Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 16 septembre 2021, n° 19/02477

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, ch. soc. sect. b, 16 sept. 2021, n° 19/02477
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 19/02477
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bordeaux, 3 avril 2019, N° F17/01263
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B


ARRÊT DU : 16 SEPTEMBRE 2021

(Rédacteur : Monsieur Hervé BALLEREAU, Conseiller)

PRUD’HOMMES

N° RG 19/02477 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LABZ

Monsieur E X

c/

SCE G Y

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 avril 2019 (R.G. n°F17/01263) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Agriculture, suivant déclaration d’appel du 02 mai 2019,

APPELANT :

E X

né le […] à […]

de nationalité Française

Profession : Ouvrière en viticulture, demeurant […]

Représenté et assisté par Me Julie MENJOULOU-CLAVERIE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SCE G Y, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social […]

Représentée et assistée par Mme FONSECA mandatée (Défenseur syndical)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 juin 2021 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Luce Grandemange, présidente,

Madame Emmanuelle Leboucher, conseillère,

Monsieur Hervé Ballereau, conseiller,

qui en ont délibéré.

greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Selon un contrat de professionnalisation à durée indéterminée du 2 septembre 2013, la société G Y (la société) a engagé M. E X en qualité d’ouvrier vitivinicole.

Par lettre en date du 9 mars 2015, M. X a sollicité le paiement d’heures supplémentaires, qui étaient contestées dans leur principe par l’employeur dans sa réponse du 20 mars 2015.

Dans un nouveau courrier du 7 avril 2015, le salarié réitérait sa demande en paiement d’heures supplémentaires et réclamait le paiement de diverses primes et de congés payés.

Le 22 août 2015, M. X a pris acte de la rupture de son contrat de professionnalisation dont il imputait la responsabilité à l’employeur.

Le 4 août 2017, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux aux fins de voir requalifier la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de voir condamner la société G Y au paiement de diverses sommes à titre d’heures supplémentaires, indemnités et dommages et intérêts.

Par jugement du 4 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a :

• dit que la prise d’acte de la rupture revêtait le caractère d’une démission,

• ordonné à la société G Y le paiement à M. X de la somme 269,08 euros au titre des congés payés,

• ordonné à la société G Y la remise, sans astreinte, du bulletin de salaire d’août 2015 rectifié,

• ordonné à la société G Y la remise, sans astreinte, de l’attestation Pôle Emploi rectifiée,

• débouté M. X de sa demande d’article 700 du code de procédure civile,

• débouté la société G Y de sa demande reconventionnelle,

• débouté les parties du surplus de leurs demandes,

• laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens et frais éventuels d’exécution.

Par déclaration du 2 mai 2019, M. X a relevé appel du jugement.

Par ses dernières conclusions du 15 juillet 2019, M. X sollicite de la cour qu’elle infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau :

• condamne la société G Y au paiement des sommes suivantes :

—  2 505,82 euros bruts au titre des 193 heures supplémentaires,

—  8 745 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

—  171,90 euros bruts au titre de la prime d’intempéries,

—  17,19 euros brut au titre des congés payés afférents

—  816,81 euros bruts au titre des paniers repas de novembre à mars 2015,

—  1 430,44 euros bruts au titre de la prime de vendanges,

—  605 euros bruts au titre du solde des congés payés,

—  850 euros au titre des frais de déplacement,

• prononce la requalification de la prise d’acte de la rupture de son contrat à durée indéterminée en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

• condamne la société au paiement des sommes suivantes :

—  1 457 euros bruts au titre du préavis,

-145 euros brut à titre de congés payés sur préavis

—  585,80 euros nets à titre d’indemnité de licenciement,

—  10 000 euros au titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L 1235-3 du code du travail,

• ordonne la remise des bulletins de salaire et documents de fin de contrat conformes à la décision et la rectification des bulletins de salaire sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter de l’arrêt,

• condamne la société G Y au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l’article L 1222-1 du code du travail,

• condamne la société au paiement d’une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d’appel.

