Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4 4, 8 décembre 2022, n° 21/18187

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4 4, 8 déc. 2022, n° 21/18187
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 21/18187
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 20 décembre 2018
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 13 décembre 2022
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Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT AU FOND

DU 08 DECEMBRE 2022

N°2022/

FB/FP-D

Rôle N° RG 21/18187 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIS2P

[T] [F]

C/

[H] [W]

S.A.S. VITEMBAL HOLDING

S.A.S. SIRAP FRANCE

S.E.L.A.R.L. FHB

Association UNEDIC AGS CGEA TOULOUSE

Copie exécutoire délivrée

le :

08 DECEMBRE 2022

à :

Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

Me Sandra D’ASSOMPTION, avocat au barreau de TARASCON

S.E.L.A.R.L. FHB

Arrêt en date du 08 Décembre 2022 prononcé sur saisine de la Cour suite à l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 10 novembre 2021, qui a cassé et annulé l’arrêt rendu le 21 décembre 2018 par la Cour d’Appel de AIX-EN-PROVENCE.

APPELANTE

Madame [T] [F], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON substitué par Me Anne-laure BECHEROT-JOANA, avocat au barreau D’AVIGNON

INTIMES

Maître [H] [W], ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de redressement de SIRAP FRANCE et de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de VITEMBAL HOLDING, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

et par Me Hélène DE SAINT GERMAIN, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. VITEMBAL HOLDING, demeurant [Adresse 9]

représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

et par Me Hélène DE SAINT GERMAIN, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. SIRAP FRANCE venant aux droits de la société SIRAP TARASCON, anciennement dénommée VITEMBAL TARASCON, demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

et par Me Hélène DE SAINT GERMAIN, avocat au barreau de PARIS

S.E.L.A.R.L. FHB Prise en la personne de Maître [P] [S], en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société industrielle VITEMBAL., demeurant [Adresse 3]

non représentée

Association UNEDIC AGS CGEA TOULOUSE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sandra D’ASSOMPTION, avocat au barreau de TARASCON

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 03 Octobre 2022 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre,

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La SA Vitembal Tarascon, devenue Sirap Tarascon (la société), qui a pour activité la fabrication d’emballages en matières plastiques, fait partie du groupe Vitembal dont la société mère est la société Vitambal Holding qui compte plusieurs filiales en Italie, Espagne, Allemagne et sur le territoire français la SA Vitambal Tarascon et la SA Vitambal SI.

Mme [F] (la salariée) a été engagée par la société d’abord dans le cadre de deux contrats à durée déterminée du 13 novembre 2000 au 10 mars 2001 puis du 12 mars 2001 au 15 juillet 2001 avant d’être engagée par lettre d’embauche du 16 juillet 2001dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, en qualité d’opératrice affectée au service production, coefficient 720, statut ouvrier, moyennant une rémunération brute horaire de 48,03 francs pour 36 heures par semaine en modalités 4/8.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de la plasturgie.

La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment du licenciement.

La salariée a été reconnue travailleur handicapé catégorie B le 1er décembre 2004.

A la suite des préconisations émises à plusieurs reprises par le médecin du travail dans le cadre de visites de reprise et périodiques à compter de 2004, par plusieurs avenants successifs la salariée a bénéficié d’aménagement de poste et de durée du travail et occupait un poste en journée de ré-emballage des produits finis défectueux .

Dans le cadre d’un projet de réorganisation de l’entreprise pour motif économique, un projet de licenciement collectif portant sur 21 emplois dont celui de la salariée, a fait l’objet d’une consultation du comité central d’entreprise de l’UES Vitembal et du comité d’établissement de Vitembal en janvier-février 2009.

Par lettre du 18 mars 2009 la société a proposé à la salariée une modification de son contrat de travail pour motif économique à compter du 1er mai 2009 avec une affectation à l’emballage sur les lignes de Thermoformage selon un cycle en 4/8 sur la base de la durée effective de travail appliquée dans l’entreprise pour les salariés de même catégorie de 33,75 heures par semaine, que la salariée a refusé le 8 avril 2009.

Par lettre du 12 mai 2010 la société lui a notifié son licenciement économique suite au refus d’adhérer à la convention de reclassement personnalisé (CRP) en ces termes:

'La situation économique de l’UES Vitembal et de notre entreprise Vitembal Tarascon est particulièrement critique. Les volumes fabriqués depuis plusieurs années stagnent. Pour 2008, nous avions l’espoir de concrétiser de nouveaux marchés et avions en conséquence construit un budget prévoyant une augmentation de nos volumes.

Malheureusement, malgré nos efforts commerciaux, le volume escompté n’a pas été au rendez-vous et les résultats de l’entreprise sont encore négatifs et très fortement dégradés par rapport à l’année antérieure.

Les perspectives 2009 expriment une tendance à la baisse. Nous devons donc agir sur nos coûts fixes et ajuster les ressources au niveau de l’activité afin de garantir la sauvegarde de la compétitivité et la pérennité de nos sociétés et du Groupe. Cette situation induit la nécessaire recherche de gains de compétitivité dans les différentes branches d’activité de notre société.

