Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 28 mai 2021, n° 20/00385

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, ch. a - civ., 28 mai 2021, n° 20/00385
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 20/00385
Dispositif : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

CM/CL

Ordonnance du 28 Mai 2021

N° RG 20/00385 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EUPV

AFFAIRE : Société X Y Z

C/ S.A.S. AGRI-NEGOCE OUEST

ORDONNANCE

DU MAGISTRAT CHARGE DE LA MISE EN ETAT

DU 28 Mai 2021

Nous, Catherine Muller, Conseiller à la Cour d’Appel d’ANGERS, chargée de la mise en état, assistée de Christine Leveuf, Greffier,

Statuant dans la procédure suivie :

ENTRE :

S.A.S. AGRI-NEGOCE OUEST anciennement AGRIDUO

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-philippe PELTIER de la SCP PELTIER, NEVEU & CALDERERO, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 18340 et Me Pierrick SALLÉ, avocat au barreau de BOURGES

Intimée,

Demanderesse à l’incident

ET :

LE X Y Z

'[…]

[…]

Représentée par Me Eric TRACOL, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 20180008

Appelant

Défendeur à l’incident

Après débats à l’audience tenue en notre Cabinet au Palais de Justice le 24 mars 2021 à laquelle les avocats des parties étaient dûment appelés, avons rendu l’ordonnance ci-après :

Par jugement en date du 12 novembre 2019, le tribunal de grande instance du Mans a débouté la SAS Agriduo de sa demande en paiement au titre du compte n°6465, sursis à statuer sur les autres demandes, ordonné la réouverture des débats, révoqué l’ordonnance de clôture du 2 mai 2019, renvoyé l’affaire à la mise en état du 16 janvier 2020, enjoint à la SAS Agriduo de produire un décompte expurgé des intérêts de retard et réservé les dépens.

Suivant déclaration en date du 27 février 2020, le X Y Z a relevé appel de ce jugement en ce qu’il a sursis à statuer sur les autres demandes, ordonné la réouverture des débats, révoqué l’ordonnance de clôture, renvoyé l’affaire à la mise en état et enjoint à la SAS Agriduo de produire un décompte expurgé des intérêts de retard.

L’appelant a déposé ses conclusions le 23 mai 2020, soit dans le délai de trois mois imparti par l’article 908 du code de procédure civile, et les a notifiées le 9 juin 2020 au conseil constitué dans l’intervalle pour l’intimée qui a saisi le conseiller de la mise en état le 15 juin 2020 d’une demande d’irrecevabilité de l’appel et conclu le 22 juillet 2020, soit dans le délai de trois mois imparti par l’article 909 du même code, à la confirmation du jugement sous réserve de la décision à intervenir sur la recevabilité de l’appel.

L’appelant, absent à l’audience du 16 décembre 2020 à laquelle avait été retenu l’incident d’irrecevabilité de l’appel, ne semblant pas avoir été avisé du renvoi de l’affaire à cette date, le conseiller de la mise en état a, par décision en date du 17 février 2021, ordonné la réouverture des débats sur cet incident à l’audience du 24 mars 2021 et réservé toutes les demandes, de même que les dépens de l’incident et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions n°3 en date du 3 février 2020, la SAS Agriduo demande au conseiller de la mise en état de déclarer l’appel irrecevable et de condamner l’appelant au paiement d’une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Au regard de l’article 544 du code de procédure civile qui dispose que ne sont immédiatement susceptibles d’appel que les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal, statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l’instance et de l’article 545 du même code qui dispose que les autres jugements ne peuvent être frappés d’appel indépendamment des jugements sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi, il fait valoir que, si le jugement a tranché dans son dispositif une partie du principal relative à sa demande en paiement au titre du compte n°6465, le X Y Z qui a obtenu satisfaction sur ce point n’est pas recevable en son appel limité aux autres dispositions du jugement insusceptibles de recours immédiat car n’ayant ni tranché le principal, ni statué sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l’instance, qu’il ne peut être tenu compte pour l’application de l’article 544 de dispositions qui, eussent-elles présenté un caractère décisoire, ne figurent pas au dispositif, que le sort différent attribué par le tribunal à ses demandes en paiement du solde du compte n°6465, dont elle a été déboutée, et du solde du compte n°1938, pour lequel a été ordonnée la réouverture des débats en lui enjoignant de produire un décompte expurgé des intérêts, exclut toute indivisibilité du litige, qu’en l’absence d’appel incident de sa part, l’effet dévolutif de l’appel est limité aux seuls chefs de jugement critiqués par l’appelant et énoncés dans sa déclaration d’appel et que le fait d’avoir conclu au fond pour respecter le délai qui lui est imparti, sous réserve de la décision à intervenir sur la recevabilité de l’appel, ne vaut pas renonciation à soulever cette irrecevabilité.

