Cour d'appel de Besançon, 1re chambre, 10 janvier 2023, n° 19/02439

  • Servitude·
  • Ensoleillement·
  • Propriété·
  • Béton·
  • Empiétement·
  • Eaux·
  • Titre·
  • Immeuble·
  • Trouble·
  • Réparation

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Besançon, 1re ch., 10 janv. 2023, n° 19/02439
Juridiction : Cour d'appel de Besançon
Numéro(s) : 19/02439
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Besançon, 11 novembre 2019, N° 18/00742
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 janvier 2023
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

ARRÊT N°

DR/FA

COUR D’APPEL DE BESANÇON

—  172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 10 JANVIER 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 08 novembre 2022

N° de rôle : N° RG 19/02439 – N° Portalis DBVG-V-B7D-EGNC

S/appel d’une décision du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BESANCON en date du 12 novembre 2019 [RG N° 18/00742]

Code affaire : 70Z Autres demandes relatives à la propriété ou à la possession d’un immeuble ou relevant de la compétence du juge de l’expropriation

[W] [M] C/ [O] [F] épouse [V]

PARTIES EN CAUSE :

Madame [W] [M]

de nationalité française, demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Estelle BROCARD de la SCP CGBG, avocat au barreau de BESANCON

APPELANTE

ET :

Madame [O] [F] épouse [V]

née le 14 Juillet 1961 à [Localité 7], de nationalité Turque,

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Marie-Josèphe VANHOUTTE, avocat au barreau de BESANCON

INTIMÉE

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, conseiller et Dominique RUBEY,vice-président placé

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre,

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, conseiller et Dominique RUBEY, vice-président, magistrat rédacteur.

L’affaire, plaidée à l’audience du 08 novembre 2022 a été mise en délibéré au 10 janvier 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, procédure et prétentions des parties

Mme [W] [M] est propriétaire d’une parcelle cadastrée section EH n°[Cadastre 5], [Adresse 3] à [Localité 6], sur laquelle est édifiée une maison d’habitation. Le 21 mai 2014, un procès-verbal de bornage a été dressé par un géomètre expert, afin de délimiter les parcelles cadastrées EH n°[Cadastre 5] et EH n°[Cadastre 4].

Mme [O] [F], épouse [V], (Mme [O] [V]) a acquis, par acte notarié en date du 20 octobre 2014, la parcelle cadastrée section EH n°[Cadastre 4]. Elle a obtenu le 26 mars 2015 un arrêté de permis de construire en vue de l’édification d’un immeuble. Mme [W] [M] a contesté la légalité de l’arrêté de permis de construire par un recours gracieux, en date du 21 avril 2015, auprès de la Ville de [Localité 6]. Néanmoins, les travaux ont débuté, sur la parcelle cadastrée section EH n°[Cadastre 4], le 30 juin 2015.

Par exploit du 11 juillet 2015, Mme [W] [M] a saisi en référé le tribunal de grande instance de Besançon, aux fins de voir enjoindre à Mme [O] [V] de cesser toute intrusion sur sa propriété.

Par décision du 20 octobre 2015, le juge des référés a ordonné à Mme [O] [V] de cesser toute intrusion sur la parcelle de Mme [W] [M] sous astreinte provisoire de 1 000 euros par fait constaté, a débouté les parties de leurs plus amples prétentions et a ordonné une expertise confiée à M. [E] [C], lequel a déposé son rapport définitif le 3 avril 2017.

Par décision du 24 novembre 2015, le juge des référés a ordonné que le dispositif de l’ordonnance de référé rendue le 20 octobre 2015, en ce qu’il fixe la mission de l’expert, soit complété aux fins d’examiner la réalité et l’ampleur des empiétements.

Par exploit d’huissier en date du 27 mars 2018, Mme [W] [M] a saisi le tribunal de grande instance de Besançon, aux fins de solliciter des dommages et intérêts en raison de l’empiétement et des troubles de voisinage causés par le chantier voisin, outre l’indemnisation des travaux de remise en état et de la perte d’ensoleillement, ainsi que des demandes au titre de la servitude du tour d’échelle, de l’aggravation de la servitude d’écoulement des eaux et l’autorisation de procéder au rebouchage de trous existants dans le mur de sa voisine.