Ainsi, un projet de modification de l’organisation portant sur différents secteurs de l’entreprise a été bâti, ayant pour objectif la réduction de nos coûts incluant un projet de licenciement collectif pour motif économique.

Les 12 janvier et 2 février 2009, le Comité d’Etablissement de Viternbal Tarascon a été régulièrement consulté dans le cadre d’une procédure portant sur un projet de modification de l’organisation entraînant un projet de licenciement collectif pour motif économique avec Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE). Ce projet portant sur l’ensemble de 1'UES Vitembal dont Vitembal Tarascon fait partie, le Comité Central d’Entreprise a également été régulièrement consulté en amont des consultations du CE de Vitembal Tarascon.

Ainsi. nous avons notamment décidé de supprimer l’activité de reconditionnement des produits défectueux, qui s’avère finalement plus coûteuse que la destruction des produits concernés et la nouvelle fabrication de produits équivalents.

En qualité d’opératrice polyvalente. vous avez été affectée à cette activité de reconditionnement. Cette activité étant supprimée, nous vous avons proposé une modification de votre contrat de travail que vous avez refusé.

Par ailleurs, la société a lancé à l’échelle du groupe une recherche de reclassements pour les salariés touchés par la suppression de leur poste.

A ce jour, aucun autre poste de reclassement équivalent à l’emploi d’Opératrice polyvalente n’a pu être identifié au sein du groupe, ni aucun autre poste susceptible de vous être proposé à titre de reclassement.

L’entreprise est donc conduite à envisager votre licenciement pour motif économique.

Le 20 avril 2009, vous avez été informée de votre possibilité d’adhérer à une convention de reclassement personnalisé (CRP).

Le délai de réflexion de 14 jours qui vous était imparti s’est écoulé sans que nous ayons reçu votre bulletin d’adhésion à la CRP, ce qui équivaut à un refus de celle convention.

Dans ce contexte, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour raison économique'

La salariée à l’instar de trois autres salariés, a saisi le 9 mars 2010 le conseil de Prud’hommes d’Arles de demandes :

— à titre principal en nullité du licenciement pour nullité préalable du PSE et en paiement d’une indemnité égale à 12 mois de salaire sur le fondement de l’article L.1233-11 du code du travail,

— à titre subsidiaire en licenciement sans cause réelle et sérieuse pour défaut de motif économique sérieux et en paiement d’une indemnité égale à 6 mois de salaire sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail,

— de dommages et intérêts supplémentaires en application de l’article 1382 du code civil pour le préjudice né de la rupture injustifiée du contrat de travail

— à titre infiniment subsidiaire, en contestation de l’ordre des licenciements et en paiement de dommages et intérêts en application de l’article 1382 du code civil pour la violation des dispositions des articles L.6313-1, L.6313- 3 et L. 6313-4 du Code du travail

— en reconnaissance d’un co-emploi entre les sociétés Vitembal Tarascon et Vitembal SI et en fixation de ses créances au passif de ces deux sociétés

— en reconnaissance d’un co-emploi entre les sociétés Vitembal Tarascon et Vitembal Holding et de condamnations in solidum en les fixant au passif

— en rappel de salaire au titre d’un avantage contractuel de sur-rémunération complémentaire au minimum conventionnel et un rappel d’indemnité de licenciement.

La société Vitembal Tarascon a fait l’objet de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire le 8 avril 2011 avec adoption d’un plan de redressement le 12 octobre 2012. Maître [W] a été désigné en qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement.

La société Vitembal Holding a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde le 8 avril 2012 avec adoption d’un plan de sauvegarde. Maître [W] a été désigné en qualité de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde .

Par jugement du 31 mars 2015 le conseil de Prud’hommes d’Arles, statuant en départage, a:

— ordonné la jonction des 4 dossiers sous le n° F11/00342

— débouté M. [B] [X], M. [Y] [U], Mme [V] [K], Mme [N] [F] de toutes leurs demandes.

— condamné solidairement [B] [X], M. [Y] [U], Mme [V] [K], Mme [N] [F] à payer aux sociétés Vitembal Tarascon, SI Vitembal et Vitembal la somme globale de 3.000 € (trois mille euros) au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les entiers dépens de l’instance.

Sur appel de la salariée, par arrêt du 21 décembre 2018 la cour d’appel d’Aix en Provence a:

— confirmé le jugement entrepris en ce qu’il déboute Madame [F] de l’ensemble de ses demandes.

Y ajoutant,

— déclaré recevable l’intervention volontaire de l’Unedic AGS CGEA de Toulouse.

— mis hors de cause l’Unedic AGS CGEA de Marseille.

— constaté le désistement de Madame [F] de ses demandes de rappel de salaires et accessoires.

— dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’ article 700 du code de procédure civile.

— débouté les parties pour le surplus.

— condamné Madame [F] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La salariée a formé un pourvoi contre cet arrêt.

