Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 15 novembre 2021, n° 18/06641

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 15 nov. 2021, n° 18/06641
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 18/06641
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 3 octobre 2018, N° 16/00992
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 15 NOVEMBRE 2021

N° RG 18/06641 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KYQR

F D E

c/

SA MMA IARD

Société Civile MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 octobre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 16/00992) suivant déclaration d’appel du 12 décembre 2018

APPELANT :

F D E

né le […] à […]

demeurant […]

représenté par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Camille GARNIER, avocat plaidant au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉ ES :

SA MMA IARD, venant aux droits de la SA COVEA RISKS qu’elle a absorbée et en sa qualité de co-assureur suite à la décision n° 2015C-83 de l’Autorité de Contrôle Prudentiel du 22 octobre 2015 publiée au Journal Officiel du 16 décembre 2015", prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis […]

Société Civile MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, venant aux droits de la SA COVEA RISKS en sa qualité de co-assureur', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis […]

représentées par Maître Blandine FILLATRE de la SELARL GALY & ASSOCIÉS, avocat

postulant au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître ETCHEVERRY substituant Maître Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 octobre 2021 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Vincent BRAUD, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE

F D E a réalisé, sur les conseils de B C et par l’intermédiaire de X Y, une opération de défiscalisation sous la forme d’investissements en loi Girardin. À cette fin, il a souscrit un premier contrat de défiscalisation avec la société à responsabilité limitée Erivam Gestion le 31 août 2009, pour un investissement de 34 000 euros, puis un second contrat avec la même société le 27 août 2010, pour un investissement de 14 000 euros. Les deux investissements ont donné lieu à un redressement fiscal à la suite d’une proposition de rectification du 6 décembre 2012, de sorte qu’il a payé au Trésor public une somme de 57 767 euros au titre de la première opération et une somme de 22 874 euros au titre de la seconde. La société Erivam Gestion était assurée au titre de sa responsabilité civile auprès de la société Covea Risks.

Par actes du 11 janvier 2016, F D E a assigné devant le tribunal de grande instance de Bordeaux B C, maître Z A, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Erivam Gestion, la société Erivam Gestion ainsi que la société Covea Risks et X Y, exerçant sous l’enseigne Vendôme Finances, en payement de diverses sommes en raison des fautes commises et du préjudice consécutif subi suite à ses investissemments.

Par jugement réputé contradictoire en date du 4 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

' Constaté que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles viennent aux

droits de la compagnie Covea Risks ;

' Débouté F D E de sa demande à l’encontre de B C ;

' Débouté B C de sa demande reconventionnelle ;

' Déclaré responsables et tenus in solidum, du montant du redressement dont a fait 1'objet F D E à hauteur de 76 174 euros, X Y, exerçant sous 1'enseigne Vendôme Finances ainsi que la société Erivam Gestion, en liquidation judiciaire par jugement du 23 octobre 2012, en limitant la responsabilité de X Y, dans les recours entre les coobligés, à un tiers du préjudice, soit une somme arrondie à 25 000 euros ;

' Condamné X Y à payer à F D E la somme de 76 174 euros dont il est tenu responsable in solidum avec la société Erivam Gestion, dans les conditions précitées ;

' Dit que la demande de fixation de la créance d’F D E ne peut être accueillie à défaut de production d’une déclaration de créance ;

' Déclaré la demande de fixation de la créance d’F D E irrecevable à défaut d’une production de déclaration de créance ;

' Condamné X Y, tenu responsable in solidum avec la société Erivam Gestion, en procédure de liquidation judiciaire, à payer à F D E la somme de 76 174 euros, et dans ses rapports avec le co-responsable, en limitant sa responsabilité à 25 000 euros ;

' Débouté F D E de sa demande de condamnation in solidum à l’encontre de la société MMA IARD et de la société MMA IARD Assurances mutuelles, venant aux droits de la compagnie Covea Risks ;

' Débouté les parties des autres chefs de leur dernande ;

' Condamné X Y aux dépens ainsi qu’à payer à F D E une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que condamné F D E à payer à B C une somme de 1 500 euros au titre du même article, les autres parties supportant à leur charge les frais engagés non compris dans les dépens ;

' Dit n’y avoir lieu au prononcé de1'exécution provisoire.

Le tribunal a notamment débouté F D E de sa demande contre les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles au motif que la résiliation de la police souscrite par la société Erivam Gestion est intervenue avant la réclamation du demandeur.

