de cause, la , qui a tenu en permanence à disposition de sa locataire un local parfaitement conforme à sa destination contractuelle, n’a pas manqué à ses obligations de délivrance et de jouissance paisible; qu’en effet, l’impossibilité d’exploiter invoquée par la et la est imputable à la seule activité de la locataire et est sans lien qui est exempt de tout vice;avec le local en lui-même, que la qui a soumis à sa locataire des propositions de règlement échelonné de sa dette et a offert d’annuler un mois de loyer, n’a fait preuve d’aucune mauvaise foi dans l’exécution du bail; que l’article 1722 du code civil n’est pas applicable en l’espèce en l’absence de perte P

de la chose louée; que ne

-

peuvent soutenir qu’elles n’ont pu exploiter les lieux loués du 26 septembre 2020 au 9 juin 2021 alors que les locaux sont de nouveau ouverts 7 jours sur 7 depuis le 19 octobre 2020; que le statut des baux commerciaux comprend ses propres dispositions relatives aux

-

modalités de révision du loyer, ce dont il se déduit que l’article 1195 du code civil est inapplicable aux baux commerciaux; qu’en tout état de cause, les conditions d’application de cet article ne sont pas réunies en l’espèce, dès lors, notamment, que

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l’article 1195 du code civil a pour but d’adapter le contrat et non de dispenser une partie de ses obligations et que a unilatéralement décidé en l’espèce de cesser de payer de loyer; que la force majeure ne peut être invoquée pour justifier un défaut de paiement de somme d’argent; qu’en outre, les demanderesses ne produisent aucune pièce permettant de connaître leur chiffre d’affaires et les aides, notamment publiques, dont elles ont bénéficié, alors qu’elles appartiennent à un puissant fonds d’investissement dénommé

A titre liminaire, le tribunal observe que la ne se fonde sur aucune disposition légale précise pour conclure que l’absence de production, par

, des contrats qui la lient à sa filiale, la

, doit conduire au débouté des prétentions formées par les demanderesses. Ce moyen, insuffisamment développé, sera donc rejeté.

a) Sur le manquement allégué à l’obligation d’exécution de bonne foi des contrats

L’article 1104 du code civil énonce que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En application de ces dispositions, il appartient aux parties au contrat, en présence de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces dernières ne rendent pas nécessaires une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives.

En l’espèce, la survenance de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 constitue une circonstance exceptionnelle.

Il ressort des pièces versées aux débats que par courriel du 2 avril 2020, BENDA2 a sollicité de la une suspension temporaire du paiement des loyers jusqu’au jour de la réouverture de ses clubs, arguant de l’existence d’un cas de force majeure. Par ailleurs, par courrier du 23 avril 2020 à en-tête du les différents bailleurs des locaux exploités sous l’enseigne | ont été invités, compte tenu des conséquences économiques de la crise sanitaire, à entrer dans un « processus de négociation visant à redéfinir nos engagements respectifs »

Par lettres des 18 avril et 4 mai 2020, la a répondu à la qu’elle ne pouvait accepter de suspendre le paiement du loyer en raison de ses propres charges et a proposé à sa locataire de s’acquitter de l’échéance du 2ème trimestre 2020 en sept règlements mensuels à compter du 1er juin 2020 et de mensualiser les échéances de règlement des 3ème et 4ème trimestres 2020. Puis, à la suite de la mise en place du deuxième confinement par les pouvoirs publics, la a proposé à la par courriers des 10 et 27 novembre 2020, d’une part, de renoncer à la perception d’un mois de loyer au titre du 4ème trimestre 2020, d’autre part, de s’acquitter du solde de cette échéance du 4ème trimestre en trois versements égaux à compter du 1er janvier 2021. La bailleresse relève, sans être utilement démentie par les demanderesses, que la n’a pas apporté de réponse à ses différentes propositions.

Au vu de ces éléments, ne rapportent pas la preuve d’une exécution contractuelle de mauvaise foi de la part de la

b) Sur le manquement allégué à l’obligation de délivrance et de jouissance paisible

Aux termes de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat,

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et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

En l’espèce, la ne conteste pas que pendant les périodes litigieuses courant du 14 mars au 22 juin 2020 puis du 26 septembre 2020 au 9 juin 2021, a tenu à sa disposition les locaux objet des deux baux du 23 mai 2017 et que ceux-ci sont demeurés aptes à remplir la destination pour laquelle ils ont été loués. Par ailleurs, le trouble de jouissance dont | se prévalent, du fait de la fermeture administrative du commerce imposée par les pouvoirs publics pour lutter contre la propagation de la pandémie de Covid-19, n’est pas garanti par le bailleur. Il convient donc de dire la

| mal fondée en son exception d’inexécution.

c) Sur la force majeure

Aux termes de l’article 1218 du code civil, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.

Il est toutefois de principe que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure. Ce moyen soulevé par 15 sera donc rejeté.

d) Sur la destruction alléguée de la chose louée

Aux termes de l’article 1722 du code civil, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.

En l’espèce, l’impossibilité d’exploiter les locaux pris à bail par | du fait des mesures administratives adoptées par les pouvoirs publics résulte de la nature de l’activité économique exercée dans les lieux loués et non de la chose louée elle-même, qui n’est détruite ni en totalité, ni partiellement. Dans ces conditions, la demande d’exonération fondée sur l’article 1722 du code civil sera rejetée.

e) Sur la demande de révision des baux

Aux termes de l’article 1195 du code civil, si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe.

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Aucune disposition légale n’exclut l’application de ce mécanisme de révision contractuelle aux baux commerciaux.

En l’espèce, la survenance de la pandémie de Covid-19 constitue un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion des deux baux.