Par arrêt du 10 novembre 2021 la Cour de cassation a cassé et annulé partiellement l’arrêt du 21 décembre 2018 .

La Cour de cassation a énoncé que la pertinence d’un plan de sauvegarde de l’emploi doit être appréciée en fonction des moyens dont disposent l’entreprise et le groupe dont elle fait partie pour maintenir les emplois ou faciliter le reclassement. S’agissant des possibilités de reclassement au sein du groupe, cette pertinence doit s’apprécier parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel. En revanche, s’agissant des moyens financiers du groupe, la pertinence doit s’apprécier compte tenu des moyens de l’ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l’influence d’une entreprise dominante dans les conditions définies à l’article L. 2331-1 du code du travail, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national.

La Cour de cassation a ainsi relevé que pour débouter la salariée de sa demande de nullité du plan de sauvegarde de l’emploi et de ses demandes subséquentes au titre de la nullité du licenciement, l’arrêt :

— retient que l’insuffisance alléguée du PSE, notamment en matière de mesures de reclassement, ne résulte pas des éléments d’appréciation; qu’ainsi, s’agissant spécialement des mesures de reclassement externe, l’employeur a prévu dans son plan de sauvegarde de l’emploi, différentes mesures afin de favoriser et d’accompagner le reclassement externe des salariés, à savoir: la mise en place d’une antenne emploi afin de favoriser la coordination des mesures d’accompagnement prévu au PSE, l’intervention d’un cabinet spécialisé dans l’accompagnement des salariés en repositionnement professionnel avec le détachement d’un consultant au sein même de l’antenne, spécialisé dans l’aide au reclassement, à la création d’entreprise ou encore à la prospection d’emploi, l’accompagnement personnalisé prévoyant à partir d’un bilan, un projet réaliste qui tienne compte des spécificités de chacun et dans ce cadre, l’accès à des formations individuelles ou encore à des projets de validation des acquis d’expérience

— ajoute que la procédure de licenciement ne peut être annulée en considération de la cause économique de licenciement, la validité du plan étant indépendante de la cause du licenciement et que le salarié n’est donc pas fondé à soutenir que la nullité du PSE pourrait résulter de l’absence de référence à la situation du groupe par rapport aux difficultés du secteur d’activité, du fait que le licenciement serait fondé sur la seule économie de quelques salariés ni du fait que l’employeur aurait agi par légèreté blâmable en continuant à aggraver la situation économique.

La Cour de cassation a considéré qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le plan de sauvegarde de l’emploi comportait des mesures précises et concrètes de reclassement pour éviter les licenciements ou en réduire le nombre et contenait notamment une liste de tous les postes disponibles dans les entités du groupe auquel appartenait l’employeur parmi lesquelles des permutations d’emploi étaient possibles, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

En conséquence la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt du 21 décembre 2018 mais seulement en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de nullité de son licenciement pour motif économique, de ses demandes de dommages et intérêts subséquents à hauteur de douze mois de salaire, l’a condamnée aux dépens et a rejeté sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a en outre condamné les sociétés Sirap France et Vitembal Holding et M. [W], en ses qualités de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la société Sirap France et de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la société Vitembal Holding, aux dépens, ainsi qu’à une somme de 1500 euros à payer à la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret et a renvoyé les parties devant la cour de céans.

Le salarié a fait réinscrire l’affaire par déclaration au greffe le 22 décembre 2021.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 16 mars 2022 Mme [F] demande de:

RECEVOIR l’appel comme étant régulier en la forme et juste au fond;

REFORMER la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Vu les articles l1235-10 et l 1235-11 du code du travail;

FIXER au passif du redressement judiciaire de la SAS Sirap Tarascon la somme de 18 468,60 € à titre de dommages et intérêts en l’état de la nullité du licenciement, pour cause d’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi sur le volet reclassement;

Vu l’article 1382 du code civil alors applicable;

Vu l’article L120-2 du code du travail;

FIXER au passif du redressement judiciaire de la SAS Sirap Tarascon la somme de 43.093 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique né de la rupture injustifiée du contrat de travail;

FIXER au passif du redressement judiciaire de la SAS Sirap Tarascon la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du CPC.

DECLARER la décision à intervenir opposable au CGEA.

DIRE que le CGEA devra sa garantie même en cas de recours qui pourrait être formé à l’encontre de la décision à intervenir.

Dans leurs dernières conclusions remises au greffe le 16 septembre 2022, la SAS Sirap France, la SAS Vitembal Holding et Maître [H] [W], en qualité de commissaire du plan de redressement de la SAS Sirap France et de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la SAS Vitembal Holding, demandent de :

CONFIRMER dans toutes ses dispositions la décision rendue le 31 mars 2015 par le Conseil de Prud’hommes d’ Arles dans sa formation de départage

Statuant à nouveau,

PRONONCER la mise hors de cause de la société Vitembal Holding et de Maître [H] [W] es qualité de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la société Vitembal Holding

DEBOUTER Madame [F] tant au principal qu’au subsidiaire de ses demandes, fins et conclusions formées au titre du droit à l’emploi

DEBOUTER Madame [F] tant au principal qu’au subsidiaire, de se demandes, fins et conclusions formées au titre du respect de l’obligation de reclassement interne

DEBOUTER Madame [F] de ses demande en nullité du licenciement pour insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi sur les mesures de reclassement

Subsidiairement et si par extraordinaire la Cour devait considérer le licenciement comme nul

Au principal et au subsidiaire.