Par décision du 12 novembre 2019 le tribunal judiciaire de Besançon, a :

— condamné Mme [O] [V] à payer à Mme [W] [M] la somme de 1000 euros, en réparation de l’empiétement sur sa propriété, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

— condamné Mme [O] [V] à payer à Mme [W] [M] la somme de 623,39 euros, au titre de la reconstruction du mur et du grillage, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

— condamné Mme [O] [V] à payer à Mme [W] [M] la somme de 3 180 euros, au titre de la réparation du dallage en béton, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

— condamné Mme [W] [M] à payer à Mme [O] [V] la somme de 4 766,60 euros, en réparation de l’inexécution de son obligation résultant de la servitude du tour d’échelle conventionnelle ;

— rejeté les demandes de Mme [W] [M] au titre du trouble du voisinage et les autres demandes au titre de l’atteinte à la propriété,

— rejeté les demandes formées par Mme [W] [M], au titre des servitudes de l’écoulement d’eaux et du tour d’échelle conventionnelle ;

— rejeté la demande d’autorisation de Mme [W] [M], afin de reboucher les trous présents sur le mur appartenant à Mme [O] [V],

— rejeté les autres demandes reconventionnelles de Mme [O] [V],

— débouté Mme [O] [V] et Mme [W] [M] de leur demande, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— partagé les dépens de l’instance par moitié entre les parties,

— rejeté le surplus des demandes ;

Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré que':

— l’empiétement sur le terrain d’autrui constituait une atteinte au droit de propriété et suffisait à caractériser la faute';

— en l’absence de démonstration du fait que les travaux aient été réalisés depuis le fonds voisin, il ne pouvait y avoir de préjudice';

— sur la destruction du mur et du grillage, en l’absence de démonstration par Mme [O] [V] de l’accord du propriétaire des biens détruits par les travaux, elle devait être considérée comme entièrement responsable du dommage résultant du trouble de voisinage';

— sur la dégradation du dallage en béton, constituée par des fractures et des fissurations des dalles, elle ne pouvait qu’excéder les inconvénients normaux du voisinage';

— sur le trouble causé par la perte d’ensoleillement, le fonds affecté étant situé dans une zone urbaine attractive, une construction d’immeuble sur le terrain voisin constituait un inconvénient normal de voisinage';

— sur la diminution de la valeur vénale du bien du fait de l’édification de l’immeuble voisin, aucun élément ne démontrait une telle perte';

— sur la servitude du tour d’échelle, la démonstration des manquements contractuels de Mme [W] [M], au vu de ladite servitude contractualisée, empêchant volontairement l’achèvement des travaux de réalisation du crépis par ses agissements, conduisait à la condamnation à réparer les conséquences de l’inéxécution. Par ailleurs et pour ces raisons, Mme [W] [M] ne pouvait revendiquer la somme prévue au titre du contrat sur la servitude du tour d’échelle';

— Mme [O] [V] ne pouvait solliciter l’autorisation de faire terminer les travaux d’étanchéité de la façade de son immeuble, en l’absence de preuve d’une mise en demeure préalable ;

— en l’absence d’éléments, il ne pouvait être reconnu une servitude d’écoulement des eaux ;

— concernant les dommages et intérêts pour harcèlement, il ne pouvait être sollicité de réparation au vu d’un préjudice subi par autrui et par conséquent d’absence de préjudice personnel ;

Par déclaration, parvenue au greffe le 13 décembre 2019, Mme [W] [M] a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle l’a condamné à payer à Mme [O] [V] la somme de 4 766,60 euros en réparation de l’inexécution de son obligation, résultant de la servitude du tour d’échelle conventionnelle et en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [W] [M] au titre du trouble de voisinage et d’atteinte à la propriété, des servitudes de l’écoulement d’eau et de la demande d’autorisation de reboucher les trous présents dans le mur lui appartenant et, selon ses dernières conclusions transmises le 3 mai 2022, elle conclut à son infirmation partielle et demande à la cour, statuant à nouveau,

