Décision de la Commission des sanctions du 25 juillet 2019 à l'égard de la société Forest Invest et de Monsieur Olivier Segouin

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Sur la décision

Référence :
AMF, 25 juill. 2019, n° SAN-2019-11
Numéro : SAN-2019-11
Identifiant AMF : SAN-2019-11

Texte intégral

La Commission des sanctions

COMMISSION DES SANCTIONS Décision n° 11 du 25 juillet 2019

Procédure n° 18-05 Décision n°11

Personnes mises en cause :

 Forest Invest SAS Dont le siège social est 3 rue Abbe Meslier 25000 Besançon Prise en la personne de son représentant légal Ayant élu domicile au cabinet Paris Wilson, 21 avenue du Président Wilson – Place d’Iéna, 75116 Paris

 M. Olivier Segouin Né […] à […] Domicilié […] Ayant élu domicile au cabinet Paris Wilson, 21 avenue du Président Wilson – Place d’Iéna, 75116 Paris

La 2ème section de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après : « AMF ») :

Vu la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et notamment ses articles 4.1, 19.4 et 61 ;

Vu l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d’actifs et notamment son article 33 ;

Vu le code monétaire et financier, et notamment ses articles L. 214-24, L. 214-24-4, L. 532-9, L. 532-9-1, L. 533-12, L. 621-15 et R. 532-12-1;

Vu l’article L. 331-4-1 du code forestier ;

Vu le règlement général de l’AMF, et notamment ses articles 143-3, 312-6, 313-1, 313-2, 313-3, 313-6, 313-18, 313-20,313-22, 313-54, 314-11, 314-16 et 323-40 ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 21 juin 2019 :

— M. Didier Guérin, en son rapport ;

- Mme Lauriane Bonnet, représentant le collège de l’AMF ;

- M. Olivier Segouin, tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant de la société Forest Invest dont il est le président, assisté par ses conseils Mes Serge Gauthier et Juliette Roose, avocats du cabinet Paris Wilson ;

17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

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M. Olivier Segouin ayant eu la parole en dernier.

FAITS

Forest Invest, société par actions simplifiée spécialisée dans l’investissement forestier et dans l’animation de groupements forestiers, est une société de gestion agréée par l’AMF le 28 avril 2014 pour réaliser les activités de gestion de FIA, de gestion sous mandat et de conseil en investissement, agrément réduit à la seule gestion de FIA le 5 septembre 2017.

Ses deux fondateurs, MM. Olivier Segouin et Franck Laclef, actionnaires égalitaires de la société Groupe Domaines et Patrimoine qui détient 100 % du capital de Forest Invest, ont dirigé Forest Invest en qualité, respectivement, de directeur général et de président et RCCI jusqu’au 15 septembre 2015.

A cette date, pour mettre un terme au conflit qui opposait les deux fondateurs depuis l’automne 2014, M. Laclef a cédé l’intégralité de sa participation dans Groupe Domaines et Patrimoine à M. Segouin, qui est devenu président et RCCI de Forest Invest.

Les véhicules gérés par Forest Invest sont des groupements forestiers détenus par des familles et des groupements forestiers ouverts à la commercialisation auprès du public, devenus des groupements forestiers d’investissement avec l’évolution de la réglementation (ci-après les « GFI »).

Au 30 mars 2016, Forest Invest gérait 34 GFI représentant un montant d’encours sous gestion de 73,4 mil ions d’euros, détenant 63 massifs forestiers implantés en France métropolitaine pour un total de 8 000 hectares, dont les GFI assurent la gestion technique.

PROCÉDURE

Le 14 octobre 2016, le secrétaire général de l’AMF a décidé de procéder au contrôle du respect par Forest Invest de ses obligations professionnelles.

Le contrôle a donné lieu à l’établissement d’un rapport daté du 28 août 2017.

Le rapport de contrôle a été adressé au président de Forest Invest par lettre du 5 septembre 2017 l’informant qu’il disposait d’un délai d’un mois pour présenter des observations.

Forest Invest, qui a bénéficié d’une prolongation du délai initialement imparti, a déposé ses observations le 20 octobre 2017.

La commission spécialisée n°1 du collège de l’AMF a décidé, le 19 avril 2018, de notifier des griefs à Forest Invest et à M. Segouin.

Les notifications de griefs ont été adressées aux deux mis en cause par lettres du 3 mai 2018.

Il est reproché à Forest Invest :

 d’une part, d’avoir manqué à l’obligation de veiller à ce qu’un dépositaire soit désigné pour chaque GFI géré, en méconnaissance des dispositions des articles L. 214-24 III 2° et L. 214-24-4 du code monétaire et financier, d’autre part, de ne pas avoir permis aux dépositaires de remplir leur mission de contrôle, en méconnaissance des dispositions de l’article 323-40 du règlement général de l’AMF ;

 de ne pas avoir veillé à l’établissement et au maintien d’un dispositif de contrôle interne et de conformité approprié et opérationnel, en méconnaissance des dispositions des articles 313-1, 313- 2 I 1°, 313-3 1° et 313-54 I et IV du règlement général de l’AMF ;

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 d’avoir manqué à ses obligations en matière de commercialisation et d’information au public, d’une part en ne disposant pas de procédure opérationnelle concernant sa documentation commerciale, d’autre part, en ayant diffusé auprès des investisseurs des informations présentant un caractère erroné et trompeur, en méconnaissance des articles 533-12 du code monétaire et financier et 313-1,314-11 et 314-16 du règlement général de l’AMF ;

 d’avoir manqué à ses obligations en matière de mise en œuvre d’une politique efficace et d’un dispositif de gestion opérationnel des conflits d’intérêts, de tenue du registre des conflits d’intérêts, en méconnaissance des articles 313-18, 313-20 et 313-22 du règlement général de l’AMF et de ne pas avoir déclaré les modifications des conditions de son agrément, en méconnaissance des dispositions des articles L. 532-9 et L. 532-9-1 du code monétaire et financier ;

 d’avoir manqué à son obligation de diligence vis-vis de la mission de contrôle, en méconnaissance de l’article 143-3 alinéa 3 du règlement général de l’AMF.

Les faits sur lesquels porte la notification de griefs se sont déroulés au cours d’une période comprise entre le 28 avril 2014 et le 28 août 2017.

Ces manquements sont également reprochés à M. Segouin, en sa qualité de président et dirigeant responsable au sens des articles L. 532-9, II, 4° du code monétaire et financier et 312-6 du règlement général de l’AMF, qui lui imposait de s’assurer que le prestataire de services d’investissement se conforme à ses obligations professionnelles, en application de l’article 313-6 du règlement général de l’AMF.

Une copie de la notification de griefs a été transmise le 3 mai 2018 à la présidente de la commission des sanctions, conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier.

Par décision du 17 mai 2018, la présidente de la commission des sanctions a désigné M. Didier Guérin en qualité de rapporteur.

Par lettre du 25 mai 2018, les mis en cause ont été informés qu’ils disposaient d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

Le 3 juillet 2018, les mis en cause ont présenté des observations en réponse aux notifications de griefs.

Ils ont été entendus par le rapporteur le 18 mars 2019 et, à la suite de ces auditions, ont déposé des observations le 21 mars 2019.

Le rapporteur a déposé son rapport le 29 avril 2019.

Le 17 mai 2019, Forest Invest et M. Segouin ont déposé des observations en réponse au rapport du rapporteur.

Par lettre du 2 mai 2019 à laquelle était joint le rapport du rapporteur, Forest Invest et M. Segouin ont été convoqués à la séance de la commission des sanctions du 21 juin 2019 et informés qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse au rapport du rapporteur, conformément aux dispositions du III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettre du 20 mai 2019, les mis en cause ont été informés de la composition de la formation de la commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 21 juin 2019 ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres.

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MOTIFS DE LA DÉCISION

I. A titre liminaire, sur l’agrément de Forest Invest et la nature des fonds gérés

1. La notification de griefs reproche à Forest Invest, société de gestion agréée pour la gestion de FIA, d’avoir manqué à certaines de ses obligations relatives au contrôle dépositaire, au contrôle interne et de conformité, à la commercialisation des fonds et à l’information des investisseurs ainsi qu’à la gestion des conflits d’intérêts, dans le cadre de la gestion de ses GFI.

2. Il convient, à titre liminaire, de vérifier le cadre réglementaire applicable à la gestion des GFI par Forest Invest.

1. Cadre réglementaire

3. Aux termes du I de l’article 33 de l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d’actifs (ci-après l’« Ordonnance de transposition »), qui a transposé en France la directive 2011/61/UE du Parlement Européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (ci-après la « Directive AIFM

») : « Les sociétés de gestion exerçant, à la date de publication de la présente ordonnance, des activités correspondant aux dispositions qu’elle contient demandent leur agrément en qualité de société de gestion de portefeuille défini à l’article L. 532-9 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de cette ordonnance, avant le 22 juillet 2014 ».

4. L’article L. 214-24 I du code monétaire et financier, qui transpose l’article 4(1) de la Directive AIFM portant définition de la notion de fonds d’investissement alternatifs (ci-après « FIA ») dispose que : « I. – Les fonds d’investissement relevant de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011, dits « FIA » : / 1° Lèvent des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, dans l’intérêt de ces investisseurs, conformément à une politique d’investissement que ces FIA ou leurs sociétés de gestion définissent ; / 2° Ne sont pas des OPCVM. ».

5. L’article L. 214-24 du code monétaire et financier distingue les FIA par nature, visés au paragraphe II parmi lesquels figurent « les FIA ouverts à des investisseurs non professionnels régis par la sous-section 2 [de la section 2 (FIA) du chapitre IV (Placements collectifs) du titre 1er (Les instruments financiers) du livre II (Les produits) du code monétaire et financier] », et les « autres FIA » mentionnés au III qui répondent à la définition donnée au paragraphe I précité.

6. Les groupements forestiers d’investissement qui, jusqu’au 3 janvier 2018, ne figuraient pas parmi les FIA par nature visés au II de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier, étaient néanmoins susceptibles de regrouper au moins deux investisseurs et d’avoir pour objet de lever des capitaux en vue de les investir conformément à une politique d’investissement définie de sorte qu’ils pouvaient être qualifiés d’autres FIA, au sens du III dudit article.

7. La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a introduit un article L. 331-4-1 dans le code forestier aux termes duquel : « I. Tout groupement forestier mentionné à l’article L. 331-1 qui lève des capitaux auprès d’investisseurs, en vue de les investir, dans l’intérêt de ces derniers et conformément à une politique d’investissement que ce groupement ou sa société de gestion définit, est un groupement forestier d’investissement. Ce groupement est soumis à l’article L. 214-24 du code monétaire et financier. […] ».

8. L’ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d’actifs et du financement par la dette, entrée en vigueur le 3 janvier 2018, a modifié l’intitulé du paragraphe 4 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre IV du titre 1er du livre II du code monétaire et financier pour y intégrer les « groupements forestiers d’investissement » de sorte que ces derniers sont, depuis cette date, des FIA par nature au sens du II de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier.

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9. Il résulte ensuite de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier que les obligations auxquelles sont astreints les gestionnaires de FIA, tant par nature que par objet, diffèrent selon que la valeur totale des actifs des FIA gérés se situe au-dessus ou en dessous de l’un des deux seuils prévus par l’article R. 532-12-1 du code monétaire et financier, par renvoi de l’article L. 532-9 du même code, soit « 100 mil ions d’euros, y compris les actifs acquis par le recours à l’effet de levier » ou « 500 millions d’euros lorsqu’ils ne recourent pas à l’effet de levier et pour lesquels aucun droit au rachat ne peut être exercé pendant une période de cinq ans à compter de la date de l’investissement initial dans chaque FIA ».

10. Sont soumis partiellement à la Directive AIFM, sauf s’ils optent pour son application intégrale :

- les gestionnaires de FIA par nature dont le total des actifs de FIA gérés se situe sous les seuils précités, en application de l’article L. 214-24 II du code monétaire et financier ;

- les gestionnaires de FIA par objet dont le total des actifs de FIA gérés se situe sous les seuils précités et qui ont au moins un porteur de parts ou actionnaire non professionnel, en application de l’article L. 214-24 III du code monétaire et financier.

2. Sur la qualification juridique des GFI gérés et l’agrément de Forest Invest

11. Les GFI gérés par Forest Invest sont des sociétés civiles dotées d’un capital variable formé des souscriptions des investisseurs non professionnels, qui sont gérés selon une politique d’investissement définie par Forest Invest reposant sur l’acquisition de forêts en vue de les gérer, de les exploiter et de les valoriser à terme, en application d’un plan simple de gestion forestière. Par ail eurs, les GFI ne sont pas des OPCVM agréés conformément à la directive 2009/65/CE du Parlement et du Conseil du 13 juillet 2009 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

12. Les GFI répondent donc à la définition des FIA donnée par l’article L. 214-24 I du code monétaire et financier et étaient régis, avant le 3 janvier 2018, par les dispositions de l’article L. 214-24 III du code monétaire et financier et relèvent, depuis cette date, des dispositions du II du même article.

13. Forest Invest gère des GFI dont au moins l’un permet l’exercice d’un droit de rachat pendant une période de cinq ans à compter de la date de l’investissement initial comme en attestent, à titre d’exemple, les statuts de son GFI Domaines & Patrimoine VI dont l’article 11 ne prohibe le retrait que pendant 4 ans.

14. Il en résulte que le seuil pertinent pour Forest Invest pour l’application intégrale de la directive AIFM est le seuil de 100 millions d’euros.

15. Il résulte du dossier d’agrément de Forest Invest que lors du dépôt de sa demande en décembre 2013, la mise en cause gérait des groupements forestiers pour près de 35 millions d’euros et se situait donc en- dessous du seuil de 100 millions d’euros. Par ail eurs, la mise en cause n’a pas opté pour l’application intégrale de la Directive dans sa demande d’agrément.

16. En conséquence, Forest Invest a été agréée par l’AMF le 28 avril 2014 en qualité de société de gestion de portefeuil e partiel ement soumise à la directive AIFM et demeure aujourd’hui soumise à ce régime al égé selon la base GECO de l’AMF.

II. Sur l’absence et le défaut de contrôle dépositaire

1. Sur l’absence de dépositaire

17. Il est fait grief à Forest Invest de ne pas avoir veil é à ce qu’un dépositaire soit désigné pour chacun des GFI gérés, en violation des dispositions des articles L. 214-24 III 2° et L. 214-24-4 du code monétaire et financier. La notification de griefs précise, d’une part, qu’entre le 28 avril 2014 et le 16 décembre 2015, Forest Invest n’avait pas nommé de dépositaire pour cinq GFI, d’autre part, qu’au 31 mars 2017, seize autres GFI ne disposaient pas de dépositaire, parmi lesquels treize ont été créés avant l’agrément du 28 avril 2014 dont six ont acquis des forêts après cette date et trois ont été créés après l’agrément.

