Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 18 novembre 2021, n° 18/19009

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-4, 18 nov. 2021, n° 18/19009
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/19009
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nice, 10 octobre 2018, N° 17/00477
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 18 NOVEMBRE 2021

N°2021/

CM/FP-D

Rôle N° RG 18/19009 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDNRG

H X

C/

S.A.S. Société FLY

Copie exécutoire délivrée

le :

18 NOVEMBRE 2021

à :

Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE

Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau d’AIX-EN-

PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 11 Octobre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00477.

APPELANT

Monsieur H X, demeurant 36 chemin de l’Estelle – 06800 Cagnes-sur-Mer

représenté par Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SASU BAZALP anciennement dénommée SAS FLY prise en la personne de son représentant légal

, demeurant […]

représentée par Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

et par Me Magali BOUTIN, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Septembre 2021 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, et Madame Catherine MAILHES, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2021.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2021.

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée indéterminée succédant à un contrat à durée déterminée, la société Rapp, à l’activité de commerce de détail de meubles, a engagé M. X (le salarié) en qualité de conseiller vendeur à compter du 09 octobre 2001 à temps complet.

La société Rapp est devenue la société Fly (la société).

Au terme de six avenants successifs, le salarié a occupé en dernier lieu un emploi de directeur de magasin, statut cadre, au sein du magasin de Nice Saint Isidore, et il a perçu une rémunération mensuelle brute forfaitaire pour 218 jours de travail par an de 3 763 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 janvier 2017, la société a convoqué le salarié le 10 février 2017 en vue d’un entretien préalable à son licenciement.

Elle lui a notifié sa mise à pied conservatoire par courrier du 10 février 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 02 mars 2017, la société a notifié au

salarié son licenciement pour faute grave dans les termes suivants:

'Monsieur,

Nous vous avions convoqué à un entretien qui s’est déroulé le 10 février 2017.

Vous vous êtes présenté à cet entretien et avez souhaité vous faire assister de I J. Nous étions nous même assisté de Christiane CECE, déléguée du personnel du siège.

Par la présente, nous vous exposons les faits que nous vous reprochons et qui nous conduisent à procéder à votre licenciement pour faute grave :

Vous exercez la fonction de directeur de magasin depuis plusieurs années.

Nous avons été saisis par une de vos collaboratrices qui relate « avoir été victime d’une agression verbale sévère et de menaces de la part de son directeur de magasin, Monsieur H X, en date du 19.10.2016, au sujet d’une nouvelle tâche de travail pour laquelle elle n’a pas été formée. Reproche lui est fait subjectivement de ne pas accomplir cette tâche conformément aux attentes. »

Suite à cette alerte, de nombreuses actions ont été entreprises afin de comprendre la situation (des demandes écrites, des rencontres notamment). Compte tenu de faits portés à notre connaissance, deux responsables ont rencontré l’ensemble des salariés de votre magasin, vous y compris, en entretiens individuels, les 3 et 4 janvier 2017.

Ces démarches réalisées en débit d’année 2017 nous ont fait découvrir de nombreux manquements dans vos engagements professionnels qui rendent impossible la poursuite de notre relation contractuelle, et à savoir :

- Un manque flagrant de management

Alors que cela relève d’une de vos missions principales nous ne pouvons que constater votre carence fautive.

Ainsi, la responsable Boutique Libre-Service n’est pas accompagnée dans ses fonctions ; vous délaissez complètement ce département ; les rythmes managériaux (Point sur Activité PSA; comité managers COMA….) sont réalisés mais de manière très aléatoire et irrégulière (très peu d’échanges) ; les audits de zone, de concurrence ne sont pas effectués ; de plus, vous ne faites aucun débriefe lors de ses interventions pour animer les starter (animation en début de journée) et présenter le PAC (Plan d’Actions Commerciales) par exemple, ce qui démontre une violation de la politique sociale et un désinvestissement professionnel. Votre comportement entraîne un mal être auprès de la responsable concernée.

De plus lors des COMA, vous n’assumez pas votre rôle de manager et vous véhiculez un message négatif face à des décisions d’entreprise, alors que vous faites partie de la Direction, " ce n’est pas moi, mais eux ! ".

