Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 16 septembre 2021, n° 19/01385

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, 2 e ch. civ., 16 sept. 2021, n° 19/01385
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 19/01385
Décision précédente : Tribunal de commerce de Dijon, 24 juillet 2019, N° 2016002455
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

FV/IC

S.A.S. LES VIGNOBLES DU CHATEL

C/

S.A.R.L. Z A

expédition et copie exécutoire

délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2e chambre civile

ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2021

N° RG 19/01385 – N° Portalis DBVF-V-B7D-FKNK

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 25 juillet 2019,

rendue par le tribunal de commerce de Dijon

RG : 2016002455

APPELANTE :

S.A.S. LES VIGNOBLES DU CHATEL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis :

[…]

[…]

représentée par Me Antoine CONVERSET, membre de la SELAS AGIS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 67

INTIMÉE :

SARL Z A représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis :

[…]

[…]

représentée par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127

assisté de Me Gilles GRAMMONT, membre de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 juin 2021 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, chargée du rapport et Michèle BRUGERE, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,

Michèle BRUGERE, Conseiller,

Sophie BAILLY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 16 Septembre 2021,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Z A a été créée en 1992 par Monsieur E F G et exerce dans son établissement principal, le négoce de vins, alcools et spiritueux, produits alimentaires ou non auprès de la restauration asiatique. La société a développé auprès de cette clientèle, en particulier, une large gamme de vins incluant des vins de Chine et d’Asie.

Le 24 juin 2002, Monsieur B X signe avec la société Z A un contrat d’agent commercial.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 23 mars 2015, Monsieur X dénonce ce contrat d’agent commercial, la fin effective du contrat étant fixée au 24 juin 2015 compte-tenu du préavis de 3 mois.

Par courrier du16 juin 2015, la société Z A par l’intermédiaire de son avocat, reproche à la société VIGNOBLES DU CHATEL de se rendre coupable d’actes de concurrence déloyale à son égard par l’entremise de Monsieur B X et la met en demeure celle-ci de cesser tout agissement de concurrence déloyale.

Le 30 juin 2015, la société VIGNOBLES DU CHATEL répond que Monsieur X n’est pas un de ses agents commerciaux et qu’aucune activité commerciale n’a été effectuée par lui à son profit.

Le 9 juillet 2015 la société Z A réplique que plusieurs de ses clients ont été démarchés par Monsieur X pour le compte de la société VIGNOBLES DU CHATEL. Ce courrier reste sans réponse.

Par acte d’huissier du 18 janvier 2016 Monsieur X assigne la société Z

A devant le tribunal de commerce de Dijon aux fins de voir juger que la rupture du contrat d’agent commercial est imputable à cette dernière et d’obtenir sa condamnation à lui verser une indemnité compensatrice.

Suivant exploit d’huissier en date du 15 mars 2016, la société Z A assigne en intervention forcée la société VIGNOBLES DU CHATEL dans la procédure initiée par Monsieur X.

Le tribunal de commerce de Dijon ne fait pas droit à la demande de jonction des deux procédures formée par la société Z A.

Dans le cadre de la procédure engagée par Monsieur X à l’encontre de la société Z A, il est débouté de l’ensemble de ses demandes et condamné à verser à la société diverses indemnités au titre de la rupture du contrat d’agent commercial à ses torts exclusifs pour les actes de concurrence déloyale commis, ce par jugement du 1er décembre 2016.

La société Z A demande alors au tribunal, au visa des articles 46 du code de procédure civile, L.134- 3 du code de commerce, et 1382 et 1383 du code civil, de :

— dire et juger que la société VIGNOBLES DU CHATEL a engagé sa responsabilité à l’égard de la société Z A en étant complice, et à tout le moins en ayant aidé Monsieur B X à enfreindre ses obligations de non concurrence issues du contrat d’agence passé avec la société Z A et de l’article L.134- 3 du code de commerce,

