Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 22 janvier 2015, n° 12/13633

  • Crédit·
  • Prêt·
  • Intérêts conventionnels·
  • Nullité·
  • Taux effectif global·
  • Commission·
  • Stipulation d'intérêts·
  • Banque·
  • Global·
  • Méditerranée

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 22 janv. 2015, n° 12/13633
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 12/13633
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, 1er juillet 2012, N° 2011000001

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 22 JANVIER 2015

N° 2015/40

Rôle N° 12/13633

A X

I J épouse X

C/

SA CAISSE REGIONALE DE CREDIT MARITIME LA MEDITERRANE E

Grosse délivrée

le :

à :LATIL

GOUGOT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d’AIX EN PROVENCE en date du 02 Juillet 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011000001.

APPELANTS

Monsieur A X

né le XXX à XXX

représenté par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me N DEZEUZE, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame I J épouse X

née le XXX à XXX

représentée par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me N DEZEUZE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA CAISSE REGIONALE DE CREDIT MARITIME LA MEDITERRANEE prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis XXX – XXX

représentée par la SCP TROEGELER BREDEAU GOUGOT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me GOUGOT, avocat

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 07 Octobre 2014 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Madame DEMORY-PETEL, Conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2014 puis le délibéré a été prorogé au 22 janvier 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2015,

Rédigé par Madame DEMORY-PETEL, Conseiller,

Signé par Monsieur Pascal MATHIS conseiller pour le président empêché et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

M. A X, exerçant la profession de marin-pêcheur, a ouvert un compte professionnel dans les livres de la Caisse régionale de crédit maritime mutuel La Méditerranée (le Crédit maritime).

Cette banque lui a consenti, pour les besoins de son activité professionnelle :

— un crédit par découvert en compte ;

— par actes du 23 novembre 1994, trois prêts de 1 785 000 F, 595 000 F et 97 500 F, destinés à financer l’achat d’un bateau d’occasion et des « transformations substantielles » ;

— par actes du 1er octobre 1996, deux prêts de 216 700 F et 252 300 F ayant pour objet le remplacement d’un moteur ;

— par acte du 26 mars 2003, un prêt de 137 000 € destiné à financer des travaux sur un moteur et des travaux d’électricité.

En janvier 2005, M. A X et son épouse, Mme K J, ont souscrit un prêt immobilier de 96 051,50 € sur 10 ans au taux nominal de 4,50%.

Après avoir fait procéder par M. E Y à un audit de la régularité des stipulations d’intérêt des prêts professionnels, du prêt immobilier et du crédit par découvert en compte, les époux X ont fait assigner le Crédit maritime devant le juge des référés, le 18 décembre 2008, d’un côté, aux fins d’allocation d’une provision sur une créance de restitution, en se prévalant de la nullité des stipulations de l’intérêt conventionnel, de l’application de dates de valeur non causées et de la perception de commissions sur écartés indues, d’un autre côté, en désignation d’un expert judiciaire ayant pour mission, notamment, de déterminer le taux effectif global réel « pratiqué sur les relevés de compte », de redresser les comptes en appliquant le taux d’intérêt légal et en excluant les dates de valeur non justifiées.

Par ordonnance du 9 février 2009, le juge des référés a rejeté la demande de provision et a désigné M. M-N O en qualité d’expert avec pour mission de se faire communiquer tous les relevés de compte ouverts par M. X dans les livres du Crédit maritime, de déterminer le montant des agios perçus, des frais et commissions, de calculer les agios au taux légal et de déterminer le taux effectif global réellement pratiqué.

L’expert a établi le rapport le 23 mars 2010.

Le 21 décembre 2010, les époux X ont fait assigner au fond le Crédit maritime en paiement d’une créance de restitution de 67 850 €, en se prévalant de la nullité des stipulations de l’intérêt conventionnel et de la perception de commissions sur écartés injustifiées.

Par jugement contradictoire du 2 juillet 2012, le tribunal de commerce d’Aix en Provence :

— a écarté les conclusions de l’expert relatives aux actes de prêt en retenant que ces crédits ne sont pas concernés par l’expertise ;

— a dit que les demandes formées au titre des commissions sur écartés sont prescrites pour la période antérieure au 8 février 2004 et doivent être ramenées à 4 942,53 € pour la période postérieure avec intérêts au taux légal à compter de cette date ;

— a condamné, en conséquence, le Crédit maritime à payer aux époux X la somme de 4 942,53 euros avec intérêts au taux légal à compter de chaque prélèvement ;

— a laissé les frais d’expertise et les dépens à la charge des époux X ;

— a condamné le Crédit maritime à payer une indemnité de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les époux X sont appelants de ce jugement.

