Cour d'appel d'Amiens, 1re chambre civile, 3 mai 2022, n° 20/02013

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 1re ch. civ., 3 mai 2022, n° 20/02013
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 20/02013
Importance : Inédit
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 29 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

ARRET

S.A.R.L. FUTUR ECO HABITAT

C/

[X]

VA/VB

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU TROIS MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 20/02013 – N° Portalis DBV4-V-B7E-HWSB

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AMIENS DU VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT

PARTIES EN CAUSE :

S.A.R.L. FUTUR ECO HABITAT agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sérène MEDRANO, avocat au barreau d’AMIENS

Plaidant par Me Nicolas PINTO, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

ET

Monsieur [G] [X]

né le 21 Avril 1944 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me TURPIN substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d’AMIENS

Ayant pour avocat plaidant Me Karine LEBOUCHER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L’affaire est venue à l’audience publique du 01 mars 2022 devant la cour composée de M. Pascal BRILLET, Président de chambre, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l’audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

Sur le rapport de et à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 03 mai 2022, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 03 mai 2022, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

*

* *

DECISION :

A l’occasion de la foire d'[Localité 3], M. [G] [X] et son épouse Mme [Y] [X], demeurant à [Localité 5] (80), ont signé le 4 juin 2018 avec la société Futur Habitat, ayant siège à [Localité 4], un bon de commande pour l’installation complète et la mise en service à leur domicile d’un kit photovoltaïque de 12 panneaux photovoltaïques 'Solar One’ de 3, 6 kw, au prix de 17 556 € TTC, avec la mention manuscrite 'sous réserve d’accord technique 90 %', avec versement d’un premier acompte de 900 €.

Une visite technique a eu lieu à leur domcile le 11 juin suivant donnant lieu à un rapport favorable à l’installation 'en toiture selon plan et photo', signé par le technicien et par M. [X], avec versement d’ un deuxième acompte de 4 356 €.

Le 14 juin 2018, M. [X] adressait à l’entreprise par lettre recommandée avec accusé de réception une 'proposition de résolution amiable’ du contrat en reprochant à l’entreprise des carences dans les mentions du bon commande et demandait la restitution immédiate des 5 256 € déjà versés.

Le 19 juin 2018, la société Futur Habitat confirmait la faisabilité technique du projet avec rendez-vous à venir pour planifier la date d’installation dans les meilleurs délais.

Le 10 juillet 2018, elle répondait à la mise en demeure pour indiquer qu’elle ne pouvait en accepter les termes, le bon de commande étant 'en tous points conformes', sauf à ce que M. [X] abandonne 40% du montant du marché conformément aux conditions générales annexées au bon de commande.

Le 20 juillet 2018, elle relançait M. [X] pour avoir une date d’installation.

Par acte du 11 juin 2019, M. [X] a fait assigner la société Futur Habitat devenue la société Futur Eco Habitat aux fins d’annulation ou de résolution du contrat, et de la voir condamner à lui payer la somme de 5 256 € en restitution des acomptes versés et celle de 3 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

La société Futur Eco Habitat n’a pas comparu.

Par jugement réputé contradictoire du 29 janvier 2020, dont la société Futur Eco Habitat a relevé appel, le tribunal judiciaire d’Amiens a prononcé la nullité du contrat pour contravention aux régles d’ordre public du code de la consommation fixées à l’article L. 111-1 dudit code, a ordonné la restitution de la somme de 5 256 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2018 et a condamné la société à payer la somme de 1 500 € en réparation du préjudice moral subi par M. [X], avec exécution provisoire.

La cour se réfère aux dernières conclusions des parties par visa.

Vu les conclusions d’appelant n°4 notifiées par la société Futur Eco Habitat le 30 décembre 2021 sollicitant l’infirmation du jugement et le rejet de toutes les demandes faites par M. [X].

Elle demande la condamnation de M. [X] à lui payer la somme de 9 935, 66 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la saisie-attribution intervenue le 3 juin 2020 en exécution du jugement et celle de 1 766, 40 € au titre du solde de l’indemnité de résiliation contractuelle.

La société soutient avoir respecté les prescriptions d’information du code de la consommation et s’être mise en position d’exécuter le contrat conformément à la commande.

Vu les conclusions n° 4 notifiées le 3 janvier 2022 par M. [G] [X] aux fins de confirmation du jugement en ce qu’il a retenu la nullité du contrat, avec toutes conséquences de droit.

A titre subsidiaire, M. [X] estime que le contrat devrait être considéré comme caduc car il contenait une condition supensive ('la remise d’une étude technique avant de donner son accord définitif'), condition qui a défailli du fait de Futur Eco Habitat, ou tout au moins résolu, avec mêmes conséquences de droit, car il 'devait être exécuté avant le 4 juin 2019', or il n’a pas été exécuté par la société.