— dire et juger que les actes de démarchage massif et de dénigrement des produits Z A auprès de sa clientèle, opérés par Monsieur B X, constituent des actes de concurrence déloyale et à tout le moins une faute engageant la responsabilité de la société VIGNOBLES DU CHATEL à l’égard de la société Z A,

En conséquence,

— ordonner à la société VIGNOBLES DU CHATEL de cesser tout acte déloyal, et en particulier tout dénigrement de la société Z A,

— lui enjoindre de cesser d’utiliser les informations confidentielles relatives à la société Z A, en particulier son fichier clients et ses pratiques tarifaires,

— condamner la société VIGNOBLES DU CHATEL à payer à la société Z A :

— la somme de 16.495 ' à parfaire, en réparation des gains manqués,

— la somme de 20.000 ' en réparation des pertes subies,

— la somme de 135.000 ' en réparation de la désorganisation,

— la somme de 50.000 ' en réparation de l’atteinte à l’image,

— la somme de 60.000 ' en réparation du trouble commercial,

— la somme de 5.000 ' au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux entiers dépens,

— ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir pour l’ensemble des condamnations prononcées à l’encontre de la société VIGNOBLES DU CHATEL.

La société VIGNOBLES DU CHATEL demande pour sa part au tribunal, au visa du principe de la liberté de la concurrence et de l’article 321 du code de procédure civile, de :

— Déclarer la société VIGNOBLES DU CHATEL recevable et bien fondée en ses écritures,

— A titre principal, se déclarer incompétent territorialement au profit tribunal de commerce de Bobigny,

— A titre subsidiaire, constater l’absence de tous actes de concurrence déloyale de la part de la société VIGNOBLES DU CHATEL à l’égard de la société Z A,

— En conséquence, débouter la société Z A de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

— Condamner la société Z A à verser à la Société VIGNOBLES DU CHATEL :

— la somme de 10.000 ' à titre de dommages et intérêts compte-tenu de la procédure manifestement abusive engagée par la société Z A à l’encontre de la société VIGNOBLES DU CHATEL,

— la somme de 5.000 ' sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamner la société Z A aux entiers dépens.

Par jugement du 25 juillet 2019, le tribunal de commerce de Dijon :

— Se déclare territorialement compétent conformément aux dispositions de l’article 46 du code de procédure civile,

— Dit que la société Sarl Z A est victime de concurrence déloyale de la part de la société VIGNOBLES DU CHATEL,

— Ordonne à la société VIGNOBLES DU CHATEL de cesser tout acte de concurrence déloyale envers la Sarl Z A et ce, dans les 30 jours suivant la signification du jugement sous peine d’astreinte de 500 ' par jour de retard,

— Déboute la Sarl Z A de sa demande au titre de l’utilisation des informations relatives à la société Z A,

— Déboute la Sarl Z A de ses demandes en réparation des préjudices au titre des gains manqués, des pertes subies, de la désorganisation et de l’atteinte à l’image de sa société,

— Condamne la société VIGNOBLES DU CHATEL à payer la somme de 15.000 ' à la Sarl Z A en réparation du préjudice au titre du trouble commercial,

— Condamne la société VIGNOBLES DU CHATEL à payer la somme de 5.000 ' à la Sarl Z A au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne la société VIGNOBLES DU CHATEL aux entiers dépens,

— Dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire,

— Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en déboute.

Pour statuer ainsi, le tribunal retient:

— sur l’exception d’incompétence que le dommage a été subi dans les comptes de la société Z A dont le siège social est situé dans le ressort du tribunal de commerce de Dijon, et que de nombreux faits dommageables se sont déroulés dans le ressort de ce tribunal,

— Sur la complicité à la violation des obligations de non concurrence par Monsieur X et les actes de concurrence déloyale de la part de la société VIGNOBLES DU

CHATEL :

— que selon l’article 7 du contrat d’agent commercial, Monsieur B X s’engageait à ne pas représenter une entreprise concurrente de la société Z A, et que l’article L.134-3 du code de commerce dispose que la représentation d’une entreprise concurrente nécessite l’accord de son mandant,