FIXER au passif du redressement judiciaire la somme de 15.789,11 € correspondant à la différence entre la somme de 18.468,60 €, soit 12 mois de salaires, et les sommes perçues par Madame [F] en exécution du plan de sauvegarde de l’emploi

A titre infiniment subsidiaire.

RAMENER la demande de dommages et intérêts au titre de l’article 1382 du Code civil à de plus justes proportions après déduction des sommes perçues par Madame [F] en exécution du PSE

DEBOUTER Madame [F] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et au titre des dépens ;

CONDAMNER Madame [F] solidairement avec Monsieur [U] à la somme de 3 000 au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNER Madame [F] aux dépens

DEBOUTER Madame [F] de toute ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.

Dans ses dernières conclusions remises notifiées par RPVA le 19 mai 2022 l’Unedic AGS CGEA de Toulouse demande de :

DONNER ACTE à Unedic AGS CGEA de ce qu’elle s’en rapporte aux pièces communiquées dans les intérêts de la Société Vitembal Tarascon devenue Sirap et Maître [W] ès qualités,

En conséquence,

CONFIRMER le jugement dont appel en toutes ses dispositions en ce qu’il a débouté l’appelante de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Très subsidiairement,

Vu le plan de redressement de la Société Vitembal Tarascon devenue Sirap

Vu le caractère subsidiaire de la garantie AGS

JUGER n’y avoir lieu à garantie de l’ AGS et déclarer l’Unedic AGS CGEA de Toulouse hors de cause de l’ensemble des demande formées à l’encontre de la société Sirap venant aux droits de la Vitembal Tarascon

JUGER hors de cause Unedic AGS CGEA, en qualité de gestionnaire de l’AGS, pour les demandes au titre des frais irrépétibles (article 700 du Code de procédure civile) et des dépens,

JUGER qu’ en l’absence de fonds disponible la mise en jeu de la garantie AGS par le mandataire judiciaire s’effectuera selon le modalités prévues par l’article L 3253-19 à 3253-21 du Code du Travail.

En tout état de cause,

JUGER que l’ AGS ne devra procéder à l’avance de créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et les conditions résultant des disposition des articles L 3253-19 à L 3253-21 du Code du Travail.

DIRE ET JUGER que l’obligation de l’UNEDIC AGS CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évaluée le montant total des créance garanties, compt tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’ un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

SUR CE

A titre préliminaire la cour rappelle qu’en application des articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile, l’étendue de la saisine de la cour de renvoi n’est pas liée au contenu de l’acte de saisine, elle est la conséquence directe de la portée de la cassation intervenue, laquelle est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce et s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire. Les parties sont replacées dans l’état où elles se trouvaient avant la décision cassée sur les points atteints par la cassation et l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation.

Sur la nullité du licenciement

Jusqu’à la réforme législative opérée par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, le juge judiciaire était compétent pour apprécier la pertinence du plan au regard des mesures de reclassement qui y étaient prévues.

Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, l’article L. 1233-61 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause, impose à l’employeur, lorsqu’un projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l’emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre, lequel 'intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile'

Aux termes de l’article l.1233-62 du code du travail toujours dans sa rédaction applicable au litige, 'le plan de sauvegarde de l’emploi prévoit des mesures telles que :

1° des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d’emplois ou équivalents à ceux qu’ils occupent ou, sous réserve de l’accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ;

2° des créations d’activités nouvelles par l’entreprise;

3°des actions favorisant le reclassement externe à l’entreprise, notamment par le soutien à la réactivité du bassin d’emploi;

4°des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés;

5° des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents;

6° des mesures de réduction ou d’aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l’organisation du travail de l’entreprise est établie sur la base d’une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée'.

L’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi entraîne sa nullité.

La nullité qui affecte le plan de sauvegarde de l’emploi lorsque son contenu est insuffisant, emporte la nullité de la procédure de licenciements collectifs pour motif économique prononcés par l’employeur.

Le plan de sauvegarde de l’emploi doit notamment contenir des mesures concrètes et précises de reclassement, tant en interne qu’au sein du groupe, ainsi que des dispositions destinées à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne peut être évité.

Il doit notamment indiquer le nombre, la nature et la localisation des emplois qui pourraient être offerts aux salariés en précisant éventuellement les catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement collectif de manière à déterminer si les postes offerts sont de nature à permettre un reclassement efficace.

La pertinence d’un plan de sauvegarde de l’emploi doit être appréciée en fonction des moyens dont disposent l’entreprise et le groupe dont elle fait partie pour maintenir les emplois ou faciliter le reclassement.

