Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 17 février 2022, n° 20/01436

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, chbre soc. prud'hommes, 17 févr. 2022, n° 20/01436
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 20/01436
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bonneville, 9 novembre 2020, N° F19/00011
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 17 FEVRIER 2022


N° RG 20/01436 – FP/DA


N° Portalis DBVY-V-B7E-GSBH

F X


C/ S.E.L.A.R.L. MJ ALPES Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SAS PRECIALP

» etc…


Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BONNEVILLE en date du 10 Novembre 2020, RG F 19/00011

APPELANTE :

Madame F G épouse X

[…]

[…]


Représentée par la SELARL BJA, avocat au barreau d’ANNECY

INTIMEES :

S.E.L.A.R.L. MJ ALPES ès qualité de Mandataire liquidateur de la SAS PRECIALP

dont le siège social est sis […]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

S.E.L.A.R.L. L M ès qualité de Mandataire liquidateur de la SAS PRECIALP

dont le siège social est […]

[…]

prise en la personne de son représentant légal


R e p r é s e n t é e s p a r M e V é r o n i q u e D E L M O T T E – C L A U S S E , a v o c a t a u b a r r e a u d e THONON-LES-BAINS

* * * * *

L’UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D’ANNECY

dont le siège social est sis […]

[…]

prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 13 Janvier 2022, devant Monsieur Frédéric PARIS, Président désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s’est chargé du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Madame Catherine MASSONNAT, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :

Monsieur Frédéric PARIS, Président, qui a rendu compte des plaidoiries,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame H I, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

********

Faits et procédure

Mme F X a été embauchée à compter du 1er janvier 2013 sous contrat à durée indéterminée par la société Précialp en qualité de chargée de développement en ressources humaines sécurité.


La salariée a été promue manager RH par avenant du 19 novembre 2015.


Au dernier état des relations contractuelles, elle percevait un salaire brut annuel de 43 305 € sur treize mois, et pour 218 jours travaillés.


La société Précialp, dont l’activité était le décolletage dépendait du groupe Maike Automotive.


La société a été placée sous sauvegarde le 4 août 2017, puis en redressement judiciaire le 12 décembre 2017.


Les actifs de la société ont été repris dans le cadre d’un plan de cession par la SAS Bionnassay M et P Technologie par jugement du 20 février 2018.


Le contrat de travail de la salariée n’a pas été repris et celle-ci a été licenciée pour motif économique par lettre du 19 mars 2018.


La société Précialp a été placé en liquidation judiciaire par jugement du 22 mai 2018.


La convention collective de la métallurgie de Haute Savoie est applicable.

Mme X contestant son licenciement a saisi le conseil des prud’hommes le 23 janvier 2019.


Par jugement de départage en date du 10 novembre 2020 le conseil des prud’hommes l’a débouté de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

Mme X a interjeté appel par déclaration au réseau virtuel privé des avocats le 1er décembre 2020.


Par conclusions notifiées le 1er février 2021 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens Mme X demande à la cour de :


- infirmer le jugement,


- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- fixer les créances comme suit :

* 48 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 22 400,67 € au titre des heures supplémentaires et 2240,06 € de congés payés afférents,

* 4 006,80 € à titre de repos compensateur,

* 24 000 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé,


- ordonner la remise de bulletins de paie, d’un solde de tout compte, et d’une attestation Pôle emploi rectifiés, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de l’arrêt, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte


- dire que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,


- fixer la créance au titre de l’article 700 du code de procédure civile à 3 000 €, et les dépens;


- dire la décision opposable à l’AGS.


Elle soutient que si le licenciement a été autorisé par le juge commissaire ou le tribunal, sa contestation reste possible en cas de fraude et d’absence de suppression du poste de travail conformément à la jurisprudence de la cour de cassation.


En l’espèce, la salariée a été licenciée pour un motif personnel et a été immédiatement remplacée.


Le nouveau DRH du groupe voulait l’évincer et a entretenu des relations tendues avec elle.


Des salariées au sein de la société étaient indésirables et elle en faisait partie.


Le motif économique a servi à l’employeur pour se débarrasser des salariés considérés comme nuisibles.


Le poste de travail n’a pas été supprimé, la société a effectué un véritable montage destiné à la remplacer dans ses fonctions, Mme Z l’ayant remplacé.