— que dans son jugement du 1er décembre 2016, le tribunal a considéré que la rupture du contrat d’agent était imputable exclusivement à Monsieur B X,

— que pour statuer ainsi , le tribunal a relevé entre autre grief, que pendant son préavis, Monsieur X avait prospecté pour la société VIGNOBLES DU CHATEL ainsi qu’en attestaient le tarif du 30 mars 2015 avec mention du téléphone de Monsieur X et les courriers électroniques des 5 et 8 juin 2015 reçus par les clients,

— que la société VIGNOBLES DU CHATEL avait connaissance de la situation et de l’obligation de non concurrence, et qu’elle a poursuivi ses relations avec Monsieur B X agissant en concurrence déloyale ; qu’elle s’est donc rendue complice de la violation de l’obligation non concurrence de ce dernier,

— qu’il ressort en effet des pièces versées au débat, que pendant la période de son préavis, Monsieur B X a agi dans les intérêts de la société VIGNOBLES DU CHATEL en faisant la promotion de ses produits et notamment des vins chinois de la marque SUNTIME, en remettant des catalogues et des tarifs de la société VIGNOBLES DU

CHATEL à de nombreux clients de la société Z A et en leur proposant des remises de 10 à 15%,

— qu’il est également établi qu’il a dénigré la qualité et le prix des vins de la société Z A auprès des clients les plus significatifs du portefeuille qui lui était confié, et qu’il a tenté de décaler (sic) des commandes au profit de la société VIGNOBLES DU CHATEL.

— que la société VIGNOBLES DU CHATEL a engagé sa responsabilité délictuelle et qu’il convient de lui ordonner de cesser tout acte de concurrence déloyale.

— Sur l’utilisation des informations confidentielles, que la SARL Z A n’apportait pas la preuve que la société VIGNOBLES DU CHATEL a utilisé des informations confidentielles alors que les clients de la société Z A étaient

également connus d’elle.

— Sur les préjudices subis, que :

— que les explications sur les gains manqués par la Sarl Z A n’étaient 'pas fondées',

— que le préjudice subi par (sic) la désorganisation de la Sarl Z A n’était pas prouvé,

— que la Sarl Z A n’apportait pas de preuve détaillée permettant d’évaluer une éventuelle perte subie due à la concurrence déloyale, alors que ses comptes présentaient une augmentation de son chiffre d’affaires de 476.689 ' au 31 juillet 2015.

— qu’elle se contentait d’affirmer, sans en apporter la preuve, avoir subi un préjudice au titre de l’atteinte à son image,

— qu’il 'est de jurisprudence constante que les actes de concurrence déloyale engendrent un trouble commercial', mais que la demande de réparation du préjudice de la Sarl Z A au titre du trouble commercial n’était pas justifiée dans sa totalité et qu’il convenait de condamner la société VIGNOBLES DU CHATEL à lui payer la somme de 15.000 ' en réparation de ce préjudice.

******

La SAS VIGNOBLES DU CHATEL fait appel par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel le 27 août 2019.

Par conclusions d’appel n°1 déposées le 25 novembre 2019, elle demande à la cour d’appel de:

' Vu le principe de la liberté de la concurrence,

Vu les pièces versées aux débats par la Société Z A,

Vu l’article 32-1 du code de procédure civile ,

(…) réformer le jugement de première instance en ce qu’il a dit que :

o Le tribunal se déclare territorialement compétent conformément aux dispositions de l’article 46 du code de procédure civile,

o La Sarl Z A est victime de concurrence déloyale de la part de la société VIGNOBLES DU CHATEL,

o Ordonne à la société VIGNOBLES DU CHATEL de cesser tout acte de concurrence déloyale envers la SARL Z A et ce, dans les 30 jours suivant la signification de ce jugement sous peine d’astreinte de 500 ' par jour de retard,

o Condamne la société VIGNOBLES DU CHATEL à payer la somme de 15.000 ' à la SARL Z A en réparation du préjudice au titre du trouble commercial,

o Condamne la société VIGNOBLES DU CHATEL à payer la somme de 5.000 ' à la SARL Z A au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

o Condamne la société VIGNOBLES DU CHATEL aux entiers dépens.