Dans ses dernières conclusions d’incident n°3 en date du 22 janvier 2021, le X Y Z demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 378 à 380, 482, 483, 544, 545, 562, 901, 908, 909, 910-1, 911 et 914 du code de procédure civile, de déclarer la SAS Agri-négoce Ouest (anciennement Agriduo) mal fondée en sa fin de non-recevoir de l’appel tirée de l’article 545 du code de procédure civile, de déclarer recevable l’appel diligenté par la SAS Agri-négoce Ouest (sic) avec toutes conséquences de droit, de la condamner à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en raison de l’incident, ainsi qu’aux entiers dépens de l’incident, ou de dire que les dépens suivront le sort de l’instance principale, et d’allouer à Me Eric Tracol, avocat, le bénéfice de l’article 699 du même code.

Il soutient que le jugement déféré ne relève ni des dispositions de l’article 545 du code de procédure civile ni de celles de l’article 544 du même code mais de celles de l’article 543, comme l’a lui-même admis le tribunal en le qualifiant de « jugement contradictoire, en premier ressort », dans la mesure où il a en réalité tranché l’intégralité du litige au fond même si, par une disposition non assimilable à une mesure avant dire droit dépourvue de l’autorité de chose jugée ni à une mesure d’instruction susceptible d’influer sur l’existence de la créance de la SAS Agriduo, il a ordonné un sursis à statuer avec réouverture des débats pour permettre la production d’un décompte et arrêter le montant précis de la condamnation dont le principe est acquis et où, comme l’a rappelé la cour de cassation dans un arrêt du 28 novembre 2013, le fait d’ordonner une mesure d’expertise médicale technique avant de fixer le montant de l’indemnisation n’en tranche pas moins une question de fond.

Subsidiairement, il observe que, même si on considère que sa deuxième partie n’est qu’une mesure avant dire droit dépourvue de l’autorité de chose jugée, le jugement tranche en tout état de cause partie du principal en déboutant la SAS Agri-négoce Ouest de ses demandes en paiement d’intérêts au titre du compte n°6465 et s’analyse en un jugement « mixte » au sens de l’article 544 du code de procédure civile, et non « avant dire droit », donc immédiatement susceptible d’appel, sans autorisation du premier président, que l’argumentation contraire de l’intimée reviendrait procéduralement à considérer qu’un jugement n’est plus un tout indivisible, à réduire à néant la distinction entre les jugements avant dire droit et les jugements mixtes revêtus de l’autorité de chose jugée et à créer une inégalité objective de traitement entre les parties au litige bénéficiant, ou non, d’un droit d’appel immédiat, qu’elle a été sanctionnée par la cour de cassation dans un arrêt du 27 septembre 2018 concernant un appel général interjeté avant l’entrée en vigueur au 1er septembre 2017 du décret du 6 mai 2017 qui interdit désormais un tel appel et oblige l’appelant à limiter son appel, à peine d’irrecevabilité, aux seuls chefs de jugement lui faisant grief, sans que cela retire son caractère mixte au jugement critiqué dans sa partie du litige non tranchée définitivement, et que, de surcroît, conformément au nouvel article 562 du même code, la dévolution s’opère pour le tout lorsque l’objet du litige est indivisible comme en l’espèce, l’assignation inItiale portant sur une créance de 26.733,87 euros en principal et intérêts globalisée par la SAS Agriduo elle-même qui ne saurait tirer parti de la division effectuée par le tribunal pour ne pas avoir à s’expliquer au fond devant la cour et l’argumentation de l’intimée étant d’autant plus spécieuse qu’elle l’a fait connaître alors qu’elle se trouvait liée par ses conclusions d’appelant ayant eu pour effet de lui ouvrir la voie d’un appel incident.

Il ajoute que le fait d’avoir conclu au fond, certes sous réserve de l’issue de l’incident, constitue une renonciation de l’intimée à se prévaloir de l’irrecevabilité de l’appel car ses conclusions d’incident devant le conseiller de la mise en état visant à faire constater l’irrecevabilité de l’appel, qui déterminent l’objet du litige au sens de l’article 910-1 du code de procédure civile, suffisaient à interrompre le délai de trois mois qui lui est imparti pour conclure par l’article 909 du même code et aucune disposition légale ne permet de conclure au fond, sous réserve.

Sur ce,

Il résulte de l’article 914 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état est, depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction, seul compétent pour déclarer l’appel irrecevable et

trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel.

Contrairement à ce que soutient l’appelant, les conclusions au fond déposées le 22 juillet 2020 dans l’intérêt de l’intimée n’emportent par elles-mêmes aucune renonciation de celle-ci à son incident d’irrecevabilité de l’appel précédemment introduit devant le conseiller de la mise en état par conclusions du 15 juin 2020.

En effet, l’article 910-1 du code de procédure civile créé par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017, applicable aux appels formés à compter du 1er septembre 2017, dispose désormais que les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l’objet du litige.

Il résulte de ce texte, qui est venu modifier la jurisprudence antérieure initiée par l’avis rendu le 21 janvier 2013 par la cour de cassation suivant lequel les conclusions exigées par l’article 909 du code de procédure civile sont toutes celles remises au greffe et notifiées dans le délai prévu par ce texte qui déterminent l’objet du litige ou soulèvent un incident de nature à mettre fin à l’instance, que les conclusions soulevant l’irrecevabilité de l’appel, qui doivent être spécialement adressées au conseiller de la mise en état, seul compétent pour en connaître, ne sont pas de nature à interrompre les délais impartis à l’intimé pour conclure, de sorte que la SAS Agriduo (devenue Agri-négoce Ouest) n’avait d’autre choix que de conclure au fond dans les trois mois de la notifcation des conclusions d’appelant du X Y Z.