L’instruction a été clôturée le 5 janvier 2022.

MOTIFS

1. Sur la régularité du contrat.

Les parties conviennent de ce que le droit de rétractation prévue par le code de la consommation pour les ventes hors établissement, exclu par les articles L. 224-59 et L.224-60 du code de la consommation dans le cas des commandes conclues à l’occasion d’une foire ou d’un salon, est hors de cause, outre que son exclusion était annoncée en tête du bon de commande en caractères apparents, conformément à l’article L. 224-60.

L’obligation précontractuelle de renseignement ou d’information peut relever du droit commun des contrats ou du droit de la consommation.

Aux termes de l’article 1112-1 du code civil: 'Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance a son cocontractant'.

Le même texte précise que le manquement à cette obligation d’information peut être sanctionné par l’annulation pour erreur sur les qualité essentielles ou pour dol ou engager la responsabilité de celui qui a omis l’information ou trompé son cocontractant.

Dans les ventes de biens ou les fournitures de services conclus entre consommateurs et professionnels, l’article L. 111-1 du code de la consommation, version applicable aux contrats conclus après le 13 juin 2014, exige 'Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fournitures de services, (que) le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

—  1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

—  2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1 ;

—  3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

—  4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s’il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d’Etat’ (soit, selon l’article R. 111-1 alors en vigueur :

a) son nom ou sa dénomination sociale, l’adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique ;

b) les modalités de paiement, de livraison et d’exécution du contrat ainsi que les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations ;

c) s’il y a lieu, l’existence et les modalités d’exercice de la garantie légale de conformité mentionnée aux articles L. 211-4 à L. 211-13 du présent code et de celle des défauts de la chose vendue dans les conditions prévues aux articles 1641 à 1648 et 2232 du code civil ainsi que, le cas échéant, de la garantie commerciale et du service après-vente au sens respectivement des articles L. 211-15 et L. 211-19 du présent code ;

d) s’il y a lieu, la durée du contrat ou, s’il s’agit d’un contrat à durée indéterminée ou à tacite reconduction, les conditions de sa résiliation ;

e) s’il y a lieu, toute interopérabilité pertinente du contenu numérique avec certains matériels ou logiciels dont le professionnel a ou devrait raisonnablement avoir connaissance ainsi que les fonctionnalités du contenu numérique, y compris les mesures de protection technique applicables).

En l’espèce, sont en cause les désignations des biens et le délai d’exécution, étant précisé qu’en vertu de l’article L. 111-5 il appartient au professionnel, en cas de litige relatif à l’application de l’article L. 111-1, de prouver qu’il a exécuté ses obligations.

D’une manière plus générale, 'les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi', article 1104 du code civil, et le vendeur professionnel est tenu d’un certain devoir de conseil qui peut aller jusqu’ à se renseigner sur les besoins de l’acheteur, article 1615 du code civil, et jurisprudence citée note 16 sous cet article au code civil Dalloz.

En l’espèce, faute de tout autre document contractuel ou pré-contractuel, tout le débat se concentre sur le bon de commande.

Le bon de commande est produit en original par M. [X], conformément à la demande de la société exprimée en appel (pièce [X] 1).

La vente avec installation porte sur :

'un kit photovoltaïque Autoconsommation de 3, 6 kw avec 12 panneaux photovoltaïque (sic) de 300 W monocristallin, Solar One, garantie 25 ans, rendement à 85 % sur la production + 1 kit de montage sur imposition crochet tuiles, rails, vis à bois, étrier inter./exter., câble et coffre AC,

Monophasé,

6 micro-ondulateurs APS double tracker 600 w,

garantie 20 ans fabricant : 16 656 €

Installation complète et mise en service kit photovolaïque : 1 900 €.

Plus loin, au bas du recto, la signature de M. et de Mme [X] est accompagnée de la mention manuscrite 'Sous réserve d’accord technique 90 %' et leurs signatures suit la mention pré-imprimée ainsi rédigée:

'Je reconnais qu’un devis a été réalisé avant l’établissement de ce bon de commande (…) et avoir eu communication d’une manière claire et compréhensible de toutes les informations et renseignements visés à l’article L. 111-1 du code de la communication (sic)'.

En l’état de ce document, plusieurs irrégularités doivent conduire la juridiction d’appel à confirmer le jugement qui a conclu à la violation des dispositions de l’article L. 111-1, prescrites à peine de nullité du contrat, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de tous leurs développements :

Il n’est pas contesté que ce bon de commande, signé au stand de la société à la foire d'[Localité 3], n’a pas été précédé d’un réel devis ni qu’il suit une visite sur place qui aurait permis de déterminer les choix techniques à conseiller au client.