Vu les articles 544 et suivants et 1382 et suivants du code civil,

Vu les articles 640 et suivants du code civil,

— condamner Mme [O] [V] à verser à Mme [W] [M] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre de la réalisation des travaux, des intrusions répétées sur sa propriété, du fait de la démolition du mur et du grillage et du fait de l’empiétement,

— condamner Mme [O] [V] à verser à Mme [W] [M] une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de la perte d’ensoleillement, du préjudice de jouissance et d’agrément et la somme de 50 000 euros en réparation de la diminution de la valeur vénale de sa propriété,

— condamner Mme [O] [V] à verser supplémentairement à Mme [W] [M] la somme de 500 euros au titre de la servitude de tour d’échelle, outre la somme de 500 euros au titre de l’aggravation de la servitude d’écoulement des eaux,

— autoriser Mme [W] [M] à procéder ou à faire procéder au rebouchage des quatre trous dans le mur de Mme [O] [V] dont la présence a été constatée par Maître [R] [G] dans son procès-verbal de constat du 8 mars 2018,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mme [W] [M] à verser à Mme [O] [V] la somme de 4766,60 euros, au titre de l’inexécution de son obligation résultant de la servitude du tour d’échelle conventionnelle,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— condamné Mme [O] [V] à payer à Mme [W] [M] la somme de 1000 euros, en réparation de l’empiétement sur sa propriété, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,

— condamné Mme [O] [V] à payer à Mme [W] [M] la somme de 623,39 euros, au titre de la reconstruction du mur et du grillage, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,

— condamné Mme [O] [V] à payer à Mme [W] [M] la somme de 3180 euros, au titre de la réparation du dallage en béton assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,

— débouter Mme [O] [V] de sa demande tendant à ce que Mme [W] [M] soit condamnée à lui verser la somme de 6 760 euros, avec intérêts de droit, au titre des frais d’abandon de chantier après le 17 octobre 2017,

— débouter Mme [O] [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

— condamner Mme [O] [V] à verser à Mme [W] [M] la somme de 4 500 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Mme [O] [V] aux entiers dépens de l’instance incluant le coût des quatre procès-verbaux de constat dressés par Maître [G] les 20 et 25 juin 2015 (278,36 euros), le 7 juillet 2015 (200,36 euros), le 6 août 2015 (398,36 euros) et le 8 mars 2018 (288,09 euros) le coût de la sommation du 30 juin 2015 (101,21 euros), le coût de la délivrance de l’assignation en référé (66,89 euros), les honoraires de M. [U] [S] (750 euros), le coût de l’expertise réalisée par M. [C] (2 070,99 euros) et le coût de l’expertise réalisée par M. [K] (6 000 euros) et en autoriser la distraction au profit de la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Mme [O] [V] a formé appel incident et a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 2 août 2022 pour demander à la cour, statuant à nouveau de':

Vu l’article 1240 du code civil,

— débouter Mme [W] [M] de son appel principal,

Confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a :

— condamné Mme [O] [V] à payer à Mme [W] [M] la somme de 1 000 euros en réparation de l’empiétement sur sa propriété.

— condamné Mme [O] [V] à payer à Mme [W] [M] la somme de 623,39 euros, au titre de la reconstruction du mur et du grillage,

— condamné Mme [W] [M] à payer à Mme [O] [V] la somme de 4 766,60 euros en réparation de l’inexécution de son obligation résultant de la servitude de tour d’échelle conventionnelle,

— rejeté les demandes de Mme [W] [M] au titre du trouble du voisinage et les autres demandes au titre de l’atteinte de propriété,

— rejeté les demandes de Mme [W] [M], au titre des servitudes de l’écoulement d’eaux et du tour d’échelle conventionnelle,

— rejeté la demande d’autorisation de Mme [W] [M], afin de reboucher les trous présents dans le mur de Mme [O] [V],

Réformer partiellement le jugement entrepris, en ce qu’il a :

— condamné Mme [O] [V] au paiement de la somme de 3 180 euros, au titre de la réfection du dallage.