Par déclaration du 12 décembre 2018, F D E a interjeté appel de la décision contre la société MMA IARD et la société MMA IARD Assurances mutuelles, en ce que le jugement « a débouté Monsieur D E de sa demande de condamnation in solidum à l’encontre de la société MMA IARD et de la société MMA IARD Assurances mutuelles, venant aux droits de la compagnie Covea Risks :

— à la somme de 76 174 euros au titre du préjudice financier outre intérêt au taux de 2% l’an à compter du décaissement des sommes,

— à la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral avec les intérêts légaux

— et la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. Annulation, réformation de la décision ».

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 3 juin 2021, F D E demande à la cour de :

' Confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré la société Erivam Gestion responsable du préjudice de F D E ;

' Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté F D E de sa demande de condamnation solidaire des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles venant aux droits de Covea Risks de :

— la somme de 76 174 euros au titre du préjudice financier outre intérêt au taux de 2 % l’an à compter du décaissement des sommes,

— la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral avec intérêts légaux,

— la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

Statuant à nouveau,

' Dire que la garantie des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles venant aux droits de Covea Risks doit s’appliquer ;

En conséquence :

' Condamner in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles venant aux droits de Covea Risks, à payer et porter à F D E :

— la somme en principal de 76 174 euros à titre de préjudice financier, outre intérêts au taux de 2 % l’an à compter du décaissement des sommes, subsidiairement la somme de 76 174 euros à titre de préjudice financier d’F D E avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation de la société Covea Risks, soit le 18 janvier 2018 et très subsidiairement la somme de 56 064 euros,

— la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation de la société Covea Risks, soit le 18 janvier 2018,

— la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

' Désigner la Caisse des dépôts et consignation comme séquestre, avec pour mission de conserver les fonds dans l’attente des décisions définitives tranchant les réclamations formées à l’encontre de la société Erivam Gestion concernant les montages commercialisés entre 2009 et 2010 et dans lesquelles le dommage a la même cause, sans que cette conservation ne puisse excéder cinq ans à compter de la date à laquelle le présent arrêt deviendra définitif ;

En tout état de cause,

' Débouter les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles venant aux droits

de Covea Risks de toutes ses demandes fins et conclusions non fondées ;

' Condamner in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles venant aux droits de Covea Risks, à payer et porter à F D E la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens d’appel.

Aux termes de leurs conclusions déposées le 15 juillet 2019, la société anonyme MMA IARD et la société d’assurance mutuelle à cotisations fixes MMA IARD Assurances mutuelles demandent à la cour de :

' Confirmer la décision du tribunal de grande instance de Bordeaux du 4 octobre 2018, sauf, le cas échéant, en sa motivation ;

À titre principal

' Juger que le contrat d’assurance de responsabilité civile souscrit par Erivam Gestion a cessé ses effets au moment de la réclamation d’F D E ;

' Juger par conséquent qu’aucune garantie n’est due ;

À titre subsidiaire

' Dire et juger qu’F D E ne rapporte pas la preuve d’une faute qui aurait été commise par la société Erivam Gestion ;

' Dire et juger qu’F D E ne rapporte pas la preuve d’un préjudice né, actuel et certain, tant dans son principe que dans son quantum ;

' Juger qu’F D E ne rapporte pas seul la preuve d’une créance de responsabilité civile à l’encontre de la société à responsabilité limitée Erivam Gestion ;

' Juger sans objet, par conséquent, la demande de condamnation formée à l’encontre de la compagnie MMA IARD ;

À titre plus subsidiaire

Et si par impossible, la cour retenait la responsabilité de la société Erivam Gestion vis-à-vis d’F D E, faisant droit à la thèse développée par celui-ci dans ses écritures,

' Dire et juger que toute demande de remboursement des fonds versés ne rentre pas dans l’objet de la garantie ;

' Dire et juger que les conséquences de l’obligation de résultat contractée par la société à responsabilité limitée Erivam Gestion sont exclues de la garantie ;

' Dire et juger que les conséquences d’engagements ayant pour objet de mettre à la charge de l’assuré la réparation de dommages qui ne lui auraient pas incombé en vertu du droit commun, soit la preuve d’une démonstration de la responsabilité civile, sont également exclues de la garantie ;

' Dire et juger , encore, que les conséquences d’une faute intentionnelle ou dolosive sont exclues de la garantie ;

' Juger par conséquent mal fondée toute demande de garantie formée à l’encontre de la

compagnie MMA IARD ;