Les collaborateurs de votre magasin se sentent délaissés : ainsi lors de vos dernières absences pour congés payés, vous n’avez laissé aucune consigne à vos responsables.

Enfin, vous n’avez pas accompagné correctement votre précédent responsable meuble sur le management de son équipe ; il s’est trouvé en difficulté et a réalisé des erreurs avec ses collaborateurs ; vous ne lui avez pas apporté le soutien dont il avait besoin et n’avez pas pris les décisions qui s’imposaient en laissant la situation s’éterniser.

- Une organisation temporaire défectueuse

Pendant plus de deux mois (du 25 septembre au 18 décembre 2016), vous avez mis une organisation en place afin de pallier à l’absence d’un responsable département meuble. Vous avez donc pris la décision de prendre les missions de ce poste. Pour autant, nous avons été dans l’obligation de constater que pendant toute cette période, aucune animation de l’équipe n’a été réalisée. Par exemple, les conseillers vendeurs ont trouvé dans leur bannette le document de préparation de leur PSA, sans aucune explication. Ils se sont tournés vers les responsables des autres départements de votre magasin pour compléter le document puis vous l’ont déposé. Ils n’ont eu aucun retour de votre part, aucun PSA n’a été réalisé. De plus, vous étiez peu présent sur la surface de vente mais dans votre bureau.

Pendant cette même période, votre responsable boutique libre-service a nécessairement pris des missions que vous ne réalisiez pas (mise en place des campagnes, réalisation des transferts,'.).Pour autant, aucun retour de votre part alors même qu’elle réalisait des tâches qui vous incombez.

- Des process d’entreprise non maîtrisés

De nombreux process que vous devez connaître (en l’absence de vos responsables notamment) ne sont pas maîtrisés ce qui entraîne une désorganisation du magasin et une perte de temps considérable. Ainsi, face à votre désintérêt pour ces tâches, en cas de difficultés, vos collaborateurs doivent contacter une personne d’un autre magasin ou la responsable de repos ce jour !

A titre d’exemple, vous ne savez pas réaliser les entrées fournisseurs (importantes pour mettre à jour le stock), les transferts (idem), l’émission d’avoirs, de bons d’achat, les remboursements clients…

Plus grave, vous avez donné votre mot de passe personnel, aux hôtesses de caisse pour réaliser les remises commerciales !

Alors même que des outils sont mis en place afin d’augmenter l’autonomie de chacun, vous ne faîtes aucun effort pour vous les approprier. Ainsi, vous n’utilisez pas Notilus (outil de remboursement des frais de déplacement) et Havas (outil de réservation des déplacements).

Plus grave, vous avez demandé à une hôtesse de caisse de saisir une partie de votre entretien annuel d’activité sur support informatisé, dans votre bureau !

Enfin, vous décidez d’appliquer les process comme bon vous semble. Ainsi, pour les COMA, vous n’utilisez pas le document formalisé dédié alors même que vous avez participé au groupe de travail qui l’a construit.

Des remises commerciales accordées contraires aux consignes de l’entreprise.

Plusieurs bons de commande démontrent que vous ne respectez pas les consignes communiquées par la direction en matière de remise commerciale. Ainsi, selon le statut de votre client (une de vos connaissances ou non), vous outrepassez le niveau de remise.

Les exemples suivants le démontrent :

Un bon effectué pour le frère de votre amie (M. Y) : vous appliquez une remise au-delà de celle réservée aux salariés de la société et vous offrez en sus la livraison et deux montages !

Un bon réalisé pour un client Mme Z avec le cumul de deux remises commerciales (votre article à -40% et la 4e chaise à 1') accordées par vos soins, ce qui génère un taux de marque de 1.58 sur ce bon.

Un bon effectué pour un salarié du magasin (M. A) : alors que le prix d’achat du produit est de 208 ', le salarié le paie 150 ' (hors période de soldes) ; de plus, le vente est octroyée à son code vendeur (ce qui majore le montant de son chiffre d’affaires et donc des commissions qui lui sont versées).

Un bon réalisé à votre nom en attribuant la vente sur le code vendeur d’une conseillère de vente (à nouveau générateur de commissions).