Sur le reclassement, aucune recherche de reclassement n’a été effectuée dans le groupe, et la seule existence d’une procédure collective n’exonère pas l’employeur de son obligation de reclassement.


Les formations dont il est fait état se sont déroulées un an après le licenciement


Sur son indemnisation, le barème de l’article L 1235-3 du code du travail sera écarté en raison de son inconventionnalité, le maximum de l’indemnité ne réparant pas le préjudice subi par une indemnité adéquate. Elle a subi un préjudice de perte d’emploi important, elle a été au chômage plusieurs mois, son lieu de travail est désormais éloigné ce qui entraîne des frais.


Concernant la durée du travail, dans le cadre du forfait en heures, ses heures de travail dépassaient largement son forfait d’heures.


Sur le forfait annuel en jour, elle n’a jamais bénéficié d’entretien annuel sur sa charge de travail et la société ne s’est jamais assurée que la charge de travail était raisonnable. Elle est donc fondée à demander la nullité du forfait jour.


Elle produit des décomptes et des tableaux établissant les heures effectuées.


Les heures supplémentaires ouvrent droit à des repos compensateurs.


L’employeur n’a pas été loyal, elle a subi les pressions du nouveau DRH du groupe, et elle a eu une charge de travail démesurée.
Par conclusions notifiées le 30 avril 2021auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la Selarl MJ Alpes, et la Selarl L et M es qualité de liquidateur de la société Précialp demandent à la cour de :


- confirmer le jugement,


A titre subsidiaire,


- fixer la créance de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal de trois mois de salaires,


- en cas d’annulation du forfait jour, condamner Mme X à rembourser les jours RTT, les charges sociales payées sur ces sommes ainsi que les congés payés afférents,


En tout état de cause,


- dire que la procédure collective a interrompu le cours des intérêts,


- statuer ce que de droit sur les demandes de l’AGS,


- condamner Mme X à leur payer une somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


Les mandataires font valoir que la cause économique ne peut être remise en cause, le licenciement pour motif économique ayant été autorisé par la juridiction commerciale.


La salariée n’établit pas la cause personnelle qu’elle invoque.


Le poste de travail de la salariée a bien été supprimé à la date du licenciement et le détachement de Mme Z à la demande du comité d’entreprise, déjà salariée du groupe pour que celle-ci assume 50 % du temps de travail est postérieure de deux mois au licenciement.


En application d’une jurisprudence constante de la chambre sociale de la cour de cassation, si des taches ont été reprises par une autre salariée, la suppression du poste correspond à une suppression d’emploi.


Il n’y a eu aucune fraude.


Un reclassement était impossible, d’une part en interne du fait du plan de cession et dans le groupe, chaque société du groupe étant en procédure collective et ayant été bénéficiaire d’un plan de cession permettant la reprise de la quasi totalité des contrats de travail.


Chaque société a fait l’objet d’une liquidation judiciaire.


Des recherches de reclassement externe ont été également effectuées. Les mandataires de justice ont fait bénéficier à la salariée de formations et celle-ci a été reclassée dans la société Profalux en tant que responsable humaine.


L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être fixée en référence au barème de l’article L 1235-3 du code du travail, ce barème étant conforme à la constitution et à la convention de l’Organisation internationale du travail. En outre la salariée ne prouve pas le préjudice allégué.


La salariée est irrecevable à remettre en cause le forfait jours. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et le contrat de travail s’exécute de bonne foi. Elle était responsable des relations humaines et gérait elle même les temps de travail des salariés et sa propre situation.


A titre subsidiaire, la salariée ne démontre pas que le forfait jour applicable à compter du 1er septembre 2017 puisse être remis en cause.
Sur les heures non prescrites, avant le forfait jour, la salariée ne produit aucun élément de nature à étayer sa demande.


De même, en cas d’annulation du forfait jours, la salariée produit un tableau fantaisiste sans aucune précision de date et d’heure.


Enfin aucune déloyauté de l’employeur n’est établie.