— rejeté les demandes de Mme [O] [V] au titre des multiples harcèlements, et rebouchage intempestif des aérations du vide sanitaire à payer à Mme [O] [V] la somme de 5000 euros,

— rejeté la demande de condamnation de Mme [W] [M] à payer à Mme [O] [V] la somme de 6 760 euros avec intérêts de droit, au titre des frais d’abandon de chantier après le 17 octobre 2017,

Statuant à nouveau,

— dire que l’indemnisation au titre de la réfection du dallage doit être ramenée à sa juste valeur, soit à la somme de 795 euros,

— condamner Mme [W] [M] au vu des multiples harcèlements, et rebouchage intempestif des aérations du vide sanitaire à payer à Mme [O] [V] la somme de 5 000 euros,

— condamner Mme [W] [M] à payer à Mme [O] [V] la somme de 6 760 euros avec intérêts de droit, au titre des frais d’abandon de chantier après le 17 octobre 2017,

— condamner Mme [W] [M] à payer à Mme [O] [V] la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

— condamner Mme [W] [M] aux entiers dépens y compris le coût des deux expertises [C] et [K] et le constat dressé par Maître [T] du 20 août 2015.

Par conclusions déposées le 16 mars 2020, Mme [W] [M] a saisi le conseiller de la mise en état, aux fins de voir designer un expert judiciaire.

Le conseiller de la mise en état a rendu une ordonnance d’incident en date du 7 juillet 2020 et ordonné une expertise judiciaire, aux fins d’examiner la maison de Mme [W] [M]. L’expert désigné, M. [A] [K], a rendu son rapport en date du 13 octobre 2021.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2022 et l’affaire, appelée à l’audience du 8 novembre 2022 suivant, a été mise en délibéré au 10 janvier 2023.

Pour l’exposé complet des moyens tant de l’appelant que de l’intimé, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

En application de l’article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.

Motifs de la décision

— Sur l’atteinte à la propriété,

Aux termes de l’article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Aux termes de l’article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Mme [W] [M] fait valoir que’les différentes dégradations qu’elle a subies sur sa propriété, arrachage du grillage, du muret, dégradations de la dalle, démontrent sans conteste que l’entreprise, qui a réalisé les travaux pour le compte de Mme [O] [V], a pénétré sur sa propriété, lui causant, au vu de cette violation de propriété, un préjudice moral et de jouissance.

En réponse, Mme [O] [V] expose que':

— pour construire son bâtiment en limite de propriété, l’entrepreneur n’avait pas d’autre choix que de détruire le muret et le grillage, afin d’installer ses ouvrages de gros 'uvre en limite de propriété, conformément au permis de construire.

— sur la déstabilisation du terrain et les empiétements, la fouille en pleine masse était nécessaire au montage des blocs coffrants, la réduction de cette emprise n’étant pas possible. Mme [W] [M] ayant donné des indications lors de la destruction du muret, elle ne peut raisonnablement soutenir qu’elle n’était pas d’accord. Néanmoins, le préjudice d’empiétement ne saurait être supérieur à mille euros, outre l’indemnisation de la destruction du mur qui ne saurait dépasser 623,39 euros.

En l’espèce, Maître [R] [G], huissier, relève, selon procès-verbaux de constat des 20 juin et 29 juin 2015, pour l’essentiel les déclarations de Mme [W] [M], outre des constatations sur les dégradations du dallage, ainsi que le démarrage et la poursuite des opérations de terrassement.

Au vu des conclusions de l’expertise judiciaire réalisée par M. [E] [C], il apparaît qu’aux fins d’édification de son bâtiment en limite de propriété, Mme [O] [V] n’avait pas d’autre choix que de détruire le muret et le grillage, afin d’installer ses ouvrages de gros 'uvre en limite de propriété, conformément au permis de construire, et que, de même, la fouille en pleine masse nécessaire au montage des blocs coffrants, ne pouvait être réduite, et n’était en tout état de cause que temporaire.