****

Vu les conclusions remises le 17 octobre 2012 par les époux X ;

Vu les conclusions remises le 19 novembre 2012 par le Crédit maritime ;

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 9 septembre 2014 ;

MOTIFS DE LA DECISION

Les époux X demandent, au visa des articles 1131, 1134, 1147 et 1907 du code civil, L 313-1 et L 313-2 du code de la consommation, la condamnation du Crédit maritime au paiement de la somme de 67 850,05 €, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation en référé du 18 décembre 2008.

Cette somme correspond à l’estimation faite par M. Y, chargé par les emprunteurs d’une mission d’audit amiable, de la créance de restitution susceptible de découler :

— de l’annulation de la stipulation d’intérêt conventionnel de tous les crédits, professionnels et immobiliers, consentis à M. et Mme X et, en conséquence, de la substitution de l’intérêt au taux légal à l’intérêt appliqué ;

— de la remise en cause de commissions sur écartés injustifiées.

Le Crédit maritime oppose, notamment, la prescription quinquennale des demandes en nullité, la régularité du taux effectif global mentionné sur les tickets d’agios afférents au crédit par découvert en compte et l’absence de démonstration du caractère injustifié des commissions sur écartés.

Sur la recevabilité des demandes formées au titre des prêts

Le tribunal n’a pas statué sur les demandes relatives aux prêts au motif que l’expert, qui n’aurait été chargé que d’une analyse du fonctionnement du compte bancaire, a outrepassé sa mission en l’étendant aux conventions de prêt.

Mais, à supposer ce grief fondé, il n’est pas de nature à priver les emprunteurs du droit d’agir en nullité relativement aux prêts.

Sur les demandes en nullité des stipulations de l’intérêt conventionnel des prêts professionnels

Il résulte de l’article L 313-2 du code de la consommation, applicable à toutes les formes de crédit qu’ils soient consentis à un consommateur ou à un professionnel, que le taux effectif global (TEG) des intérêts doit être fixé par écrit.

La méconnaissance de cette disposition d’ordre public, que le TEG ne soit pas mentionné ou qu’il soit erroné, est sanctionnée par la nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel auquel est substitué le taux légal.

L’action en nullité se prescrit dans un délai de cinq ans qui court, s’agissant d’un prêt consenti pour les besoins de l’activité professionnelle de l’emprunteur, à compter de la date de la convention.

Les six prêts professionnels litigieux ont été consentis par des conventions formées entre le 23 novembre 1994 et le 26 mars 2003.

La prescription de l’action en nullité était acquise lorsque les époux X ont fait assigner le Crédit maritime, le 18 décembre 2008, aux fins d’allocation d’une provision sur la créance de restitution découlant de la nullité.

Sur la demande en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel du crédit immobilier

Le prêt ayant été consenti en janvier 2005, la prescription quinquennale de l’action en nullité n’était pas acquise lorsque les époux X ont assigné en référé, le 18 décembre 2008, en paiement d’une provision sur la créance de restitution découlant de la nullité.

Les époux X, tenus en application de l’article 954 du code de procédure civile de formuler expressément les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de leur prétention est fondée, ne précisent pas les irrégularités qui ont pu affecter le taux effectif global du prêt immobilier et ne produisent même pas la convention, en sorte que la cour n’est pas en mesure de savoir si le TEG a été mentionné dans l’acte et pour quel montant, ou s’il ne l’a pas été.

Tout en reconnaissant qu’il ne lui a pas été remis le contrat de prêt, M. Y s’est borné à considérer « évident » que le Crédit maritime, ainsi qu’il s’est abstenu de le faire pour les autres prêts, n’a pas pris en compte l’incidence de la souscription de parts sociales dans la détermination du TEG.

L’expert judiciaire commis en référé a suivi le même raisonnement en déduisant l’irrégularité du TEG du prêt immobilier des erreurs commises dans le calcul du TEG des prêts professionnels.

Ces considérations hypothétiques n’établissent pas, en l’absence de production des documents contractuels, l’irrégularité de la stipulation de l’intérêt conventionnel du prêt immobilier.

Sur la demande en nullité de la stipulation d’intérêt conventionnel du crédit par découvert en compte

Le compte ouvert au nom de M. X sous le N° 30755101018 était utilisé pour les besoins de son activité professionnelle. Les opérations créditrices consistent en des virements de la société Sodeport, les échéances des prêts professionnels sont inscrites au débit et la banque a établi chaque trimestre des arrêtés de compte récapitulant les intérêts, frais et commissions. Le taux effectif global est mentionné sur les arrêtés et sur les relevés de compte à l’occasion des prélèvements d’intérêt.

La contestation, par la voie d’une action en nullité, des intérêts payés par un emprunteur qui a obtenu un concours financier pour les besoins de son activité professionnelle ne peut être exercée que dans le délai de cinq ans à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le TEG. En cas de crédit par découvert en compte, la réception de chacun des relevés indiquant ou devant indiquer le TEG appliqué constitue le point de départ du délai de cette prescription.