À titre infiniment subsidiaire

' Constater que la compagnie MMA IARD assure la responsabilité civile professionnelle de la société Erivam Gestion dans la limite globale de 1 500 000 euros dans le cadre du sinistre sériel résultant de la souscription des produits de défiscalisation qu’elle a élaborés, et ce après déduction du montant des règlements qui auraient pu être effectués par la compagnie MMA IARD au titre des autres réclamations répondant du même sinistre, au sens contractuel, intervenu au jour de ladite réclamation ;

' Désigner tel séquestre qu’il plaira à la cour avec pour mission, n’excédant pas une période de 5 ans, de conserver les fonds dans l’attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées à l’encontre de la société Erivam Gestion concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés ;

' Juger que la somme correspondant à la franchise par sinistre, soit 50 000 euros, à charge de la société Erivam Gestion, doit être déduite du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l’encontre de la compagnie MMA IARD dans le cadre où le tribunal devait retenir la responsabilité de la société Erivam Gestion ;

' Juger que ce même montant serait déduit de chacune des condamnations prononcées au profit de chacun des investisseurs si la cour ne retenait pas une globalisation des sinistres dans le cas présent ;

En tout état de cause,

' Condamner F D E à payer à la compagnie MMA IARD, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner F D E aux entiers dépens de la présente instance, qui seront recouvrés par maître Galy, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles ont déposé le 16 septembre 2021 de nouvelles conclusions au dispositif identique aux précédentes.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2021 et l’affaire a été fixée à l’audience du 4 octobre 2021.

Aux termes de conclusions déposées le 1er octobre 2021, F D E demande à la cour de :

' Déclarer irrecevables, rejeter et écarter des débats les conclusions récapitulatives no 2 et les pièces nos 24 à 36 par MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles communiquées le vendredi 17 septembre 2021 pour cause de tardiveté.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le contradictoire :

L’article 15 du code de procédure civile dispose : « Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que

chacune soit à même d’organiser sa défense. »

L’article 16, alinéas 1 et 2, du même code dispose : « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

« Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. »

Les conclusions des intimées du 16 septembre 2021 contiennent plusieurs développements nouveaux, et sont accompagnées de 13 pièces nouvelles numérotées 24 à 36.

Un premier développement relatif à l’interprétation de la loi Girardin par l’administration fiscale, et à son incidence sur l’appréciation de la responsabilité de la société Erivam Gestion s’étend de la page 12 à la page 17, et est complété d’un second ajout d’une page.

Un paragraphe est ajouté sur la responsabilité d’Électricité de France dans la survenance du dommage éprouvé par l’investisseur.

Un autre développement de près d’une page porte sur la consistance du préjudice subi par l’appelant.

Les pièces nouvelles sont des décisions de jurisprudence prononcées entre le 7 janvier 2020 et le 17 août 2021.

Au regard de l’importance des développements nouveaux contenus dans les écritures du 16 septembre 2021, du nombre des pièces produites à leur soutien, de la relative ancienneté d’une partie d’entre elle, seuls deux jugements produits ayant été rendus après les dernières conclusions d’F D E, les intimées, qui ont déposé leurs conclusions le jeudi 16 septembre 2021, à 18 heures 36, en vue d’une clôture de l’instruction le lundi suivant annoncée par un avis du 27 avril 2021, n’ont pas fait connaître à leur adversaire en temps utile les nouveaux arguments sur lesquels elles fondent leurs prétentions et la jurisprudence qu’elles produisent, de sorte qu’F D E n’a pas été à même d’organiser sa défense avant la clôture de l’instruction. Les dernières conclusions et pièces des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles, déposées le 16 septembre 2021, doivent en conséquence être écartées des débats.

Sur la garantie des assureurs :

Il est constant que la compagnie Covea Risks, aux droits et obligations de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles, était l’assureur de responsabilité civile de la société Erivam Gestion selon police no 118.263.249 ayant pris effet le 1er février 2009 et ayant été résiliée le 1er juin 2012.

1) Sur la résiliation du contrat d’assurance :

L’appelant soutient que la garantie des assurances MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles doit s’appliquer dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation de la police d’assurance souscrite en « base réclamation » et que la première réclamation à l’assureur est effectuée dans le délai prévu au contrat après la date de résiliation de la police d’assurance qui ne peut être inférieur à 5 ans.

