Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 17 janvier 2017, n° 15/03681

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 17 janv. 2017, n° 15/03681
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 15/03681
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 12 mai 2015, N° 14/01099
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE -------------------------- ARRÊT DU : 17 JANVIER 2017 (Rédacteur : Jean-Pierre FRANCO, conseiller,)

N° de rôle : 15/03681

Emile Y

c/

Compagnie d’assurances X CENTRE ATLANTIQUE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 mai 2015 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6°, RG : 14/01099) suivant déclaration d’appel du 18 juin 2015

APPELANT :

Emile Y

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX – XXX

représenté par Maître Olivier MONROUX de la SCP HARFANG AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE

INTIMÉE :

Compagnie d’assurances X CENTRE ATLANTIQUE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX – XXX

représentée par Maître BERGEON substituant Maître Olivier MAILLOT de la SELARL CABINET CAPORALE – MAILLOT – BLATT ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 novembre 2016 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Jean-Pierre FRANCO, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Elisabeth LARSABAL, président,

Jean-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. ***

EXPOSE DU LITIGE :

Se fondant sur un contrat d’assurance habitation dénommé Privatis, M. Z Y a, par acte en date du 31 décembre 2013, fait assigner la compagnie X centre Atlantique en paiement avec exécution provisoire de la somme de 103069 € sauf à parfaire, et subsidiairement d’une provision de 80000 € dans l’attente du dépôt du rapport de l’expert, au titre de l’indemnisation du dommage matériel consécutif au vol de 1124 bouteilles survenu le 13 octobre 2012 dans sa propriété de Saint-Selve (Gironde), ayant donné lieu à expertise amiable par le cabinet Saretec.

Par jugement en date du 13 mai 2015, le tribunal de grande instance de Bordeaux a débouté M. Z Y de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

Le tribunal a considéré en premier lieu que les bouteilles de vin de grand cru dérobées avaient un caractère prestigieux et constituaient en conséquence des objets de valeur, non couverts par le contrat d’assurance, compte tenu des stipulations de l’article 1.5 des conditions générales, auxquelles l’assureur n’avait pas renoncé.

En outre, le tribunal a estimé que M. Y ne rapportait pas la preuve d’une faute commise par l’assureur dans l’exécution du contrat, par manquement à une obligation d’information et de conseil, puisqu’il n’établissait pas avoir informé X de l’existence de sa collection de vins au moment de la souscription du contrat puis en cours de son exécution.

M. Z Y a relevé appel de ce jugement le 18 juin 2015 et dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 24 novembre 2015, il demande à la cour au visa de l’article 1134 du code civil :

— de réformer le jugement,

— de dire que la compagnie d’assurances X devra l’indemniser du dommage concernant le vol des vins entreposés dans son habitation,

— au besoin, de dire abusive la clause d’exclusion de garantie, au visa de l’article L. 132-1 du code de la consommation,

— subsidiairement de dire, en application de l’article 1162 du code civil, que les clauses traitant de l’habitation s’étendent à la partie de l’immeuble dans laquelle les vins litigieux se trouvaient entreposés,

— plus subsidiairement, et au visa des articles 1147 et suivants, 1382 et 1383 (anciens) du code civil, de dire que la compagnie d’assurances X est responsable de son dommage par suite d’un défaut de conseil et d’information,

— de condamner en conséquence la compagnie d’assurances X à réparer l’entier dommage, soit la somme de 103069 €, sauf à parfaire par estimation (avec dans ce cas condamnation de l’assureur au paiement d’une provision de 80000 €), outre 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 13 janvier 2016, la compagnie d’assurances X sollicite la confirmation du jugement.

À titre subsidiaire, elle entend voir limiter à 5254,20 euros le montant de la garantie.

Elle conteste tout manquement à un devoir de conseil et sollicite paiement d’une indemnité de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des faits de l’espèce, des prétentions et moyens des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2016.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- Sur l’exclusion de garantie:

Dans son rapport définitif du 30 janvier 2013, le cabinet Saretec dommage Aquitaine, désigné en qualité d’expert par X, a évalué à 12611 euros le montant des dommages consécutifs au vol avec effraction du 13 octobre 2012 susceptibles d’être pris en charge par l’assureur, ce qui incluait, notamment, la somme de 5254 euros au titre des biens mobiliers en dépendance. Cette somme était portée en compte après application d’une limitation de garantie et l’expert avait bien précisé dans son tableau que des justificatifs de valeur avaient été fournis pour ces biens à hauteur de la somme de 101905 euros, ce qui correspondait, d’après le détail figurant en annexe du tableau, à la valeur totale des bouteilles de vin dérobées.