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18. La mise en cause conteste le grief.

19. Elle s’oppose d’abord aux constatations de la poursuite relatives au nombre de GFI dépourvus de dépositaires entre le 28 avril 2014 et le 16 décembre 2015. Elle relève que le premier dépositaire, CACEIS, a été désigné pour les 6 GFI Domaines & Patrimoine I à VI de manière rétroactive au 18 juin 2014 et qu’au 16 décembre 2015, 12 GFI ont été dotés d’un dépositaire. Dans ses dernières écritures, la mise en cause ajoute, s’agissant des GFI Domaines & Patrimoine IX à XIII dont la constitution s’échelonne entre le 3 décembre 2014 et le 17 avril 2015, qu’ils ne pouvaient être dotés d’un dépositaire le 28 avril 2014, soit plusieurs mois avant leur création. A cet égard, elle explique que dès le mois de mai 2015, M. Segouin a décidé de désigner un nouveau dépositaire unique pour les groupements astreints à cette obligation, en procédant, avec l’assistance de la société 99 Advisory, RCCI externe, par voie d’appel d’offre qui s’est soldé par la conclusion d’une convention cadre dépositaire avec la Société Générale le 16 décembre 2015. Elle précise que les négociations liées à cette désignation ont été longues afin de préserver les intérêts des investisseurs, au regard du coût de cette mission récurrente. Elle expose également avoir été incitée à la prudence dans le choix de son second dépositaire au regard de l’attitude du premier dépositaire, CACEIS, dont el e allègue d’une lenteur à prendre ses fonctions et explique que ce prestataire qui avait initialement accepté d’être désigné pour l’ensemble des GFI, s’est rétracté au départ de M. Laclef.

20. Forest Invest fait encore valoir qu’il n’est pas établi par la poursuite que l’absence temporaire de dépositaire ait été préjudiciable au bon fonctionnement des GFI et aux réels intérêts des investisseurs et déplore que les contrôleurs se soient bornés à faire une application abstraite des textes, sans prendre en considération les explications fournies par ses dirigeants quant aux difficultés rencontrées par la société pendant la période de conflit d’actionnaires.

21. Forest Invest explique ensuite qu’il pesait une incertitude sur l’obligation de désigner un dépositaire pour les six GFI créés avant son agrément au regard de l’absence de définition claire et précise de la notion de FIA fermé sur la période 2013-2014, le fait générateur n’étant pas selon elle la poursuite des investissements, mais l’ouverture du capital. Elle fait valoir que la décision de ne pas désigner de dépositaire pour les six groupements créés avant l’agrément ayant acquis des forêts après cette date a été prise par M. Laclef, RCCI de Forest Invest, et relève de sa responsabilité personnelle.

22. En outre, elle précise, s’agissant des groupements créés avant l’agrément ayant acquis des massifs postérieurement au 28 avril 2014, que les compromis de vente, dépourvus de conditions suspensives et valant donc vente, ont été conclus avant cette date, la signature des actes notariés après le 28 avril 2014 étant la conséquence de la lenteur notariale. Elle considère donc que la politique d’investissement pour ces groupements était, à cette date, achevée. La mise en cause joint à ses dernières écritures un compromis de vente conclu avant la date d’agrément, dont elle allègue qu’il ne comporte aucune condition suspensive autre que technique, qui vaut donc vente et conclut que les deux GFI concernés par cet acte n’avaient pas l’obligation de désigner un dépositaire.

23. Forest Invest al ègue encore que les trois derniers GFI visés par la poursuite, créés après l’agrément, ont été dotés d’un dépositaire, la Société Générale, dès leur constitution, de sorte qu’elle conclut que seuls 4 GFI, sur les 21 mentionnés par la notification de griefs, sont concernés par le grief notifié.

24. Enfin, la mise en cause fait observer que tous ses GFI sont désormais dotés d’un dépositaire unique, la Société Générale.

Sur les textes applicables

25. Les faits reprochés, qui se sont déroulés entre le 28 avril 2014 et le 31 mars 2017, doivent être examinés au regard des textes applicables à l’époque des faits, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

26. Aux termes du III de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 28 juillet 2013 au 11 décembre 2016, non modifié depuis dans un sens moins sévère : « III. Les FIA qui ne sont pas mentionnés au II sont appelés : « Autres FIA ». / Lorsqu’une personne morale gère un ou plusieurs

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« Autres FIA » dont la valeur totale des actifs, combinée avec les autres actifs qu’elle gère et calculée conformément à l’article 2 du règlement délégué (UE) n° 231/2013 de la Commission du 19 décembre 2012 : /[….] /2° Est inférieure aux seuils mentionnés au IV de l’article L. 532-9, ces « Autres FIA » désignent un dépositaire et sont gérés par une société de gestion de portefeuille lorsqu’ils ont au moins un porteur de parts ou actionnaire non professionnel. Ces « Autres FIA » n’appliquent pas les dispositions des paragraphes 1, 3, 4 et 5 de la sous-section 1 et leur société de gestion de portefeuille est soumise aux obligations d’information prévues par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers. Leur société de gestion de portefeuille peut choisir de soumettre ces « Autres FIA » au régime décrit au 1° ; […] »

27. L’article L. 214-24-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 juillet 2013 dispose : « Le FIA ou sa société de gestion veil e à ce qu’un dépositaire unique soit désigné. / Dans les conditions fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, la désignation du dépositaire est matérialisée par un contrat écrit. Ce contrat définit notamment les informations nécessaires pour permettre au dépositaire de remplir ses fonctions ».

Sur l’examen du grief

28. Les articles L. 214-24 III 2° du code monétaire et financier, applicables aux « autres FIA » dont relevaient, avant le 3 janvier 2018, les GFI, et l’article L. 214-24-4 du même code, édictent pour les sociétés de gestion agréées pour la gestion de FIA sous le régime AIFM partiel une obligation de désigner un dépositaire unique pour chaque FIA géré et commercialisé auprès d’investisseurs non professionnels.

29. S’agissant des FIA mentionnés au II de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier, cette disposition renvoie à l’application de l’article L. 214-24-4 précité, de sorte que le statut de FIA par nature conféré aux GFI depuis le 3 janvier 2018 n’a pas d’incidence sur l’obligation de désignation d’un dépositaire visée par la notification de griefs.

30. En revanche, il résulte de l’article 33 de l’Ordonnance de transposition, relatif à la période transitoire de transposition de la Directive AIFM que : « III. – Les gestionnaires qui gèrent des FIA de type fermé au sens de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 susvisée avant la date de publication de la présente ordonnance et ne réalisent pas d’investissements supplémentaires après cette date peuvent continuer à gérer de tels fonds sans demander leur agrément en qualité de société de gestion de portefeuille ».

31. Les FIA de type fermé, définis par une lecture a contrario de l’article 1er (2) du règlement délégué (UE) n° 694/2014 du 17 décembre 2013 complétant la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les normes techniques de réglementation déterminant des types de gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, sont des FIA ne permettant pas le rachat des parts par les porteurs avant le début de la phase de liquidation du fonds.

32. Les FIA de type fermé, ne réalisant plus d’investissement après le 27 juil et 2013, date de publication de l’Ordonnance de transposition, pour lesquels la société de gestion n’est pas soumise à l’obligation de se faire agréer, en application de l’article 33 de ladite Ordonnance, ne sont pas davantage soumis à l’obligation d’être dotés d’un dépositaire, comme a pu le préciser la position AMF- Questions-réponses relatives à la transposition en droit français de la directive AIFM – DOC-2013-22 : « 1.6. L’exemption pour la personne morale gérant des FIA de type fermé avant juillet 2013 et ne réalisant pas d’investissements supplémentaires après cette date d’être agréée en qualité de société de gestion de portefeuille la dispense- t-elle également de respecter les autres dispositions relatives aux FIA (dépositaire, reporting, etc.) ?/Le III de l’article 33 de l’ordonnance n° 2013-676 prévoit que les gestionnaires qui gèrent des FIA de type fermé (au sens de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011) avant la date de publication de ladite ordonnance et ne réalisent pas d’investissements supplémentaires après cette date peuvent continuer à gérer de tels fonds sans demander leur agrément en qualité de société de gestion de portefeuille./Il s’agit là d’une exemption totale de respecter les dispositions de la directive AIFM applicables aux FIA. »

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33. Ainsi, contrairement à ce que soutient la mise en cause, la désignation d’un dépositaire pour les GFI existants au cours de la période transitoire n’est pas conditionnée à l’ouverture de leur capital mais à la poursuite des investissements postérieurement au 27 juillet 2013. Ne sont exemptés de cette obligation que les FIA de type fermé qui ont cessé leurs investissements avant le 27 juillet 2013.

34. L’examen du grief requiert donc de vérifier si, pour chaque GFI visé par la notification de griefs, Forest Invest était tenue par l’obligation édictée par les articles L. 214-24 III 2° et L. 214-24-4 du code monétaire et financier ou si elle pouvait se prévaloir de l’exemption résultant de l’article 33 de l’Ordonnance de transposition.

35. S’agissant d’abord des cinq GFI qui, selon la notification de griefs, étaient dépourvus de dépositaire entre le 28 avril 2014 et le 16 décembre 2015 (Domaines & Patrimoine IX à XIII), il convient d’observer qu’ils ont été constitués à l’issue de la période transitoire de transposition de la Directive AIFM, entre le 3 décembre 2014 et le 17 avril 2015, de sorte que ces GFI, ouverts à des investisseurs non professionnels, étaient soumis à l’obligation de désignation d’un dépositaire en application du 2° du III de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier.

36. Il résulte des éléments du dossier que CACEIS n’exerçait pas les fonctions de dépositaire pour ces cinq GFI et que la Société Générale n’en est devenue dépositaire que le 16 décembre 2015, de sorte qu’entre leur date respective de constitution et le 16 décembre 2015, ces GFI n’étaient pas dotés de dépositaire.

37. Dès lors qu’en application des articles L. 214-24 III 2° et L. 214-24-4 du code monétaire et financier, l’obligation de désigner un dépositaire pèse sur la société de gestion, les deux moyens de défense tirés de ce que le premier dépositaire aurait manifesté son absence de volonté d’accepter les mandats de dépositaire sollicités par la mise en cause et de ce qu’avant le 15 septembre 2015, la décision de désigner un dépositaire relevait de la responsabilité personnelle de son RCCI, doivent être écartés. De même, il ne résulte d’aucun de ces textes que la caractérisation du manquement est subordonnée à la démonstration d’un préjudice. Le manquement apparaît donc caractérisé pour les GFI Domaines & Patrimoine IX à XIII.

38. S’agissant ensuite des six GFI constitués entre les mois de février 2012 et octobre 2013 et qui ont, selon la notification de griefs, acquis des massifs forestiers après le 28 avril 2014 (Perennita, Domaines & Patrimoine 2012-Bis, Domaines & Patrimoine 2013, Perennita II, Domaines & Patrimoine 2013-Quater, Domaines & Patrimoine 2013-2014 Bis), il ressort de leurs statuts respectifs que ces GFI, qui interdisent le rachat ou remboursement des parts, à la demande des investisseurs, pendant 4 ans, sont de type fermé.

39. Par ailleurs, les actes authentiques d’acquisition versés au dossier démontrent que ces 6 GFI ont acquis des massifs forestiers, c’est-à-dire qu’ils ont procédé à des investissements, postérieurement au 27 juillet 2013 puisque la date des actes authentiques relatifs à leurs dernières acquisitions s’échelonnent entre le 20 juin 2014 et le 18 décembre 2015. A cet égard, il convient d’observer que le compromis de vente joint par la mise en cause à ses observations en réponse, concernant deux des six GFI litigieux et daté des 4 et 15 avril 2014, a été conclu postérieurement au 27 juillet 2013, seule date pertinente à prendre en considération pour l’application de l’article 33 de l’Ordonnance de transposition, de sorte que l’argument tiré de ce que les compromis de vente de vente sont antérieurs au 28 avril 2014, qui n’est du reste établi que pour un compromis, doit être écarté.

40. Au demeurant, ce compromis de vente indique que « les parties soumettent formellement la réalisation des présentes et le transfert de propriété au paiement, par l’acquéreur, au plus tard au moment de l’acte authentique de vente, de l’intégralité du prix payable comptant et des frais de réalisation » de sorte que contrairement à ce que soutient la mise en cause, ce compromis de vente ne vaut pas vente.

41. Dès lors, le manquement apparaît caractérisé pour ces six GFI.

42. S’agissant enfin des trois GFI créés après l’agrément, pour lesquels la poursuite relève qu’ils n’étaient pas dotés d’un dépositaire au 31 mars 2017 (Domaines & Patrimoine 18, Canopée et Money Forest 1), il résulte en revanche des courriers de la Société Générale joints par la mise en cause à ses observations en réponse

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au rapport du rapporteur, que ce prestataire est devenu dépositaire dès leur constitution, de sorte que le manquement n’apparaît pas caractérisé.

43. En conséquence, le manquement de Forest Invest à l’obligation de désignation d’un dépositaire apparaît caractérisé pour 11 des 14 GFI visés par la notification de griefs.

2. Sur le défaut de contrôle dépositaire

44. La notification de griefs soutient que Forest Invest n’a pas fourni aux deux dépositaires, dès le début de leurs fonctions et en permanence comme l’exige l’article 323-40 du règlement général de l’AMF ou « à première demande » comme le prévoient les conventions dépositaires, un accès aux documents contenant l’ensemble des informations comptables des GFI, ne leur permettant pas d’assurer leur contrôle dépositaire consistant notamment à vérifier la réalité de chacun des actifs détenus par les GFI et les flux de liquidité des fonds, en méconnaissance de l’article 323-40 du règlement général de l’AMF.

45. S’agissant du premier dépositaire, CACEIS, la mise en cause explique que les faits reprochés, qui se sont déroulés alors que M. Laclef était président et RCCI de Forest Invest, doivent être analysés au regard du contexte de conflit qui opposait les dirigeants de Forest Invest.

46. La mise en cause souligne ensuite le caractère artificiel des alertes émises par CACEIS, qui n’en a pas fait mention dans son compte-rendu de synthèse du 27 janvier 2017 et dont le niveau 7 a été lancé le 27 avril 2017 alors que la mission de ce dépositaire avait pris fin le 1er avril.

47. Elle fait en outre valoir qu’aux termes de l’article L. 214-24-4 du code monétaire et financier, la désignation du dépositaire est matérialisée par un contrat écrit qui définit les informations qui lui sont nécessaires. Or, elle indique que les conventions dépositaires, qui ne lui ont été adressées qu’en mai 2015 et régularisées par M. Segouin le 11 mai, n’ont été signées que le 20 octobre 2015 par CACEIS qui s’engageait néanmoins rétroactivement à assurer sa mission au 18 juin 2014. Elle note qu’un audit d’entrée en relation réalisé par CACEIS le 26 novembre 2015 pour des prestations ayant rétroactivement débuté le 18 juin 2014 fait état de conclusions positives et conclut donc au rejet du grief.

