Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 14 novembre 2019, n° 17/02053

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch. soc. -sect. b, 14 nov. 2019, n° 17/02053
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 17/02053
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 30 mars 2017, N° F15/01036
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

FB

N° RG 17/02053 – N° Portalis DBVM-V-B7B-I7TZ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP JANOT & ASSOCIES

Me Thierry PONCET-MONTANGE

Me LONG David

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 14 NOVEMBRE 2019

Appel d’une décision (N° RG F15/01036)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 31 mars 2017

suivant déclarations d’appel du 19 Avril 2017 et 28 Avril 2017

APPELANTS et INTIMES:

Monsieur F B C

[…]

[…]

représenté par Me Pierre JANOT de la SCP JANOT & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

Monsieur A X

[…]

38380 SAINT-LAURENT-DU-PONT

représenté par Me Pierre JANOT de la SCP JANOT & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

SAS RANDSTAD prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

[…]

[…]

représentée par Me Isabelle GOETZ, avocat plaidant au barreau de LYON, Me LONG David, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

INTIME :

SAS POMA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

[…]

[…]

représentée par Me Olivier GELLER de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Maylis DE RAYNAL, avocat plaidant au barreau de LYON, Me PONCET-MONTAGNE, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Blandine FRESSARD, Présidente,

Monsieur F BLANC, Conseiller,

Monsieur Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Septembre 2019,

Monsieur F BLANC, chargé du rapport, assisté de Mme Valérie DREVON, greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 14 Novembre 2019, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 14 Novembre 2019.

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur F B C a été mis à la disposition de la SAS POMA par la SAS RANDSTAD du 21 mars 2011 au 1er mai 2015 dans le cadre de contrats d’intérim avec comme motif de recours l’accroissement temporaire d’activité.

Monsieur A X a été mis à la disposition de la SAS POMA par la SAS RANDSTAD du 23 avril 2012 au 1er mai 2015 dans le cadre de contrats d’intérim avec comme motif de recours l’accroissement temporaire d’activité.

Ils ont saisi le Conseil de Prud’hommes de GRENOBLE le 5 mai 2015 aux fins de requalification du contrat d’intérim en contrat à durée indéterminée et au titre de la rupture injustifiée de leur contrat requalifié à l’égard de la SAS POMA dans un premier temps et dans un second temps, dans le cadre d’appels en intervention

forcée de la SAS RANDSTAD.

Les deux instances ont fait l’objet d’une jonction.

Par jugement en date du 31 mars 2017, le Conseil de Prud’hommes de GRENOBLE a :

— ordonné pour une bonne administration de la justice, la jonction des instances n°RG F 15/01036 et 15/01037 sous le seul n°RG15/01036

— mis hors de cause la SAS POMA

— requalifié les contrats intérimaires de Messieurs F B C et A X en contrats à durée indéterminée, respectivement pour chacun d’eux à compter du 21 mars 2011 et du 23 avril 2012, à l’égard de la SAS RANDSTAD

— condamné la SAS RANDSTAD à verser les sommes de :

à Monsieur F B C :

-1897,93 euros à titre d’indemnité de requalification

-3795,87 euros à titre d’indemnité de préavis

-375,58 euros à titre de congés payés afférents

-1897,93 euros à titre d’indemnité de licenciement

-11387,58 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

à Monsieur A X :

-2057,38 euros à tire d’indemnité de requalification

-4114,76 euros brut à titre d’indemnité de préavis

-411,48 euros brut à titre de congés payés afférents

-1645,90 euros à titre d’indemnité de licenciement

-12344,38 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l’exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution, en application de l’article R 1454-28 du code du travail, étant précisé que ces sommes sont assorties des intérêts de droit à compter du jour de la demande et que la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à retenir est de 1897,93 euros pour Monsieur B C et de 2057,38 euros pour Monsieur X.

— débouté Messieurs F B C et A X de leurs autres demandes

— débouté les SAS RANDSTAD et SAS POMA de leur demande reconventionnelle

— condamné la SAS RANDSTAD aux dépens

La SAS RANDSTAD a interjeté appel total à l’encontre dudit jugement le 19 avril 2017.