D’autre part, les attestations de M. [J] et [L] corroborent la présence et l’autorisation de Mme [W] [M] lors de la destruction du muret.

Dans ces conditions, si le principe de l’atteinte à la propriété de Mme [M] est établi, et au demeurant non contesté, rien ne démontre que le préjudice réellement causé ait dépassé, par son ampleur, les montants justement arbitrés par le premier juge au titre de l’indemnisation de l’empiètement et du coût de reconstruction du muret et du grillage, montants que Mme [V] ne remet pas en cause à hauteur d’appel.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

— Sur le trouble du voisinage,

Il est constant que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage.

Mme [W] [M] fait valoir plus particulièrement à l’égard de la perte d’ensoleillement et de la diminution de la valeur vénale du bien, que':

— au vu de l’expertise, elle est fondée à invoquer le trouble que l’implantation de cette construction lui cause, pour être à l’origine d’un préjudice de perte d’ensoleillement excédant les inconvénients normaux du voisinage, le fait que l’immeuble soit implanté en milieu urbanisé n’excluant pas, par principe, toute indemnisation au titre des troubles anormaux du voisinage.

— la dépréciation de l’immeuble est causée par une perte d’ensoleillement et par la proximité du mur de l’immeuble voisin, la privant, par ailleurs, de toute vue depuis sa cuisine. Ce qui ne peut que nuire à une vente future.

En réponse, Mme [O] [V] expose que':

— sur la perte d’ensoleillement, le trouble allégué ne constitue pas un trouble anormal de voisinage, puisqu’une seule fenêtre, celle de la cuisine, est impactée par la diminution de luminosité. Par ailleurs, Mme [W] [M] a remplacé des arbres d’une hauteur au moins égale à celle de la construction édifiée.

— l’environnement n’est jamais acquis à un propriétaire notamment dans une zone citadine classée en zone UB 2 à forte densité d’habitation, nul ne peut revendiquer la pérennité de l’ordonnancement du paysage ou de l’environnement dans lequel il est installé. Par ailleurs, l’habitation de Mme [W] [M] se situe dans une zone urbanisée de [Localité 6], quartiers de première extension de la ville, avec diversité des formes d’habitat et tissu urbain dense, de telle sorte que la construction d’un immeuble sur le terrain voisin constitue un inconvénient normal du voisinage.

— la diminution de la valeur vénale n’est aucunement établie.

En l’espèce, il ressort de l’analyse de l’ensoleillement, réalisée sur l’année 2020, soit environ 2094 heures, par M. [A] [K], expert judiciaire, que la perte d’ensoleillement pour l’ensemble des façades du 1er étage de la maison de Mme [W] [M] peut être estimée à 26,20% / 5.8 = 4.52%, ce qui, rapporté à la moyenne d’ensoleillement sur 100 ans, correspond à une perte estimée à 4,00 %. Il ne saurait être considéré que cette faible perte d’ensoleillement excède les inconvénients normaux de voisinage, alors au demeurant que l’immeuble de Mme [M] est situé dans une zone urbanisée dans laquelle toute évolution du bâti est susceptible d’influer sur l’ensoleillement des constructions voisines, sans qu’une telle circonstance puisse à elle-seule constituer une anormalité constitutive d’un préjudice réparable.

— sur la dépréciation de l’immeuble de Mme [W] [M],

Concernant la perte de valeur invoquée par l’appelante, il ressort de la même expertise, s’appuyant sur l’expertise immobilière réalisée, en date du 18 mai 2016, par M. [U] [S], ainsi que sur les dires des parties, que l’estimation d’une dépréciation ne peut se faire sans la prise en compte de l’éventuelle utilisation de son droit à construire par un propriétaire voisin, un terrain libre en zone urbanisée à forte densité présentant en effet nécessairement une forte potentialité de faire, à court ou moyen terme, l’objet d’une construction. Au demeurant, Mme [W] [M] continue d’habiter sa maison, n’atteste pas de son intention de vendre le bien, et ne produit aucun élément concret de nature à démontrer une perte de valeur substantielle en lien exclusif avec l’édification de l’immeuble voisin.