Par conclusions notifiées le 30 mars 2021 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens L’Unedic, délégation AGS, CGEA d’Annecy demande à la cour de :


- confirmer le jugement et débouter Mme X de toutes ses demandes,


A titre subsidiaire,


- fixer la créance de dommages et intérêts au minimum légal de trois mois de salaires,


En tout état de cause,


- dire que et qu’elle ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du code du travail,


- dire que les créances de salaires postérieures au 4 août 2017 sont exclues de la garantie, les conditions spécifiques de celle-ci n’étant pas réunies au visa de l’article L 3253-8 du code du travail,


- dire que la procédure collective a interrompu de plein droit les intérêts par application de l’article L 622-28 du code de commerce,


- dire que l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les dépens ainsi que l’astreinte sont exclus de la garantie de l’AGS en application de l’article 3253-6 du code du travail,


- dire que l’AGS ne devra sa garantie que dans les conditions définies par L 3253-8 du code du travail dans la limite des plafonds légaux,


- dire que son obligation de faire l’avance des sommes allouées au salarié ne pourra s’exécuter que sur justification par le mandataire judiciaire de l’absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement,


- condamner Mme X aux dépens.


Elle expose que la salariée ne peut plus contester le motif économique de son licenciement, décidé en exécution d’un jugement de cession du tribunal de commerce en date du 20 février 2018.


La suppression du poste de la salariée ne peut plus être discutée.


Il n’est pas démontré que les mandataires aient manqué à leur obligation de reclassement.


Sur l’indemnité demandée, un équivalent de trois mois de salaire peut être fixé, en application de l’article L 1235-3 du code du travail. La salariée a retrouvé un travail.


Sur le forfait jour, la salariée ne démontre pas que son forfait jour peut être remis en cause.


Elle ne produit qu’un tableau excel ne contenant pas de précisions sur les journées, semaines ou heures effectuées.


Aucune intention de dissimuler les heures de travail n’est prouvée, et la demande de travail dissimulé sera en conséquence rejetée.
L’exécution déloyale du contrat de travail prétendue n’est pas établie.


Une éventuelle créance pour heures supplémentaires née après le 4 août 2017 ne sera pas garantie, en l’absence de conversion en liquidation judiciaire dans le mois suivant la cession.


L’instruction de l’affaire a été clôturée le 3 septembre 2021.

Motifs de la décision

Sur le licenciement


La lettre de rupture fixant les limites du litige expose que le licenciement économique fait suite au jugement rendu par le tribunal de commerce de Grenoble en date du 20 février 2018 ayant arrêté le plan de redressement par cession au profit de la société Bionnassay MetP Technology pour le compte d’une personne morale pouvant se substituer et validé le motif économique de votre licenciement du fait de la suppression de votre poste.


Elle précise ensuite : Les difficultés que la SAS Precialp rencontre actuellement trouvent principalement leur origine dans la dégradation de son chiffres d’affaires en raison d’un décalage de commandes passées par son client HONEYWELL, de production de poulies en raison du transfert de ligne de fabrication à EMPT 74 et de la baisse de son volume d’affaires avec la société HHT en raison de la baisse d’un incident qualité survenu en 2016.

La situation de trésorerie de l’entreprise s’est vu dégradée de manière générale par les difficultés du groupe, découlant de sa contre-performance de l’exercice 2016, liée aux problèmes de désorganisation.

Le tribunal de commerce spécialisé de Grenoble en constatant ces difficultés, a ouvert une procédure de sauvegarde le 4 août 2017, procédure convertie en redressement judiciaire le 12 décembre 2017.

Une procédure d’appel d’offres a alors été engagée en vue de rechercher tout cessionnaire qui serait à même de proposer un plan de redressement par cession…

Par jugement du 20 février 2018, le tribunal de commerce de Grenoble a arrêté le plan de cession des activités et des biens de la SAS PRECIALP au profit de la société BIONNASSAY MetP TECHNOLOGY, son offre prévoyant la reprise de 109 salariés et conduisant ainsi à la suppression de 6 postes de travail :

- 1 chef de projet,

- 1 manager RH,

- 1 régleur

- […],

- 1 responsable métrologie

- 1 technicien méthode

Il n’y pas lieu d’appliquer les critères d’ordre dans la mesure où votre poste est le seul de sa catégorie professionnelle. Ainsi en exécution du jugement du tribunal de commerce de Grenoble

en date du 20 février 2018 autorisant les licenciements prévus par le plan de cession votre poste de la catégorie Manager RH est supprimé.