S’agissant des moyens financiers du groupe, la pertinence doit s’apprécier compte tenu des moyens de l’ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l’influence d’une entreprise dominante dans les conditions définies à l’article L. 2331-1 du code du travail, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national.

Ces principes sont applicables au présent litige.

Il ressort de l’analyse des écritures de la salariée qu’aux termes de développements confus, mobilisant divers fondements juridiques de droit interne et résultant selon elle de principes fondamentaux d’application directe issus de la Charte Sociale Européenne et du Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels de l’ONU, que la salariée invoque à l’appui de sa demande en licenciement nul, des moyens reposant sur :

— l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi en ce qu’il ne contient aucune mesure concrète et précise de reclassement au regard des moyens du groupe et notamment qu’il ne dresse aucune liste de postes disponibles mais prévoit même au conditionnel 'lorsque c’est possible’ les propositions de reclassement, qu’il postule immédiatement la possibilité d’un déclassement, que les mesures d’accompagnement au reclassement externe se limitent à la mise en place d’une antenne emploi avec un cabinet de consultants tenu seulement formellement à proposer des OVE et à un financement dérisoire des actions d’adaptation, de remise à niveau ou de formation;

— une critique de la suppression de son poste comme ne correspondant pas principalement à l’activité de reconditionnement supprimée ;

— une proposition de reclassement individuelle inadaptée en ce que celle-ci ne prenait pas en compte les restrictions médicales émises par le médecin du travail;

— le non respect de l’obligation de préserver l’employabilité;

— le non-respect par le plan de sauvegarde de l’emploi du principe d’égalité de traitement entre les salariés des deux sociétés concernées composant l’UES en ce qu’il ne prévoit qu’au seul bénéfice des salariés de Vitembal SI une aide à l’embauche auprès de nouveaux employeurs.

Dès lors que la demande présentée au dispositif de ses conclusions porte sur la nullité du licenciement en raison de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi en ses mesures de reclassement, et ce conformément à la portée de la cassation intervenue, seuls les moyens invoqués à ce titre sont de nature à être opérants.

Sur cette prétention et les moyens invoqués à son soutien, les intimés font valoir que le plan de sauvegarde de l’emploi contient au contraire des mesures de reclassement interne et externes, lesquelles prises dans leur ensemble, sont suffisantes, précises et concrètes au regard des moyens dont disposait l’entreprise, l’UES et le groupe et ce faisant en conformité avec les exigences légales.

S’agissant des mesures de reclassement interne, ils indiquent que la société a sollicité par courriers des 1er décembre 2008, 18 février 2009, 19 mars 2009 et 22 avril 2009 l’ensemble des sociétés du groupe en France et à l’étranger pour connaître les possibilités de reclassement et ainsi identifié des postes sur le seul site de l’usine [Localité 8] de la société Vitambal SI, ce qu’elle a affiché dans les société et diffusé via la Bourse de l’Emploi mise en place par le PSE.

Concernant les mesures de reclassement externe, les intimés exposent que le plan prévoit une succession de mesures excédant même les mesures légalement prévues par l’article L.1233-62 du code du travail, pour favoriser les opportunités et soutenir les actions de reconversion et ce, sans qu’il ne puisse être opposé une inégalité de travail avec les salariés de la société Vitembal SI dès lors que c’est par une simple erreur de plume, qui au demeurant ne serait pas une cause de nullité du plan, qu’il mentionne que les salariés de cette société bénéficient d’une aide financière à l’embauche. Les intimés ajoutent que la société a veillé à l’employabilité de ses salariés en prévoyant l’accès à des formations individuelles et ou des projets de validation des acquis de l’expérience dont au demeurant la salariée n’a pas jamais demandé le bénéfice.

Les intimés concluent que l’ensemble du dispositif prévu au plan de sauvegarde de l’emploi est en parfaite adéquation avec les moyens dont disposait l’entreprise et le groupe au vu des indicateurs économiques résultant de ses comptes consolidés, enregistrant un chiffre d’affaires en constante diminution, des pertes croissantes avec pour l’exercice clos 2008 des pertes d’exploitation multipliées par quatre par rapport à l’exercice précédent et un taux d’endettement critique que les capitaux propres du groupe ne suffisaient plus à compenser.