Dès lors, force est de constater que si Mme [W] [M] est indéniablement contrariée par l’extrême proximité du mur de l’immeuble appartenant à Mme [O] [V], elle échoue à démontrer une quelconque anormalité inhérente à l’édification, ou à la situation de l’immeuble voisin.

En conséquence, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [W] [M] au titre du trouble du voisinage et les autres demandes au titre de l’atteinte à la propriété.

— Sur la servitude du tour d’échelle

Mme [W] [M] fait valoir qu’il y a lieu d’exécuter le contrat conclu entre les parties sur le paiement du dédommagement pour la somme de 500 euros. Elle ajoute ne s’être jamais opposée aux travaux de crépissage ni à l’achèvement des travaux d’étanchéité qu’elle conditionnait simplement à l’établissement d’un constat d’huissier et le paiement de l’indemnité.

Mme [V] s’oppose à la demande en paiement de l’indemnité conventionnelle, au motif que Mme [M] ne s’était pas conformée à sa propre obligation en faisant obstacle à l’intervention des entreprises. Elle réclame à titre reconventionnel la condamnation de Mme [M] à lui payer la somme de 6 760 euros correspondant à la facture établie le 25 octobre 2017 par la société Pier pour les travaux de crépissage qui n’auraient pas pu être réalisés.

S’agissant de ce dernier point, il sera relevé que Mme [V] ne peut, comme elle le fait pourtant, solliciter à la fois l’allocation de cette somme de 6 760 euros et la confirmation du jugement en ce qu’il lui a octroyé un montant de 4 766,60 euros en réparation de l’inexécutionpar Mme [M] de l’obligation résultant de la servitude conventionnelle, puisque ces deux chefs de demande font doublon. En effet, le montant de 4 766,60 euros alloué par le premier juge l’a précisément été au vu de la facture établie par la société Pier le 25 octobre 2017, le tribunal ayant estimé devoir écarter les prestations annexes tenant notamment à la mise en oeuvre d’un échafaudage.

En l’espèce, il a été conclu entre Mme [W] [M] et Mme [O] [V] une convention ayant pour objet une servitude de tour d’échelle, aux fins de permettre à Mme [O] [V] l’accès au fonds voisin pour la finalisation de l’étanchéité de la construction, en contrepartie de quoi était stipulé le versement d’une indemnité. Or, il apparaît que Mme [W] [M] n’exécute pas cette convention. Il doit en effet être relevé que cette dernière concède à minima, aux termes de ses écritures, avoir exprimé son mécontentement auprès des ouvriers en le justifiant par le non respect par Mme [O] [V] de ses propres obligations contractuelles. Par ailleurs, l’entreprise C.V. Construction a adressé un courrier à Mme [O] [V], en date du 10 août 2015, au vu du chantier de terrassement confié par cette dernière sur le terrain sis [Adresse 2]. Par ce courrier son représentant souligne le harcèlement dont-il est, avec ses ouvriers, victime de la part de sa voisine, Mme [W] [M], se montrant par ailleurs, très virulente à leur égard, outre la prise de photographies sans le consentement des intéressés. Le représentant de l’entreprise C.V. Construction conclut son courrier en indiquant que la réitération de ces mêmes agissements par Mme [W] [M] le conduit à envisager de cesser toute collaboration avec Mme [O] [V] si la situation demeure en l’état.De même, M. [N], représentant de la SARL Pier, en charge des travaux de crépissage, a fait parvenir à l’attention de Mme [O] [V] un courrier recommandé avec accusé réception, en date du 25 octobre 2017, dans lequel, il indique que, malgré les contraintes inhérentes au conflit existant entre sa cliente et sa voisine et les contraintes de protection de l’habitation voisine, tout est mis en 'uvre aux fins d’achever la prestation. Néanmoins, il souligne l’impossibilité de finaliser ledit chantier au vu du harcèlement permanent de Mme [W] [M] à l’égard de ses ouvriers et matérialisé notamment par l’utilisation d’un appareil photographique avec flash de manière ostensible, outre diverses interpellations verbales, ordres d’exécution et mises en garde. Ainsi, ne pouvant assumer les excès de colère de Mme [W] [M], la SARL Pier indique n’avoir pu réaliser que la sous-couche de crépi sur la façade donnant sur la propriété de Mme [W] [M].