Recherches de reclassement Nous avons naturellement examiné les possibilités de vous trouver un reclassement, même par voie de formation ou d’adaptation au poste de travail. Malheureusement, aucun reclassement n’est possible au sein de la société PRECIALP compte tenu de l’absence de continuité de l’activité en dehors de l’offre de reprise formulée.

Par ailleurs toutes les filiales du groupe auquel elle appartient font l’objet d’une procédure collective devant le tribunal de commerce de Grenoble. Aucun reclassement n’est donc envisageable dans ce périmètre.

La société PRECIALP a toutefois réalisé des recherches de reclassement externe auprès de :

- l’union des Industries et Métiers de la Métallurgie de Rhônes-Alpes Auvergne

- le syndicat national de décolletage SNDEC,

- le GEIQ Industrie,

- la chambre syndicale de la métallurgie

- ainsi qu’aux candidats ayant déposés une offre de reprise.

A cet effet, nous vous avons transmis avec votre convocation au présent entretien la liste des postes disponibles au sein des entreprises ALPENTECH et KARTESIS afin que si vous le souhaitez, vous puissiez vous positionner. Nous vous avons également communiqué les sites internet de recrutement transmis par la CPREFP, spécialisés dans la branche métallurgie…


Il est constant que la société Précialp a été cédée ainsi que l’a exposée la lettre de licenciement.


Compte tenu du jugement rendu par le tribunal de commerce de Grenoble en date du 20 février 2018, le licenciement pour cause économique au sens de l’article L 1233-3 du code du travail ne peut plus être contesté sauf à prouver que le jugement suscité ait été obtenu par fraude.


La fraude doit être prouvée par le salarié qui l’invoque.


Si l’attestation de Mme A produite par la salariée mentionne que les relations entre le supérieur hiérarchique et la salariée étaient tendues et difficiles, le projet de réorganisation du service RH qui aurait rattacher hiérarchiquement la salariée à la manager RH d’EMT n’a pas été mené à son terme par le supérieur hiérarchique. La salariée a conservé ses fonctions jusqu’au licenciement.


Il ne peut être tiré de cette attestation que l’employeur avait pour volonté d’écarter la salariée.


L’attestation de M. B relate seulement que le supérieur hiérarchique de la salariée n’avait pas la même appréciation que lui sur les compétences de la salariée.


Celle de Mme J E indique que 'côté avenir, j’avais entendu par JL Vigouroux que lorsque F reviendra elle sera rattachée à une future RH recrutée où toute la partie relations sociales lui aurait été retirée…' . Toutefois un projet de réorganisation de service n’implique pas ipso facto un déclassement ou un retrait de fonction d’un salarié.


Enfin le mail de M. C du 17 novembre 2017 faisant état de salariés indésirables ne concerne pas la salariée qui n’est pas citée.


Ces éléments sont insuffisants à prouver que l’employeur voulait se débarrasser de la salariée et a profité du plan de cession pour la licencier.


Si une salariée a occupé au moins une partie des taches de la salariée après le licenciement économique, la salariée affectée à ces taches faisait déjà partie du groupe, et le fait qu’elle ait été rattachée entièrement à la société Précialp a été décidé plus de deux mois après le licenciement.
Le seul maintien des taches transférées dans ces conditions à une salariée du groupe signifie que l’emploi a été supprimé pour motif économique sans que pour autant les taches disparaissent.


Toutefois si l’employeur justifie d’un motif économique tel que défini par l’article L.1233-3 du code du travail, l’article L.1233-4 du même code prévoit que 'le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel… Le reclassement s’effectue prioritairement sur le poste relevant de la même catégorie d’emploi avec une rémunération équivalente et, à défaut, sous réserve de l’accord du salarié, il peut s’effectuer sur une catégorie d’emploi inférieur.'.


L’employeur est tenu à une obligation de moyen et doit justifier de recherches de reclassement sérieuses et loyales.


Il ressort des termes mêmes de la lettre de licenciement que l’employeur n’a effectué aucune recherche pour un reclassement interne au groupe.


Si les sociétés du groupe comme la société Précialp faisaient l’objet d’une procédure collective, il convient de relever qu’un nombre élevé de salariés ont été repris par les repreneurs à l’exception de la société Maike Automotive Service où sept salariés sur vingt quatre ont été repris.