C’est jouer sur les mots que de considérer que le bon de commande rempli, avant sa signature par le client, est un 'devis’ au sens propre, lequel suppose une adaptation aux lieux ou aux objets où le travail doit être accompli (comp. 'Section III, Des devis et des marchés', avant les articles 1787 et suivants du code civil).

La visite de faisabilité a été réalisée le 11 juin 2018, après la conclusion du bon de commande lequel lie déjà le consommateur qui doit abandonner 40 % du montant du marché, selon l’article 15.1 des conditions générales, s’il veut y renoncer.

Or, l’article L. 111-1 exige des informations suffisamment complètes avant que le consommateur ne soit 'lié'.

Par ailleurs, selon M. [X], 'Solar One’ n’est 'ni une marque de panneaux, ni un nom de fabricant', ce à quoi il ajoute 'Sans suprise, le gérant de la société Solar One (Monsieur [Z] [W] [N]) et également le gérant de Futur Eco Habitat’ (conclusions, page 8).

La société Futur Eco Habitat se contente d’écrire en réponse que 'la marque du fabricant Solar One est également spécifiée’ sur le bon de commande (conclusions page 10), ce qui ne répond pas à l’allégation pré-citée, selon laquelle en réalité, le consommateur ne pouvait évaluer, à travers une référence à un fabricant, une marque ou une gamme, le degré de fiabilité et de qualité des panneaux vendus.

Comme le relève M. [X], il lui était impossible d’évaluer la qualité des produits achetés lesquels 'peuvent aller de panneaux chinois non certifiés à des panneaux de haute qualité (rapport X15)'; cette possibilité d’évaluation devant être comprise dans les 'caractéristiques essentielles’ des produits vendus.

En outre, il est exact que même après la visite technique du 11 juin 2018, M. [X], tenu par un délai d’installation long de un an, ne pouvait connaître la taille, ni le poids des panneaux photovoltaïques, si ce n’est en avoir une idée par le seul dessin croqué sur la photo de sa toiture (pièce Futur Eco Habitat 2).

Enfin, comme le rélève le premier juge, si la mention pré-rédigée d’ un 'Délai d’installation 1 an’ semble satisfaire formellement au 2° de l’article L. 111-1, elle manque en réalité d’une adaptation au client, voulue par le texte.

Au regard de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de conclure que la vente a manqué aux obligations précontractuelles d’information des articles L. 111-1 du code de la consommation et de l’article 1112-1 du code civil et que c’est à bon droit que le tribunal a prononcé la nullité du contrat et a ordonné la restitution des deux acomptes versés avec intérêts à compter de la mise en demeure du 14 juin 2018.

Le jugement sera confirmé.

Il n’ y a pas lieu d’examiner les moyens subsidiaires soulevés par M. [X].

2. Sur la demande de dommages et intérêts.

Le tribunal a admis, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, l’existence d’ un préjudice moral pour M. [X] à raison de 'moult stress et tracas, d’autant que M. [X] était âgé de 73 ans à la date du contrat', jugement, page 6.

Il convient néanmoins de relever que M. [X], et son épouse, ont signé rapidement un bon de commande, malgré son montant élevé, qui manquait assez manifestement de fiabilité; qu’ils s’en sont aperçu après la conclusion du contrat; qu’ils ont ainsi participé, dans une certaine mesure, à la création de la situation préjudiciable; outre qu’il n’est produit aucun élément sur la période qui a suivi le refus de la société en juillet 2018 jusqu’à l’assignation de juin 2019, période de près de un an pendant laquelle M. et Mme [X] semblent bien ne pas avoir été inquiétés particulièrement; de sorte que la réalité du préjudice moral, tout bien considéré, au-delà du remboursement des frais irrépétibles du procès, est trop douteuse pour être indemnisée.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Le jugement peut être confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Amiens le 29 janvier 2020 en ce qu’il a annulé le contrat conclu le 4 juin 2018 et a ordonné la restitution de la somme de 5 256 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2018, avec exécution provisoire, ainsi que sur les dépens et les frais irrépétibles,

Infirme le même jugement en ce qu’il a alloué la somme de 1 500 € de dommages et intérêts à M. [G] [X], rejette la demande de celui-ci,

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement,

Déboute M. [G] [X] de sa demande de dommages et intérêts formée contre la société Futur Eco Habitat,

Rejette les demandes de la société Futur Eco Habitat,

Condamne la société Futur Eco Habitat aux dépens d’appel et à payer à M. [G] [X] une somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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