Dès lors, nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude, et Mme [W] [M] empêchant, par son attitude, son cocontractant de bénéficier de la contrepartie de l’indemnité conventionnelle, elle ne saurait recevoir le paiement de celle-ci. La confirmation s’impose de ce chef.

S’agissant de la demande indemnitaire formée par Mme [V], il sera constaté, d’une part, que l’intéressée ne justifie pas du règlement à la société Pier de la facture dont elle réclame la prise en charge par Mme [M]. De plus, alors qu’il résulte des pièces précédemment évoquées que les travaux non réalisés du fait des agissements de Mme [M] se cantonnent au crépi de finition dela façade contiguë, il apparaît que la facture Pier du 25 octobre 2017 porte sur le crépissage d’une surface de 170 mètres carrés, qui excéde manifestement celle de la seule façade nécessitant le recours à la servitude de tour d’échelle, et semble concerner le traitement de l’ensemble de l’immeuble. Dans ces conditions, la demande en paiement formée par Mme [V] sur la base de cette facture ne pourra qu’être rejetée. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

— sur l’aggravation de la servitude d’écoulement des eaux, et la demande tendant au rebouchage de quatre trous

Aux termes de l’article 640 du code civil, les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l’homme y ait contribué. Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement. Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur.

Aux termes de l’article 641 du code civil, tout propriétaire a le droit d’user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds. Si l’usage de ces eaux ou la direction qui leur est donnée aggrave la servitude naturelle d’écoulement établie par l’article 640, une indemnité est due au propriétaire du fonds inférieur.

Mme [W] [M] fait valoir qu’au vu des canalisations présentes au niveau des trous recueillant les eaux pluviales, celles-ci vont nécessairement être déversées sur sa propriété située en contrebas et donc aggraver la servitude. Elle ajoute que les quatre trous présents sur la façade de l’immeuble de Mme [O] [V] longeant sa propriété et habillés par des tuyaux en PVC ont indéniablement pour fonction de recueillir les eaux pluviales.

En réponse, Mme [O] [V] expose que’Mme [W] [M] affirme sans preuve que les bouches d’aération du vide sanitaire de son immeuble seraient à l’origine d’un écoulement d’eau sur sa parcelle et ce, alors même que ces bouches ont pour effet de permettre la circulation de 1'air dans le vide sanitaire, afin de pallier l’humidité provoquée par les remontées capillaires depuis sa parcelle.

Le constat réalisé le 8 mars 2018 par M. [R] [G], Huissier, à la demande de Mme [W] [M] elle-même, démontre sans aucune ambiguïté que les orifices litigieux, tant par leur apparence que par leurs caractéristiques techniques, ne sont en aucun cas des conduits d’écoulement des eaux pluviales, mais des bouches ayant pour finalité l’aération, ledit constat ne relevant aucun écoulement ni trace d’écoulement, voire d’humidité. Dès lors, Mme [W] [M] échoue à démontrer l’existence d’une aggravation de la servitude d’écoulement des eaux.

En conséquence, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes formées par Mme [W] [M] au titre des servitudes du tour d’échelle conventionnel et d’écoulement des eaux, ainsi qu’au titre de la suppression des trous.

— Sur les dommages-intérêts relatifs à la réparation du dallage en béton

Mme [W] [M] fait valoir que’les dégradations du dallage béton présent sur sa propriété, et causées par les travaux réalisés par Mme [V], doivent être indemnisés.

En réponse, Mme [O] [V] expose qu’au vu de désordres préexistants, il y a lieu d’appliquer un coefficient de vétusté de 80 % et non de seulement 20 %, de sorte que l’indemnisation ne saurait dépasser la somme de 795 euros.