Il n’est versé sur ces sociétés aucun élément sur la nature des emplois repris et les conditions de ces reprises. Il n’a manifestement pas été étudié si la salariée pouvait être mutée et reclassée dans le cadre de la cession des autres sociétés du groupe.


Les jugements du tribunal de commerce arrêtant les plans de cession ne contiennent aucune information quant à une impossibilité de reclassement.


Enfin les propositions de formation nonobstant leur sérieux ne peuvent suppléer l’absence de recherche effective de reclassement interne. Les représentants de l’employeur ne verse aucune pièce sur une tentative de reclassement externe.


Le licenciement de la salariée est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.


Sur le préjudice résultant du licenciement, la salariée bénéficiait de six années d’ancienneté. Elle percevait un salaire mensuel de 3 331 €.


Le barème de l’article L 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse entre trois et six mois de salaires.


Si ce barème est conforme aux textes constitutionnels, et à la convention de l’Organisation internationale du travail, il reste que le juge doit apprécier in concreto si la réparation du préjudice subi par le salarié est adéquate au sens de l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT.


Toutefois la salariée en contestant l’application du barème ne verse aucune pièce quant à sa situation actuelle et à son préjudice économique résultant du licenciement.


Il convient de lui allouer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à cinq mois de salaire soit la somme de 16 655 €.

Sur le forfait heures et le forfait jours


Les parties ont conclu deux conventions de forfait, une première convention de forfait heures et une seconde de forfait jours sur l’année.


Bien que la salariée était responsable du service des relations humaines, il appartenait à l’employeur de veiller à l’accomplissement des heures de travail et de s’assurer que les heures effectuées sur une journée de travail ne dépassait pas les forfaits suscités.
L’employeur est sur ce point responsable de la durée du travail dans son entreprise et doit vérifier que ses salariés bénéficient d’un temps de repos suffisant.


La salariée est donc parfaitement recevable dans sa demande de paiement d’heures supplémentaires.


S’agissant de la prescription soulevée, la salariée a saisi le conseil des prud’hommes le 23 janvier 2019.


Elle est recevable en application de l’article L 3245-1 du code du travail à solliciter un rappel de salaires sur heures supplémentaires pour les trois années précédant la rupture du contrat de travail.


Le licenciement étant intervenu le 19 mars 2018, elle peut réclamer un rappel de salaires non prescrit remontant à la date d’effet du forfait heures du 23 novembre 2015.


Concernant le forfait heures, la seule existence d’un forfait heures, n’implique pas que toutes les heures supplémentaires effectuées étaient comprises dans ce forfait.


Pour le forfait jour annuel, il ne s’est appliqué qu’à compter de septembre 2017 jusqu’au licenciement. L’employeur a l’obligation en vertu de l’article L 3121-60 du code du travail de s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.


Or il ne produit aucun élément sur ce point et il ne peut justifier de son attitude en prétextant que la salariée gérait librement son temps de travail, l’employeur étant responsable du temps de travail de ses salariés.


Le forfait jours est donc sans effet, ce qui permet à la salariée de demander le paiement d’heures supplémentaires.


En cas de litige, il résulte de l’article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties ; l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande ;


Au dernier état de la jurisprudence de la cour de cassation 'le salarié doit présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur qui assure le contrôle des heures effectuées d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments’ ; après analyse des pièces produites par l’une et l’autre partie, 'dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant'.


La salariée produit le témoignage de M. D relatant que la salariée quittait l’entreprise très tardivement entre 19 heures et 20 heures et qu’elle était déjà à son poste de travail quand il arrivait le matin vers 9 heures.

Mme E qui a remplacé la salariée au cours du congé maternité de celle-ci atteste qu’elle effectuait des horaires de 8 heures 15 à 20 heures, avec une pause de quelques minutes le midi afin de ne pas perdre de temps car la charge de travail était très lourde.


La salariée produit un décompte du nombre des heures supplémentaires mois par mois et totalise le nombre d’heures supplémentaires, et applique le taux majoré.


Ce décompte permettait à l’employeur de répondre utilement en produisant ses propres éléments.