Il ressort de ses conclusions que | se prévaut de l’article 1195 du code civil pour obtenir une annulation pure et simple des échéances de loyers et de charges (cf. page 27: « les demanderesses sollicitent de réviser les termes du bail pour les périodes de fermeture administrative en annulant les 2ème et 4ème trimestre 2020 »). Or, tel n’est pas l’objet de cette disposition, qui vise à procéder à un rééquilibrage durable et pour l’avenir des obligations réciproques des parties.

En outre, il résulte des termes précités de l’article 1195 du code civil que la force obligatoire du contrat est maintenue pendant toute la période des négociations conduites par les parties. La ne pouvait donc se dispenser unilatéralement de payer le loyer et les charges dus à la O au motif que cette dernière n’avait pas apporté la réponse espérée à sa demande d’adaptation des deux baux.

Enfin, la se borne à verser aux débats un document dénommé « chiffre d’affaires de 2017 à 2020 » (en fait mars 2020), constitué d’un tableau dont l’auteur n’est pas précisé et sur lequel le nom de la n’apparaît pas (cf. sa pièce n°19), et une attestation datée du 30 avril 2020 du cabinet d’expertise comptable faisant état, en des termes très généraux, de la baisse du chiffre d’affaires des sociétés du groupe en ce compris les deux demanderesses (cf. sa pièce n°20). Au vu de ces deux seules pièces, ne démontre pas que le changement de circonstances induit par la pandémie de Covid-19 a rendu l’exécution des deux baux excessivement onéreuse pour elle. Partant, elle est mal fondée à se prévaloir des dispositions de l’article 1195 du code civil.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, seront déboutées de leur demande d’exonération. Par voie de conséquence, elle seront également déboutées de leur demande aux fins de voir dire le commandement de payer du 27 juillet 2020 nul ou de nul effet. au paiement de 15.000Sur la demande de condamnation de la s

€ de dommages et intérêts

affirment que la a fait preuve d’un comportement déloyal en refusant de prendre en considération les circonstances exceptionnelles liées à la propagation de la pandémie de Covid-19 et en persistant à réclamer le paiement du loyer et des charges pendant les périodes durant lesquelles le preneur n’a pu jouir des locaux et y exercer l’activité prévue par le bail. Elles assurent que dans ces conditions, le commandement de payer du 27 juillet 2020 est abusif.

La conteste toute faute.

Aux termes de l’article 1217 du code civil, applicable dans les relations entre la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut : refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation; poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation; obtenir une réduction du prix; provoquer la résolution du contrat; demander réparation des conséquences de l’inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

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Par ailleurs, l’article 1240 du code civil, applicable aux relations entre

, dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, ainsi qu’il a été jugé ci-dessus, et ne rapportent pas la preuve d’un comportement fautif de

. En tout état de cause, elles n’apportent aucune explication concrète sur la nature du préjudice qu’elles affirment avoir subi toutes les deux et dont elles sollicitent la réparation au moyen de l’allocation de 15.000 € de dommages et intérêts. Leur demande indemnitaire sera par conséquent rejetée.

Sur la demande reconventionnelle de condamnation de à payer à | la somme de 236.676,65 € à titre d’arriéré locatif

L’article 1728 du code civil énonce que le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue l’une des deux obligations principales du preneur.

En l’espèce, produit deux extraits compte correspondant aux deux baux consentis à arrêtés aux sommes suivantes à la date 14 septembre 2021, échéance du 3ème trimestre 2021 incluse et déduction faite du mois de loyer abandonné par le bailleur:

- au titre du bail portant sur le | 58.823,61 €

- au titre du bail portant sur les 177.853,04 €

Total: 236.676,65 €.

contestent le principe d’une partie de cette dette mais non pas son quantum. Leur demande d’exonération ayant été rejetée pour les motifs exposés ci-dessus, il convient de condamner à payer à la somme de 236.676,65

€ à titre de loyers et charges selon décompte arrêté au 14 septembre 2021, échéance du 3ème trimestre 2021 incluse, outre les intérêts au taux légal sur la somme de 85.687 € à compter du 27 juillet 2020, date du commandement de payer, puis sur la somme de 236.676,65 € à compter du 5 novembre 2021, date de notification par voie électronique des conclusions de la comportant actualisation de sa demande reconventionnelle.

Sur les autres demandes

qui perdent le procès qu’elles ont engagé, supporteront in solidum la charge des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire signifié à la locataire le 27 juillet 2020.

L’équité commande de condamner in solidum la somme de 3.000 à payer à

€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 131-13 du code de procédure civile, les frais de la médiation seront répartis à part égale entre les parties entre, d’une part, l à hauteur de la moitié, d’autre part, la à hauteur de la moitié.

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PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au Greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute de l’ensemble de leurs demandes,

Condamne payer à la A la somme de 236.676,65 € à titre de loyers et charges selon décompte arrêté au 14 septembre 2021, échéance du 3ème trimestre 2021 incluse, outre les intérêts au taux légal sur la somme de 85.687 € à compter du 27 juillet 2020, puis sur la somme de 236.676,65 € à compter du 5 novembre 2021,

Condamne in solidum à payer la société la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

du surplus de ses demandes,Déboute la

Dit que les frais de la médiation confiée à seront répartis à part égale entre, d’une part, à hauteur de la moitié, d’autre part, la à hauteur de la moitié,

Condamne in solidum aux dépens de

l’instance, en ce compris le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 27 juillet 2020.

Fait et jugé à Paris le 22 juin 2022

Le Président Le Greffier

X Y Z A

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Tribunal Judiciaire de Paris, 22 juin 2022, n° 20/08161