M. X développe en substance l’argumentation suivante:

— Il notait quotidiennement ses heures de travail puisque l’employeur ne tenait aucun registre des horaires effectués ; 193 heures supplémentaires ont été effectuées avec l’accord au moins implicite de l’employeur ;

— La dissimulation de ces heures non payées est manifestement intentionnelle ;

— La prime intempérie prévue par l’article 42 de la convention collective, n’a pas été versée en 2014 et 2015 alors qu’un versement a bien été fait en 2013 ;

— Le salarié a été privé de l’indemnité de panier repas de novembre 2014 à mars 2015, alors qu’il était affecté à St Caprais de Bordeaux, à plus de 10 km du lieu de travail habituel ; tous les autres salariés ont reçu la prime ;

— Il n’a pas perçu la prime de vendanges, à la différence là-encore des autres salariés, occupés comme lui à des travaux vitivinicoles ; l’expérience professionnelle n’est pas une condition du versement de cette prime ;

—  9 jours de congés payés lui restent dus et le décompte était effectué en jours ouvrables et non en jours ouvrés ;

— Le défaut de paiement de l’intégralité des salaires et primes, les insultes et le fait d’imposer des congés sans solde, constituent des agissements qui caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail ;

— Les manquements commis par l’employeur sont suffisamment graves pour justifier la prise d’acte aux torts de l’employeur (refus de verser la prime intempéries, retenues sur salaire injustifiées, refus de remettre le décompte des congés payés, congés sans solde imposés, insultes, utilisation frauduleuse de la signature du salarié pour falsifier un contrat de travail à durée déterminée alors que l’intéressé était embauché en contrat de travail à durée indéterminée, non paiement de la prime de vendange et des paniers repas).

Aux termes de ses dernières conclusions du 27 septembre 2019, la société G Y sollicite de la cour qu’elle :

• confirme le jugement déféré,

• déboute M. X de l’ensemble de ses demandes.

Elle développe en substance l’argumentation suivante:

— M. X avait fait le choix de rester sur son lieu de travail au-delà des heures de travail prévues au contrat, pour se livrer à des expériences de vinification en vue de son BTS agricole ; rien n’établit que l’employeur lui ait demandé d’effectuer les heures supplémentaires qu’il revendique ;

— La prime d’intempéries lui a été payée par erreur en 2013 et l’ensemble du personnel dispose de vêtements de pluie ;

— Le site de St Caprais est situé à 13 km du siège de l’entreprise ; or, le versement de la prime de panier suppose un travail à plus de 15km du lieu de rassemblement habituel du personnel ;

— L’inexpérience de M. X justifie le non versement de la prime de vendanges ;

— Le salarié a bénéficié de 51 jours ouvrés de congés payés, soit 4,80 jours en trop ;

— Il ne justifie pas de la nécessité d’engager des frais de déplacement alors que l’entreprise dispose de véhicules de service servant au transport des salariés ;

— Aucune faute n’a été commise par l’employeur justifiant que la prise d’acte lui soit imputable ; les cas de fermeture de l’entreprise autorisent l’employeur à imposer un congé sans solde ; deux formulaires CERFA ont été signés dont un mentionne par erreur un contrat de travail à durée déterminée : aucune fraude n’est établie.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2021.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur la qualification du contrat de travail:

Les parties sont en désaccord sur la durée du contrat de travail, M. X soutenant qu’il s’agissait d’un contrat de travail à durée indéterminée alors que la société G Y affirme pour sa part avoir embauché le salarié en contrat de travail à durée déterminée.

Il est constant que les parties étaient liées par un contrat de professionnalisation tel que défini par les articles L 6325-1 et suivants du code du travail.

Aux termes de l’article L 6325-5 du même code, le contrat de professionnalisation est un contrat de travail à durée déterminée ou à durée indéterminée. Il est établi par écrit.

Lorsqu’il est à durée déterminée, il est conclu en application de l’article L 1242-3.

En l’espèce, si M. X verse aux débats la copie d’un contrat établi sur la base d’un formulaire CERFA n°12434*02 sur lequel a été cochée la case 'C.D.I.', il doit être relevé que la rubrique 'Date de fin du C.D.D. ou de l’action de professionnalisation si C.D.I.' mentionne la date du 31 août 2015.

Or, il résulte des dispositions de l’article L 6325-11 du code du travail que l’action de professionnalisation est comprise entre 6 et 12 mois, de telle sorte que le contrat ayant débuté le 2 septembre 2013, cette période ne pouvait excéder le 2 septembre 2014.

En outre, la société G Y produit pour sa part un contrat de travail également signé des deux parties, établi sur le même formulaire, qui mentionne qu’il s’agit d’un contrat de travail à durée déterminée et elle produit encore une déclaration unique d’embauche dont il résulte que l’emploi du salarié a bien été déclaré à la MSA comme s’agissant d’un contrat de travail à durée déterminée.