L’employeur ne pouvait ignorer compte tenu de la charge de travail et des horaires réalisés par la salariée, que celle-ci effectuait des heures supplémentaires. Il ne s’y est pas opposé et a de fait consenti à la réalisation des heures supplémentaires.
Au regard de tous ces éléments, il convient de faire droit à la demande de paiement au titre des heures supplémentaires à hauteur de 22 400,67 € outre les congés payés afférents de 2 240,06 €.


La salariée en application de l’article L 3121-38 du code du travail a droit sur les heures supplémentaires réalisées au delà du contingent annuel de 220 heures à un repos compensateur à proportion de 100 % des heures supplémentaires accomplies, s’agissant d’une entreprise de plus de vingt salariés.


La salariée ayant réalisé 430 heures en 2016, la demande de paiement de repos compensateurs concernant 210 heures est fondée. Il sera accordée à la salariée la somme de 4 006,80 € de ce chef.


En revanche la demande d’indemnité pour travail dissimulé sera rejetée, la seule absence de contrôle des heures de travail dans le cadre du forfait heures ou du forfait jours n’impliquant pas nécessairement que l’employeur ait voulu dissimuler les heures effectuées par la salariée.


Sur l’exécution déloyale du contrat de travail, la salariée a été confrontée à l’exécution d’un forfait heures et d’un forfait jour sans que l’employeur ne s’assure de sa charge de travail.


Une telle attitude est déloyale. La salariée ne prouve pas en revanche avoir subi une attitude hostile ou malveillante de son supérieur hiérarchique.


Au regard de ces éléments, la créance de la salariée sera fixée à la somme de 1 000 €.


Les mandataires es qualité devront remettre des bulletins de paie, un solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt sans qu’il soit nécessaire de fixer une astreinte.


Enfin, sur les intérêts au taux légal demandés, il seront rejetés la procédure collective ayant suspendu le cours des intérêts.


L’AGS ne sera pas tenue à garantir la créance de salaire au titre des heures supplémentaires à compter du 4 août 2017, cette créance étant née postérieurement au jugement d’ouverture de la sauvegarde conformément à l’article L 3258 du code du travail.

Par ces motifs,


La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Infirme le jugement en date du 10 novembre 2020 rendu par le conseil des prud’hommes d’Annecy,


Statuant à nouveau,


Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,


Dit que la convention de forfait jours est privée d’effet,


Dit que les heures supplémentaires réclamées sont justifiées,


Dit que l’employeur n’a eu aucune intention de dissimuler les heures supplémentaires accomplies,

en conséquence,


Fixe les créances de Mme X ainsi qu’il suit :

* 16 655 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 22 400,67 € au titre des heures supplémentaires et 2240,06 € de congés payés afférents,

* 4 006,80 € à titre de repos compensateur,
Déboute Mme X de sa demande de paiement d’une indemnité pour travail dissimulé ;


Déboute Mme X du surplus de ses demandes au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et du chef d’exécution déloyale du contrat de travail,


Ordonne la remise de bulletins de paie, d’un solde de tout compte, et d’une attestation Pôle emploi rectifiés,


Dit que le présent arrêt est opposable à l’Unedic, délégation AGS, CGEA d’Annecy,


Dit que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du code du travail,


Dit que les créances de salaires postérieures au 4 août 2017 sont exclues de la garantie, les conditions spécifiques de celle-ci n’étant pas réunies au visa de l’article L 3253-8 du code du travail,


Dit que la procédure collective a interrompu de plein droit les intérêts par application de l’article L 622-28 du code de commerce,


Dit que l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens sont exclus de la garantie de l’AGS en application de l’article 3253-6 du code du travail,


Dit que l’AGS ne devra sa garantie que dans les conditions définies par L 3253-8 du code du travail dans la limite des plafonds légaux ;


Dit que son obligation de faire l’avance des sommes allouées au salarié ne pourra s’exécuter que sur justification par le mandataire judiciaire de l’absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement,


Fixe à la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la charge de la Selarl MJ Alpes et la Selarl L et M es qualité de liquidateur de la société Précialp.


Condamne la Selarl MJ Alpes et la Selarl L et M es qualité de liquidateur de la société Précialp aux dépens


Ainsi prononcé publiquement le 17 Février 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Catherine MASSONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 17 février 2022, n° 20/01436