En l’espèce, force est de constater que l’analyse des planches photographiques, datées de fin mai 2015 démontrent des fissures importantes affectant le dallage béton manifestement dégradé par le temps et la pression des racines du laurier, situé contre l’habitation de Mme [W] [M] et à proximité immédiate dudit dallage. Dès lors, au vu des constats réalisés le mois suivant, soit les 20 et 29 juin 2015, par M. [R] [G], Huissier, il y a lieu de nuancer lesdits constats en ce qu’ils indiquent observer que les fractures de ce dallage béton sont fraîches.

Par ailleurs, le rapport d’expertise réalisée par M. [E] [C], suivant l’ordonnance de référé du 20 octobre 2015, eu égard à la détérioration du dallage béton couvrant l’allée Est de la maison, indique que deux planches photographiques en page 11 montrent un dallage béton en assez bon état de revêtement. Puis il souligne que l’état actuel de ce dallage, représenté par la photographie n°6 affichée en page 10 et prise lors de la réunion d’expertise du 13mai 2016, présente une forte dégradation dudit ouvrage. Il est enfin rappelé que ce même expert estime le coût de réfection de la dalle béton à une somme de 3 974,52 euros TTC.

Dès lors, il y a lieu d’appliquer un coefficient de vétusté qui, eu égard à l’état préexistant, ne saurait être inférieur à 80 %, de sorte qu’il y a lieu de limiter les dommages-intérêts relatifs à la dégradation du dallage en béton, à la somme de 795 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

— Sur les dommages-intérêts inhérents aux multiples harcèlements et rebouchage intempestif des aérations du vide sanitaire par Mme [W] [M]

Force est de constater que Mme [V] ne consacre dans ses écritures strictement aucun développement au soutien de l’appel incident par lequel elle formule une demande indemnitaire de 5 000 euros pour harcèlement et reboucharge intempestif du vide sanitaire.

Le harcèlement incriminé se rapportant manifestement au comportement de Mme [M] à l’égard des entreprises intervenues pour le compte de Mme [V], c’est à boin droit que le premier juge a considéré que Mme [V] ne pouvait agir en indemnisation d’un préjudice qu’elle n’avait pas personnellement subi.

Par ailleurs, s’il est produit des photographies montrant la présence de papier dans les orifices d’aération du vide sanitaire, rien ne permet en l’état d’imputer de manière certaine ces faits à Mme [M], alors au surplus qu’il n’est pas rapporté la preuve ce ce que ces faits, auxquels il pouvait être remédié par le simple retrait du papier, ait causé un quelconque préjudice à l’immeuble ou à sa propriétaire.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a rejetée la demande indemnitaire formée par Mme [V].

Il sera enfin relevé que si, dans le corps de ses dernières écritures, Mme [V] indique, à titre d’appel incident, solliciter l’autorisation de faire terminer l’étanchéité et de reboucher la fouille dans les conditions précisées par l’expert judiciaire, aucune demande n’est cependant formulée à ce titre dans le dispositif de ces conclusions, qui seules saisissent la cour en application de l’article 954 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme le jugement rendu le 12 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon, sauf en qu’il a :

— condamné Mme [W] [M] à payer à Mme [O] [V] la somme de 4 766,60 euros, en réparation de l’inexécution de son obligation résultant de la servitude de tour d’échelle conventionnelle';

— condamné Mme [O] [V] à payer à Mme [W] [M] la somme de 3 180 euros, au titre de la réparation du dallage en béton, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement';

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la demande formée par Mme [O] [V] au titre de l’inéxécution de son obligation résultant de la servitude de tour d’échelle ;

Condamne Mme [O] [V] à payer à Mme [W] [M] la somme de 795 euros, au titre de la réparation du dallage en béton ;

Dit que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens d’appel ;

Et, vu l’article 700 du code de procédure civile, dit n’y avoir lieu à son application ;

Accorde aux avocats de la cause qui l’ont sollicité, le droit de se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Besançon, 1re chambre, 10 janvier 2023, n° 19/02439