Un bon effectué pour une salariée (Mme B) qui s’adresse directement à vous ; un premier bon est établi et à nouveau vous outrepassez la règle en ne limitant pas la remise à 30% ; elle s’élève ainsi à 266.55 E. La responsable de ladite salariée s’apercevant du non-respect de la règle, intervient directement auprès de vous en demandant l’application de la règle ; la remise est diminuée et son montant est de 219.10 ; pour autant, vous n’assumez pas cette décision et n’hésitez pas à préciser que « vous étiez obligé » de rectifier le montant de la remise ! La salariée concernée a donc clairement dit à sa responsable « qu’elle était méchante » !

- Un comportement en contradiction avec celui attendu de la part d’un directeur de magasin

De nombreux éléments convergent vers un comportement inapproprié, d’autant plus grave que vous êtes le directeur de ce magasin :

Des propos déplacés tenus à l’encontre de plusieurs salariés :

Ainsi, à un nouveau salarié qui vous demande entre autre son équipement de protection individuel, vous n’hésitez pas à lui rétorquez « …. A la fin, tu m’emmerdes ».

A une hôtesse de caisse à qui vous demandez à plusieurs reprises si elle pratiquait du sport ; à sa réponse négative, vous lui dîtes que « dans 10 ans, elle aura un gros cul et qu’elle sera moche ». De plus, « j’écris de la main gauche et il m’a dit que ma façon d’écrire était une forme de trisomie ». La salariée en question, en CDD, a émis sa volonté de ne pas rester dans la société, entre autre, à cause de votre comportement.

Alors qu’un client vous demande si vous vendez des poufs ; vous rétorquez « oui, en caisse » en sous entendant que les hôtesses de caisse sont des poufs !

Dénigrement d’un membre de la direction commerciale.

Sans aucune retenue, vous précisez aux responsables de votre magasin, que K E (Responsable Formation Zone) qui intervient dans votre magasin n’a rien à vous apprendre et que vous ne l’aimez pas !

- Un manque d’exemplarité sur votre présence

Alors même que nous demandons à chaque salarié de travailler plusieurs jours fériés et les dimanches, exceptionnellement ouverts, en 2016, nous avons été contraints de constater que vous n’avez travaillé qu’un jour férié (votre journée de solidarité annuelle) et aucun dimanche. Pour autant, alors que le magasin était ouvert trois dimanches en décembre 2016, vous avez informé la responsable administrative et la responsable BLS que vous ne demanderiez pas au responsable meuble (nouvellement embauché) de travailler un dimanche. Alors que vous étiez potentiellement trois à vous répartir les 3 trois dimanches à travailler, vous avez demandé aux deux responsables de s’organiser ! L’exemplarité attendue aurait été de proposer d’être présent un dimanche afin d’être véritablement équitable !

De plus, vous quittez le magasin, pendant la journée sans en informer vos responsables qui se trouvent donc dans l’incapacité de savoir si vous revenez ou non.

Des relations extra professionnelles qui ont des conséquences sur le magasin

Ainsi, plusieurs salariées du magasin abusent de la relation qu’elles peuvent avoir avec vous en dehors de la société et ont un comportement « hautain » et dégagent un sentiment d'« être protégées ». Ces mêmes personnes passent beaucoup de temps dans votre bureau alors même que leurs missions ne le demandent pas.

Pour l’une d’entre elle, nous avons appris qu’elle parlait mal aussi bien aux collaborateurs qu’aux clients, sans n’avoir jamais été sanctionnée ; elle se permet de ne plus saluer la totalité de ses collègues de travail.

Un sentiment d’injustice règne dans votre magasin !

Enfin votre amie, qui n’est pas salariée de l’entreprise, qui se rend régulièrement au magasin le lundi, s’installe dans votre bureau ou dans le bureau des responsables et ce plusieurs heures, alors que sa présence ne se justifie pas et perturbe le climat social.

- Un magasin dont l’exposition n’est pas conforme au niveau attendu par l’enseigne

Le 31 janvier 2017, H M (votre directeur commercial) en présence de N O (votre responsable régional des ventes) se sont rendus dans votre magasin.

Le magasin ainsi que le dépôt sont dans un état qui s’est fortement dégradé depuis la dernière visite de la direction commerciale.