48. Dans ses dernières observations, la mise en cause critique le rapport du rapporteur qui n’a pas recherché les causes de la signature tardive des conventions dépositaires imputable, selon la mise en cause, à M. Laclef, et aux sociétés Agama Conseil et CACEIS. Elle souligne que le caractère permanent de la transmission des informations comptables ne pouvait être efficacement assuré que dans un cadre légal, avec l’existence de conventions écrites mentionnant les informations à transmettre plutôt que par demandes du dépositaire « au fil de l’eau ». Elle considère enfin que le courrier de CACEIS du 5 avril 2016 n’est qu’une demande normale de documents qui ne confirme pas que le processus permanent de transmission d’informations mis en place en novembre 2015 ait été perturbé.

49. S’agissant du second dépositaire, la Société Générale, la mise en cause fait valoir que le rapport établi par ce prestataire pour la période de décembre 2016 à novembre 2017 ne mentionne aucune alerte ni anomalie pour les 34 GFI contrôlés et que ce dépositaire n’a jamais fait état à son égard de difficultés pour remplir sa mission de contrôle. Elle souligne que la poursuite ne se fonde que sur deux courriels transmis par la Société Générale aux contrôleurs, faisant état de demandes de documents justificatifs concernant la réalité des actifs gérés qui ne démontrent pas que le retard dans la communication de ces documents ait entravé le bon fonctionnement de la transmission des données comptables.

Sur les textes applicables

50. La notification de griefs ne précise pas sur quelle période le manquement est reproché. En conséquence, les faits reprochés seront examinés au regard des textes applicables entre le 28 avril 2014, date de la notification de griefs, et le 28 août 2017, date du rapport de contrôle, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères.

51. Aux termes du dernier alinéa de l’article 323-40 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur depuis le 14 août 2013 : « Le dépositaire dispose d’un accès permanent à l’ensemble des informations

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comptables du FIA. Il dispose également d’un accès permanent à l’ensemble des informations détaillées comptables et non comptables relatives aux actifs mentionnés au 1° du I de l’article L. 214-36 du code monétaire et financier et aux créances d’exploitation. La nature et les modalités de transmission de ces informations sont prévues dans le contrat mentionné à l’article 323-30. »

Sur l’examen du grief

52. Il ressort des éléments du dossier qu’un premier dépositaire, CACEIS, a adressé à Forest Invest le 10 avril 2014 ses conditions tarifaires pour les fonctions de dépositaire de FIA « Groupements Forestiers », établies à partir des éléments structurants et connues à cette date, à savoir l’existence de 17 groupements forestiers et la création, sur l’année 2014, de 12 groupements, étant précisé que l’offre demeurait soumise à l’accord du comité des risques et de conformité de CACEIS.

53. Par courrier du 18 juin 2014, CACEIS a ensuite formel ement accepté d’exercer les fonctions de dépositaire pour les six GFI Domaines et Patrimoine I à VI.

54. Si les conventions dépositaires pour chacun des six GFI n’ont été signées par CACEIS et Forest Invest que le 20 octobre 2015, il résulte néanmoins de leur article 12 que « la convention entre en vigueur à compter rétroactivement au 18 juin 2014 ». Cette prise de fonctions rétroactive a été confirmée par la mise en cause dans ses observations en réponse à la notification de griefs dans lesquel es elle indique, s’agissant du grief d’absence de dépositaire, que « la société CACEIS est entrée en fonction (de manière rétroactive comme nous le verrons ci-après) à la date du 18 juin 2014 pour 6 groupements forestiers » et a indiqué, au cours de son audition par le rapporteur, que les diligences de CACEIS avait commencé avant la signature des conventions : « néanmoins, il y avait des choses qui étaient opérantes malgré l’absence de signature de convention, et notamment le cash monitoring ».

55. Bien que l’article L. 214-24-4 du code monétaire et financier prescrive la conclusion du contrat par écrit, il y a lieu de tenir compte de la volonté manifeste des parties d’entrer en relation contractuelle dès le 18 juin 2014, de sorte que dès cette date, la mise en cause était tenue de se conformer à son obligation d’assurer au dépositaire un « accès permanent à l’ensemble des informations comptables du FIA » édictée par l’article 323-40 du règlement général de l’AMF.

56. Le moyen tiré de ce que le retard dans la formalisation des conventions dépositaires serait imputable à CACEIS apparaît donc indifférent, en l’espèce, quant à la question de savoir si Forest Invest a assuré à CACEIS un accès permanent à l’ensemble des informations comptables du FIA. Au demeurant, comme l’a relevé le rapporteur et contrairement aux allégations de la mise en cause, il n’est pas établi que ce retard soit imputable à CACEIS au regard d’un échange de courriels entre les dirigeants de Forest Invest dans lequel M. Laclef reprochait à M. Segouin d’être à l’origine de l’absence de signature des conventions.

57. Il résulte ensuite de courriels datés des 28 novembre 2014, 1er décembre 2014, 21 avril 2015 et 15 mai 2015 que CACEIS a sollicité les deux dirigeants de Forest Invest afin d’obtenir certains éléments comptables nécessaires à l’exercice de sa mission de suivi des flux de liquidités des GFI. En l’absence de réponse à ces demandes, CACEIS a, par courrier du 23 juillet 2015, enjoint à Forest Invest de régulariser la situation dans les plus brefs délais. Faute de régularisation, l’escalade s’est poursuivie avec la mise en demeure de Forest Invest par CACEIS le 20 octobre 2015 suivie, le 17 novembre 2015, soit près d’un mois après la signature des conventions dépositaires, par un courrier adressé à la Direction de la gestion d’actifs de l’AMF informant son directeur qu’ « en tant que dépositaire des « Groupements Forestiers » gérés par la société de gestion FOREST INVEST, et conformément à notre dispositif de réaction aux anomalies (niveau 7), nous vous informons que malgré nos nombreuses demandes conformes à notre procédure d’escalade, FOREST INVEST ne nous a pas, à ce jour, communiqué l’ensemble des éléments nécessaires à la réalisation de nos missions de contrôle et d’évaluation de l’organisation de cette société ».

58. Enfin, CACEIS a adressé par courriel du 5 avril 2016 à la mise en cause une nouvelle demande de communication de documents justificatifs, courriel dont il est précisé qu’il s’inscrit « dans le cadre de notre procédure d’escalade » de sorte que, contrairement à ce que soutient la mise en cause, ce courriel ne constitue pas une simple demande de documents mais bien une relance attestant du manquement de Forest

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Invest à son obligation d’assurer l’accès permanent de son dépositaire à l’ensemble des informations comptables de ses FIA.

59. Les difficultés pour CACEIS d’obtenir communication des éléments nécessaires à l’exercice de sa mission ont été confirmées par ce dépositaire lors de ses échanges avec les contrôleurs auxquels CACEIS a notamment fait part de « la non réception des éléments suffisants permettant de réaliser nos contrôles », du fait que « les documents transmis dans un 1er temps par la société de gestion restant insuffisants » ou du fait que « suite à plusieurs relances, nous avons reçu un tableau des actifs forestiers détenus par groupement financier précisant leur valorisation actuelle et un tableau indiquant le calcul de la valeur liquidative, mais nous avons constaté des écarts entre l’inventaire des actifs forestiers transmis et le total des actifs forestiers retenu pour le calcul de la valeur liquidative. Nous n’avons pas reçu de justificatifs de la valeur actuelle retenue pour la valorisation des actifs forestiers. Nous continuons donc notre dispositif d’alerte vis-à-vis de la société de gestion pour non réception des éléments suffisants permettant de réaliser nos contrôles ».

60. Il ressort de ces divers éléments que contrairement aux allégations de la mise en cause, les relances et alertes émises par CACEIS – étant observé que le courriel adressé par CACEIS aux contrôleurs le 25 avril 2017 en réponse à leur demande d’informations est qualifié de manière erronée d’« alerte de niveau 7 » par la mise en cause – ne présentent aucun caractère artificiel.

61. De même, les conclusions de l’audit d’entrée en relation de CACEIS du 26 novembre 2015, qualifiée de « positives » par la mise en cause, ne permettent pas, à elles seules, de renverser le constat du manquement par Forest Invest à ses obligations.

62. Enfin, le contexte de conflit d’associés est indifférent à la caractérisation du manquement et ne peut être pris en considération qu’au stade de la détermination de la sanction.

63. Il ressort ensuite des pièces du dossier que Forest Invest, qui a dénoncé le 21 décembre 2015 les conventions dépositaires conclues avec CACEIS, a conclu le 16 décembre 2015 avec la Société Générale une convention dépositaire portant sur douze GFI.

64. Sollicitée par les contrôleurs afin qu’elle leur communique « tout document justificatif concernant la réalité des actifs gérés par les groupements forestiers de Forest Invest », la Société Générale a indiqué, par courriel du 5 décembre 2016, soit près d’un an après la conclusion de la convention dépositaire, être toujours en attente de la transmission par le client de documents comptables : « le client doit encore nous fournir un certain nombre de documents, notamment ceux permettant de mettre à jour son inventaire (un bilan plus détaillé stipulant le prix d’acquisition de chacun des actifs, un bilan de trésorerie…) mais la demande a bien été formalisée à plusieurs reprises » puis précisé, par courriel du 14 décembre 2016, qu’ « à aujourd’hui, il s’avère que nous ne disposons des documents que pour un seul fonds. En effet, il s’agissait ici d’une première étape dans le cadre de la migration entrante depuis CACEIS. Suite à cette réception correctement réalisée, nous avons exigé les documents pour les autres fonds mais sommes toujours dans l’attente des éléments. Les relances sont effectuées, sans succès à ce jour ».

65. Si la Société Générale a confirmé aux contrôleurs ne pas avoir émis d’alerte, il résulte des explications précitées qu’el e a bien déclaré aux contrôleurs l’existence d’un retard dans la fourniture des informations nécessaires à l’exercice de sa mission.

66. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Forest Invest n’a pas assuré l’accès permanent de ses deux dépositaires CACEIS et Société Générale aux informations comptables concernant les GFI, en violation des dispositions des articles 323-40 du règlement général de l’AMF, de sorte que le manquement est caractérisé.

III. Sur le défaut de contrôle interne et de conformité

67. Il est fait grief à Forest Invest, qui a délégué aux sociétés Agama Conseil puis 99 Advisory la réalisation de son programme de conformité et de contrôle interne, d’avoir manqué à son obligation d’établir et de maintenir un dispositif de contrôle approprié et opérationnel, notamment en ne communiquant pas à son délégataire, comme sollicité, les informations pertinentes lui permettant de s’acquitter de sa mission de manière

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appropriée, en n’effectuant pas de contrôles sur la documentation commerciale et sur les frais, en ne s’assurant pas de la bonne réalisation des plans de contrôles et en ne mettant pas en place de cartographie des risques, en violation des articles 313-1, 313-2 I 1°), 313-3 1°) et 313-54 I et IV du règlement général de l’AMF.

68. Forest Invest fait d’abord valoir que son second délégataire de contrôle interne, la société 99 Advisory, ne lui ayant jamais adressé de critique, le grief ne concerne que le premier délégataire, la société Agama Conseil.

69. Elle relève que ce premier délégataire, qui disposait d’un accès à distance aux données de Forest Invest, a réalisé 14 des 21 contrôles généraux du programme de conformité. Elle souligne que dans le contexte de conflit entre dirigeants, les bonnes relations entretenues entre M. Laclef et le représentant d’Agama Conseil, qui a refusé tout contact avec M. Segouin au motif qu’Agama Conseil travail ait sous la responsabilité du RCCI interne, n’auraient pas dû entraver les interventions de cette société. La mise en cause explique qu’Agama Conseil, dont plusieurs factures sont demeurées impayées sous la responsabilité de M. Laclef, a prétexté le 12 juin 2015 d’une absence de communication d’informations et de documents pour le bon déroulement des travaux de contrôle pour dénoncer son contrat le 19 juin 2015, sans attendre de réponse ni communication desdits documents.

70. Forest Invest fait ensuite valoir qu’il n’y a eu aucune carence dans l’établissement ou la continuité du dispositif de contrôle interne dès lors que la mission de 99 Advisory a débuté le lendemain de la dénonciation par Agama Conseil de la convention de délégation de contrôle interne. Elle conteste le constat des contrôleurs selon lequel aucun contrôle n’a été effectué par ce second délégataire entre le 20 juin 2015 et le 19 avril 2017 au regard de la liste des diligences effectuées par 99 Advisory fournie à la poursuite et regrette que les contrôleurs aient entendu Agama Conseil sans auditionner, de même, 99 Advisory.

71. La mise en cause soutient encore que les faits reprochés tenant à la non-communication d’informations pertinentes aux délégataires de contrôle interne comme au fait qu’el e n’ait pas veil é à la bonne réalisation des plans de contrôle s’appuient uniquement sur les écrits tendancieux d’Agama sans que la réalité des échanges avec cette société n’ait été recherchée. Elle prétend en outre que des contrôles sur la documentation commerciale et sur les frais ont été réalisés par 99 Advisory en 2016 et 2017 et que l’absence de validation de la cartographie des risques, qui existait, incombait à Agama Conseil.

72. Dans ses observations en réponse au rapport du rapporteur, la mise en cause ajoute qu’elle ne peut être tenue responsable d’omissions de contrôles par Agama Conseil dès lors que cette société a considéré que les GFI ne rentraient pas dans le champ de ses contrôles. Elle souligne que l’absence de validation de la cartographie des risques incombait à M. Laclef et que la rédaction, par 99 Advisory, d’une nouvel e cartographie des risques n’implique pas qu’il n’en existait aucune avant cette date.

Sur les textes applicables

73. Les faits reprochés se sont déroulés entre le 4 avril 2014, date de début de mission du premier délégataire de contrôle interne, et le 28 août 2017, date du rapport de contrôle. Ils seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuel es dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

74. Aux termes de l’article 313-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018 : « Le prestataire de services d’investissement établit et maintient opérationnelles des politiques, procédures et mesures adéquates visant à détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier ainsi que les risques en découlant et à minimiser ces risques. / Pour l’application de l’alinéa précédent, le prestataire de services d’investissement tient compte de la nature, de l’importance, de la complexité et de la diversité des services d’investissement qu’il fournit et des activités qu’il exerce. »

75. L’article 313-2 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018, dispose que : « I. – Le prestataire de services d’investissement établit et maintient

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opérationnelle une fonction de conformité efficace exercée de manière indépendante et comprenant les missions suivantes : /1° Contrôler et, de manière régulière, évaluer l’adéquation et l’efficacité des politiques, procédures et mesures mises en place en application de l’article 313-1, et des actions entreprises visant à remédier à tout manquement du prestataire de services d’investissement et des personnes concernées à leurs obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier […] ».