Et confirmer pour le surplus.

En conséquence :

Dire et juger recevables et bien fondées les demandes de VIGNOBLES DU CHATEL ;

A titre principal,

— Se déclarer incompétent territorialement au profit du tribunal de commerce de Bobigny,

A titre subsidiaire,

— Constater l’absence de tous actes de concurrence déloyale de la part de la Société VIGNOBLES DU CHATEL à l’égard de la Société Z A,

— Débouter la Société Z A de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

En tout état de cause,

— Condamner la Société Z A à verser à la Société VIGNOBLES DU CHATEL la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts compte-tenu de la procédure manifestement abusive engagée par la Société Z A à l’encontre de la Société VIGNOBLES DU CHATEL,

— Condamner la Société Z A à verser à la Société VIGNOBLES DU CHATEL la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamner la Société Z A aux entiers dépens de 1re instance et d’appel.'

Elle expose que son siège social est situé à Stains ( 93) ; qu’elle a été créée en 1999 et que son activité est le négoce en vins, eau minérale et café ; qu’elle vend quasi exclusivement à des restaurateurs en France, et qu’une partie de sa clientèle est constituée de restaurants asiatiques ; qu’elle a 7 salariés mais aucun VRP ni agent commercial car elle privilégie la vente avec une clientèle en directe développée seulement par le bouche à oreille.

Elle ajoute qu’elle a été très surprise par le courrier que lui a envoyé la société Z A le 16 juin 2015 et quelle a immédiatement répondu que Monsieur X n’était pas son agent ; qu’elle n’a plus eu aucune nouvelle jusqu’à l’assignation qui lui a été délivrée aux fins d’intervention volontaire dans la procédure engagée par Monsieur X.

Elle estime qu’il est étonnant que le tribunal, qui a reconnu que la société Z A n’apportait pas la preuve qu’elle aurait utilisé des informations confidentielles à son encontre, qu’elle aurait subi un préjudice par désorganisation ou qu’elle aurait subi un préjudice par atteinte à son image, et qui a même constaté qu’elle avait augmenté son chiffre d’affaires, l’ait condamnée à indemniser un préjudice au surplus non démontré.

Elle rappelle que la liberté du commerce et de l’industrie permet, dans le cadre d’un marché compétitif, de faire de la concurrence aux autres sociétés afin de conquérir de nouvelles parts de marché dès lors qu’il n’est pas fait usage de procédés contraires aux usages loyaux du commerce pour nuire à un concurrent et détourner sa clientèle.

Elle soutient qu’aucune pièce n’établit un quelconque démarchage de sa part à l’égard de la clientèle de Z A ; que les pièces produites ne concernent que Monsieur X, qui, à l’époque n’était pas employé par elle ; qu’en fait Monsieur X a utilisé à mauvais escient un de ses catalogues afin de valoriser par la suite les retours positifs de clients afin de tenter de décrocher un contrat avec elle ; qu’aucune preuve n’est apportée d’un lien contractuel entre Monsieur

X et elle, et que, dans le cadre de la procédure l’opposant à Z A, ce dernier a lui même confirmé n’avoir aucun lien contractuel avec elle.

Elle ajoute que le prétendu tarif qui aurait été remis par Monsieur X à certains des clients de Z A, ce qui n’est pas prouvé, ne correspond pas à sa plaquette tarifaire ; qu’il en est de même de la soit-disant carte de visite.

Elle maintient qu’il n’existe aucune preuve d’un dénigrement de sa part, aucune des personnes interrogées sur sommation interpellative ne mentionnant son nom ; que si la société Z A produit un tableau concernant 4 clients, l’Etoile 57 est son client direct depuis 2014 ce qui est normal puisqu’elles sont concurrentes sur ce marché ; que s’agissant de l’ Etoile Céleste 71 la société Z A était déjà en forte baisse sur les années 2012 à 2015 alors même qu’elle même avait très peu travaillé avec ce client ; que pour Lotus Bleu et Lotus d’Asie, son intervention auprès d’eux est très postérieure au départ de Monsieur X de la société Z A ;

Elle souligne qu’aucune preuve n’est rapportée des prétendus préjudices subis, aucune pièce produite à ce titre, et estime que l’intimée cherche seulement à obtenir un complément aux condamnations prononcées contre Monsieur X. Elle en conclut que la procédure est manifestement abusive.