Ainsi à titre d’exemples :

la zone de Vente A Emporter (VAE) accessible à tous nos clients qui viennent récupérer leur marchandise est sale avec des chaises cassées et aucun affichage de la campagne publicitaire en cours.

Dans le dépôt, le rangement du stock des produits de décoration est catastrophique (produits à terre, non empilés, produits en SAV non regroupés …) ; du matériel d’agencement est éparpillé sur la mezzanine ; de nombreux bacs fils sont stockés alors que ces supports (générateurs de chiffre d’affaires additionnel) doivent être sur la surface de vente ; des produits sont stockés mais ne sont pas exposés…

Dans le magasin, sur la surface de vente, un affichage non professionnel (des affiches Prix Rebelles sur des nouveautés ; des affiches « faites maison » en décoration avec des fautes d’orthographe ; peu d’affichage sur le financement ; les pastilles ne sont pas utilisées pour banaliser les produits décoration en soldes ; pas d’étiquettes prix sur les tapis mis dans les surfaces d’expositions meubles ; des prix barrés différents selon l’emplacement du produit (une table basse) ; le linéaire mural de chaises comprend de nombreux produits manquants ; des affiches de l’opération -40% en literie alors que la campagne est terminée …

Tous ces faits démontrent que vous violez vos obligations contractuelles, que vous déléguez trop et mal et que vous vous permettez des attitudes sur le lieu de travail incompatibles avec vos missions de direction.

Votre comportement vis-à-vis de certains collaborateurs a des conséquences sur leur santé et sur le climat social et vous ne semblez pas en prendre la mesure.

Notre décision s’impose ; nous vous notifions votre licenciement pour faute grave. Vous quitterez l’entreprise à date d’envoi de la présente.

Nous vous transmettrons par courrier séparé l’ensemble de vos documents de fin de contrat.

(…)

'.

Le 17 mai 2017, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Nice pour contester le licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 11 octobre 2018, le conseil de prud’hommes :

— a déclaré que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse;

— a condamné la société au paiement des sommes suivantes:

* 13 752.66 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 1 375.52 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 12 632.06 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement,

* 2 640.42 euros à titre de rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire et 246.04 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— a débouté le salarié du surplus de ses demandes;

— a condamné la société aux dépens.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

La cour est saisie de l’appel formé le 03 décembre 2018 par le salarié.

Par ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 19 août 2019 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, le salarié demande à la cour de :

'RECEVOIR M. X en son appel à l’encontre du jugement déféré et l’y déclarer bien fondé

CONFIRMER le jugement du rendu le 11 octobre 2018 par Conseil de Prud’hommes de Nice en ce qu’il a condamné la SAS FLY à verser à Monsieur X :

* 13 752,66 ' bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 1 375,52 ' bruts de congés payés y afférents,

*12 632,06 ' nets au titre de l’indemnité légale de licenciement :

* 2 640,42 ' ruts de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre

* 246,04 ' bruts de congés payés y afférents,

* 500 ' au titre de l’article 700 du CPC,

LE REFORMER pour le surplus et, statuant à nouveau :

DIRE ET JUGER qu’aucune convention individuelle de forfait jour n’est opposable à Monsieur X,

En conséquence,

CONDAMNER la société FLY à verser à Monsieur X :

* 52 933,73 ' bruts de rappels de salaire sur heures supplémentaires, outre 5 293 ,37 ' bruts de congés payés y afférents,

* 6 732,65 bruts de rappels de salaire au titre de la contrepartie obligatoire en repos outre 673,26 ' bruts de congés payés y afférents,

DIRE ET JUGER que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse

En conséquence :

CONDAMNER la SAS FLY à verser à Monsieur X 95 000 ' nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNER la SAS FLY à verser à Monsieur X la somme de 3 500 ' sur le fondement de l’article 700 du CPC,

DEBOUTER la SAS FLY de toutes ses demandes, fins et prétentions.'

Par ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 04 décembre 2020 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société Bazalp anciennement dénommée Fly demande à la cour de:

'- CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes de Nice du 11 octobre 2018 en ce qu’il a constaté la validité du forfait annuel en jour ;

- CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes de Nice du 11 octobre 2018 en ce qu’il a débouté Monsieur X de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires ;

- LE REFORMER pour le surplus et, statuant à nouveau :

- DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur X est fondé sur une faute grave ;

EN CONSEQUENCE

- DEBOUTER Monsieur X de l’ensemble de ses demandes,

- CONDAMNER Monsieur X à verser à la Société une somme quatre mille euros (4.000 ') par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

- CONDAMNER Monsieur X aux entiers dépens.'