76. Aux termes de l’article 313-3, 1°, du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018 : « Afin de permettre à la fonction de conformité de s’acquitter de ses missions de manière appropriée et indépendante, le prestataire de services d’investissement veille à ce que les conditions suivantes soient remplies : / 1. La fonction de conformité dispose de l’autorité, des ressources et de l’expertise nécessaires et d’un accès à toutes les informations pertinentes ; […] »

77. Enfin, l’article 313-54 I et IV du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018, dispose que : « I. La société de gestion de portefeuille utilise en permanence des moyens, notamment matériels, financiers et humains, adaptés et suffisants. […] IV. Elle établit et maintient opérationnels des mécanismes de contrôle interne appropriés, conçus pour garantir le respect des décisions et procédures à tous les niveaux de la société de gestion de portefeuille. »

78. Les articles 313-1, 313-2, 313-3 et 313-54 du règlement général de l’AMF ont été abrogés par un arrêté du 20 décembre 2017 qui a modifié le plan du livre III – Prestataires du règlement général de l’AMF dans le cadre de l’entrée en vigueur de la directive MIF 2.

79. Les articles 313-1, 313-2, 313-3 et 313-54 sont repris respectivement aux articles 321-30, 321-31, 321-32 et 321-33 du règlement général de l’AMF. Ces textes n’apparaissant pas moins sévères que les textes visés par la notification de griefs, il n’y a pas lieu d’en faire une application rétroactive, de sorte que le grief sera examiné au regard des dispositions précitées.

Sur l’examen du grief

L’absence de communication des informations pertinentes pour l’exercice de la mission du délégataire RCCI

80. Il ressort des pièces versées au dossier qu’entre mars et mai 2015, Agama Conseil, délégataire du contrôle de second niveau de Forest Invest depuis le 4 avril 2014, a adressé à la mise en cause quatre courriels de demandes de communication de documents relatifs à l’identification des GFI, au dispositif d’encadrement et de gestion des conflits d’intérêts, à la déontologie et aux échanges avec l’AMF.

81. Ces demandes de documents ont été suivies par deux courriers de relance, adressés par Agama Conseil les 7 et 15 mai 2015, aux termes desquels celle-ci alertait les dirigeants de Forest Invest sur le fait qu’« en l’absence d’informations précises à nos interrogations, nous n’arrivons pas à réaliser nos travaux de façon convenable depuis plusieurs mois, susceptibles de remettre en cause le bon fonctionnement du dispositif de contrôle interne et de conformité de la société FOREST INVEST. Ce point a en outre pour conséquence de mettre FOREST INVEST en risque vis-à-vis de l’AMF au regard de ses obligations professionnelles. »

82. Le 12 juin 2015, Agama Conseil a de nouveau avisé les dirigeants de Forest Invest par courriel du fait que l’absence de communication des documents sol icités entravait l’exercice de sa mission avant de dénoncer la convention de délégation avec effet immédiat le 19 juin 2015.

83. Le 20 juin 2015, la société 99 Advisory est devenue délégataire de contrôle interne de Forest Invest. Ni le rapport de contrôle, ni la notification de griefs, ne font état d’une absence de communication d’informations pertinentes à ce second délégataire.

84. Il en résulte que Forest Invest a manqué à son obligation d’assurer un accès de la fonction conformité à toutes les informations pertinentes édictée par l’article 313-3 du règlement général de l’AMF en omettant de transmettre à son premier délégataire, la société Agama Conseil, les informations sollicitées entre mars et juin 2015 par cette dernière pour l’exercice de sa mission.

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L’absence de contrôle sur la documentation commerciale et sur les frais

85. Le rapport de synthèse pour l’exercice 2014 établi par Agama Conseil mentionne la réalisation de contrôles sur la documentation commerciale et le site internet de Forest Invest, ainsi que d’un contrôle sur la régularité des avantages et rémunérations de la société de gestion au titre duquel elle a examiné les frais.

86. Par ailleurs, le rapport d’activité de 99 Advisory au 30 septembre 2016 fait état d’une revue de la documentation commerciale tandis qu’une note du 29 septembre 2017 mentionne la réalisation, par ce délégataire, de contrôle de la conformité de deux documents commerciaux au cours de l’exercice 2016.

87. Il en résulte que le manquement reproché manque en fait.

L’absence de cartographie des risques

88. Comme l’a relevé la poursuite, le rapport de synthèse de 99 Advisory au 30 septembre 2016 fait état de la « mise en place d’une cartographie des risques opérationnels en mars 2016 » qui a nécessité l’identification par Forest Invest et son RCCI externe des macro-processus et processus de la société de gestion et des évènements de risques pouvant subvenir pour chaque processus.

89. Loin de combattre le constat opéré par la poursuite, l’affirmation par la mise en cause de ce qu’« une cartographie des risques existait dès 2014, ayant été transmise par la société AGAMA CONSEIL à la société FOREST INVEST. Elle n’a simplement pas été « revue et validée » par la société FOREST INVEST » confirme au contraire que la mise en cause n’avait pas mis en place de cartographie des risques avant 2016, un document ni validé ni même revu ne pouvant tenir lieu d’élément de procédure opérationnelle, étant relevé que la validation d’un tel document n’incombait pas au délégataire externe, comme le soutient Forest Invest.

90. Par ailleurs, la mise en cause qui considère que la mise en place d’une nouvel e cartographie par 99 Advisory n’induit pas l’absence de cartographie mise en place antérieurement n’a fourni ni à la poursuite, ni au rapporteur d’élément permettant d’étayer ses dires.

91. Il apparaît donc suffisamment établi que la mise en cause ne disposait pas de cartographie des risques avant mars 2016.

L’absence de surveil ance de la bonne réalisation des plans de contrôle

92. Le programme de conformité et de contrôle interne pour l’exercice 2014-2015 d’Agama Conseil prévoyait la réalisation de 21 contrôles généraux, ainsi que des contrôles des activités et services de la société de gestion dont des contrôles de son activité de gestion de FIA.

93. Il résulte du rapport de synthèse pour 2014 d’Agama Conseil que 7 des 21 contrôles généraux n’ont pas été réalisés par ce délégataire au titre de la période.

94. Pour l’exercice 2015-2016, il ressort du rapport de synthèse de 99 Advisory et des explications fournies par ce délégataire aux contrôleurs que l’intervention de ce délégataire s’est concentrée sur la mise à niveau des dispositifs de conformité de la société et que le plan de contrôle n’a pas été réalisé, bien que certains contrôles ponctuels aient été conduits, en matière notamment de documentation commerciale.

95. Il est en conséquence établi que les plans de contrôle pour les exercices 2014, 2015 et 2016 n’ont pas été intégralement réalisés.

96. En application de l’article 313-75 I du règlement général de l’AMF dans sa version en vigueur du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018, une société de gestion qui externalise une tâche ou une fonction opérationnelle demeure pleinement responsable du respect de toutes ses obligations professionnelles, de sorte que le moyen tiré de ce que la mise en cause ne saurait être tenue responsable pour des omissions de son délégataire ne peut être retenu.

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97. Par ailleurs, les obligations édictées par les articles 313-1, 313-2, 313-3 et 313-54 I et IV du règlement général de l’AMF incombent à la société de gestion dont la méconnaissance lui est imputable en premier chef. Par conséquent, l’argument tiré de ce que M. Laclef était personnellement responsable, en sa qualité de RCCI doit être écarté.

98. Il y a lieu de relever, en outre, que la circonstance que les contrôleurs aient rencontré les représentants d’Agama Conseil, sans rencontrer ceux de 99 Advisory, avec lesquels ils ont échangé par courriels, est indifférente quant à la caractérisation du manquement dès lors que les griefs sont fondés sur les seules pièces figurant au dossier, dont les courriels de demande de documents d’Agama Conseil et son rapport de synthèse, qui ne présentent pas le caractère tendancieux allégué.

99. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le manquement de Forest Invest à son obligation de veiller à l’établissement et au maintien d’un dispositif de contrôle approprié et opérationnel, en violation des articles 313-1, 313-2 I 1°, 313-3 et 313-54 I et IV du règlement général de l’AMF, est caractérisé.

IV. Sur la commercialisation des fonds et l’information des investisseurs

1. Sur le défaut de procédure sur la documentation commerciale

100. Il est fait grief à Forest Invest d’avoir manqué à son obligation de disposer d’une procédure opérationnel e concernant l’élaboration, la validation et la diffusion de la documentation commerciale, en violation de l’article 313-1 du règlement général de l’AMF.

101. A ce titre, la poursuite a relevé que la procédure relative à la documentation commerciale, qui n’a pas été validée, ne décrit pas le processus de commercialisation d’un GFI, ne mentionne pas les documents adressés aux potentiels investisseurs pour la souscription et ne précise pas les obligations d’archivage des documents commerciaux, n’était pas opérationnel e.

102. La mise en cause fait valoir qu’elle a validé une procédure d’« Elaboration, validation et diffusion de la documentation commerciale et gestion du site internet » le 14 novembre 2014. Elle explique ensuite que son programme d’activité décrit son processus de commercialisation, sur lequel l’AMF a donné son agrément le 28 avril 2014 et que ces procédures ont été formalisées par Agama Conseil, validées par Forest Invest puis contrôlées par les RCCI délégataires. La mise en cause précise que les documents adressés aux investisseurs sont mentionnés sous le terme de « plaquette commerciale » et listés dans le bulletin de souscription. Enfin, Forest Invest soutient que sa procédure d’archivage a été formalisée par Agama Conseil le 14 novembre 2014 et indique avoir respecté la durée de 5 ans de conservation des informations.

103. Dans ses observations en réponse au rapport du rapporteur, la mise en cause relève que selon le rapport d’Agama Conseil, le dispositif décrit dans la procédure est respecté au plan opérationnel, et fait valoir que l’absence de signature du document, qui est imputable à M. Laclef qui n’est pourtant pas mis en cause, n’induit pas son inexistence et son absence d’application effective. Elle ajoute que le terme de « plaquette commerciale » est un terme générique nécessaire pour désigner collectivement les nombreux documents remis aux investisseurs dont une liste figure dans le bulletin de souscription, qui constitue un document de la procédure de commercialisation, formalisée et actualisée par les RCCI externes qui n’ont pas émis de recommandation à cet égard. Enfin, elle considère que l’obligation d’archivage a bien été respectée.

Sur les textes applicables

104. La notification de griefs ne précisant pas sur quelle période le manquement est reproché, les faits reprochés seront examinés au regard des dispositions applicables entre le 28 avril 2014, date d’agrément de Forest Invest, et le 28 août 2017, date du rapport de contrôle, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères.

105. Comme mentionné précédemment, l’article 313-1 du règlement général de l’AMF, en vigueur à l’époque des faits, est remplacé, depuis le 3 janvier 2018, par l’article 321-30 du même règlement pour les sociétés de

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gestion de portefeuil e soumises partiellement au régime AIFM. En l’absence de dispositions moins sévères susceptibles de recevoir une application rétroactive, le manquement sera examiné au regard de l’article 313-1 du règlement général de l’AMF.

Sur l’examen du grief

106. Dans son rapport de synthèse pour l’exercice 2014 établi en mars 2015, Agama Conseil indique avoir livré le 14 novembre 2014 à Forest Invest une procédure relative à la documentation commerciale et, au titre de ses recommandations, enjoint à la mise en cause de « valider la procédure ».

107. La procédure d’« Elaboration, validation et diffusion de la documentation commerciale » portant une date de création au 4 juillet 2014, remise par Forest Invest aux contrôleurs lors de leur visite sur place du 18 octobre 2016, soit près de deux ans après sa livraison par Agama Conseil, ne comporte ni date de mise à jour, ni date de validation et mention de l’identité de la personne en charge de cette validation.

108. Il ne ressort en outre pas du dossier que cette procédure ait fait l’objet d’une mise à jour ou d’une nouvelle version par 99 Advisory dans le cadre de ses travaux de renforcement du dispositif de contrôle interne et de conformité de Forest Invest.

109. Par ailleurs, cette procédure ne mentionne pas la liste exhaustive des documents remis aux prospects et investisseurs. A cet égard, il convient de rappeler que pour revêtir un caractère opérationnel et être facilement appréhendée par les col aborateurs de la société de gestion auxquelles el e s’adresse, une procédure doit se suffire à elle-même. Ainsi, le moyen en défense selon lequel la liste de ces documents commerciaux remis aux prospects, désignée sous le terme générique de « plaquette commerciale », figure dans le bulletin de souscription, qui serait une composante de la procédure de commercialisation doit être écarté dès lors que cette circonstance est indifférente au fait que cette liste de documents ne figure pas dans la procédure qui gouverne leur élaboration.

110. En outre, cette procédure ne décrit pas le processus de commercialisation, pourtant nécessaire dès lors qu’elle couvre la « diffusion » de la documentation commerciale. La présentation de ce processus au sein du programme d’activité est indifférente à la caractérisation du manquement, dès lors que, comme mentionné précédemment, pour être opérationnelle, la procédure qui vise à permettre aux collaborateurs de la société de gestion d’exercer leur contrôle de premier niveau, doit se suffire à elle-même.

111. Ensuite, comme relevé par la poursuite, la procédure litigieuse est silencieuse quant aux modalités d’archivage de la documentation commerciale, qui ne sont pas à confondre, comme le fait la mise en cause, avec l’archivage et la conservation des « documents d’entrée en relation ».

112. Ainsi, nonobstant le constat par Agama Conseil du respect de la procédure sur le plan opérationnel, il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que la procédure d’élaboration, diffusion et commercialisation de la documentation commerciale, qui n’a pas été validée par ses deux RCCI internes successifs, présentait un caractère sommaire voire inexistant sur des points essentiels tels que la liste des documents commerciaux concernés par ladite procédure, la description du processus de commercialisation au cours duquel ces documents étaient remis aux investisseurs et l’archivage de ces documents, qui ne permet pas de conclure à l’existence d’une procédure satisfaisant aux exigences réglementaires.

113. En conséquence, le manquement tiré du caractère non opérationnel de la procédure relative à l’élaboration, à la validation et à la diffusion de la documentation commerciale, en méconnaissance de l’article 313-1 du règlement général de l’AMF, apparaît établi.