L’article L. 124-5, alinéas 4 et 5, du code des assurances, créé par la loi du 1er août 2003 de sécurité financière et entré en vigueur le 2 novembre 2003, dispose :

« La garantie déclenchée par la réclamation couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l’assuré postérieurement à la date de résiliation ou d’expiration que si, au moment où l’assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n’a pas été resouscrite ou l’a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. L’assureur ne couvre pas l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s’il établit que l’assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.

« Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur à cinq ans. Le plafond de la garantie déclenchée pendant le délai subséquent ne peut être inférieur à celui de la garantie déclenchée pendant l’année précédant la date de la résiliation du contrat. Un délai plus long et un niveau plus élevé de garantie subséquente peuvent être fixés dans les conditions définies par décret. »

Il est stipulé, page 19 du contrat, au paragraphe A Durée de la garantie, ce qui suit :

« Conditions d’application de la garantie :

« Cette assurance garantit l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration d’un délai maximum de dix ans à compter de sa date de résiliation ou d’expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre. […]

« Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l’assuré postérieurement à la date de résiliation ou d’expiration que si, au moment où l’assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n’a pas été resouscrite ou l’a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. »

La réclamation d’F D E a été faite le 18 janvier 2016, date de l’assignation par lui délivrée à la compagnie Covea Risks, soit dans le délai légal et contractuel de la garantie subséquente courant après la résiliation de la police.

L’intimée oppose à F D E que rien n’indique cependant que la garantie n’ait pas été resouscrite avant la résiliation de la police contractée auprès de la compagnie Covea Risks. Elle en déduit que rien ne justifie que la garantie soit due.

L’article 1315 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, dispose :

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

« Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

En l’occurrence, F D E, qui réclame aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles l’exécution de leur obligation de garantie, la prouve par la police no 118.263.249 souscrite par leur assurée.

Réciproquement, les assureurs, qui se prétendent libérés par l’effet de la souscription éventuelle d’une nouvelle garantie, doivent en justifier, ce qu’ils ne font pas en l’occurrence.

La garantie souscrite par la société Erivam Gestion s’applique donc à la présente réclamation.

2) Sur la responsabilité civile de l’assurée :

Les intimées font valoir que la mise en jeu de la garantie de responsabilité civile souscrite par la société Erivam Gestion auprès de la compagnie Covea Risks suppose que soit rapportée la preuve d’une dette de responsabilité pesant sur l’assurée. Elles contestent une telle responsabilité, tant au regard de la faute de la société Erivam Gestion que du préjudice d’F D E, aux motifs que :

' le montage mis en place par la société Erivam Gestion était valide au moment où il a été conçu ;

' le redressement fiscal est la conséquence d’un changement ultérieur de la doctrine de l’administration fiscale ;

' Électricité de France fut déficiente dans le traitement des demandes de raccordement faites en temps utile ;

' le risque fiscal doit être supporté par l’investisseur dûment informé ;

' la perte de l’investissement ne saurait constituer un préjudice puisqu’il se faisait à fonds perdus ; en tout état de cause, il ne pourrait s’agir que d’une perte de chance de ne pas souscrire ;

' F D E ne peut alléguer une perte de chance de bénéficier de l’avantage fiscal, parce qu’aucun préjudice indemnisable ne peut découler du payement de l’impôt ; en tout état de cause, il ne démontre pas qu’il aurait pu investir autrement ;

' le préjudice moral n’est pas démontré, alors qu’un investissement fiscal comporte notoirement une part de risque.

La cour observe toutefois que le jugement n’est frappé d’appel qu’en ce qu’il déboute F D E de ses demandes contre les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles, et que ni la société Erivam Gestion, ni son liquidateur n’ont été attraits en cause d’appel. Il s’ensuit que le jugement querellé est définitif en ses chefs non critiqués, notamment en ce qu’il déclare responsables et tenus in solidum, du montant du redressement dont a fait 1'objet F D E à hauteur de 76 174 euros, X Y ainsi que la société Erivam Gestion.

La dette de responsabilité pesant sur l’assurée est ainsi établie.

Pour la même raison, il n’y a pas lieu d’examiner en cause d’appel les chefs de préjudice pour lesquels F D E demande réparation, ceux-ci étant définitivement liquidés à l’égard de la société Erivam Gestion, de sorte que les assureurs de celle-ci ne sauraient être tenus au-delà de cette déclaration de responsabilité.