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 13 septembre 2021.

MOTIFS

1 – Sur la convention de forfait

Il résulte des articles L 3121-43 et suivants du code du travail dans leur rédaction applicable au litige que les salariés qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés, peuvent conclure pour la durée de leur travail une convention individuelle de forfait en jours sur l’année prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Les dispositions de l’article L 3121-46 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige prévoient qu’un entretien annuel individuel est organisé par l’employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année; que cet entretien porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

A défaut d’entretien annuel individuel, la convention individuelle de forfait est inopposable au salarié.

En l’espèce, le salarié fait valoir à l’appui de sa demande en inopposabilité de la convention de forfait en jours conclue le 12 avril 2006 que la société n’a jamais vérifié son temps de travail, ni le caractère raisonnable de sa charge de travail, et qu’elle n’a jamais organisé d’entretien sur ce sujet.

La société conteste la demande en soutenant que le salarié n’a élevé aucune contestation durant la relation de travail à l’encontre de la convention de forfait depuis sa mise en oeuvre en 2006.

La cour constate après analyse des pièces versées aux débats que la société ne justifie par aucun élément qu’elle a mis en place à l’égard du salarié, dans le cadre de la convention individuelle de forfait, un entretien annuel individuel conformément aux dispositions de l’article L.3121-46 du code du travail dans leur rédaction applicable.

Faute d’entretien annuel individuel, il y a lieu de dire, en infirmant le jugement déféré, que la convention individuelle de forfait est inopposable à au salarié.

2 – Sur les heures supplémentaires

La durée légale du travail effectif des salariés est fixé à 35 heures par semaine.

Les heures effectuées au-delà sont des heures supplémentaires qui donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des 8 premières heures (de la 36e à la 43e incluse) et de 50% à partir de la 44e heure.

Le régime des heures supplémentaires est applicable au salarié à qui la convention individuelle de forfait est inopposable de sorte que le salarié qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre conformément aux dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, le salarié fait valoir au soutien de sa demande au titre des heures supplémentaires qu’il a accompli chaque semaine 45 heures 45 de travail soit 196.80 heures par mois, d’où 10h45 d’heures supplémentaires par semaine. Il évalue les heures supplémentaires non rémunérées à la somme de 52 933.73 euros pour les trois années précédant la rupture du contrat de travail.

Il se prévaut:

— d’un décompte inséré à ses écritures qui tient compte de sa présence avant l’ouverture du magasin et après la fermeture du magasin, soit les lundis-mardis-jeudis-vendredis de 09h45 à 19h15 et les samedis de 09h15 à 19h30 avec un mercredi non travaillé; de la réunion mensuelle avec les équipes le samedi matin; déduction faite ensuite des pauses méridiennes de 30 minutes par jour travaillé;

— de 7 attestations établies par des salariés qui indiquent que l’appelant était présent lors des ouvertures et des fermetures du magasin.

La cour relève après analyse du décompte du salarié que ce dernier a retenu trois fois une année complète, sans donc tenir compte des congés payés auxquels il avait droit, et dont aucun élément du dossier ne permet de dire qu’ils ne lui ont pas été accordés par la société.

De même le salarié, dans son calcul, n’a pas tenu compte des jours fériés de chacune des 3 années de référence qui doivent nécessairement venir en déduction puisque ces jours ne sont pas travaillés (par exemple le jeudi de l’Ascension, etc…).

Il s’ensuit que le salarié ne produit pas d’éléments suffisamment précis quant aux horaires qu’il a effectivement réalisés permettant à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

La cour dit en conséquence que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.

3 – Sur la contrepartie obligatoire en repos

Il résulte de l’article L.3121-11 du code du travail dans sa rédaction applicable que la contrepartie obligatoire en repos est due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel au salarié défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou à défaut par une convention ou un accord de branche; à défaut d’accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.