2. Sur le caractère erroné et trompeur de l’information des investisseurs

114. Il est fait grief à Forest Invest d’avoir méconnu les dispositions des articles L. 533-12 du code monétaire et financier et 314-11 du règlement général de l’AMF, d’une part, en présentant de manière déséquilibrée, peu claire voire trompeuse, au sein de ses plaquettes commerciales, de sa note technique et sur son site internet, des informations relatives aux caractéristiques de ses produits, à la « garantie de paiement », aux frais

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prélevés et à l’indépendance des salariés, d’autre part, en sous-entendant de façon trompeuse, au sein des procès-verbaux des assemblées générales des GFI en 2015 que ceux-ci avaient déjà fait l’objet d’un audit comptable depuis leur création, comme annoncé en 2014, alors que cela n’a pas été le cas avant 2017.

115. Il est également reproché à Forest Invest d’avoir manqué à son obligation de s’abstenir de mettre l’accent sur les avantages potentiels d’un service d’investissement ou d’un instrument financier sans indiquer aussi, correctement et de façon très apparente, les risques éventuels correspondants, en violation de l’article 314-11 du règlement général de l’AMF.

116. La notification de griefs reproche enfin à Forest Invest d’avoir fait référence au traitement fiscal de la forêt sans indiquer de façon bien visible qu’il dépend de la situation individuelle de chaque client et qu’il est susceptible d’être modifié ultérieurement, en méconnaissance de l’article 314-16 du règlement général de l’AMF.

117. Forest Invest conteste le grief.

118. La mise en cause fait d’abord valoir que la qualité de l’information donnée doit s’apprécier au travers des différents documents (plaquette, bulletin de souscription, engagement de conservation, informations à caractère fiscal, note technique, note de fonctionnement, fiche risques liés à l’investissement, fiche forêts, statuts, assemblée des GFI, notes d’informations, journal), remis aux investisseurs au moment de la souscription, trimestriellement et annuellement, qui sont perpétuellement mis à jour.

119. Elle explique ensuite, s’agissant de l’information portant sur les risques, qu’en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation, l’obligation prétorienne de mise en garde sur les risques est limitée aux opérations présentant un caractère spéculatif, c’est-à-dire présentant un risque de perte. Or, selon la mise en cause, les parts de GFI ne sont soumises à aucune volatilité, de sorte qu’aucune mise en garde n’était requise. Forest Invest a néanmoins livré une information non obligatoire en mentionnant le risque de fluctuation du cours du bois dans sa plaquette IR ainsi que les risques sur la variation de la valorisation des parts dans une fiche spécifique. Elle précise qu’elle ne donne aucune garantie sur le capital investi ou sur la liquidité des parts, dont le risque est atténué par la nature du produit et l’objectif à long terme des investisseurs, matérialisé par des clauses d’inaliénabilité de 7 ou 10 ans prévues par les statuts des GFI.

120. Forest Invest critique ensuite le constat de la poursuite selon lequel l’investisseur n’est pas garanti dans son paiement et explique que la vente de bois par un GFI fait l’objet d’une garantie bancaire.

121. Elle souligne également que l’information relative au traitement fiscal est spécifiquement traitée dans une note à caractère fiscal et qu’elle a, depuis le contrôle, intégré dans cette note la mention litigieuse concernant le traitement fiscal.

122. Forest Invest fait encore valoir qu’elle pouvait délivrer une information sur les frais sous forme résumée dès lors qu’elle fournit sur demande de plus amples détails aux investisseurs. Elle fait observer que sept documents délivrés avant et pendant la souscription puis annuellement informent les souscripteurs du montant des frais. Elle considère en outre ne pas pouvoir communiquer sur des frais dont elle ne fixe pas elle-même le montant ou dont la tarification est fixée légalement et soutient que l’information délivrée n’a fait l’objet que d’une seule plainte et qu’aucun préjudice n’est donc constaté. Enfin, au regard des incohérences sur les frais de gestion relevées par la poursuite, elle explique que les frais ont été modifiés avec l’accord des sociétaires recueilli au cours des assemblées générales à la majorité des ¾.

123. La mise en cause soutient ensuite que les salariés employés à la fois par Forest Invest et par un GFI sont indépendants des deux structures, grâce à l’existence de deux contrats de travail.

124. Enfin, elle explique que l’information relative à l’audit comptable donnée par les GFI à leurs associés n’est pas trompeuse dès lors qu’un commissaire aux comptes a été désigné pour 19 GFI le 16 février 2017, chargé d’auditer tous les comptes depuis 2014.

125. Dans ses observations en réponse au rapport du rapporteur, la mise en cause conclut, en application du principe de rétroactivité in mitius, à l’abandon du grief tiré de la violation des articles 314-11 et 314-16 du

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règlement général de l’AMF, relatifs à la présentation des avantages potentiels d’un service d’investissement sans mentionner les risques éventuels correspondants et au traitement fiscal, en raison de leur abrogation au 3 janvier 2018.

126. Elle fait en outre valoir que l’information relative à la garantie de paiement des bois vendus par les GFI est claire et non trompeuse. En effet, le défaut de paiement est garanti, cette garantie existe au moment de la vente du bois et il n’existe pas de risque de confusion pour l’investisseur qui est capable de comprendre que c’est la vente de bois qui est garanti et non son investissement. Elle considère qu’il n’existe donc aucun préjudice potentiel pour ces derniers, qui n’ont d’ailleurs pas fait part d’observations sur ce sujet.

127. Elle soutient également que les frais, qui ont évolué avec l’accord des sociétaires, sont parfaitement cohérents et peuvent être différents d’un support à l’autre.

128. Enfin, s’agissant de l’audit comptable des GFI, elle considère que les procès-verbaux des assemblées de 2014 n’évoquent pas la notion de nomination et le temps grammatical utilisé est le futur, de sorte que l’information délivrée est dépourvue de doute.

Sur les textes applicables

129. Comme précédemment, la notification de griefs ne précise pas sur quelle période le manquement est reproché. Les faits seront donc examinés au regard des dispositions applicables entre l’agrément du 28 avril 2014 et la signature du rapport de contrôle le 28 août 2017, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères.

130. Aux termes de l’article L. 533-12 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 1er novembre 2007 au 3 janvier 2018 : « I. – Toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d’investissement à des clients, notamment des clients potentiels, présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère promotionnel sont clairement identifiables en tant que telles. / II. – Les prestataires de services d’investissement communiquent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d’investissement et du type spécifique d’instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d’investissement en connaissance de cause. »

131. Depuis le 3 janvier 2018, l’article L. 533-12 du code monétaire et financier ne s’applique qu’aux prestataires de services d’investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuil e.

132. Pour les sociétés de gestion de portefeuille, il convient, depuis cette date, de se reporter à l’article L.533- 22-2-1 du code monétaire et financier, qui dispose : « Les sociétés de gestion de portefeuille agissent d’une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des investisseurs. / Toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par une société de gestion de portefeuille à des investisseurs présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère promotionnel sont clairement identifiables en tant que telles. / Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers précise les conditions d’application des deux premiers alinéas ci-dessus, en tenant compte de la nature de l’activité exercée, de celle de l’instrument financier considéré, ainsi que du caractère professionnel ou non de l’investisseur. »

133. La notion d’investisseur est plus large que la notion de clients et englobe les clients potentiels. Cet article n’est pas moins sévère que l’article L. 533-12 du code monétaire et financier visé par la notification de griefs, en ce qui concerne la qualité de l’information, y compris à caractère promotionnel, à communiquer aux investisseurs. En conséquence, le grief sera examiné au regard de l’article L. 533-12 du code monétaire et financier dans sa version en vigueur à l’époque des faits.

134. Aux termes de l’article 314-11 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018 : « L’information inclut le nom du prestataire de services d’investissement. / Elle est exacte et s’abstient en particulier de mettre l’accent sur les avantages potentiels d’un service

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d’investissement ou d’un instrument financier sans indiquer aussi, correctement et de façon très apparente, les risques éventuels correspondants. / Elle est suffisante et présentée d’une manière qui soit compréhensible par un investisseur moyen de la catégorie à laquelle elle s’adresse ou à laquelle il est probable qu’elle parvienne. / Elle ne travestit, ni ne minimise, ni n’occulte certains éléments, déclarations ou avertissements importants. »

135. L’article 314-16 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018 disposait : « Lorsque l’information fait référence à un traitement fiscal particulier, elle indique de façon bien visible que le traitement fiscal dépend de la situation individuelle de chaque client et qu’il est susceptible d’être modifié ultérieurement. »

136. Les articles 314-11 et 314-16 du règlement général ont été abrogés le 3 janvier 2018 par un arrêté du 20 décembre 2017.

Sur l’examen du grief

Sur la présentation déséquilibrée des avantages par rapport aux risques et sur la mention du traitement fiscal

137. On rappelle qu’il est reproché à la mise en cause la présentation déséquilibrée des avantages potentiels d’un instrument financier sans indication aussi correcte et de façon très apparente des risques éventuels, ainsi que de la référence au traitement fiscal de la forêt sans indication de façon bien visible que ce traitement dépend de la situation individuel e de chaque client et qu’il est susceptible d’être modifié ultérieurement. Il ressort du dossier sur ce point que la société mise en cause se borne à faire valoir que le texte des articles 314-11 et 314-16 du règlement général de l’AMF sur lequel se base la poursuite pour fonder le grief ne peut pas lui être opposé, en raison de l’abrogation des articles en question. Elle invoque donc le principe de rétroactivité in mitius.

138. Toutefois ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la poursuite invoque également, concernant ces manquements qui tiennent au caractère erroné et trompeur de l’information des investisseurs, l’article L. 533-12 du code monétaire et financier. Or les dispositions des articles 314-11 et 314-16 du règlement général doivent être regardées comme apportant des précisions relatives à l’application de la règle générale posée par cet article législatif en ce qui concerne l’exigence de présenter un contenu exact, clair et non trompeur s’appliquant à toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d’investissement à des clients. Et comme il a été dit ci-dessus, si cet article a été lui- même remplacé à compter du 3 janvier 2018 par les dispositions de l’article L. 533-22-2-1 du code monétaire et financier ces dernières dispositions ne sont en tout état de cause pas applicables aux faits de l’espèce puisqu’elles ne sont pas moins sévères que cel es de l’article L. 533-12 de ce code. Par suite l’abrogation, d’ailleurs postérieure à la période couverte par les poursuites, des articles précités du règlement général n’a pas pour effet de priver de base légale les manquements dont il est question ici.

139. En l’espèce, si les produits d’investissement proposés par Forest Invest, qui reposent sur la forêt, présentent une certaine singularité, comme le fait valoir la mise en cause, il n’en demeure pas moins que l’information présentée doit être lisible s’agissant notamment des risques encourus par les investisseurs.

140. Or, les plaquettes commerciales de Forest Invest comportent une présentation des risques sous forme de tableau qui ne mentionne pas le risque de perte en capital. En outre, l’information y apparaît peu lisible. En particulier, les investisseurs sont informés de l’existence d’un risque de liquidité découlant des retraits importants et/ou simultanés de sociétaires dans un groupement forestier, mais cette information est rendue peu claire par les méthodes préventives et correctives avancées pour y remédier puisque, au titre de la première, la mise en cause précise que « la forêt possède de nombreux avantages différents avec une fiscalité adaptée à chaque typologie de patrimoine » alors pourtant que la fiscalité n’est pas un outil pour faire face à ce risque. S’agissant des méthodes correctives techniques, outre « [une] diminution de capital », elle indique que « le mode d’acquisition des actifs d’un groupement forestier, permet la revente de tout ou partie de son actif, ou la cession à un autre groupement », alors pourtant qu’une telle opération nécessite de trouver un groupement forestier acquéreur disposant de suffisamment de liquidités, à même de reprendre

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les actifs forestiers au regard de sa propre politique d’investissement et de ses propres caractéristiques, information non portée à la connaissance des investisseurs.

141. C’est en vain que la mise en cause invoque, pour se soustraire aux obligations qui s’imposent à elle en vertu des dispositions législatives et réglementaires dont l’AMF contrôle le respect, la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation qui restreint le champ de l’obligation de mise en garde du banquier, rendue au visa de l’article 1147 du code civil et qui concerne les relations contractuelles entre un prestataire de services d’investissement et son client.

142. Enfin, les plaquettes commerciales ne font pas mention du caractère individuel du traitement fiscal pour chaque client et du risque d’évolution de la fiscalité. A cet égard, Forest Invest explique avoir, depuis le rapport de la mission de contrôle, intégré une telle mention dans sa documentation commerciale.

143. En conséquence de ce qui précède le grief doit sur ce point être regardé comme caractérisé.

Sur le caractère erroné et trompeur de l’information relative à la garantie de paiement

144. La « note technique sur la gestion des massifs d’un groupement forestier », qui accompagne le bulletin de souscription remis aux investisseurs et se présente sous forme de tableau, mentionne l’existence d’une « garantie » pour laquelle il est simplement indiqué :

- « Données techniques » : « garantie de paiement »
- « Données économiques » : « contrat de ventes avec engagement de caution bancaire et/ou billet à ordre avalisé ».

145. Cette note technique ne comporte aucune autre information quant à l’identité du garant, l’objet de la garantie de paiement, ou à ses modalités de fonctionnement.

146. Force est de constater que les explications fournies par la mise en cause, selon laquelle il s’agit d’une garantie bancaire adossée au contrat de vente de bois extrait des forêts gérés par les GFI, vendu sur pied ou coupé, ne figurent pas dans cette note dont le caractère très succinct ne permet pas d’en saisir le sens et la portée. Il en résulte que l’information litigieuse, présente bien un caractère peu clair, nonobstant le fait, à le supposer établi, qu’aucun investisseur ait effectivement fait part à la société de gestion d’observation ou d’incompréhension sur ce point.

Sur le caractère erroné et trompeur de l’information relative aux frais prélevés

147. Chacune des trois plaquettes commerciales « impôt sur le revenu », « impôt sur la fortune » et « objectif capitalisation et diversification » remises aux contrôleurs présente le taux des frais annualisés moyen réparti sur la durée de conservation fiscale imposée sous forme de tableau qui fait état, outre les frais perçus par Forest Invest, les conseils en gestion de patrimoine et les salariés du groupement, d’une catégorie de frais d’entrée et de constitution, gérance et encours dont la typologie n’est pas précisément définie et regroupés sous le terme « autres (taxes, notaires, CAC, comptable…) ». Selon ces trois tableaux, ces frais « autres » sont d’un montant « variable » avec, au mieux, l’expression d’une fourchette allant presque du simple au double, ce qui ne permet pas de conférer à l’information dispensée relative aux frais, la qualité d’une information exacte et claire.

148. Par ailleurs, la « note de fonctionnement » jointe au bulletin de souscription, remise aux contrôleurs, fait état de frais de gestion compris entre 0,75 % et 1,5 % du capital investi tandis que les plaquettes commerciales mentionnent des frais de 0,15 %. La mise en cause, qui invoque des modifications des frais votées en assemblée générale, n’apporte pas la preuve que ces modifications aient été répercutées dans les documents remis aux prospects.