Par conclusions n°1 déposées le 25 février 2020, la Sarl Z A demande à la cour de :

'Vu l’article 46 du code de procédure civile,

Vu l’article L 134-3 du code de commerce,

Vu les articles 1382 et 1383 du code civil,

— Confirmer le jugement du 25 juillet 2019 en ce qu’il a :

— Dit que la société SARL Z A était victime de concurrence déloyale de la part de la société VIGNOBLES DU CHATEL ;

— Ordonné à la société VIGNOBLES DU CHATEL de cesser tout acte de concurrence déloyale envers la SARL Z A et ce, dans les 30 jours suivant la signification du jugement sous peine d’astreinte de 500 ' par jour de retard,

— Dit qu’un trouble commercial a été causé à la société Z A par la société VIGNOBLES DU CHATEL,

— Condamné la société VIGNOBLES DU CHATEL à payer la somme de 5.000 ' à la SARL Z A au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamné la société VIGNOBLES DU CHATEL aux entiers dépens,

— Réformer le jugement du 25 juillet 2019 en ce qu’il a :

— Débouté la SARL Z A de sa demande au titre de l’utilisation des informations relatives à la société Z A,

— Débouté la SARL Z A de ses demandes en réparation des préjudices au titre des gains manqués, des pertes subies, de la désorganisation et de l’atteinte à l’image de sa société,

— Limité la condamnation de la société VIGNOBLES DU CHATEL, en réparation du préjudice au titre du trouble commercial, à la somme de 15.000 ',

Et, statuant de nouveau ;

— Enjoindre à la société VIGNOBLES DU CHATEL de cesser d’utiliser les informations confidentielles relatives à la société Z A, en particulier son fichier clients et ses pratiques tarifaires,

— Condamner la société VIGNOBLES DU CHATEL à payer à la société Z A la somme de 16.495 ', à parfaire, en réparation des gains manqués,

— Condamner la société VIGNOBLES DU CHATEL à payer à la société Z A la somme de 20.000 ' en réparation des pertes subies,

— Condamner la société VIGNOBLES DU CHATEL à payer à la société Z A la somme de 135.000 ' en réparation de la désorganisation,

— Condamner la société VIGNOBLES DU CHATEL à payer à la société Z A la somme de 50.000 ' en réparation de l’atteinte à l’image,

— Condamner la société VIGNOBLES DU CHATEL à payer à la société Z A la somme de 60.000 ' en réparation du trouble commercial,

— Condamner la Société VIGNOBLES DU CHATEL à payer la somme de 6.000 ' à la Société Z A au titre des frais irrépétibles d’appel,

— La condamner aux entiers dépens d’appel.'

Elle expose que son litige avec Monsieur X a commencé lorsqu’il a refusé de faire la promotion de l’ensemble de sa gamme de cocktails ; que c’est dans le cadre de l’assignation qu’il lui a délivrée qu’elle a découvert qu’il représentait depuis 2012 les produits concurrents de la société COCKTAILS EXPRESS, et que, sans attendre la fin de son préavis, il avait fait la promotion des produits de VIGNOBLES DU CHATEL et notamment de ses vins chinois de la marque SUNTIME ; qu’il organisait des visites de sa clientèle non seulement avec un autre agent commercial de COCKTAIL EXPRESS, mais également avec un représentant et parfois le dirigeant de VIGNOBLES DU CHATEL ; que non seulement il dénigrait ses produits, mais qu’au surplus il proposait aux clients une 'offre globale’ concurrente lui permettant de détourner sa clientèle, et notamment le Royal Panda à Angers ou les Délices d’Asie à Vannes.