En l’espèce, comme il a été précédemment dit, il n’est pas établi que le salarié a accompli les heures supplémentaires qu’il allègue.

En conséquence, la demande du salarié en indemnisation au titre de la contrepartie obligatoire en repos n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.

4 – Sur le licenciement

Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l’employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement pour faute grave dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société reproche au salarié divers griefs, et notamment celui reposant sur le fait d’avoir tenu des propos déplacés à l’égard de certains de ses collègues.

A l’appui de ce grief, la société produit d’abord l’entretien individuel en date du 04 janvier 2017 de Mme D, hôtesse de caisse, qui se trouvait en contrat à durée déterminée venant à échéance deux jours plus tard, et qui en conclusion de l’entretien a déclaré à M. E, manager:

'Point important sur le fait que je ne reste pas dans l’entreprise Fly c’est les réflexions de mon DM vis-à-vis de moi, mon DM m’a fait des remarques plusieurs fois sur mon physique (…) Il m’a dit que dans 10 ans j’aurai un gros cul et je serai moche, et une autre fois sur ma façon d’écrire, j’écris de la main gauche, il m’a dit que ma façon d’écrire était une forme de trisomie'.

Il n’est pas discuté que 'DM' vise le directeur du magasin, soit le salarié.

Or, il ressort de l’analyse des écritures du salarié, en ce qui concerne les déclarations précitées, que celui-ci se borne à indiquer: 'S’agissant des propos rapportés par Madame D, Monsieur X lui a demandé si elle avait des problèmes de dyslexie et non de trisomie! Manifestement la salariée a fait une confusion'.

Il apparaît donc que le salarié est taisant sur la partie des déclarations qui lui sont imputées par Mme D et qui sont relatives au physique de cette dernière, et qu’il tente maladroitement de minimiser sa responsabilité s’agissant de la critique de l’écriture de Mme D.

Dans ces conditions, la cour dit que le salarié a tenu à l’égard de Mme D des propos qui sont totalement inadmissibles en ce qu’ils sont insultants pour cette dernière, les faits ainsi établis revêtant une gravité d’autant plus évidente que le salarié était le supérieur hiérarchique de Mme D.

En outre, sur le surplus des faits tirés des propos déplacés, il ressort des pièces du dossier que:

— M. F, collègue du salarié, a reproché à ce dernier lors de son entretien annuel de 2017 avec M. E de lui avoir déclaré 'tu m’emmerdes';

— Mme G, collègue du salarié, a reproché à ce dernier lors de son entretien annuel de 2017 avec M. E de lui avoir déclaré que les hôtesses de caisse étaient 'des poufs'.

Or, le salarié se borne à contester les accusations portées à son encontre par M. F et Mme G sans toutefois livrer aucun élément corroborant sa version des faits.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, et notamment de la convergence des témoignages, la cour dit que le grief reposant sur des propos déplacés est établi.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner le surplus des griefs visés dans la lettre de licenciement, que la société rapporte la preuve de faits qui constituent une violation par le salarié des obligations découlant de son contrat de travail et qui rendent impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En conséquence, en infirmant le jugement déféré, la cour dit que licenciement pour faute grave est justifié et rejette les demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité légale de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

6 – Sur le rappel de salaires afférent à la mise à pied conservatoire

Il résulte des dispositions de l’article L 1332-3 du code du travail que seule une faute grave peut justifier le non-paiement du salaire pendant une mise à pied conservatoire.

En l’espèce, il résulte de ce qui précède que le licenciement repose sur une faute grave.

En conséquence, le salarié est mal fondé en sa demande de rappel de salaire afférent à la mise à pied conservatoire de sorte qu’infirmant le jugement déféré, la cour la rejette.

7 – sur les demandes accessoires

Les dépens de première instance et d’appel, suivant le principal, seront supportés par la société.

L’équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires et en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

STATUANT sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT,

DECLARE la convention de forfait en jours inopposable à M. X,

DIT que le licenciement repose sur une faute grave,

REJETTE les demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, au titre de l’indemnité légale de licenciement et au titre d’un rappel de salaire afférent à la mise à pied conservatoire,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel,

CONDAMNE la société Bazalp anciennement dénommée Fly aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 18 novembre 2021, n° 18/19009