149. Enfin, il convient de rappeler que pour apprécier la qualité de l’information délivrée, dont la portée doit pouvoir être comprise immédiatement et non par recoupement, il convient d’analyser les documents commerciaux indépendamment les uns des autres. En conséquence, doit être écarté le moyen tiré de ce que sept documents différents permettent d’informer les investisseurs avant la souscription, pendant la

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souscription puis de manière annuelle sur le montant des frais appliqués, chaque support devant délivrer aux investisseurs une information claire, exacte et non trompeuse.

150. En conséquence, le manquement est caractérisé.

Sur le caractère erroné et trompeur de l’information relative à l’indépendance des salariés

151. Divers documents commerciaux, ainsi que le site internet de Forest Invest, dans sa version au 16 mars 2017, font état, au titre des « méthodes de prévention » des « risques internes de la société de gestion », du fait que « les salariés des groupements forestiers [sont] indépendants de la SGP ».

152. Or, il n’est pas contesté que sept personnes cumulent un contrat de travail avec Forest Invest et avec des GFI, la mise en cause expliquant que « la notion d’indépendance signifie qu’en cas de difficulté de la société de gestion, le salarié du GFI restera en place grâce à deux contrats de travail ».

153. Cette conception de la notion d’indépendance, très éloignée de son acception traditionnelle, ne peut être retenue. En effet, l’existence d’un contrat de travail implique un lien de subordination des sept salariés vis- à-vis de Forest Invest, en contradiction absolue avec la notion d’indépendance.

154. Il en résulte que le manquement est caractérisé.

Sur le caractère erroné et trompeur de l’information relative à l’audit comptable

155. Les procès-verbaux des assemblées générales des trois GFI Domaines & Patrimoine, Domaines & Patrimoine 2011-2012 et Domaines & Patrimoine 2012, tenues en octobre 2014, énoncent qu’« un commissaire aux comptes devra être nommé afin de valider les comptes du groupement forestier ». La mise en cause ne saurait donc sérieusement soutenir, invoquant la rédaction au futur de cette mention des procès-verbaux, qu’« à aucun moment, les PV de 2014 n’évoquent la notion de nomination ».

156. Les procès-verbaux des assemblées générales tenues au sein de ces trois groupements un an plus tard, en octobre 2015, font état, au titre des frais de gestion administrative pour le suivi général, de la mention suivante : « commissaire aux comptes : variable suivant convention annuelle », qui induit l’existence de travaux d’audit justifiant la rétribution des services du commissaire aux comptes.

157. Il ressort ensuite des éléments du dossier que si un commissaire aux comptes a été désigné pour 19 groupements au cours de l’été 2016, avec régularisation des lettres de mission en février 2017, les trois GFI dont les procès-verbaux ont été examinés n’étaient pas concernés par cette désignation.

158. En l’absence de désignation effective d’un commissaire aux comptes pour les trois groupements concernés, l’annonce d’une telle désignation, au futur, dans le procès-verbal des assemblées générales de 2014, suivie l’année suivante de la mention de frais variables al oués au commissaire aux comptes présente un caractère trompeur.

159. En l’absence de désignation effective d’un commissaire aux comptes pour les trois groupements concernés, l’annonce d’une telle désignation, au futur, dans le procès-verbal des assemblées générales de 2014, suivie l’année suivante de la mention de frais variables al oués au commissaire aux comptes présente un caractère trompeur.

160. Au total, le grief relatif au caractère erroné et trompeur de l’information aux investisseurs doit être considéré comme caractérisé en tous les points soulevés par la poursuite.

V. Sur le dispositif de gestion des conflits d’intérêts

1. Sur l’absence de procédure sur les conflits d’intérêts

161. Il est fait grief à Forest Invest de ne pas avoir mis en œuvre une politique efficace et un dispositif de gestion opérationnel des conflits d’intérêts et donc, de ne pas avoir pris les mesures visant à identifier, prévenir,

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gérer, suivre et révéler les conflits d’intérêts, en méconnaissance des articles 313-18 et 313-20 du règlement général de l’AMF.

162. La mise en cause conteste le grief et soutient que la procédure sur les conflits d’intérêts existe depuis 2014 et a fait l’objet d’un contrôle par Agama Conseil. Elle fait valoir que la circonstance que ce document ne soit pas daté ne remet pas en cause son caractère opérationnel. Elle rappelle ensuite le contexte de conflit d’associés et explique que M. Laclef, à qui incombait la validation de ce document, a fait le choix de l’inertie totale, engageant sa responsabilité personnelle. Elle souligne néanmoins que la procédure était appliquée par Forest Invest et ses collaborateurs et que dès le 15 septembre 2015, elle a été mise en œuvre par M. Segouin en qualité de RCCI et reprise et finalisée en 2016 par le RCCI externe.

163. Dans ses observations en réponse au rapport du rapporteur, la mise en cause maintient qu’elle était dotée, dès 2014, d’une procédure sur les conflits d’intérêts et ajoute que son dossier d’agrément détail ait cette procédure.

Sur les textes applicables

164. Comme précédemment, la notification de griefs ne précise pas sur quelle période le manquement est reproché. Les faits reprochés seront donc examinés au regard des dispositions applicables entre l’agrément du 28 avril 2014 et la signature du rapport de contrôle le 28 août 2017, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères.

165. Aux termes de l’article 313-18 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 décembre 2013 au 2 janvier 2018 : « Le prestataire de services d’investissement prend toute mesure raisonnable lui permettant de détecter les situations de conflits d’intérêts se posant lors de la prestation de services d’investissement, de services connexes ou de la gestion d’un placement collectif mentionné à l’article 311- 1 A : / 1° Soit entre lui-même, les personnes concernées ou toute personne directement ou indirectement liée au prestataire par une relation de contrôle, d’une part, et ses clients, d’autre part ; / 2° Soit entre deux clients. »

166. L’article 313-20 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 octobre 2011 au 3 janvier 2018, dispose que : « Le prestataire de services d’investissement établit et maintient opérationnelle une politique efficace de gestion des conflits d’intérêts qui doit être fixée par écrit et être appropriée au regard de sa taille, de son organisation, de la nature, de l’importance et de la complexité de son activité. »

167. Ces deux dispositions ont été supprimées par l’arrêté du 20 décembre 2017 qui a modifié le plan du livre III – Prestataires du règlement général de l’AMF dans le cadre de l’entrée en vigueur de la directive MIF 2.

168. En application de l’article 321-154 du règlement général de l’AMF, pour les sociétés de gestion de portefeuil e gérant des FIA dont le montant total des actifs gérés est inférieur au seuil de 100 mil ions d’euros et qui n’ont pas opté pour l’application de la directive AIFM, ces dispositions ont été remplacées par les articles 321-46 et 321-48 du règlement général de l’AMF. Ces textes n’apparaissant pas moins sévères que les textes visés par la notification de griefs, il n’y a pas lieu d’en faire une application rétroactive, de sorte que le grief sera examiné au regard des dispositions précitées.

Sur l’examen du grief

169. Il ressort du rapport de synthèse d’Agama Conseil pour l’exercice 2014 que « Forest Invest n’a pas validé la procédure relative aux conflits d’intérêts ». Au titre de ses recommandations, le RCCI externe enjoignait à la mise en cause de « valider la procédure relative à la gestion et l’encadrement des conflits d’intérêts et s’assurer de sa diffusion auprès des collaborateurs de Forest Invest ».

170. Le contrôle opéré par Agama Conseil sur les conflits d’intérêts n’a donc pas mis en évidence le caractère opérationnel de la procédure de Forest Invest, comme le soutient la mise en cause, mais au contraire, confirme l’absence de mise en œuvre de ce document, celui-ci n’ayant pas été validé ni diffusé aux collaborateurs de la société de gestion.

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171. Il résulte ensuite de la note relative à l’intervention de 99 Advisory au 29 septembre 2017 que cette dernière a, au titre de ses travaux, rédigé une politique de gestion des conflits d’intérêts transmise aux dirigeants de Forest Invest le 12 septembre 2016.

172. Il apparaît en conséquence établi que jusqu’au 12 septembre 2016, Forest Invest ne disposait pas d’une procédure de gestion des conflits d’intérêts, de sorte que le manquement aux dispositions des articles 313-18 et 313-20 du règlement général est établi.

2. Sur l’absence de tenue du registre des conflits d’intérêts

173. Il est fait grief à Forest Invest d’avoir, en violation de l’article 313-22 du règlement général de l’AMF, manqué à son obligation de tenir et actualiser régulièrement le registre de conflits d’intérêts, qui porte la mention « Néant » alors que la poursuite a identifié des conflits d’intérêts potentiels :

- entre l’activité de gestion des GFI et l’activité pour compte propre de M. Segouin au travers de diverses entités dont Forêt Expertises & Conseils ;

- entre les GFI et les groupements forestiers familiaux ;

- liés au cumul des contrats de travail par des salariés de Forest Invest, des GFI et de la société Forêt Expertise Conseils ;

- liés au manque d’indépendance du valorisateur des GFI pour l’exercice clôturé le 31 mars 2016 car M. Segouin cumule les fonctions d’expert forestier, valorisateur interne, président, gérant financier et RCCI.

174. Forest Invest, qui conteste le grief, fait valoir que l’article 312-22 du règlement général de l’AMF impose de faire figurer dans le registre des conflits d’intérêts les services d’investissement et autres activités comportant un risque sensible d’atteinte aux intérêts des clients qui s’est produit ou est susceptible de se produire. Or, selon la mise en cause, les situations relevées par la poursuite ne peuvent être qualifiées de conflits d’intérêts susceptibles de se produire ou s’étant produits et ne portent pas atteinte aux intérêts de ses clients.

175. Elle soutient d’abord qu’il n’existe pas de relation contractuelle entre Forest Invest, son dirigeant et la société Forêt Expertises & Conseils, de sorte qu’il ne peut y avoir de conflit d’intérêts potentiel ou avéré. Elle ajoute que l’existence de cette société dirigée par M. Segouin, qu’il n’a conservé que pour son activité d’expert judiciaire à la cour et pour la formation des futurs experts forestiers, était mentionnée dans le dossier d’agrément. De surcroît, selon la mise en cause, cette société d’expertise n’accepte plus de nouveaux mandats et n’entretient aucun lien avec les GFI gérés par el e.

176. Forest Invest allègue ensuite que les GFI et les groupements forestiers familiaux sont deux types de véhicules très différents qui ne sont pas positionnés sur les mêmes segments pour la sélection des massifs, de sorte qu’il n’y a pas de risque de conflits d’intérêts.

177. La mise en cause conteste ensuite la situation de conflits d’intérêts qui résulterait du cumul des contrats de travail. Elle explique que Forêt Expertises & Conseils permet aux jeunes forestiers d’obtenir leur diplôme d’expert forestier tandis que Forest Invest leur permet, en parallèle, d’acquérir une expérience solide de la gestion financière et qu’un tel cumul de contrats n’est pas prohibé par le droit du travail. Elle ajoute, s’agissant des salariés employés par plusieurs GFI, que cette situation constitue un avantage pour les salariés, qui sont confrontés à plusieurs typologies de forêts, et pour les investisseurs, dont l’intérêt est la réalisation d’une économie d’échel e. Enfin, el e soutient que les salariés employés à la fois par des GFI et par elle-même n’exercent pas la même activité dans chaque structure.

178. Enfin, Forest Invest soutient que le recours à un expert indépendant chaque année, qui n’est pas obligatoire, s’avère inutile et coûteux, au regard de la faible variation de valorisation des massifs forestiers. Elle souligne que le dépositaire n’a pas relevé d’anomalie à cet égard et que la Directive AIFM n’impose pas que l’expert auquel a recours un groupement forestier soit indépendant. Elle fait néanmoins valoir que depuis le 17 mai 2017, les GFI sont dotés d’un expert forestier indépendant pour l’évaluation quinquennale des GFI, avec une première échéance de revalorisation des actifs en avril 2019.

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179. Dans ses observations en réponse à la notification de griefs, la mise en cause ajoute que l’expertise indépendante quinquennale pour chaque groupement devait être réalisée, au plus tôt en 2017 et au plus tard en 2021, de sorte que la société n’avait pas à mentionner l’obligation de recourir à un expert indépendant dans son registre.

Sur les textes applicables

180. Comme précédemment, la notification de griefs ne précise pas sur quelle période le manquement est reproché. Les faits reprochés seront donc examinés au regard des dispositions applicables entre l’agrément du 28 avril 2014 et la signature du rapport de contrôle le 28 août 2017, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères.

181. Aux termes de l’article 313-22 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018 : « Le prestataire de services d’investissement tient et met à jour régulièrement un registre consignant les types de services d’investissement ou de services connexes, ou les autres activités, exercés par lui ou pour son compte pour lesquels un conflit d’intérêts comportant un risque sensible d’atteinte aux intérêts d’un ou de plusieurs de ses clients s’est produit ou, dans le cas d’un service ou d’une activité en cours, est susceptible de se produire. »

182. L’arrêté du 20 décembre 2017 précité a supprimé cette disposition. Pour les sociétés de gestion de portefeuil e gérant des FIA dont le montant total des actifs gérés est inférieur au seuil de 100 mil ions d’euros et qui n’ont pas opté pour l’application de la directive AIFM, en application de l’article 321-154 du règlement général de l’AMF, cette disposition est remplacée par l’article 321-50 du règlement général de l’AMF, qui n’est pas moins sévère que l’article 313-22 du règlement général, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en faire une application rétroactive. Le grief sera donc examiné au regard de l’article 313-22 du règlement général de l’AMF.

Sur l’examen du grief

183. A titre liminaire, il convient d’observer que si la notification de griefs fait état, au titre des faits pertinents, d’insuffisances concernant la cartographie des conflits d’intérêts potentiels et avérés et la cartographie des risques opérationnels, aucun manquement n’a été notifié sur ce point, de sorte que la conformité de ces documents aux exigences légales et réglementaires ne sera pas examinée.

184. Au 7 novembre 2016, le registre des conflits d’intérêts de Forest Invest ne faisait état d’aucun conflit d’intérêts.

185. S’agissant d’abord de la valorisation des actifs, il convient de relever qu’aux termes de l’article 19.4 de la Directive AIFM : « Les gestionnaires veil ent à ce que la fonction d’évaluation soit effectuée par : / a) un expert externe en évaluation, qui soit une personne physique ou morale indépendante du FIA, du gestionnaire et de toute autre personne ayant des liens étroits avec le FIA ou le gestionnaire; ou / b) le gestionnaire lui-même, à condition que la tâche d’évaluation soit indépendante, sur le plan fonctionnel, de la gestion de portefeuille et de la politique de rémunération et que d’autres mesures garantissent une atténuation des conflits d’intérêts et évitent les influences abusives sur les employés. […] ».