Elle relève que le tarif de VIGNOBLES DU CHATEL applicable au 30 mars 2015 indique le numéro de portable de Monsieur X ; que lorsqu’un prospect est intéressé par une offre VIGNOBLES DU CHATEL, son président le renvoie vers son agent Monsieur X en lui donnant son n° de portable, et que ce dernier prend contact avec le prospect en tant que représentant de la marque SUNTIME et lui adresse sa carte de visite.

Elle soutient que sa clientèle est massivement démarchée avant même la fin du préavis et il y a :

— dénigrement (sa pièce 6.1)

— utilisation d’info confidentielles en particulier tarifaires (fait un comparatif de prix avec l’offre de VIGNOBLES DU CHATEL et proposition d’une remise complémentaire aux clients (sa pièce 6.2)

— tentative de retarder, décaler et détourner des commandes

— création d’une confusion entre les produits: Z A propose une carte avec les cocktails COCKTAIL EXPRESS et les vins VIGNOBLES DU CHATEL, et si le client est réticent, elle propose la même carte avec les mêmes fautes d’orthographe, les mêmes cocktails mais les vins Z A (ses pièces 7.1. et 7.2. )

— confusion ou à tout le moins imitation de la gamme pour s’insérer dans le sillage de Z A : les appellations Bourgogne rosé et Côtes du Ventoux qui figurent sur son tarif et sa carte (ses pièces 2 , 9.1 à 9.4) font leur apparition sur les cartes VIGNOBLES DU CHATEL(ses pièces 8.1 à 8.3) que Monsieur X propose à ses clients alors même qu’elles ne figurent pas dans son tarif. (sa pièce 5)

Elle ajoute que le 30 juin 2015 VIGNOBLES DU CHATEL lui a répondu que Monsieur X n’est pas l’un de ses agents alors que quelques jours auparavant elle a répondu à un prospect 'C’est notre agent. B X’ (sa pièce 5.4).

Sur l’exception d’incompétence, elle relève qu’elle est reprise par l’appelante uniquement dans le dispositif de ses écritures sans aucune motivation et qu’elle n’a pas été soulevée in limine litis ; qu’elle est donc irrecevable. Elle ajoute qu’au surplus le tribunal l’a rejetée à juste titre.

Sur la violation des obligation de non-concurrence, elle rappelle que la jurisprudence permet à la victime de l’inexécution d’un contrat de demander réparation à un tiers, responsable ou complice, sur le fondement quasi – délictuel ; qu’en l’espèce Monsieur X s’est engagé à ne pas représenter une entreprise concurrente de celle du mandant, et que la société VIGNOBLES DU CHATEL n’ignorait pas le contrat la liant à X.

La société VIGNOBLES DU CHATEL ayant relevé que dans les réponses aux sommations interpellatives elle n’est pas citée, elle ne le conteste pas mais réplique que dans la pièce jointe à la sommation délivrée au restaurant WOK d’ Abbeville, la société VIGNOBLE DU CHATEL est parfaitement identifiable ; qu’au surplus Monsieur X intervient toujours, en 2017, pour VIGNOBLES DU CHATEL.

Elle affirme que dans la procédure l’opposant à Monsieur X, celui-ci a reconnu des contacts informels avec VIGNOBLES DU CHATEL y compris pendant le préavis.

Elle ajoute que la cour, dans la procédure contre Monsieur X, a retenu que le tarif des vins de VIGNOBLES DU CHATEL au 30 mars 2015 comporte le n° de portable de X et les échanges de mail avec 'Y Junjie’ comme établissant les actes de concurrence déloyale.