Monsieur F B C a interjeté appel total à l’encontre dudit jugement le 28 avril 2017.

Monsieur A X a interjeté appel total à l’encontre dudit jugement le 28 avril 2017.

Les procédures RG 17/02245, 17/02246, 17/02248 et 17/02053 ont fait l’objet d’une jonction sous ce dernier numéro.

Dans l’instance engagée par Monsieur A X, la SAS RANDSTAD s’en est remise à des conclusions transmises par RPVA le 6 juillet 2017 et entend voir :

CONSTATER que les motifs de recours invoqués dans les contrats de travail temporaire conclus avec Monsieur X sont justifiés,

CONSTATER que les règles légales en matière de succession de contrats et de renouvellements ont été parfaitement respectées,

CONSTATER que les règles légales relatives au délai de carence ont été parfaitement respectées,

CONSTATER que les règles légales relatives au repos hebdomadaire et journalier ont été parfaitement respectées.

En conséquence :

DIRE ET JUGER que la demande en requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée formulée par Monsieur X n’est pas fondée,

DEBOUTER Monsieur X de l’ensemble de ses demandes,

INFIRMER le jugement dont appel en ce qu’il a jugé que les contrats de mission devaient être requalifiés à l’égard de la société RANDSTAD,

CONFIRMER le jugement en ce qu’il a jugé que les demandes en rappel de salaires et de dommages et intérêts pour recours abusif au contrat de mission n’étaient pas fondés,

DIRE ET JUGER non fondée, la demande en condamnation solidaire des sociétés RANDSTAD et POMA, formulée par Monsieur X,

En conséquence :

METTRE HORS DE CAUSE la société RANDSTAD,

En tout état de cause :

DIRE ET JUGER que la société RANDSTAD ne peut être condamnée à verser une indemnité de requali’cation à Monsieur X,

Dès lors, INFIRMER sur ce point le jugement dont appel,

CONDAMNER Monsieur X à verser à la société RANDSTAD la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER Monsieur X aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

— le motif de recours aux contrats d’intérim pour accroissement temporaire d’activité pour diverses tâches temporaires sur différents postes est régulier. Le salarié ne démontre pas qu’il pourvoyait un emploi permanent ; ce qui ne peut être déduit du seul nombre de contrats d’intérim conclus. Elle lui a proposé d’autres contrats d’intérim pour d’autres sociétés qu’il a refusés

— aucune demande de requalification ne peut être formulée à son encontre au titre l’irrégularité du motif de recours et de la permanence alléguée de l’emploi occupé

— chaque mission du salarié n’a pas duré plus de 18 mois et aucune mission n’a fait l’objet de plus d’un renouvellement. Elle s’oppose à la globalisation effectuée par le salarié des contrats en ce que les missions sont autonomes les unes vis-à-vis des autres. Au demeurant, la demande de requalification pour ce motif ne peut être demandée qu’à l’entreprise utilisatrice et non à l’entreprise de travail temporaire

— aucun délai de carence n’avait à être respecté entre certains contrats de mission en ce que les postes occupés par le salarié n’étaient pas identiques et les missions étaient différentes. Par ailleurs, il y a eu des interruptions dans les mises à disposition du salarié.

— il ne saurait y avoir condamnation solidaire de la société d’intérim et de la société utilisatrice en ce que cela reviendrait à considérer que le salarié a deux employeurs ; ce qui est impossible. La seule hypothèse est la concertation frauduleuse qui n’est pas établie.

— le salarié ne peut obtenir une indemnité de requalification de la part de l’entreprise de travail temporaire

— le salarié ne justifie pas du préjudice allégué au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors qu’elle a continué à lui proposer des missions d’intérim pour d’autres sociétés

— aucune justification n’est produite à l’appui de la demande pour recours abusif à l’intérim

— aucune démonstration n’est fournie par le salarié du non-respect de la réglementation en matière de durée du travail

Dans l’instance engagée par Monsieur B C, la SAS RANDSTAD s’en est remise à des conclusions transmises par RPVA le 6 juillet 2017 et entend voir :

CONSTATER que les motifs de recours invoqués dans les contrats de travail temporaire conclus avec Monsieur B C sont justifiés,

CONSTATER que les règles légales en matière de succession de contrats et de renouvellements ont été parfaitement respectées,

CONSTATER que les règles légales relatives au délai de carence ont été parfaitement respectées,

CONSTATER que les règles légales relatives au repos hebdomadaire et journalier ont été parfaitement respectées.