186. Le dossier d’agrément de Forest Invest prévoit que la valorisation des portefeuilles est basée sur une « expertise des actifs forestiers réalisée par un ou des expert(s) extérieur(s) indépendant(s) et missionné(s) par Forest Invest. Une telle expertise sera réalisée selon une périodicité quinquennale et fera l’objet d’une réévaluation annuelle sur la base des caractéristiques des actifs et des éléments fournis par la société. »

187. Or, en l’espèce, comme relevé par le dépositaire CACEIS dans son rapport du 27 janvier 2017, M. Segouin cumulait les fonctions d’expert forestier, valorisateur interne, président, gérant financier, RCCI. CACEIS observait également que la gérance était rémunérée en fonction de la valeur actualisée des actifs des GFI et alertait en conséquence Forest Invest sur le manque d’indépendance de son valorisateur.

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188. Il en résulte que, d’une part, contrairement aux allégations de Forest Invest, l’un de ses deux dépositaires a relevé une anomalie quant à la fonction de valorisation des actifs des GFI de Forest Invest, d’autre part, que si la Directive AIFM permet une évaluation interne des actifs, comme le fait valoir la mise en cause, l’article 19 conditionne cette évaluation interne à son caractère indépendant, sur le plan fonctionnel, par rapport à la gestion de portefeuille et à la politique de rémunération, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

189. A cet égard, le moyen tiré de ce que l’expertise quinquennale est, depuis 2017, confiée à un expert indépendant et qu’aucune expertise quinquennale ne devait être réalisée au cours de la période de contrôle doit être écarté dès lors que le caractère indépendant de l’évaluation s’impose tant s’agissant de l’évaluation quinquennale des actifs que de leur évaluation annuelle, qui était assurée par M. Segouin.

190. En outre, la circonstance que M. Segouin exerce, depuis septembre 2015, les fonctions de RCCI, outre celles d’expert, de valorisateur interne, de dirigeant de la société de gestion, ne permet pas de conclure, comme le prévoit l’article 19.4 de la Directive AIFM, que « d’autres mesures garantissent une atténuation des conflits d’intérêts ».

191. En conséquence, le simple constat du cumul, par M. Segouin, des fonctions d’expert, de valorisateur interne, de président, de gérant financier et de RCCI suffit à établir que c’est à tort que le registre des conflits d’intérêts de Forest Invest ne faisait état, au 7 novembre 2016, d’aucun conflit d’intérêts, dès lors que le contrôle du dispositif de valorisation revient à la personne chargée de cette valorisation.

192. Par ailleurs, le cumul par plusieurs personnes de contrats de travail avec Forest Invest, les GFI et/ou la société Forêt Expertises & Conseils, loin de garantir leur indépendance comme le fait valoir la mise en cause, les place nécessairement en risque élevé de conflits d’intérêts.

193. Enfin, l’article 313-22 du règlement général de l’AMF visant, pour les activités en cours, les risques sensibles d’atteinte aux intérêts des clients qui sont susceptibles de se produire, la mise en cause aurait dû faire état sur son registre du conflit d’intérêts potentiel concernant l’activité de gestion des GFI et l’activité pour compte propre de M. Segouin au travers diverses entités dont Forêt Expertise Conseils dont M. Segouin a fait état au cours de l’audition de restitution des constats.

194. Il résulte de ces éléments que le manquement aux dispositions de l’article 313-22 du règlement général de l’AMF est établi.

3. Sur l’absence de déclaration de modifications des conditions de l’agrément

195. Il est fait grief à Forest Invest de ne pas avoir mentionné, au sein de la déclaration de capitaux du 7 novembre 2013, les autres mandats et les conflits d’intérêts potentiels de M. Segouin, ce qui était susceptible de modifier les conditions auxquelles était subordonné son agrément, en violation des articles L. 532-9 et L. 532-9-1 du code monétaire et financier.

196. La mise en cause fait valoir que toutes les informations concernant les mandats de M. Segouin ont été transmises dès le mois de novembre 2013 à Agama Conseil, qui était en charge de la préparation et du dépôt du dossier d’agrément, sous la responsabilité de M. Laclef. Elle observe qu’Agama Conseil, qui soutient avoir découvert l’existence desdits mandats le 7 mai 2015, n’a auparavant fait état d’aucune anomalie sur ce point dans le cadre de ses contrôles. La mise en cause considère donc que c’est son propre manquement qu’Agama Conseil a mis en exergue dans son courrier du 7 mai 2015, qui intervient à un moment opportun dans le contexte du conflit entre les dirigeants de Forest Invest.

197. Forest Invest ajoute qu’Agama Conseil a communiqué à l’AMF le curriculum vitae de M. Segouin, qui fait apparaitre sa formation et ses titres, notamment d’expert forestier et expert judiciaire, ainsi que sa qualité de gérant expert de Forêt Expertises & Conseils, de sorte que l’agrément de l’AMF a été donné en toute connaissance de cause. Selon la mise en cause, c’est également en toute connaissance de cause que l’AMF a renouvelé l’agrément, à la suite de la cession des parts de M. Laclef.

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198. Elle fait encore valoir qu’en l’absence de modification des mandats et fonctions de M. Segouin, il n’y a pas eu modification des conditions auxquelles étaient soumises l’agrément et que Forest Invest s’est conformée aux dispositions de l’article L. 532-9 du code monétaire et financier, tant au moment de son agrément qu’au moment de son renouvellement.

Sur les textes applicables

199. Comme précédemment, la notification de griefs ne précise pas sur quelle période le manquement est reproché. Les faits seront donc examinés au regard des dispositions applicables entre l’agrément du 28 avril 2014 et la signature du rapport de contrôle le 28 août 2017, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères.

200. Aux termes de l’article L. 532-9 II, dernier alinéa, du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 4 janvier 2014 au 2 janvier 2018, non modifiée sur ce point : « Les sociétés de gestion de portefeuille doivent satisfaire à tout moment aux conditions de leur agrément. »

201. L’article L. 532-9-1, II, du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 28 juillet 2013 au 3 janvier 2018, non modifiée sur ce point, dispose : « II. – Toute autre modification apportée aux conditions auxquelles était subordonné l’agrément délivré à une société de gestion de portefeuille doit faire l’objet, selon les cas, d’une autorisation préalable de l’Autorité des marchés financiers, d’une déclaration ou d’une notification, dans les conditions fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers. »

Sur l’examen du grief

202. M. Segouin, expert forestier, dirige la société Forêt Expertises & Conseils depuis sa constitution en 2007. Il a indiqué, au cours de son audition par le rapporteur, ne consacrer qu’une journée par an à cette fonction de gérant.

203. Le curriculum vitae de M. Segouin, joint au dossier d’agrément, est équivoque quant à l’activité de gérant de cette société d’expertise, au regard de sa présentation formel e et de l’absence de mention que cette activité se poursuit à date.

204. Par ailleurs, la convention conclue entre la société Forêt Expertises & Conseils et un groupement forestier (distinct des groupements gérés par Forest Invest), en vigueur du 1er mars 2009 au 28 février 2010, qui était également jointe à la demande d’agrément, n’apparait pas pertinente pour établir l’exercice par M. Segouin, en novembre 2013, d’autres mandats que celui de dirigeant de Forest Invest.

205. Le dossier d’agrément mentionne en outre qu’« à ce stade, aucune situation de conflits d’intérêts potentiels n’a été identifiée, les deux dirigeants ayant pour objectif de se consacrer exclusivement au développement et au succès de Forest Invest » et que « le Président et le Directeur Général cumuleront leur mandat social avec un contrat de prestation de service, conclu avec Groupe Domaines & Patrimoine. Ils interviendront exclusivement pour le compte de la société, et ce en qualité de personnes physiques ».

206. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la mise en cause, l’AMF n’a pas délivré son agrément en toute connaissance des fonctions de gérant de Forêt Expertises & Conseils.

207. Par ail eurs, la responsabilité de s’assurer de l’exactitude des informations transmises à l’AMF dans le cadre d’une demande d’agrément incombe à la société de gestion qui sollicite cet agrément, de sorte que Forest Invest ne saurait tirer argument de ce que l’existence de ce mandat de gérance de M. Segouin n’ait pas été relevée par Agama Conseil et constituerait un manquement de cette dernière.

208. Bien que M. Segouin ne consacre que très peu de temps à l’exercice de ses fonctions de gérant de la société Forêt Expertises & Conseils, cet exercice contrevient aux conditions de l’agrément qui a été donné sur la base des déclarations des dirigeants, ayant indiqué se consacrer exclusivement à Forest Invest, de sorte que le manquement aux dispositions de l’article L. 532-9 du code monétaire et financier, qui impose à la société de gestion de se conformer à tout moment aux conditions de son agrément, est caractérisé.

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209. En revanche, l’article L. 532-9-1 du code monétaire et financier concerne les modifications apportées aux conditions auxquelles était subordonné l’agrément et impose à une société de gestion, selon le cas, d’obtenir une autorisation préalable de l’AMF, de lui déclarer ou de lui notifier toute modification apportée aux conditions de l’agrément.

210. Or, en l’espèce, aucune modification de la situation de M. Segouin, qui est expert forestier et gérant de Forêt Expertises & Conseils depuis 2007, n’est intervenue postérieurement à l’agrément, de sorte que le manquement aux dispositions de l’article L. 532-9-1 du code monétaire et financier n’est pas établi.

211. Il en résulte que seul le manquement aux dispositions de l’article L. 532-9 du code monétaire et financier est caractérisé à l’encontre de Forest Invest.

VI. Sur le défaut de diligence vis-à-vis de la mission de contrôle

212. Il est fait grief à Forest Invest d’avoir, de façon répétée, tardé à répondre aux demandes formulées par les contrôleurs et fourni des réponses incomplètes, en opposant à ces derniers le secret professionnel. La notification de griefs en déduit que la mise en cause a fait obstacle au bon déroulement du contrôle, en méconnaissance des dispositions de l’article 143-3 du règlement général de l’AMF.

213. Forest Invest explique d’abord avoir, à trois reprises, sollicité un point d’étape avec les contrôleurs qui aurait permis de résoudre rapidement les difficultés rencontrées.

214. Elle soutient que les longs délais de réponse qui lui sont reprochés tiennent, au manque de clarté de certaines questions, au caractère volumineux des demandes et au souhait de la société de soumettre certains envois à ses conseils, mais n’ont jamais eu pour but d’entraver la mission des contrôleurs. Elle fait valoir que le contrôle, chronophage, s’est étalé sur plusieurs mois en sus de la charge de travail des équipes, des priorités économiques et des services dus aux investisseurs.

215. La mise en cause fait encore valoir que les contrôleurs lui ont réclamé avec insistance le protocole transactionnel conclu avec M. Laclef, dont elle invoque le caractère confidentiel, qui était déjà en leur possession et s’interroge sur la pertinence de leur demande. Par ailleurs, elle exprime sa réticence à communiquer à l’AMF des pièces sensibles en raison de la prétendue divulgation à des tiers, par les services de l’AMF, d’informations confidentielles contenues dans ce protocole, en violation du secret professionnel.

216. Enfin, elle explique avoir volontairement omis de transmettre aux contrôleurs la liste de ses clients avec leur identité, au regard de la discrétion attendue par ces derniers sur leur situation patrimoniale et du caractère particulièrement sensible de cette information qui constitue le point central de la valeur d’une PME.

217. Dans ses observations en réponse à la notification de griefs, la mise en cause fait encore valoir que le pouvoir d’investigation de l’AMF n’est pas illimité et que la demande de communication de la liste de ses clients avait pour conséquence de transmettre des données touchant à leur vie privée alors même qu’ils ne sont pas concernés par le contrôle. Elle observe néanmoins que l’intégralité des documents demandés a été communiqué aux contrôleurs.

Sur le texte applicable

218. Comme précédemment, la notification de griefs ne précise pas sur quelle période le manquement est reproché. Les faits seront donc examinés au regard des dispositions applicables entre le 14 octobre 2016, date de début du contrôle, et le 28 août 2017, date de signature du rapport de contrôle, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères.

219. Aux termes de l’article 143-3, alinéa 3, du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur depuis le 15 juin 2014 : « Les personnes contrôlées apportent leur concours avec diligence et loyauté ».

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Sur l’examen du grief

220. Il résulte des articles L. 621-10 et L. 621-9-3 du code monétaire et financier que, d’une part, les contrôleurs de l’AMF peuvent se faire communiquer tous documents, quel qu’en soit le support, pour les nécessités de leur contrôle, d’autre part, que le secret professionnel ne peut leur être opposé.

221. Ainsi, la mise en cause ne peut valablement soutenir qu’elle ne souhaitait pas transmettre aux contrôles des informations confidentielles dès lors qu’el e y était astreinte par la loi.

222. Il ressort ensuite d’un inventaire établi par les contrôleurs, arrêté au 31 mars 2017, six mois après le début du contrôle, que le délai moyen de réponse de Forest Invest aux demandes des contrôleurs était de 19 jours et que 33 demandes étaient en suspens à cette date, pour un total de 64 demandes. Ainsi par exemple, la demande portant sur les contrôles réalisés en matière de commercialisation des produits pour les exercices 2014, 2015 et 2016 a nécessité 55 jours pour que Forest Invest y réponde, après avoir reçu 7 relances.

223. Au total, 44 courriels de relance ont été adressés à Forest Invest.

224. En outre, certaines réponses transmises l’ont été de manière incomplète, comme la liste des clients de Forest Invest.

225. Au regard des difficultés rencontrées par les contrôleurs pour la communication des documents, une mise en demeure a été adressée le 24 mars 2017 à Forest Invest par les services de contrôle de l’AMF.

226. Par ail eurs, contrairement à ce qui est al égué, un point d’étape, sollicité par la mise en cause, a été organisé par les contrôleurs puis annulé, après que M. Segouin ait fait savoir qu’il n’assisterait pas à cette réunion et serait représenté par ses conseils, désignés comme interlocuteurs privilégiés, ce point d’étape étant conditionné à la présence du dirigeant de Forest Invest.

227. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Forest Invest n’a pas apporté son concours avec diligence aux contrôleurs, de sorte que le manquement aux dispositions de l’article 143-3 du règlement général de l’AMF est caractérisé.

VII. Sur l’imputabilité des griefs à M. Segouin

228. La notification de griefs adressée à M. Segouin précise que l’ensemble des manquements reprochés à la société sont susceptibles de lui être imputés, en sa qualité de dirigeant de Forest Invest dans la mesure où il avait, à la date des faits reprochés, la qualité de président de Forest Invest et était dirigeant responsable au sens des articles L. 532-9 II 4° du code monétaire et financier et 312-6 du règlement général de l’AMF et était, à ce titre, soumis à l’obligation faite aux dirigeants de s’assurer que le prestataire de service d’investissement se conforme à ses obligations professionnel es édictée par l’article 313-6 du code monétaire et financier.