Concernant ses préjudices, elle indique qu’elle ne demande pas deux fois une indemnisation, et souligne qu’elle n’a obtenu que très partiellement satisfaction dans ma procédure contre Monsieur X, qu’au surplus, la responsabilité de la société VIGNOBLES DU CHATEL lui est propre tout comme les préjudices résultant :

— du manque à gagner pour lequel elle fixe son préjudice à 16 495 ' pour la perte de marge brute avec 4 clients démarchés par Monsieur X dans l’attente de la communication par la société du chiffre d’affaires et de marge brute de VIGNOBLES DE CHATEL au sein de sa clientèle notamment entre le 1er janvier et le 31 décembre 2015,

— de la perte de 'certains clients’ estimée à 20 000 ',

— de la désorganisation puisque pour rassurer sa clientèle, elle a dû mobiliser son équipe commerciale qui s’est ainsi trouvée fortement désorganisée pendant 1 an dès lors que la société s’est limitée à faire face à l’urgence, soit un coût de 135 000 ' pour le temps de travail du gérant, et des deux directeurs commerciaux.

— de l’atteinte à l’image liée au dénigrement estimée à 50 000 '

— du trouble commercial dès lors que les actes de concurrence déloyale engendrent toujours un tel trouble dont la jurisprudence accepte l’indemnisation même s’il n’est qu’éventuel et hypothétique, et qu’elle estime à 60 000 '.

Elle ajoute que s’il est exact que son chiffre d’affaires a augmenté, elle soutient que c’est uniquement en lien avec son activité export ; que par contre l’activité hors export est fortement impactée ainsi que le démontre l’attestation de son expert-comptable

L’ordonnance de clôture est rendue le 18 mai 2021.

En application des articles 455 et 634 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIVATION :

Il sera rappelé qu’aux termes de l’article 954 du code de procédure civile alinéa 3, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Si la société Z A invoque dans le corps de ses écritures l’irrecevabilité de l’exception d’incompétence et une sommation de communiquer qu’elle entend voir délivrer à l’appelante, ces prétentions ne sont pas reprises dans le dispositif de ses conclusions. La cour n’est donc pas saisie de ces chefs.

Sur l’exception d’incompétence :

La société VIGNOBLES DE CHATEL conclut dans le dispositif de ses écritures à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté son exception d’incompétence, sans toutefois présenter aucune motivation au soutien de cette demande si ce n’est le rappel de l’adresse de son siège social.

C’est par une exacte motivation que la cour adopte que les premiers juges n’ont pas fait droit à cette exception. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la complicité reprochée à la société VIGNOBLES DU CHATEL:

Si la victime de l’inexécution d’un contrat peut demander à un tiers au-dit contrat la réparation de son préjudice, il ne peut être fait droit à une telle demande que si elle établit à la charge de ce tiers l’existence d’actes positifs ou d’une complicité avec l’auteur principal.

En l’espèce, contrairement à ce que la société Z A soutient, Monsieur X, dans le cadre de la procédure les opposant, n’a nullement reconnu avoir effectué un quelconque démarchage pour le compte de la société VIGNOBLES DU CHATEL, indiquant seulement qu’après la fin du contrat le liant à l’intimée, et se trouvant libre de tout engagement de non-concurrence envers elle, dès lors qu’il avait besoin de retrouver une activité pour vivre, il a eu des contacts informels avec l’appelante.

Pour établir la réalité des actes par lesquels la société VIGNOBLES DU CHATEL se serait rendue complice de la violation de l’obligation de non concurrence à laquelle Monsieur X restait tenu pendant son délai de préavis, soit jusqu’au 24 juin 2015, la société Z A fait état :

— d’un tarif des vins VIGNOBLES DU CHATEL applicable au 30 mars 2015 et portant mention du

n° de téléphone de Monsieur X,

— d’une réponse adressée par VIGNOBLES DU CHATEL à un client le 5 juin 2015 indiquant à ce dernier que Monsieur X est son agent

— d’un message adressé par Monsieur X à un client le 9 juin 2015 par lequel il indique représenter la marque SUNTIME et joint les coordonnées de VIGNOBLES DU CHATEL.

Il sera relevé concernant ces pièces que l’analyse qui en a été faite quant à leur caractère probant dans la procédure opposant la société Z A à Monsieur B X est inopposable à la société VIGNOBLES DU CHATEL qui n’était pas partie à cette autre instance.