Le courrier de la MFR de Vayres adressé à l’employeur le 18 décembre 2015 relève que tous les élèves en contrat de professionnalisation sont recrutés en contrat de travail à durée déterminée et que si, sur l’exemplaire pré-rempli par cet établissement de formation et remis à M. Y, est cochée la case 'C.D.I.', cette mention relève d’une erreur matérielle.

Mme Z, assistante commerciale, témoigne en outre de ce que tous les contrats de professionnalisation conclus au sein de la société G Y le sont sous la forme de contrats de travail à durée déterminée et de ce qu’elle a fait signer à M. X un formulaire de contrat de professionnalisation en contrat de travail à durée déterminée.

La commune intention des parties était ainsi manifestement une embauche en contrat de travail à durée déterminée, qualification juridique qu’il convient donc de retenir.

2- Sur les demandes de rappel de salaires et indemnités:

2-1: Sur les heures supplémentaires:

En vertu de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux

fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il appartient donc au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, il est justifié de l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée à la société G Y le 9 mars 2015, aux termes de laquelle M. X réclamait le paiement de 193 heures supplémentaires couvrant les périodes du 17 février au 22 août 2014, du 15 septembre au 31 octobre 2014 et du 9 au 28 février 2015.

Le salarié relevait sur cette dernière période le fait qu’il travaillait effectivement 39 heures par semaine au lieu des 35 heures prévues au contrat.

Ce courrier contient des tableaux décrivant, pour chacune des périodes considérées, le nombre d’heures effectuées par semaine civile.

Le salarié a réitéré sa demande par lettre du 7 avril 2015.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.

A cet égard et s’il résulte tant des termes d’un courrier adressé par l’employeur au salarié le 20 mars 2015 en réponse à sa demande en paiement d’heures supplémentaires, que des attestations de MM. I D, J A et K B, salariés de l’entreprise, que M. X a pu se montrer peu respectueux des horaires d’embauche et assurer de sa propre initiative des temps de présence dans l’entreprise dans le cadre de la formation inhérente à son contrat de professionnalisation, en dehors de toute prestation effectuée pour le compte et à la demande de la société G Y, il n’en demeure pas moins que cette dernière ne produit aucun relevé des heures de travail effectivement réalisées par le salarié et aucun élément objectif propre à permettre un contrôle des heures effectivement travaillées.

Or, en vertu des dispositions de l’article 36 de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde, l’employeur doit être en mesure de présenter un registre ou document dans lequel est émargé chaque mois par le salarié le nombre d’heures de travail effectué.

Il n’est justifié en l’espèce par la société G Y d’aucun document de ce type.

Toutefois, si les heures supplémentaires revendiquées par M. X ne sont pas utilement contestées dans leur principe, les éléments susvisés que produit l’employeur ainsi que la présence de certaines incohérences dans les décomptes du salarié, conduisent à minorer le quantum de la réclamation.

Il doit à cet égard être observé que concernant les semaines 17, 18, 22 et 29 de l’année 2014, M. X réclame 9 heures supplémentaires alors qu’il mentionne des horaires hebdomadaires de moins de 35 heures, étant ici rappelé que pour déterminer le nombre d’heures supplémentaires ouvrant droit à majoration de salaire, il n’est pas tenu compte des heures non travaillées en raison d’un jour férié, de telle sorte que leur prise en compte par M. X pour le lundi de Pâques, le 1er mai, l’Ascension et le 14 juillet, ne permet pas d’augmenter de façon artificielle le nombre d’heures effectivement travaillées sur les semaines considérées.

En considération de l’ensemble de ces éléments, la cour est en mesure de fixer à 90 le nombre d’heures supplémentaires justifiées pour l’ensemble de la période litigieuse, représentant un rappel de salaire de 1.080,90 euros brut outre 108,09 euros brut au titre des congés payés afférents.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté M. X de ce chef de demande.

2-2: Sur le travail dissimulé:

En vertu des dispositions de l’article L 8221-5 du Code du travail, le fait se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, est réputé travail dissimulé.

En application de l’article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits visés à l’article L 8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Au regard des circonstances de l’espèce, l’absence de mention sur les bulletins de paie d’heures supplémentaires dont le quantum n’est que partiellement retenu, n’apparait pas déterminant d’une intention de l’employeur de se soustraire au paiement de la totalité des heures effectuées par M. X.