Le premier acte interruptif de prescription est constitué par l’assignation en référé du 18 décembre 2008 aux fins d’allocation d’une provision sur la créance de restitution découlant de la nullité de la stipulation d’intérêt.

Il en résulte que l’action en nullité exercée par les époux X est prescrite pour les prélèvements d’intérêt antérieurs au 18 décembre 2003.

Les époux X soutiennent que la banque a fait mention d’un TEG erroné pour s’être abstenue de prendre en compte l’incidence, d’un côté, d’une assurance décès ' invalidité dont la souscription aurait été exigée de M. X par la banque, d’un autre côté, de l’application de jours de valeur dépourvus de cause.

Mais, en premier lieu, il ne résulte d’aucune circonstance ou pièce versée aux débats, que le Crédit maritime a imposé à M. X la souscription d’une assurance décès-invalidité comme une condition de l’octroi du crédit par découvert en compte.

En second lieu, la rectification mécanique du taux effectif global résultant de la remise en cause de dates de valeur dépourvues de cause est sans incidence sur le coût du crédit réellement supporté par l’emprunteur eu égard aux dates de valeur qui ont été appliquées par la banque, en sorte que cette rectification n’a pas pour effet de rendre inexact le taux effectif global dont la banque a fait mention.

La demande en nullité de la stipulation d’intérêt du compte bancaire est rejetée.

Sur la contestation des commissions sur écartés

La banque a prélevé sur le compte de M. X des frais forfaitaires sur écartés. Ces commissions sont applicables en cas de dépassement du découvert autorisé.

L’expert judiciaire a constaté qu’à de multiples reprises, entre le 10 avril 2003 et le 26 octobre 2007, la banque a prélevé pour un montant total de 5 332,41 € des commissions sur écartés qui n’étaient pas justifiées, en l’absence de dépassement du découvert autorisé.

L’action tendant à la remise en cause de ces commissions est soumise à la prescription édictée à l’article L 110-4 du code de commerce. Le délai était de dix ans antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi N° 2008-561 du 17 juin 2008 et a été réduit à cinq ans par cette loi.

La prescription a été interrompue par l’assignation en référé du 18 décembre 2008. A cette date, elle n’était pas acquise dès lors que son point de départ se situe à la date de réception du relevé de compte du premier prélèvement opéré le 10 avril 2003 et que par application des dispositions transitoires prévues à l’article 2222 du code civil, le délai expirait le 9 avril 2013.

L’expert judiciaire a établi un tableau récapitulatif de tous les prélèvements de frais sur écartés, opérés alors que le découvert autorisé, dont il indique précisément l’évolution, n’était pas dépassé.

Ses constatations ne donnent lieu à aucune explication circonstanciée de la banque quant au bien fondé des commissions litigieuses.

Il s’ensuit que la demande des époux X en répétition des commissions sur écartés doit être accueillie. La banque est condamnée à payer la somme de 5 332,41 € avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation en référé du 18 décembre 2008. Les intérêts se capitalisent dans les conditions de l’article 1154 du code civil à compter de la demande de capitalisation formée dans l’assignation au fond du 21 décembre 2010.

****

Les époux X, qui succombent sur l’essentiel, supportent les dépens et les frais d’expertise.

L’équité ne commande pas, en première instance et en appel, l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement attaqué, sauf sur la condamnation aux dépens et sur la charge des frais d’expertise,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable comme prescrite l’action en nullité des stipulations de l’intérêt conventionnel des prêts professionnels souscrits les 23 novembre 1994, 1er octobre 1996 et 26 mars 2003 par M. A X auprès de la Caisse régionale de crédit maritime mutuel La Méditerranée,

Rejette l’action en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel du prêt immobilier souscrit en janvier 2005 par M. A X et Mme C X auprès de la Caisse régionale de crédit maritime mutuel La Méditerranée,

Déclare prescrite pour la période antérieure au 18 décembre 2003 et rejette pour la période courant à compter de cette date, l’action en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel du crédit par découvert consenti sur le compte professionnel ouvert au nom de M. A X,

Déclare recevable l’action en répétition de commissions sur écartés,

Condamne la Caisse régionale de crédit maritime mutuel La Méditerranée à payer à M. A X et à Mme C X la somme de 5 332,41 € avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2008, se capitalisant dans les conditions de l’article 1154 du code civil à compter du 21 décembre 2010,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. A X et Mme C X aux dépens d’appel,

Vu l’article 699 du code de procédure civile,

Ordonne la distraction des dépens d’appel au profit de la SCP d’avocats Troegeler ' Gougot ' Bredeau-Troegeler.

Le Greffier Le Président

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 22 janvier 2015, n° 12/13633