A l’appui les intimés versent aux débats :

— le plan de sauvegarde de l’emploi dans sa version définitive du 28 janvier 2009 sur lequel le comité central d’entreprise a émis un avis favorable à la majorité;

— un extrait des comptes consolidés de la holding Vitembal pour les exercices clos au 31 décembre 2007, 31 décembre 2008, 31 décembre 2010;

— les bilans et comptes de résultat de la société Vitembal Tarascon pour les exercices clos au 31 décembre 2007, 31 décembre 2008, 31 décembre 2009 et 31 décembre 2010;

— les bilans et comptes de résultat de la société Vitembal SI pour les exercices clos au 31 décembre 2007, 31 décembre 2008, 31 décembre 2009 et 31 décembre 2010;

— un document interne intitulé état de synthèse des données comptables du groupe Vitembal et des sociétés Vitembal Tarascon et SI Vitembal ;

— le courrier du commissaire aux comptes du 6 octobre 2008 informant la société du déclenchement d’une procédure d’alerte concernant la situation de la société Vitembal Tarascon;

— le rapport des commissaires aux comptes sur les comptes consolidés pour l’exercice clos du 31 décembre 2008;

— des documents informatifs de l’évolution du secteur par suite de l’augmentation des prix des matières premières, établis par la Fédération de la Plasturgie et l’Observatoire de la Plasturgie;

— les courriers adressés le 1er décembre 2008, le 18 février 2009 et le 19 mars 2009 aux responsables des entités et établissements Vitembal Espagne, Sealed Air Vitembal SL, Vitembal Italie, Vitembal Allemagne, Vitembal Jaün, Vitembal Tarascon, CRS Emballages, Directeur d’Usine (site industriel à [Localité 6] de Vitembal SI), Directeur Supply Chain, Directeur Commercial Gpe, Directeur R&D leur demandant les possibilités de CDI, en cours de recrutement ou prévus à court terme afin de recenser l’ensemble des postes vacants;

— les réponses des dites entités dont il résulte qu’elles sont négatives excepté celles du directeur d’Usine [Localité 8] de décembre 2008 avec une liste de postes jointe (un poste de technicien BE projets, un poste de technicien de maintenance services généraux, trois postes de conducteur thermoformage, trois agents polyvalents thermoformage, deux chefs d’équipe thermoformage, un électromécanicien, un assistant litige approvisionnements, un équipier technique, un responsable études et gestion sociale, une secrétaire polyvalente) confirmée en partie en avril 2009, du responsable de la direction Supply Chain de décembre 2008 et février 2009 pour un poste d’assistance litiges approvisionnement, du responsable de la société Vitambal Italie en janvier 2009 concernant un poste de directeur de filiale, du responsable  ;

— l’attestation de la responsable du bureau d'[Localité 5] de la société BPI chargée aux termes du plan de sauvegarde de l’accompagnement du reclassement externe, déclarant qu’une réunion d’information collective a été organisée début 2009 et que leur consultante a pris personnellement contact avec les salariés concernés par le licenciement, dont la salariée qui n’a pas répondu aux appels ni entrepris aucune démarche suite aux messages laissés sur son répondeur.

L’AGS CGEA indique s’en rapporter aux écritures des intimés tendant à la confirmation du jugement et à titre subsidiaire fait valoir que le moyen tiré de l’obligation de préserver l’employabilité des salariés n’entre pas dans le champ du renvoi de cassation, qu’il n’est au surplus pas de nature à entraîner la nullité du licenciement et qu’en tout état de cause la société a respecté son obligation de reclassement loyale et sérieuse à l’égard de la salariée.

A l’analyse des pièces du dossier, la cour relève que le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi :

— s’agissant des mesures de reclassement interne, en énonce les principes et les modalités de mise en oeuvre en prévoyant :

— l’interrogation des entités du groupe et la collecte des emplois vacants ou à créer,

— l’établissement d’une liste des emplois disponibles y compris à l’étranger,

— son affichage,

— de confier à la direction des ressources humaines la mission d’informer et mettre en oeuvre collectivement et individuellement pour les salariés concernés les possibilités de reclassement,

— la création d’une bourse de l’emploi recensant les opportunités de reclassement, y compris consécutivement aux départs volontaires ou involontaires, à durée indéterminée ou déterminée au sein du groupe,

— la procédure de formalisation des propositions,

— des mesures d’aides en terme de formation et d’accompagnement financier à la mobilité géographique;

— s’agissant des mesures de reclassement externe, prévoit des mesures consistant à :

— saisir la commission nationale pour l’emploi et la commission paritaire de l’emploi de la plasturgie,

— la création d’une antenne emploi durant quatre mois, susceptible de prolongation, en recourant au cabinet de consultants BPI, spécialisé dans l’accompagnement des salariés en repositionnement professionnel, chargée de l’accueil, de l’évaluation, de l’orientation et de l’aide pour retrouver toute solution professionnelle et s’engageant à proposer à chaque salarié une OVE (offre valable d’emploi), dont les actions font l’objet d’un suivi par une commission de suivi composée de membres du CCE, de la direction des ressources humaines, du consultant en charge de la cellule, d’un représentant de l’ANPE et de la DDTEFP,

— une aide à la mobilité au delà de 50 km par la prise en charge des frais de déménagement,

— une aide à la création ou la reprise d’activité dans la limite de 3000 euros,

— une aide à la formation par la participation aux frais de formation à concurrence de 3000 euros pour les salariés licenciés non reclassés,

— une aide à l’embauche pour les entreprises embauchant en contrat à durée indéterminée un salarié licencié de Vitembal SI,

— l’engagement de solliciter les prestataires de transport et de nettoyage des locaux pour la reprise des salariés licenciés,

— la mise en oeuvre d’une convention de reclassement personnalisée (CRP) pour les salariés hors champ du congé de reclassement.