Cette intention alléguée est d’autant moins caractérisée qu’il résulte des éléments précités dont se prévaut l’employeur, que le salarié ne respectait les horaires contractuels de travail que de façon aléatoire et qu’il lui est arrivé de prendre l’initiative de se rendre au siège de l’entreprise en dehors des horaires habituels de travail

Ainsi et au regard des éléments de fait soumis à la cour, il n’est pas établi que la société G Y ait eu l’intention de dissimuler une partie des heures de travail de M. X.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. X de sa demande.

2-3: Sur la prime d’intempéries:

L’article 42 de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde, intitulé 'Prime annuelle intempéries – Equipements de protection individuelle des salariés', prévoit le versement, au profit des ouvriers permanents, d’une prime annuelle égale à 9 fois le salaire horaire afférent à la catégorie B, afin de participer à l’achat de vêtements de pluie.

S’agissant des salariés temporaires, il est prévu que des équipements de protection individuelle ou des vêtements de travail appropriés doivent leur être fournis conformément aux articles L 1251-23 et R4321-4 du code du travail.

M. X se fonde d’une part sur la perception d’une telle prime au mois de décembre 2013, d’autre part sur sa qualité d’ouvrier permanent, pour solliciter un rappel de prime pour les années 2014 et 2015.

Il ne peut être utilement soutenu, en l’absence d’usage contraire, que l’erreur du versement en 2013 d’une 'prime annuelle intempéries’ d’un montant de 81 euros soit créatrice de droit, tandis que les termes de la convention collective sur la nature permanente ou temporaire des emplois sont dépourvus d’ambiguïté et qu’il ne peut donc pas être plus utilement retenu que M. X, qui était embauché en contrat de travail à durée déterminée de professionnalisation ainsi que cela résulte des pièces versées aux débats et développements qui précèdent, ait rempli les conditions requises pour bénéficier d’une prime annuelle d’intempéries en 2014 et en 2015.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef de demande.

2-4: Sur les paniers repas:

L’article 76 de la convention collective modifié par avenant du 20 avril 2010, dispose que les salariés et apprentis appelés à effectuer des travaux sur un chantier plus éloigné de leur domicile que le lieu de habituel de travail et qui, de ce fait, se trouvent dans l’impossibilité de prendre, à leur foyer, leur repas de midi ont droit à une indemnité de panier à moins qu’ils ne soient nourris aux frais de l’employeur.

Le taux de la dite indemnité est fixé par repas à une fois et demie le salaire horaire afférent à la catégorie B.

Exceptionnellement, lorsqu’il est demandé à l’ouvrier de prendre son véhicule pour se rendre à un lieu de travail distant de plus de 10 km du lieu habituel de rassemblement, une indemnité de trajet sera versée à celui-ci (…).

M. X soutient qu’à la différence de ses collègues, il n’a pas perçu l’indemnité de panier alors qu’il était affecté à Saint Caprais de Bordeaux entre novembre 2014 et mars 2015, ce qui représente 57 repas à 14,33 euros.

S’il apparaît que l’employeur invoque à tort les dispositions de l’article 85 de la convention collective du 23 juin 2015 concernant les exploitations agricoles de la Gironde, puisque la période litigieuse est antérieure à l’entrée en vigueur de ce texte, il n’en demeure pas moins que la différence de traitement alléguée par M. X n’est pas établie dès lors que si les bulletins de paie d’autre salariés produits par l’employeur comportent in fine une ligne intitulée 'Paniers', cette ligne n’est pas valorisée, de telle sorte qu’il n’est pas établi que les collègues de travail de M. X aient perçu une quelconque indemnisation pendant la période litigieuse au titre des repas.

Cependant, il ressort de l’extrait du site internet 'Google Maps’ versé aux débats par l’employeur que le site de Château Canteloup situé sur la commune de St Caprais de Bordeaux est distant de 13,8 km, représentant un temps de trajet moyen en voiture de 17 minutes, de telle sorte qu’il s’agissait d’un chantier plus éloigné du domicile du salarié que son lieu de habituel de travail et que l’intéressé, de ce fait, se trouvait dans l’impossibilité de rentrer le midi à son domicile pour prendre son repas avant de repartir sur le lieu de travail qui lui était assigné.

C’est donc à tort que les premiers juges ont débouté M. X de sa demande au titre des indemnités de panier et il convient de condamner la société G Y à lui payer de

ce chef la somme de 816,81 euros à titre de rappel d’indemnité.