En conséquence :

DIRE ET JUGER que la demande en requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée formulée par Monsieur B C n’est pas fondée,

DEBOUTER Monsieur B C de l’ensemble de ses demandes,

INFIRMER le jugement dont appel en ce qu’il a jugé que les contrats de mission devaient être requalifiés à l’égard de la société RANDSTAD,

CONFIRMER le jugement en ce qu’il a jugé que les demandes en rappel de salaires et de dommages et intérêts pour recours abusif au contrat de mission n’étaient pas fondés,

DIRE ET JUGER non fondée, la demande en condamnation solidaire des sociétés RANDSTAD et POMA, formulée par Monsieur B C

En conséquence :

METTRE HORS DE CAUSE la société RANDSTAD,

En tout état de cause :

DIRE ET JUGER que la société RANDSTAD ne peut être condamnée à verser une indemnité de requali’cation à Monsieur B C

Dès lors, INFIRMER sur ce point le jugement dont appel,

CONDAMNER Monsieur B C à verser à la société RANDSTAD la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER Monsieur X aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

— le motif de recours aux contrats d’intérim pour accroissement temporaire d’activité pour diverses tâches temporaires sur différents postes est régulier. Le salarié ne démontre pas qu’il pourvoyait un emploi permanent ; ce qui ne peut être déduit du seul nombre de contrats d’intérim conclus. Elle lui a proposé d’autres contrats d’intérim pour d’autres sociétés qu’il a refusés

— aucune demande de requalification ne peut être formulée à son encontre au titre l’irrégularité du motif de recours et de la permanence alléguée de l’emploi occupé

— chaque mission du salarié n’a pas duré plus de 18 mois et aucune mission n’a fait l’objet de plus d’un renouvellement. Elle s’oppose à la globalisation effectuée par le salarié des contrats en ce que les missions sont autonomes les unes vis-à-vis des autres. Au demeurant, la demande de requalification pour ce motif ne peut être demandée qu’à l’entreprise utilisatrice et non à l’entreprise de travail temporaire

— aucun délai de carence n’avait à être respecté entre certains contrats de mission en ce que les postes occupés par le salarié n’étaient pas identiques et les missions étaient différentes. Par ailleurs, il y a eu des interruptions dans les mises à disposition du salarié.

— il ne saurait y avoir condamnation solidaire de la société d’intérim et de la société utilisatrice en ce que cela reviendrait à considérer que le salarié a deux employeurs ; ce qui est impossible. La seule hypothèse est la concertation frauduleuse qui n’est pas établie.

— le salarié ne peut obtenir une indemnité de requalification de la part de l’entreprise de travail temporaire

— le salarié ne justifie pas du préjudice allégué au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors qu’elle a continué à lui proposer des missions d’intérim pour d’autres sociétés

— aucune justification n’est produite à l’appui de la demande pour recours abusif à l’intérim

— aucune démonstration n’est fournie par le salarié du non-respect de la réglementation en matière de durée du travail.

Monsieur A X et Monsieur F B C s’en sont remis à des conclusions transmises par RPVA le 27 août 2019 et entendent voir :

Sur la requalification des contrats d’intérim en Contrats à Durée Indéterminée :

DIRE et JUGER que les salariés ont été embauchés afin de pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de la société POMA ;

DIRE et JUGER que les sociétés de travail temporaire n’ont pas respecté le délai de carence devant s’appliquer à tout salarié employé dans le cadre d’un contrat de mission.

REQUALIFIER les contrats de travail de Messieurs B-C et X en Contrats à Durée Indéterminée

En conséquence,

REQUALIFIER la rupture de leurs relations contractuelles, en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

— Pour M. B C

A titre principal :

INFIRMER le jugement de première instance,

CONDAMNER la société POMA à verser les sommes suivantes :

—  1.897,93 Euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.