À la suite du dépôt de ce rapport, l’assureur a adressé à M. Y le 1er février 2013 un courrier dans lequel il indiquait procéder au règlement de la somme de 12149,20 euros correspondant au montant total de l’indemnité lui revenant, détaillée comme suit :

— détériorations immobilières : 164 €

— objets courants non justifiés : 2870 € – objets courants justifiés en existence : 200 €

— objets courants justifiés en valeur y compris la part de vétusté récupérable sur la télévision normalement versée sur présentation de la facture de rachat : 350 €

— réparation des fusils : 2692 €

— vins se trouvant dans la cave selon la limite de garantie : 5254,20 euros

— espèces justifiées : 750 €

— franchise à déduire : 131 €.

Dans le corps de son courrier, X a précisé que conformément aux conditions générales du contrat Privatis Cap 2008 et au tableau des montants de garantie et des franchises, l’indemnisation des biens se trouvant dans les caves, greniers, dépendances et garage suite à un vol est limité à six fois l’indice FFB, soit pour l’année 2012, à la somme de 5254,20 euros (6 x 875,70 euros).

Cette offre d’indemnisation, dépourvue de toute réserve ou condition, a été suivie du règlement effectif de la somme de 12149,20 euros ainsi que cela ressort du courrier adressé par l’assureur le 25 juillet 2013 dans lequel ce dernier précise: «Je vous confirme que notre indemnisation sera limitée au montant versé le 14 février 2013» après avoir rappelé que selon les informations communiquées par l’expert, les bouteilles dérobées étaient conservées dans une cave.

L’appelant a reconnu dans ses écritures avoir encaissé ce chèque.

Il apparaît ainsi que la société X, professionnelle de l’assurance, parfaitement informée du contenu des clauses contractuelles, a accepté de prendre partiellement en charge l’indemnisation du vol des bouteilles de vin à un moment où elle disposait, au vu de l’évaluation précise et détaillée faite par l’expert, de tous les éléments de fait lui permettant d’apprécier les droits de son assuré dans leur principe et leur montant et d’opposer le cas échéant l’exclusion de garantie fondée la qualification d’objets de valeur prévue par l’article 1/5 des conditions générales.

L’assureur a ainsi tacitement mais de manière non équivoque renoncé à invoquer cette clause contractuelle, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, et aucune conséquence ne peut être tirée à cet égard du refus opposé par M. Y à cette indemnisation partielle.

L’intimée n’a d’ailleurs fourni aucune explication sur sa renonciation dans ses écritures devant la cour.

Il en résulte que X n’était plus recevable à soulever pour la première fois l’exclusion de garantie dans ses écritures du 28 mai 2014 devant le tribunal de grande instance.

2- Sur le montant de la garantie:

À titre subsidiaire, la société X oppose à M. Y la clause spécifique au risque vol figurant en page 5 du tableau des montants de garantie et des franchises du contrat référence GCA 200180, qui limite sa garantie à 6 fois la valeur de l’indice FFB pour les vols survenus dans les caves, greniers, dépendances et garages.

En page 9/12 de ses dernières conclusions devant la cour, M. Y soutient toutefois que «les sous-limites de garantie en vol opposées par X» n’apparaissent pas dans les conditions particulières.

Il incombe en effet à l’assureur qui invoque une clause limitant sa garantie de démontrer que celle-ci a été portée à la connaissance de l’assuré, à tout le moins antérieurement à la réalisation du sinistre.

En l’espèce, dès lors qu’il les a lui-même produits en intégralité au débat, M. Y a bien eu connaissances des conditions personnelles de l’assurance habitation Privatis (pièce 2), ainsi que les autres documents contractuels visés en page 1 des conditions personnelles datées du 2 juillet 2010, à savoir :

— les conditions générales (référence GCA 200190) ' pièce 1

— le tableau des montants de garantie et des franchises (référence GCA 200180) ' pièce 3.

En outre, la dernière page des conditions personnelles comporte la mention suivante : «Le souscripteur reconnaît avoir reçu un exemplaire des documents contractuels figurant en page un des présentes conditions personnelles et certifie que les réponses ayant permis d’établir le contrat sont exactes.»

Enfin, en page 1 de ses conclusions devant la cour, M. Y a expressément indiqué avoir signé le 2 juillet 2010 «les conventions destinées à assurer dans les meilleures conditions l’immeuble dont il est propriétaire à Saint Selve, convention se présentant sous la forme de trois documents» dont il donne la description et qui correspondent à ceux précités.

Il suffisait en conséquence à l’assureur de démontrer que le vol a eu lieu dans l’un ou l’autre des locaux précités (caves, greniers, dépendances et garage) pour que la clause de limitation de garantie puisse être valablement invoquée.