2-5: Sur la prime de vendanges:

Le fait pour l’employeur de poser des conditions au versement de primes ou de gratifications n’est pas en soi discriminatoire quand bien même les critères retenus auraient pour effet de priver certains salariés de ces accessoires de rémunération.

Encore faut-il que l’employeur justifie alors de critères objectifs, précis et vérifiables permettant de définir l’étendue et les limites de son obligation, notamment lorsque la prime résulte d’un engagement unilatéral de sa part.

En l’espèce, M. X fait valoir l’absence de versement d’une prime dite de vendanges, dont plusieurs de ses collègues ont bénéficié au mois d’octobre 2014, pour des montants variables allant de 722,80 euros à 1.373 euros, ainsi que cela résulte des bulletins de paie de MM. A, B, C et L M, versés aux débats par l’employeur, ces trois derniers salariés ayant la même qualification d’ouvrier agricole.

La société G Y soutient que cette prime était versée en raison de l’expérience et du niveau de technicité dans toutes les opérations culturales, d’entretien du matériel et des travaux de chai.

Elle ne produit toutefois aucun élément de nature à permettre un contrôle par la cour de critères objectifs et précis, fixés à l’avance, de nature à justifier des conditions de versement ou de non versement de la prime aux différents salariés de l’entreprise.

Dès lors, les allégations de la société intimée sur l’inexpérience ou encore le manque d’implication de M. X sont dénuées de portée pour justifier le non versement à l’intéressé de la prime de vendanges.

En revanche, le salarié n’explicite pas le calcul de sa demande, tandis que comme il l’observe, sa situation apparaît comparable à celle de M. L M, embauché à la même période, qui a perçu une prime de vendanges d’un montant de 722,80 euros.

Il convient dès lors d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. X de ce chef de demande et de condamner la société G Y à lui payer la somme de 722,80 euros à titre de prime de vendanges.

2-6: Sur le solde de congés payés:

Aux termes de l’article L 3141-1 du code du travail, tout salarié a droit chaque année à un congé annuel payé à la charge de l’employeur.

L’article L 3141-3 du même code dispose: 'Le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.

La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables'.

Il résulte en outre des dispositions d’ordre public de l’article L 3141-22 du même code, que le congé annuel ouvre droit au paiement d’une indemnité égale au dixième de la rémunération brute perçue par le salarié au cours de la période de référence.

En l’espèce, il est constant que sur la période d’emploi allant du 1er septembre 2013 au 31 août 2015, à raison de 2,5 jours par mois effectif de travail, M. X a acquis 55 jours

ouvrables de congés.

Raisonnant en fonction du nombre de jours ouvrés payés, l’employeur soutient que M. X a perçu un indu de 4,80 jours ouvrés (dont la société G Y ne demande d’ailleurs pas le paiement).

Or, il est constant que M. X a effectivement pris 31 jours de congés sur l’ensemble de la période.

Dès lors qu’il avait acquis 55 jours ouvrables, il était dû à la rupture du contrat un solde de 24 jours de congés.

Le bulletin de salaire du mois d’août 2015 mentionne le paiement de 20 jours à ce titre et il reste donc dû un solde de 4 jours de congés payés, soit la somme de 268,88 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé du chef du quantum de la somme allouée et la société G Y sera condamnée à payer à M. X la somme de 268,88 euros brut à titre de solde de congés payés.

2-7: Sur les frais de déplacement:

Pour les motifs précédemment développés au sujet des indemnités de panier, la société G Y invoque à tort les dispositions de l’article 85 de la convention collective du 23 juin 2015 concernant les exploitations agricoles de la Gironde, puisque les frais de déplacement litigieux sont relatifs à la période allant de septembre 2013 à mars 2015.

En application de l’article 76 de la convention collective modifié par avenant du 20 avril 2010, exceptionnellement, lorsqu’il est demandé à l’ouvrier de prendre son véhicule pour se rendre à un lieu de travail distant de plus de 10 km du lieu habituel de rassemblement, une indemnité de trajet sera versée à celui-ci (…).

Il est établi par l’employeur que des véhicules étaient mis à disposition du personnel de l’exploitation pour conduire les salariés sur les différents sites de travail.