—  3.795,87 Euros au titre de l’indemnité de préavis

—  375,58 Euros au titre des congés payés afférents

—  1.897,93 Euros au titre de l’indemnité de requalification du contrat d’intérim en Contrat à Durée Indéterminée

—  18.979 Euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

—  1.897,93 Euros au titre des Dommages et Intérêts pour recours abusif au contrat d’intérim :

A titre subsidiaire :

CONFIRMER le jugement de première instance,

CONDAMNER la société RANDSTAD à verser les sommes suivantes :

1.897,93 Euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.

3.795,87 Euros au titre de l’indemnité de préavis

375,58 Euros au titre des congés payés afférents

1.897,93 Euros au titre de l’indemnité de requalification du contrat d’intérim en Contrat à Durée Indéterminée

1.897,93 Euros au titre des Dommages et Intérêts pour recours abusif au contrat d’intérim.

REFORMER le jugement de première instance sur le quantum des dommages et intérêts,

CONDAMNER la société RANDSTAD à verser à Monsieur B-C :

18.979 Euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

— Pour M. X

A titre principal :

INFIRMER le jugement de première instance,

CONDAMNER la société POMA à verser les sommes suivantes :

—  1.645,90 Euros au titre de l’indemnité légale de licenciement

—  4.114,76 Euros Au titre de l’indemnité de préavis

—  411,48 Euros au titre des congés payés afférents

—  2.057,38 Euros au titre de l’indemnité de requalification du contrat d’intérim en Contrat à Durée Indéterminée

—  20.573 Euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

—  2.057,38 Euros au titre des Dommages et Intérêts pour recours abusif au contrat d’intérim :

A titre subsidiaire :

CONFIRMER le jugement de première instance,

CONDAMNER la société RANDSTAD à verser les sommes suivantes :

—  1.645,90 Euros au titre de l’indemnité légale de licenciement

—  4.114,76 Euros Au titre de l’indemnité de préavis

—  411,48 Euros au titre des congés payés afférents

—  2.057,38 Euros au titre de l’indemnité de requalification du contrat d’intérim en Contrat à Durée Indéterminée

—  2.057,38 Euros au titre des Dommages et Intérêts pour recours abusif au contrat d’intérim.

REFORMER le jugement de première instance sur le quantum des dommages et intérêts,

CONDAMNER la société RANDSTAD à verser à Monsieur X :

—  20.573 Euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur le non-respect de la réglementation en matière de durée du travail :

CONDAMNER a titre principal la société POMA et à titre subsidiaire la société RANDSTAD à verser au titre des dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation relative au repos hebdomadaire :

— A M. B C : 2.000 Euros

— A M. X : 2.000 Euros

Sur l’article 700 du Code de Procédure Civile :

CONDAMNER a titre principal la société POMA et à titre subsidiaire la société RANDSTAD à verser au titre de l’article 700 du CPC :

— A M. B C : 2.000 Euros

— A M. X : 2.000 Euros

Ils font valoir que :

— leurs prétentions ne sont pas prescrites en ce que la prescription commence à courir à compter du dernier contrat d’intérim au titre de leur demande de requalification, étant précisé qu’ils ne se prévalent pas du non-respect de mentions obligatoires dans les contrats d’intérim

— le recours à l’intérim ne résulte pas d’un surcroît temporaire d’activité mais de l’activité normale et permanente de l’entreprise au vu de la durée de leur mise à disposition de 4 ans et 1 mois pour Monsieur B C et de 4 ans pour Monsieur X, étant noté que d’autres intérimaires se sont trouvés dans la même situation. Pendant cette période, ils n’ont accompli de missions que pour la société POMA. Les postes occupés étaient similaires puisqu’ils requéraient les mêmes qualifications et notamment celle de cariste. Les délégués du personnel de l’entreprise POMA ont fait observer que la préparation de commandes ne fonctionne qu’avec des intérimaires. Le moyen tiré du carnet de commandes n’est pas opérant en ce que celles-ci sont en 2015 légèrement supérieures à 2014. la société POMA n’est pas soumise à des cycles puisque le recours à l’intérim s’est fait de manière continue. La société POMA se prévaut à tort de jurisprudences relatives à la succession de missions puisqu’elles concernent le remplacement de salariés absents. Il n’est pas justifié d’un surcroît temporaire d’activité lié au transfert d’un site à l’autre ou lié à la nécessité pour un salarié de l’entreprise, en l’occurrence un responsable logistique, d’être affecté temporairement à une autre tâche ou encore au changement du logiciel de gestion des stocks. Il n’est pas davantage justifié d’un surcroît temporaire d’activité lié à un retard accumulé du fait de cycles erratiques de production.