S’agissant du tarif de VIGNOBLES DU CHATEL applicable au 30 mars 2015, la société Z A produit en pièce 5 une photocopie du tarif HT au 30 mars 2015 de l’appelante sur la première page duquel apparaît un numéro de portable dont il est établi qu’il s’agit de celui de Monsieur X. Toutefois, la société VIGNOBLES DU CHATEL produit pour sa part en pièce 1 une photocopie du même tarif sur laquelle le n° de téléphone portable est différent, et correspond à Monsieur C D selon la carte de visite qu’elle produit en pièce 2. Aucune observation n’a été faite concernant ces pièces par l’intimée à laquelle elles ont été régulièrement communiquées.

Il ne peut être accordé aucun caractère probant aux échanges de mail qui auraient été échangés le 5 juin 2015 entre un représentant de la société VIGNOBLES DU CHATEL et 'Y Junjie’ concernant les coordonnées d’un vendeur sur Lyon que l’intimée produit en pièces 5.3 et 5.4 alors qu’aucun élément ne permet d’identifier les auteurs des messages dont la chronologie diffère d’une pièce à l’autre.

Quant au message que Monsieur X a adressé à 'Mr Y’ le 8 juin 2015 et auquel une carte de visite imputée à la société VIGNOBLES DU CHATEL est jointe, ce document ne permet nullement d’en déduire que l’appelante était l’éditrice de cette carte qui ne correspond absolument pas à celle qu’elle produit, ni qu’elle aurait eu connaissance de la démarche réalisée avec cette carte par ledit Monsieur X.

La société Z A invoque ensuite les réponses faites aux diverses sommations interpellatives qu’elle a fait délivrer, mais reconnaît qu’aucun de ses clients ainsi interrogés ne mentionne le nom de la société VIGNOBLES DU CHATEL, seul le nom de Monsieur X étant cité.

Elle soutient toutefois que la pièce remise à l’huissier par la gérante de la Sarl Shang Xuan exploitant le restaurant WOK à Abbeville permet d’identifier clairement la société VIGNOBLES DU CHATEL. Or d’une part il ressort des déclarations de cette gérante à l’huissier qu’aucune date précise n’est fournie concernant la date à laquelle Monsieur X a établi la proposition manuscrite produite, et d’autre part il est impossible de retrouver une concordance entre les vins mentionnés sur le document manuscrit produit et ceux figurant au tarif de la société appelante au cours de l’année 2015 produit par ailleurs.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, la société Z A ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d’actes imputables à la société VIGNOBLES DU CHATEL matérialisant une quelconque complicité avec ceux commis par Monsieur B X.

Le jugement ne peut dans ces conditions qu’être infirmé en ce qu’il a dit que la société Z A avait été victime d’actes de concurrence déloyale de la part de la société VIGNOBLES DU CHATEL et a prononcé en conséquence des condamnations à l’encontre de cette dernière.

Sur les autres demandes :

La société VIGNOBLES DU CHATEL demande la condamnation de l’intimée à lui verser 10 000 ' à titre de dommages intérêts compte-tenu du caractère 'manifestement abusif’ de la procédure engagée à son encontre.

Elle ne précise toutefois pas la nature du préjudice dont elle demande ainsi l’indemnisation, et ne justifie d’aucun préjudice autre que celui lié à la nécessité de défendre ses intérêts pour laquelle elle formule par ailleurs une demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Elle ne peut qu’être déboutée de cette prétention.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Dijon du 25 juillet 2019 en ce qu’il s’est déclaré compétent pour statuer,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute la Sarl Z A de l’intégralité de ses prétentions à l’encontre de la SAS VIGNOBLES DU CHATEL,

Déboute la SAS VIGNOBLES DU CHATEL de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive,

Condamne la Sarl Z A aux entiers dépens de première instance et d’appel,

Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sarl Z A à verser à la SAS VIGNOBLES DU CHATEL 3 500 ' pour ses frais irrépétibles

Déboute la Sarl Z A de sa demande de ce chef.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 16 septembre 2021, n° 19/01385