3) Sur les exclusions de garantie :

Aux termes de l’article L. 112-6 du code des assurances, l’assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur

originaire.

a) Sur les exclusions de garantie concernant l’obligation de résultat et concernant la conséquence des engagements de l’assuré :

Il est stipulé, page 5, paragraphe B Exclusions, du contrat d’assurance de responsabilité civile souscrit par la société Erivam Gestion, que sont exclues de la garantie « les réclamations et dommages découlant d’une obligation de résultat ou de performance commerciale, financière des services rendus, sur laquelle l’assuré se serait engagé expressément ».

Sont encore exclues de la garantie souscrite par la société Erivam Gestion« les conséquences d’engagement ayant pour objet de mettre à la charge de l’assuré la réparation de dommages qui ne lui auraient pas incombé en vertu du droit commun ».

Les intimées soutiennent à raison qu’en l’espèce, ces clauses excluent de la garantie les suites de l’engagement pris par la société Erivam Gestion aux termes des attestations de garantie de risque fiscal qui étaient jointes aux dossiers de souscription, et qui précisaient : « Assurer la garantie du risque fiscal des investisseurs des sociétés en participations créées par Erivam par le biais d’une assurance responsabilité civile souscrite auprès de Covea Risks » (pièce no 7 de l’appelant).

La responsabilité civile de la société Erivam Gestion n’est toutefois pas engagée sur le seul manquement à une obligation de résultat fiscal qu’elle aurait de la sorte souscrite envers F D E, mais également sur le fait qu’elle lui a par la suite délivré à tort des attestations fiscales détaillant le montant de son investissement et le montant de la réduction d’impôt auquel il pouvait prétendre (pièces nos 19, 26, 34 de l’appelant). Il appartenait en effet à la société Erivam Gestion de s’assurer, une fois l’investissement réalisé, que les conditions étaient réunies pour obtenir l’avantage fiscal recherché, et notamment que les centrales photovoltaïques financées étaient raccordées en temps utile au réseau de distribution d’électricité. Bien que ce ne fût pas le cas, elle a délivré à F D E des attestations en ce sens, qui l’ont exposé à un redressement fiscal. La responsabilité découlant de la faute ainsi commise échappe aux exclusions de garantie précitées.

b) Sur l’exclusion de garantie relative à la faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré :

Aux termes de l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré.

Sont exclus de la garantie souscrite par la société Erivam Gestion « les dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré ».

Il incombe à l’assureur opposant une clause d’exclusion de garantie de rapporter la preuve de la réunion des conditions de fait de celle-ci.

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles font valoir en ce sens que la société Erivam Gestion, en délivrant des attestations, devait nécessairement savoir que son produit n’était pas éligible puisque la délivrance de ces attestations intervient plusieurs semaines après le 31 décembre de l’exercice fiscal précédent, au cours duquel la centrale devait avoir fait l’objet d’un raccordement. Cette attitude, parfaitement consciente, a privé d’aléa la convention passée avec l’assureur.

F D E répond que le simple fait de délivrer une attestation erronée qui constitue une omission ne saurait, à lui seul, caractériser une faute intentionnelle ou dolosive.

Il n’est en effet pas démontré que la société Erivam Gestion ait eu, ce faisant, la volonté de causer à F D E le dommage allégué, c’est-à-dire de l’exposer à un redressement fiscal. Il était au contraire de l’intérêt de l’assurée d’entretenir ses relations d’affaires avec son client pour lui proposer, comme elle l’a fait, de bénéficier chaque année des possibilités existantes de défiscalisation. Les assureurs échouent à démontrer que l’assurée avait la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu. La faute intentionnelle n’est pas caractérisée.

Au contraire, les intimées font valoir que l’investissement conçu par la société Eviram Gestion était alors parfaitement valide et donnait lieu à une réduction fiscale du fait de la livraison effective de l’immobilisation. La doctrine administrative 5b-2-07 du 30 janvier 2007 précisait en effet que « le premier alinéa de l’article 95 Q de l’annexe II prévoit que l’année de réalisation de l’investissement s’entend de l’année au cours de laquelle l’immobilisation est créée, c’est-à-dire assumée par l’entreprise, au lieu livré au sens de l’article 1604 du code civil ». Or, la livraison entendue dans cette acception a eu lieu en l’espèce avant le 31 décembre de l’année de la seule remise des immobilisations à leurs acquéreurs. L’inéligibilité du produit litigieux au dispositif de la loi Girardin résulte d’une nouvelle interprétation des conditions du dispositif. Dans ces circonstances, il ne peut être tenu pour établi que la délivrance des attestations fiscales litigieuses ait fait disparaître tout aléa du seul fait de la volonté de l’assurée. La faute dolosive n’est pas caractérisée.