Elle a, d’ailleurs, pris la précaution de porter la mention expresse 'Sous réserve de la décision à intervenir de Monsieur le Conseiller de la Mise en état sur la recevabilité de l’appel interjeté' en tête de l’énoncé des prétentions figurant au dispositif de ses conclusions au fond, ce qu’aucune disposition légale ne lui interdit de faire.

Il y a donc lieu d’examiner l’incident d’irrecevabilité de l’appel.

Comme le fait valoir l’intimée, le jugement entrepris qui, dans son dispositif, a exclusivement débouté la SAS Agriduo de sa demande en paiement au titre du compte n°6465, sursis à statuer sur les autres demandes, ordonné la réouverture des débats, révoqué l’ordonnance de clôture, renvoyé l’affaire à la mise en état, enjoint à la SAS Agriduo de produire un décompte expurgé des intérêts de retard et réservé les dépens, sans se prononcer sur le bien fondé de la créance invoquée au titre du compte n°1938 pour laquelle il a sursis à statuer et ordonné une simple mesure d’administration judiciaire de la preuve afférente au montant de cette créance, constitue un jugement mixte au sens de l’article 544 du code de procédure civile, c’est-à-dire un jugement qui tranche dans son dispositif une partie du principal et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire.

Il importe peu qu’il ait, dans ses motifs, considéré que la SAS Agriduo démontre l’existence d’une créance correspondant aux approvisionnements du X Y Z en aliments et produits agricoles et que les intérêts, qui représentent la totalité de la somme de 2.344,96 euros due au titre du compte n°6465 et une somme de 7.140,48 euros pour le compte n°1938, résultent de l’application de conditions générales de vente inopposables au X Y Z, puisque rien de tel ne figure au dispositif.

Contrairement à ce que soutient l’appelant, aucun parallèle ne peut être fait avec une décision prescrivant l’expertise médicale technique prévue par l’article L141-1 du code de la sécurité sociale, qui tranche par là même une question touchant au fond du droit.

Conformément à l’article 544 du code de procédure civile, un tel jugement mixte est susceptible d’appel immédiat.

Est, toutefois, irrecevable l’appel immédiat limité au chef du jugement qui ordonne une mesure

d’instruction ou un sursis à statuer.

Or le X Y Z a expressément limité son appel aux dispositions du jugement ayant sursis à statuer sur les autres demandes, ordonné la réouverture des débats, révoqué l’ordonnance de clôture, renvoyé l’affaire à la mise en état et enjoint à la SAS Agriduo de produire un décompte expurgé des intérêts de retard.

Il n’a pas relevé appel de la seule disposition ayant tranché, en sa faveur, partie du principal en déboutant la SAS Agriduo de sa demande en paiement au titre du compte n°6465 et n’a donc pas déféré à la cour la connaissance de ce chef de jugement conformément à l’article 562 du code de procédure civile qui, tel que modifié par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017, dispose que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent et que la dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

En effet, si la SAS Agriduo a initialement réclamé paiement au X Y Z tant de la somme de 19.203,35 euros au titre du compte n°1938 que de la somme de 2.344,96 euros au titre du compte n°6465, outre intérêts, les décisions relatives à ces deux comptes ne sont nullement indivisibles, c’est-à-dire impossibles à exécuter simultanément si elles venaient à être rendues séparément comme a estimé devoir le faire le tribunal en ne tranchant le fond que de la demande au titre du compte n°6465 par une décision ne préjugeant pas du sort de la demande au titre du compte n°1938 et n’ayant fait l’objet d’aucun appel incident.

L’appel interjeté par le X Y Z est donc prématuré et irrecevable, cette différence de traitement d’avec la SAS Agri-négoce Ouest qui aurait pu relever appel immédiat de la disposition la déboutant de sa demande en paiement au titre du compte n°6465 et étendre son appel aux autres dispositions du jugement n’étant nullement injustifiée puisque le jugement a d’ores-et-déjà tranché une partie du principal en sa défaveur.

En conséquence, il y a lieu de faire droit à l’incident d’irrecevabilité de l’appel.

Partie perdante, le X Y Z supportera les entiers dépens d’appel, sans pouvoir bénéficier de l’article 700 du code de procédure civile dont il n’y a pas lieu, en considération de l’équité et de la situation respective des parties, de faire application au profit de la SAS Agri-négoce Ouest (anciennement Agriduo).

Par ces motifs

Déclarons irrecevable l’appel immédiat limité interjeté le 27 février 2020 par le X Y Z à l’encontre du jugement mixte rendu le 12 novembre 2019 par le tribunal de grande instance du Mans.

Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamnons le X Y Z aux entiers dépens d’appel.

Le greffier Le magistrat

chargé de la mise en état

C. LEVEUF C. MULLER

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