229. A de multiples reprises dans les observations en réponse à la notification de griefs, M. Segouin a fait valoir que, jusqu’au 15 septembre 2015, il n’était ni président, ni RCCI de Forest Invest et que les manquements reprochés relevaient de la responsabilité personnel e de M. Laclef qui exerçait, jusqu’à cette date, les fonctions de président et de RCCI de la société.

230. Dans les observations en réponse au rapport du rapporteur, M. Segouin relève que la notification de griefs s’attache à la notion de « président » pour rechercher sa responsabilité. Il rappelle cependant que du 28 avril 2014 au 15 septembre 2015, il était directeur général et souligne que même si, en cette qualité, il disposait des mêmes pouvoirs de direction que le président, il n’en avait pas la qualité. Il soutient qu’en ne recherchant pas la responsabilité de M. Laclef, les contrôleurs ont manqué à leur obligation d’instruire à charge et à décharge et, en imputant les responsabilités de M. Laclef à M. Segouin, ont fait preuve d’une partialité critiquable. Il fait valoir que l’article 313-6 du règlement général de l’AMF prévoit que la responsabilité de s’assurer que le prestataire de services d’investissement se conforme à ses obligations incombe non à un seul mais à ses deux dirigeants, reproche au rapporteur de ne pas avoir notifié les griefs

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au second dirigeant et considère que la responsabilité de M. Laclef ayant été écartée, il doit en être de même de la sienne. Il fait en outre observer qu’il a, dès le 15 mai 2015, mis en œuvre les diligences nécessaires pour remédier aux défaillances constatées.

231. Enfin, il soutient que le rapporteur ne s’est pas attaché à l’élément intentionnel pour l’analyse du bien-fondé des griefs.

Sur les textes applicables

232. Comme précédemment, la notification de griefs ne précise pas sur quelle période le manquement est reproché. Les faits seront donc examinés au regard des dispositions applicables entre l’agrément du 28 avril 2014 et la signature du rapport de contrôle le 28 août 2017, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères.

233. Le II, paragraphe 4° de l’article L. 532-9 du code monétaire et financier dispose, dans sa version en vigueur du 4 janvier 2014 au 2 janvier 2018, non modifiée sur ce point : « II. – Les sociétés de gestion de portefeuille sont agréées par l’Autorité des marchés financiers. / […] / 4. Est dirigée effectivement par deux personnes au moins possédant l’honorabilité nécessaire et l’expérience adéquate à leur fonction, en vue de garantir sa gestion saine et prudente. Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers fixe les conditions dans lesquelles une société de gestion de portefeuille peut, par dérogation, être dirigée effectivement par une seule personne. Il précise les mesures qui doivent être prises pour garantir la gestion saine et prudente de la société concernée ».

234. L’article 312-6 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018, disposait : « La société de gestion de portefeuille est dirigée effectivement par deux personnes au moins possédant l’honorabilité nécessaire ainsi que l’expérience adéquate à leurs fonctions, en vue de garantir sa gestion saine et prudente. / L’une au moins de ces deux personnes doit être un mandataire social habilité à représenter la société dans ses rapports avec les tiers. / L’autre personne peut être le président du conseil d’administration, ou une personne spécialement habilitée par les organes sociaux collégiaux ou les statuts pour diriger et déterminer l’orientation de la société ».

235. Aux termes des deux premiers alinéas de l’article 313-6 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 décembre 2013 au 2 janvier 2018 : « La responsabilité de s’assurer que le prestataire de services d’investissement se conforme à ses obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier incombe à ses dirigeants et, le cas échéant, à son instance de surveillance. / En particulier, les dirigeants et, le cas échéant, l’instance de surveillance évaluent et examinent périodiquement l’efficacité des politiques, dispositifs et procédures mis en place par le prestataire pour se conformer à ses obligations professionnelles et prennent les mesures appropriées pour remédier aux éventuelles défaillances ».

236. Ces deux dispositions ont été abrogées le 3 janvier 2018 et reprises, pour les sociétés de gestion de portefeuilles gérant des FIA sous les seuils n’ayant pas opté pour l’application de la Directive AIFM, respectivement par les articles 321-13 et 321-35 du règlement général de l’AMF dont les dispositions n’apparaissent pas moins sévères que cel es visées par la notification de griefs. Il n’y a donc pas lieu d’en faire une application rétroactive, de sorte que le grief sera examiné au regard des dispositions précitées.

Sur l’examen du grief

237. Lors de l’agrément du 28 avril 2014, M. Segouin occupait les fonctions de directeur général de Forest Invest, dont il n’est devenu président que le 15 septembre 2015.

238. Le constat opéré par la notification de griefs selon laquelle M. Segouin était, « à la date des faits relevés », « président » n’est donc que partiellement vrai.

239. Néanmoins, conformément aux statuts de Forest Invest, société par actions simplifiée, et comme le rappelait son dossier d’agrément, M. Segouin, en tant que directeur général, était mandataire social habilité à

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représenter la société dans ses rapports avec les tiers, de sorte qu’il avait la qualité de dirigeant, au sens de l’article L. 532-9 II 4° du code monétaire et financier et de l’article 312-6 du règlement général de l’AMF.

240. En conséquence, conformément aux dispositions de l’article 313-6 du règlement général de l’AMF, la responsabilité de s’assurer que Forest Invest se conformait à ses obligations professionnelles lui incombait.

241. A cet égard, il y a lieu de rappeler que si la commission spécialisée du collège de l’AMF n’a pas notifié de griefs à M. Laclef, elle a simplement exercé une faculté qui lui était reconnue, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation de l’opportunité d’ouverture d’une procédure de sanction, d’arrêter les griefs ainsi que de déterminer les personnes devant être mises en cause, sans que la commission des sanctions ait à se prononcer sur cette décision.

242. Par ailleurs, c’est en vain que le mis en cause invoque l’absence d’intention de profits personnels ou de lésion aux intérêts des investisseurs dès lors que l’ensemble des manquements examinés sont des manquements objectifs dont la caractérisation ne requiert ni la démonstration d’un élément intentionnel, ni celle d’un préjudice aux intérêts des investisseurs.

243. Il en résulte qu’en sa qualité de dirigeant de Forest Invest au sens des articles L. 532-9 du code monétaire et financier et 312-6 du règlement général de l’AMF, les manquements caractérisés à l’encontre de la société de gestion sont imputables à M. Segouin, en application des dispositions de l’article 313-6 du règlement général de l’AMF.

SANCTIONS ET PUBLICATION

244. Le II a) et b) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 22 février 2014 au 4 décembre 2015, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, dispose : « II.- La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : / a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 17° du II de l’article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les règlements européens, les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l’Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions des articles L. 612-39 et L. 612-40 ; / b) Les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 17° du II de l’article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les règlements européens, les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l’Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions des articles L. 612-39 et L. 612-40 ; […] ».

245. Le 7° de l’article L. 621-9 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 19 mars 2014 au 30 septembre 2014, non modifiée dans un sens moins sévère, mentionne : « 7° Les placements collectifs mentionnés au I de l’article L. 214-1 et les sociétés de gestion mentionnées à l’article L. 543-1 ; ».

246. Aux termes de l’article L. 543-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 28 juillet 2013 au 10 décembre 2016, non modifié sur ces points dans un sens moins sévère : « Les sociétés de gestion de placements collectifs sont les sociétés de gestion de portefeuille, les personnes morales qui gèrent des FIA mentionnés au 3° du III de l’article L. 214-24, les sociétés de gestion de fonds communs de créances, les sociétés de gestion de sociétés civiles de placement immobilier, les sociétés de gestion des sociétés d’épargne forestière ».

247. Il s’ensuit que Forest Invest et M. Olivier Segouin étaient passibles d’une sanction par la commission des sanctions à l’époque des faits et le demeurent sous l’empire des dispositions entrées en vigueur le 3 janvier 2018.

248. Le III a) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 22 février 2014 au 4 décembre 2015, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, dispose : « III.- Les sanctions applicables sont : a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l’article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut

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prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; […] ».

249. Il en résulte que Forest Invest encourt une sanction disciplinaire et, en sus ou à la place, une sanction pécuniaire d’un montant au plus égal à 100 millions d’euros ou au décuple des profits éventuellement réalisés.

250. Le III b) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 22 février 2014 au 4 décembre 2015, dispose : « III.- Les sanctions applicables sont : […] / b) Pour les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de pratiques mentionnées aux c à g du II ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l’autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; ».

251. Modifié par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, le III b) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 11 décembre 2016, non modifiée sur ce point dans un sens moins sévère, dispose : « III.- Les sanctions applicables sont : […] / b) Pour les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° à 17° du II de l’article L. 621-9, ou exerçant des fonctions dirigeantes, au sens de l’article L. 533-25, au sein de l’une de ces personnes, l’avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l’interdiction temporaire de négocier pour leur compte propre, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des activités ou de l’exercice des fonctions de gestion au sein d’une personne mentionnée aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° à 17° du II de l’article L. 621-9. La commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d’euros ou au décuple du montant de l’avantage retiré du manquement si ce montant peut être déterminé, en cas de pratiques mentionnées au II du présent article. Les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l’autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; […] ».

252. Il en résulte que M. Segouin encourt une sanction disciplinaire et, en sus ou à la place, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à :

- 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés pour la fraction des manquements antérieure au 11 décembre 2016 ;

—  15 mil ions d’euros ou au décuple de l’avantage retiré du manquement s’il peut être déterminé, pour la fraction des manquements postérieure au 11 décembre 2016.

253. Concernant les critères de détermination de la sanction, le III ter de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016, dispose : « Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : – de la gravité et de la durée du manquement ; – de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ; / – de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ; / – de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; – des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ; / – du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ; / – des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / – de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est

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imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement ».

254. Entre le 28 avril 2014 et le 28 août 2017, Forest Invest a contrevenu à de multiples obligations professionnelles en omettant de désigner un dépositaire pour chacun de ses GFI et en ne permettant pas à ses dépositaires de remplir leur mission de contrôle, en ne veillant pas à l’établissement et au maintien d’un dispositif de contrôle approprié et opérationnel, en ne disposant pas d’une procédure opérationnelle concernant l’élaboration, la validation et la diffusion de sa documentation commerciale, en diffusant des informations peu claires ou trompeuses aux investisseurs, en ne mettant pas en œuvre une politique efficace et un dispositif de gestion opérationnel des conflits d’intérêts, en ne tenant pas régulièrement le registre des conflits d’intérêts et en ne mentionnant pas les autres mandats et conflits d’intérêts potentiels de son dirigeant dans le cadre de sa demande d’agrément et en manquant à son obligation de diligence vis-à-vis de la mission de contrôle.

255. Il convient néanmoins de prendre en compte les circonstances propres invoquées par les mis en cause, tenant au conflit d’associés entre M. Laclef et M. Segouin qui, de l’automne 2014 au 15 septembre 2015, a entravé le bon fonctionnement de la société de gestion.

256. Il résulte des pièces du dossier que depuis le départ de M. Laclef, M. Segouin a accompli les diligences nécessaires pour remédier aux défaillances constatées en s’attelant, dès le mois de juin 2015, à la mise en conformité de la société de gestion et des GFI.

257. Il convient également de prendre en considération la délicate interprétation des textes concernant les obligations de désignation d’un dépositaire au cours de la période transitoire d’entrée en vigueur de la Directive AIFM.

258. Forest Invest, qui emploie 15 salariés, a déclaré escompter, pour l’exercice 2018, un résultat net de 200 000 euros.

259. M. Segouin, qui a trois enfants à charge, a pour sa part fait état d’une rémunération brute mensuel e de […] euros au titre de la présidence de Forest Invest. Il détient avec son épouse, […], une SCI possédant l’immeuble dans lequel se trouve le siège social de Forest Invest ainsi que sa résidence principale, ces biens étant estimés à […] euros, compte tenu des emprunts.

260. M. Segouin détient également les titres de la société SEGOIA, holding du groupe qui détient 100 % du capital de Groupe Domaines & Patrimoine, qui détient elle-même 100 % de Forest Invest, valorisés à près de […] d’euros.

261. Par ail eurs, aucun avantage ou profit identifié n’a été retiré des manquements, qui n’ont engendré aucune perte connue pour les tiers. Forest Invest n’a fait face qu’à une réclamation de l’un de ses clients, que le médiateur de l’AMF a considéré comme infondée.

262. Au vu de ces éléments, il est prononcé à l’encontre de Forest Invest un avertissement et une sanction pécuniaire de 200 000 euros et à l’encontre de M. Segouin un avertissement.

263. Le V de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version applicable à compter du 11 décembre 2016, dispose : « La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu’elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. / La commission des sanctions peut décider de reporter la publication d’une décision ou de publier cette dernière sous une forme anonymisée ou de ne pas la publier dans l’une ou l’autre des circonstances suivantes : / a )Lorsque la publication de la décision est susceptible de causer à la personne en cause un préjudice grave et disproportionné, notamment, dans le cas d’une sanction infligée à une personne physique, lorsque la publication inclut des données personnelles ; / b) Lorsque la publication serait de nature à perturber gravement la stabilité du système financier, de même que le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. […] ».

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264. Les mis en cause, qui invoquent les circonstances du contrôle, sollicitent une publication sous forme anonyme de la décision en faisant valoir le préjudice grave et disproportionné qui résulterait, tant pour Forest Invest que pour M. Segouin, d’une publication non anonymisée.

265. La publication de la présente décision n’est ni susceptible de causer aux personnes mises en cause un préjudice grave et disproportionné, ni de nature à perturber gravement la stabilité du système financier ou encore le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. Elle sera donc ordonnée, sans anonymisation.

PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré par M. Jean Gaeremynck, président de la 2ème section de la commission des sanctions, par Mme Sandrine Elbaz-Rousso, Mme Sophie Schiller, M. Christophe Lepitre, membres de la 2e section de la commission des sanctions, et Mme Ute Meyenberg, membre de la 1ère section de la Commission des sanctions suppléant M. Lucien Millou en application de l’article R. 621-7. I du code monétaire et financier, en présence de la secrétaire de séance, la commission des sanctions :

— prononce à l’encontre de Forest Invest un avertissement et une sanction pécuniaire de 200 000 euros (deux cent mille euros) ;

— prononce à l’encontre de M. Olivier Segouin un avertissement ;

— ordonne la publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et fixe à cinq ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.

Fait à Paris, le 25 juillet 2019

La Secrétaire de séance,

Le Président,

Anne Vauthier

Jean Gaeremynck

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

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Décision de la Commission des sanctions du 25 juillet 2019 à l'égard de la société Forest Invest et de Monsieur Olivier Segouin