4) Sur la globalisation :

L’article L. 124-1-1 du code des assurances dispose : « Au sens du présent chapitre, constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l’assuré, résultant d’un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique. »

Le sinistre est pareillement défini, à la page 4 du contrat, comme suit : « Tout dommage ou ensemble de dommages causés à autrui, engageant la responsabilité de l’assuré, résultant d’un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique. »

La réclamation est définie en ces temes :« Mise en cause de la responsabilité de l’assuré, soit par lettre adressée à l’assuré ou à l’assureur, soit par assignation devant un tribunal civil ou administratif. »

Le plafond de garantie stipulé au contrat d’assurance de la responsabilité civile souscrite par la société Erivam Gestion est fixé à 1 500 000 euros « par sinistre et par an ».

Les intimées demandent à la cour de tenir compte, pour l’application dudit plafond de garantie, des quelque cinquante procédures concernant le même assuré et le même produit, dont les enjeux sont supérieurs au montant de 1 500 000 euros. Du fait de la globalisation de ces sinistres, le montant de la franchise contractuelle, fixée à 50 000 euros, sera déduit de l’ensemble des condamnations.

L’appelant reconnaît que l’ensemble des procédures visées par les intimées constitue un seul sinistre, qu’il y a lieu de considérer que le sinistre est sériel, et qu’une seule franchise doit être appliquée à l’ensemble des sinistres causés par la société Erivam Gestion pour les montages commercialisés entre 2009 et 2010.

Les parties s’opposent en revanche sur l’application du plafond de garantie par année d’assurance : les assureurs soutiennent que cette clause ne s’applique pas en cas de globalisation, tandis qu’F D E sollicite son application en distinguant son sinistre survenu au cours de l’année 2009 et celui qui est survenu au cours de l’année 2010.

D’une part, l’année d’assurance s’entend, non d’une année civile, mais d’une année de garantie. Elle ne saurait se confondre en l’espèce avec l’année d’investissement.

D’autre part, l’ensemble des réclamations qui sont la conséquence d’un même fait dommageable, quels que soient leur nombre et le délai dans lequel elles sont présentées, constituent un seul et même sinistre imputé à l’année d’assurance au cours de laquelle la première réclamation a été formulée.

F D E n’est donc pas fondé à opérer, pour l’application du plafond de garantie, une distinction entre les deux investissements qu’il a réalisés.

5) Sur le séquestre :

Aux termes de l’article L. 124-3, alinéa 2, du code des assurances, l’assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n’a pas été désintéressé, jusqu’à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l’assuré.

Les parties s’accordent sur le fait qu’il est probable que le plafond de garantie soit dépassé, qu’il convient donc de dire qu’une répartition au marc le franc doit avoir lieu, et qu’un séquestre doit être désigné sans que cette conservation ne puisse excéder cinq ans à compter de la date à laquelle le présent arrêt deviendra définitif.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles seront condamnées in solidum à payer à F D E la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles par lui exposés en première instance et en appel.

LA COUR, PAR CES MOTIFS,

Écarte des débats les conclusions récapitulatives numéro 2 et les pièces numéros 24 à 36 déposées le 16 septembre 2021 par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles ;

Infirme le jugement sur les chefs critiqués ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles à

payer à F D E la somme de 76 174 euros au titre de la garantie souscrite par la société Erivam Gestion, selon les modalités et dans les limites ci-après précisées ;

Dit que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles assurent la responsabilité civile professionnelle de la société Erivam Gestion dans la limite globale de 1 500 000 euros au titre du sinistre sériel résultant de la souscription des produits de défiscalisation qu’elle a élaborés ;

Dit que la franchise de 50 000 euros est applicable à l’ensemble du sinistre sériel ;

Désigne la Caisse des dépôts et consignation comme séquestre, avec pour mission de conserver la somme de 76 174 euros dans l’attente des décisions définitives tranchant les réclamations formées contre la société Erivam Gestion concernant le même sinistre, et pour procéder le cas échéant à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés, sans que cette conservation ne puisse excéder cinq ans à compter de la date à laquelle le présent arrêt deviendra définitif ;

Condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles à payer à F D E la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles par lui exposés en première instance et en appel ;

Condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles aux dépens de première instance et d’appel exposés par F D E ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 15 novembre 2021, n° 18/06641