Au vu du plan d’architecte versé au débat (pièce 15 de l’appelant), la maison d’habitation de M. Y est construite sur deux niveaux :

— un rez de chaussée composé de 9 pièces de vie (séjour, salle à manger, cuisine, 5 chambres, et un bureau), outre 3 salles de bains et deux WC, pour une surface hors 'uvre de 271,90 m²

— un sous-sol ayant une surface hors 'uvre de 228,40 m².

Il est constant que les bouteilles de grand vin de M. Y se trouvaient entreposées et conservées dans une pièce située au sous-sol de sa maison d’habitation, spécialement aménagée à cet effet avec des casiers sur plusieurs niveaux fixés aux murs, ainsi qu’en attestent les deux photographies figurant en pièce 12 par l’appelant, ce qui correspond bien à une cave selon la définition usuelle de ce mot.

Il est dès lors indifférent que ce local ait fait partie du même bâtiment que les pièces d’habitation et non dans une dépendance distincte et l’assuré ne peut utilement se prévaloir de la définition du terme «bâtiment» figurant en page 10 des conditions générales, selon laquelle sont assimilés aux bâtiments les sous-sols, garages, caves et greniers à usage non professionnel et situés à la verticale des biens immobiliers à usage d’habitation y compris ceux des immeubles collectifs. Cette définition est en effet propre aux risques afférents au bâtiment lui-même et non au vol de mobilier dans une cave, qui donnent lieu à des garanties distinctes, à savoir une indemnisation en valeur à neuf pour le bâtiment et une indemnisation dans la limite figurant aux conditions personnelles pour le mobilier usuel, ainsi que cela ressort des stipulations figurant en page cinq du tableau des montants de garantie (pièce 3 de l’appelant).

C’est donc à bon droit que l’assureur a entendu faire application de cette clause, qui ne nécessite aucune interprétation, en limitant sa garantie au titre des bouteilles volées à 6 fois la valeur de l’indice FFB applicable pour l’année 2012, soit ( de manière non contestée) 6 x 875,70 = 5254,20 euros.

L’assuré a donc été rempli de ses droits à la suite du règlement le 14 février 2013 de la somme de 12149,20 euros incluant la somme de 5254,20 euros.

Le jugement doit donc être confirmé, pour d’autres motifs, en ce qu’il a débouté M. Z Y de sa demande principale en paiement de la somme de 103069 € au titre de l’indemnité contractuelle.

3- Sur la responsabilité de X:

L’appelant soutient enfin que X aurait engagé sa responsabilité civile tant sur le fondement contractuel de l’article 1147 (devenu article 1231-1) du code civil que sur le fondement quasi délictuel des articles 1382 et 1383 du même code (devenus articles 1240 et 1241 du code civil), par manquement à ses devoirs d’information et de conseil, en omettant d’attirer son attention sur l’absence de couverture concernant le risque de vol des nombreux vins de valeur.

Il convient en premier lieu de relever que l’assureur a satisfait à son devoir pré-contractuel d’information par remise des documents visés à l’article 112-2 alinéa 2 du code des assurances dans leur rédaction en vigueur au 2 juillet 2010.

En outre, le tribunal a retenu à bon droit que M. Y n’établissait pas la preuve d’un manquement de l’assureur à son devoir de conseil.

Aucune des pièces produites au débat ne démontre en effet que l’appelant ait informé X, avant comme après la signature de la police d’assurance, qu’il détenait dans sa cave de nombreuses bouteilles de grands vins, pour une valeur cumulée supérieure à 100000 €.

Aucune des circonstances révélées lors de la conclusion du contrat, telle que l’activité de M. Y (exploitant en agriculture générale) ou les caractéristiques de l’habitation assurée (maison de neuf pièces, sans risque contigu) ne permettait l’assureur de se douter de la valeur des biens mobiliers détenus.

Il n’est fourni en outre aucune précision ni justificatif concernant les visites que l’agent d’assurance en charge du dossier aurait effectuées sur place et au cours desquelles il aurait dû lui-même se rendre compte du nombre et de la valeur des bouteilles.

Enfin, par la seule lecture de la clause particulière relative au vol dans les caves, greniers, dépendances et garages, claire et dépourvue d’ambiguïté, M. Y pouvait comprendre, sans conseil particulier, que l’assureur ne garantirait le vol éventuel de ses bouteilles de vin qu’à concurrence de 6 FFB soit une somme manifestement sans rapport avec leur valeur réelle, de sorte qu’il devait déclarer l’existence d’objets de valeur et régler en conséquence une prime adaptée au risque.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande subsidiaire en paiement de dommages et intérêts. 4- Il n’est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles et les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, par substitution de motifs pour ce qui concerne le rejet des demandes de M. Y au titre de l’indemnité contractuelle,

Y ajoutant,

Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. Z Y aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Elisabeth LARSABAL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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