Il résulte également des attestations produites par la société G Y que M. X n’était pas toujours ponctuel à l’embauche, M. D, salarié de l’entreprise, attestant de ce que son collègue ne pouvait disposer de ce fait des véhicules mis à disposition du personnel et qu’il arrivait sur place alors que les autres ouvriers étaient déjà au travail.

Outre le fait qu’il ne fournit aucun détail du calcul de la somme réclamée de 850 euros, M. X, ne justifie pas dans ces conditions de ce qu’il ait été contraint d’utiliser son véhicule personnel pour se rendre sur des sites distants de plus de 10 km de son lieu habituel de travail et c’est donc à juste titre qu’il a été débouté de sa demande.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

3- Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat:

En vertu de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

A ce titre, l’employeur a un devoir de loyauté dans l’exécution du contrat de travail aussi bien en ce qui concerne sa mise en oeuvre que l’application de la législation du travail.

En l’espèce, M. X considère que la déloyauté qu’il impute à la société G Y dans l’exécution du contrat de travail est caractérisée par le fait que celle-ci s’est abstenue de lui payer l’intégralité des salaires et primes qui lui étaient dues, en lui imposant des congés sans solde et en refusant de noter ses heures de travail.

Il ajoute avoir été victime d’insultes.

Il n’est produit par l’appelant aucun élément de preuve de nature à accréditer la réalité des insultes dont il prétend avoir fait l’objet.

A l’inverse, il résulte des témoignages dont se prévaut l’employeur, que les fréquents retards à l’embauche de M. X et un manque d’implication dans le travail, ont pu être à l’origine d’un manque de fluidité dans les relations de travail avec ses collègues.

Une telle situation n’est pas de nature à caractériser un manquement fautif de l’employeur qui a en revanche pu légitimement, par lettre du 20 mars 2015, inviter le salarié à respecter ses horaires de travail.

Par ailleurs, il doit être noté que les prétentions de M. X en termes de rappels de salaires et indemnités s’avèrent excessives par rapport aux montants effectivement dus à l’intéressé tels qu’ils résultent des développements qui précèdent.

Le fait que des sommes restent toutefois dues à ce titre à l’appelant ne permet pas de caractériser, en dehors de tout autre élément mettant en évidence un comportement fautif de l’employeur, une déloyauté dans l’exécution du contrat de travail qui le liait à M. X.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat.

4- Sur la demande de requalification de la prise d’acte:

Selon l’article L 1243-1, alinéa 1, du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.

Un salarié embauché dans le cadre d’un tel contrat, qui entend rompre avant terme son engagement peut soit démissionner, soit saisir le conseil de prud’hommes d’une demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat.

L’article L 1243-4 alinéa 1er du code du travail dispose que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L 1243-8.

En l’espèce, M. X a adressé un courrier recommandé à son employeur le 22 août 2015, dans lequel il vise plusieurs manquements de ce dernier à ses obligations contractuelles pour 'prendre acte’ de la rupture.

Il est constant que ce courrier de « prise d’acte » du salarié a produit des effets juridiques puisqu’il a emporté la rupture immédiate du contrat à durée déterminée, l’employeur en ayant accusé réception le 2 septembre 2015, pris acte de la 'demande de rupture du contrat (effective à la date du 25/08/2015)' et indiqué au salarié qu’il lui transmettait les documents

de fin de contrat de travail.

Dans ces conditions, il convient d’examiner si les manquements invoqués par le salarié sont suffisamment graves pour justifier que la 'prise d’acte’ soit requalifiée en rupture aux torts exclusifs de l’employeur ouvrant droit au paiement des dommages-intérêts prévus par l’article L 1243-4 précité du code du travail.

La lettre adressée par le salarié à l’employeur le 22 août 2015, qui ne fixe pas les limites du litige, mentionne les griefs suivants:

—  193 heures supplémentaires non-rémunérées

— refus de verser la prime intempéries

— retenues sur salaire pour une mutuelle à partir de mars 2014 sans y être affilié

— refus de remettre le décompte des congés payés

— congés sans solde imposés

— retenues sur salaire injustifiées

— insultes

— utilisation de signature sur un document illicite

— demande de ne pas noter les heures de travail

— pas de prime de vendanges

— pas de panier repas.

S’agissant en premier lieu des rappels de salaires et indemnités, les demandes de M. X sont pour partie mal fondées (prime d’intempéries, frais de déplacement, indemnité pour travail dissimulé).

Les sommes restant dues par l’employeur représentent un montant de 2.997,48 euros brut.