Sur la pertinence des mesures figurant au plan de sauvegarde de l’emploi au regard des moyens financiers, les intimés justifient par la production des résultats comptables de la société et des comptes consolidés, que l’ensemble du groupe présentait lors de l’exercice clos 2008 un déficit du résultat d’exploitation multiplié par 371,5 % par rapport à celui de l’année précédente, celui de la société un déficit du résultat d’exploitation multiplié par 429% par rapport à celui de l’année précédente et ce, dans un contexte de résultat déficitaire récurrent depuis 2006 et persistant ensuite, ce qui fait ressortir une corrélation des moyens dont le groupe disposait aux mesures, notamment d’aides financières, proposées dans le plan de sauvegarde.

Toutefois la cour relève que ce plan ne comporte aucune indication sur le nombre, la nature et la localisation des emplois pouvant être proposés aux salariés visés par le licenciement collectif, pourtant identifiés tel que cela résulte des justificatifs de recherches de reclassement possible dans les différentes unités du groupe et la seule référence à un affichage, dont au demeurant rien ne précise les modalités concrètes ainsi qu’à une bourse d’emploi dont aucun élément ne précise les modalités d’actualisation et de consultation ni ne permet de vérifier l’accès concret à la liste.

Il s’ensuit que le dispositif ne présente qu’un caractère théorique, au surplus prévu dans le cadre d’un reclassement interne dit prioritaire mais présenté de manière hypothétique alors que des postes disponibles avaient été identifiés.

Ainsi la cour dit que le plan de sauvegarde de l’emploi ne comporte pas de mesures précises et concrètes propres à éviter des licenciements ou en limiter le nombre et qu’à ce titre il présente un caractère insuffisant qui entraîne sa nullité.

Par voie de conséquence et indépendamment du fait que la salariée a ou non personnellement actionné les dispositifs de reclassement prévu au plan de sauvegarde, ce qui est indifférent à la cause dès lors que la question de la pertinence du plan de sauvegarde est étrangère à celle de sa mise en oeuvre individuelle, la cour dit que la procédure de licenciement collectif est nulle et que licenciement de la salariée est nul.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour déclare le licenciement nul.

Sur les dommages et intérêts subséquents

sur la demande au titre de l’article L.1235-11 du code du travail

La nullité du licenciement pour insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi ouvre droit pour le salarié dont la réintégration est impossible, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois en application de l’article L.1235-11 du code du travail dans sa rédaction applicable.

Lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est déclaré nul, les sommes perçues par le salarié en vertu de ce plan n’ont plus de fondement juridique de sorte que la nullité du plan oblige le salarié à restituer les sommes perçues en exécution du plan, lesquelles viennent en déduction de la créance à titre de dommages-intérêts qui lui est allouée.

En l’espèce la salariée sollicite la somme de 18 468,60 euros à titre de dommages et intérêts.

Les intimés s’opposent à la demande et font valoir à titre subsidiaire que de la somme éventuellement allouée à la salariée il convient de déduire les sommes qu’elle a perçues en exécution du PSE si celui-ci est déclaré nul, soit la somme de 2 679,49 euros.

Ils produisent le bulletin de paie de la salariée de juillet 2009 mentionnant le versement d’une indemnité de licenciement de ce montant. Toutefois ils n’explicitent ni ne justifient en quoi et dans quelle limite, le versement de cette indemnité de licenciement procède de l’exécution du plan de sauvegarde de l’emploi qui prévoit certes en sus des dispositions légales et conventionnelles une majoration selon les charges de famille mais sans apporter de précision ni quantifier le surplus éventuellement versé, de sorte que la demande est rejetée.

Eu égard au montant de la rémunération mensuelle brute perçue par la salariée qui s’établit sans contestation opposée, même à titre subsidiaire, à la somme de 1 539,05 euros (1 437,56 euros de salaire de base, 86,25 euros de prime d’ancienneté et 15,26 euros de prime de ponctualité), la cour fait droit à la demande de la salariée en lui allouant la somme de 18 468,60 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement nul.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour fixe la créance détenue par la salariée à l’encontre de son employeur à la somme de 18 468,60 euros et en ordonne l’inscription au passif de la procédure collective de la société.

sur la demande complémentaire au titre du préjudice économique

En l’espèce la salariée sollicite, au visa de l’article 1382 du code civil et L.120-2 du code du travail, la somme de 43 093,40 euros se composant d’une somme de :

—  38 476,25 euros correspondant à la totalité des salaires qu’elle aurait perçu du mois d’avril 2009 au 30 mai 2011, en réparation d’un préjudice complémentaire fondé sur l’entier préjudice économique causé par la rupture du contrat de travail en ce qu’âgée de 59 ans elle n’a perçu ensuite de son licenciement que l’ARE et a perdu une chance de faire valoir des droits à retraite complets,

—  4 617,15 euros en réparation d’un préjudice supplémentaire 'par suite du non respect de la protection de son statut de salariée handicapée et des prescriptions du médecin du travail pour adapter son reclassement par rapport à son aptitude par application des dispositions de l’article L.120-2 du code du travail et l’absence de bonne foi dans l’exécution du reclassement'

Les intimés s’opposent à la demande en invoquant d’abord un moyen tiré de l’étendue de la saisine de la cour de renvoi, en faisant valoir d’autre part que la salariée ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui déjà indemnisé au titre de la perte de l’emploi résultant du licenciement nul, en soutenant enfin qu’elle ne justifie pas des conditions de mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle de l’article 1382 du code civile, faute de démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité. Ils ajoutent qu’il convient de déduire de toute somme allouée les sommes perçues en exécution du plan de sauvegarde de l’emploi.

L’AGS CGEA soutient que la demande est injustifiée en son principe et en son quantum en l’absence de démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.

A l’examen des pièces de la procédure la cour relève d’abord que la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de nullité de son licenciement pour motif économique, de ses demandes de dommages et intérêts subséquents à hauteur de douze mois de salaire.

L’énoncé même du dispositif contient à la fois la référence à une pluralité de demandes de dommages et intérêts et au quantum de douze mois de salaire.

Il y a lieu de considérer que les deux demandes de dommages et intérêts découlant du licenciement nul, la cour est saisie de l’intégralité des demandes indemnitaires de la salariée qui en sont la conséquence .

Toutefois la salariée qui se fonde sur l’article 1382 du code civil, devenu l’article 1240, réclame la réparation du préjudice découlant de la rupture abusive de son contrat de travail, lequel est indemnisable au titre de l’article L. 1235-11 du code du travail qui fixe un seul plancher d’indemnisation à hauteur de douze mois de salaire et il l’a donc été à ce titre dans les limites réclamées. Dès lors la salariée qui ne rapporte pas l’existence d’une faute ni d’un préjudice distinct de celui déjà indemnisé occasionné par cette faute, est mal fondée en sa demande de dommages et intérêts.

Par ailleurs la salariée invoque l’application de l’article L.120-2 du code du travail ('Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché') non seulement abrogé par l’ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007 mais sans expliciter en quoi ce texte est de nature à fonder sa demande de dommages et intérêts complémentaires, ainsi que de manière imprécise et non étayée un manquement à l’obligation de bonne foi dans l’exécution du reclassement.

En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.

Sur la garantie de l’AGS CGEA

L’AGS-CGEA est redevable de sa garantie et ne devra faire l’avance des sommes dans les termes, limites et conditions des articles L.3253-8 et suivants du code du travail. Cette garantie ne pourra être mise en oeuvre que subsidiairement en l’absence avérée de fonds disponibles au sein de la société .

Sur la mise hors de cause de la société Vitembal Holding et de Maître [W] en qualité de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de cette société

Conformément à la demande des intimés présentée pour la première fois en cause d’appel, dès lors que l’arrêt de la cour de cassation a rejeté le moyen tiré du co-emploi et que la salariée ne dirige plus de demandes à l’encontre cette société, la cour en ajoutant au jugement déféré, met hors de cause la société Vitembal Holding et Maître [W] en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de cette société.

Sur les intérêts

La cour rappelle qu’en application de l’article L.622-28 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter de l’ouverture de la procédure collective.

Sur les dispositions accessoires

La cour infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné solidairement la salariée appelante aux dépens de première instance et a une indemnité à verser à la société au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société qui succombe est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Eu égard aux situations économiques des parties la cour dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 31 mars 2015 par le conseil de prud’hommes d’Arles en ce qu’il a:

— rejeté la demande en licenciement nul de Mme [F] pour cause de nullité du plan de sauvegarde de l’emploi,

— rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [F] au titre du licenciement nul sur le fondement de l’article L. 1235-11 du code du travail,

— condamné solidairement Mme [F] aux dépens de première instance et à une indemnité à verser aux sociétés Vitembal Tarascon, SI Vitembal et Vitembal au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Déclare le licenciement nul pour cause de nullité du plan de sauvegarde de l’emploi,

Fixe la créance de Mme [F] à l’encontre de la SAS Sirap France, venant aux droits de la société Sirap Tarascon anciennement dénommée Vitembal Tarascon, à la somme de 18 468,60 euros,

Ordonne l’inscription de cette créance au passif de la procédure collective de la SAS Sirap France,

Dit que la somme ci-dessus est exprimée en brut,

Dit que l’AGS-CGEA devra faire l’avance de cette somme dans les termes, limites et conditions des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, étant rappelé que cette garantie ne pourra être mise en oeuvre que subsidiairement en l’absence avérée de fonds disponibles au sein de la société Sirap France,

Rappelle qu’en application de l’article L.622-28 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter de l’ouverture de la procédure collective,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 pour les frais de première instance,

Condamne la SAS Sirap France aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700,

Condamne la SAS Sirap France aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4 4, 8 décembre 2022, n° 21/18187