S’agissant de la mutuelle, s’il est constant que les cotisations Agri Prévoyance ont été précomptées à compter du mois de mars 2014, la seule édition d’une carte de mutuelle à la date du 17 septembre 2014 ne démontre pas que les cotisations prélevées n’aient pas été reversées à l’organisme tiers payeur et que l’affiliation du salarié n’ait pas été effective à compter du versement des premières cotisations.

S’agissant des mentions aux congés payés dans les bulletins de paie, l’article R3243-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige prévoyait l’obligation pour l’employeur de mentionner les dates de congé et le montant de l’indemnité correspondante, lorsqu’une période de congé annuel est comprise dans la période de paie considérée.

S’il est constant que les bulletins de paie postérieurs au mois de juillet 2014 ne mentionnent pas le nombre de congés restant à prendre, le défaut d’une telle mention ne constitue pas un manquement suffisamment grave de l’employeur, étant ici observé qu’en réponse au courrier du salarié du 22 janvier 2015, il lui a été indiqué le même jour les congés pris et restant à prendre.

Les rappels de salaire effectués en mars 2015 au titre de congés sans solde des mois de décembre 2014 et janvier 2015, représentant des montants respectifs de 42,88 euros brut et 19,22 euros brut, ne constituent pas des manquements graves au regard des sommes en jeu et du délai de régularisation.

Pour le surplus, l’employeur était fondé à opérer une retenue de 89,37 euros pour absence du salarié en février 2015, dont la justification n’est pas établie.

Au-delà du débat sur la nature exacte du contrat de travail litigieux, qui doit s’analyser en un contrat de travail à durée déterminée, aucun élément objectif ne permet d’affirmer comme le fait M. X, que la société G Y ait frauduleusement utilisé sa signature pour établir un faux document contractuel.

Il n’est pas plus établi par le moindre élément objectif de preuve que l’employeur ait demandé à M. X de ne pas noter ses heures de travail, ce que l’intéressé ne s’est au demeurant pas privé de faire puisque cela lui permet de fonder sa demande en paiement d’heures supplémentaires.

Au résultat de l’ensemble de ces éléments, il n’est pas justifié de considérer que l’employeur ait commis des manquements d’une gravité telle qu’ils recouvrent la qualification d’une faute grave de nature à justifier une rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée à ses torts.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

5- Sur la demande de remise de documents de fin de contrat:

En application de l’article R 1234-9 du Code du travail, l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L 5421-2 et transmet ces mêmes attestations à l’institution mentionnée à l’article L 5312-1.

Par ailleurs, en application des articles L 1234-19 et D 1234-6 du même code, un certificat de travail doit être remis au salarié.

Enfin, l’article L 3243-2 impose la remise au salarié d’un bulletin de paie, dont le défaut de remise engage la responsabilité civile de l’employeur.

Il convient en l’espèce d’ordonner à la société G Y de remettre à M. X un bulletin de salaire mentionnant les rappels de salaires et indemnités alloués aux termes du présent arrêt.

Il convient également que l’employeur remettre à M. X une attestation Pôle emploi rectifiée en ce qui concerne les sommes versées durant les six derniers mois de travail, en fonction des termes du présent arrêt.

Il n’est pas justifié en revanche d’ordonner la remise d’un nouveau certificat de travail, alors que ce document est versé aux débats par l’intimée et que les termes de la décision rendue n’ont pas d’incidence sur le contenu des informations devant y figurer.

Il n’est également pas justifié d’assortir la condamnation prononcée d’une astreinte provisoire.

6- Sur les dépens et frais irrépétibles:

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société G Y, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

L’équité commande en outre de la condamner à payer à M. X la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société G Y à payer à M. E X les sommes suivantes:

—  1.080,90 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires

—  108,09 euros brut au titre des congés payés afférents

—  816,81 euros brut à titre de rappel d’indemnités de panier

—  722,80 euros brut à titre de prime de vendanges

—  268,88 euros brut à titre de solde de congés payés ;

Condamne la société G Y à remettre à M. E X un bulletin de paie et une attestation pôle emploi rectifiée, en conformité avec les termes du présent arrêt;

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte provisoire ;

Confirme pour le surplus le jugement entrepris ;

Condamne la société G Y à payer à M. X la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société G Y aux dépens de première instance et d’appel.

Signé par Emmanuelle Leboucher, conseillère, en l’absence de la présidente empêchée, et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Leboucher

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 16 septembre 2021, n° 19/02477