La Cour d’appel de GRENOBLE s’est déjà prononcée dans le sens de la requalification des contrats d’intérim à l’égard de la société POMA pour d’autres salariés.

— la durée maximale de 18 mois a été dépassée par la société POMA car il ne s’agissait en réalité que d’un seul contrat de mission ; ce qui résulte de la position de la société POMA adoptée devant les délégués du personnel

— le délai de carence n’a pas été respecté en ce que quoique les intitulés de postes occupés aient été différents, les salariés ont occupé des fonctions identiques et les contrats d’intérim se sont succédés sans discontinuité de sorte qu’ils sont fondés en leur demande de requalification à l’encontre de la société RANDSTAD. Le moyen tiré de l’exception au respect du délai de carence en cas de remplacement d’un salarié absent n’est pas pertinent puisque les contrats d’intérim visent le surcroît temporaire d’activité. Celui relatif au fait que des missions pour d’autres entreprises que la société POMA ont été proposées aux salariés est inopérant puisqu’elles ont été faites avant ou après leurs missions au sein de l’entreprise POMA.

— dès lors que les contrats d’intérim sont requalifiés en CDI à l’égard de l’entreprise POMA, la rupture du contrat est imputable à l’entreprise, peu important l’absence de licenciement.

— les salariés n’ont pas bénéficié de 35 heures au minimum de repos hebdomadaire.( 24 heures de repos + 11 heures de repos quotidien)

La SAS POMA s’en est remise à des conclusions transmises par RPVA le 2 septembre 2019 et entend voir :

1°/ S’agissant de Monsieur B C

INFIRMER le jugement entrepris, en ce qu’il a considéré que la prescription n’était pas invocable

DECLARER les demandes de Monsieur B C prescrites et partant irrecevables.

CONFIRMER le jugement, pour le surplus, et en ce :

— qu’il a été jugé que les motifs de recours au travail intérimaire étaient justifiés, tant sur le fond que sur la forme,

— qu’il n’y avait pas lieu à requalification des missions intérimaires en un contrat à durée indéterminée,

— que Monsieur B C devait donc être débouté de l’intégralité de ses demandes, y compris celles formulées au titre d’un prétendu non-respect des temps de repos.

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société POMA d’une indemnité au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

ALLOUER la somme de 2 000 €, de ce chef.

DEBOUTER Monsieur B C de l’intégralité de ses demandes.

Le CONDAMNER aux entiers dépens.

2°/ S’agissant de Monsieur A X

CONFIRMER le jugement entrepris en ce :

— qu’il a été jugé que les motifs de recours au travail intérimaire étaient justifiés, tant sur le fond que sur la forme,

— qu’il n’y avait pas lieu à requalification des missions intérimaires en un contrat à durée indéterminée,

— que Monsieur X devait donc être débouté de l’intégralité de ses demandes, y compris celles formulées au titre d’un prétendu non-respect des temps de repos.

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société POMA d’une indemnité au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

STATUANT A NOUVEAU :

DIRE les demandes prescrites.

ALLOUER la somme de 2 000 €, de ce chef.

DEBOUTER Monsieur X de l’intégralité de ses demandes.

Le CONDAMNER aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

— la demande de requalification se heurte à la prescription biennale en ce que les salariés pouvaient se prévaloir dès l’expiration du délai de 18 mois après le début de leurs missions d’intérim du fait allégué qu’ils pourvoyaient à un emploi permanent

— le non-respect allégué du délai de carence ne peut lui être opposé en sa qualité d’entreprise utilisatrice

— il n’y a aucun dépassement du délai de 18 mois en ce que ce délai doit s’apprécier mission par mission et ce d’autant, que les salariés ont occupé des postes différents selon les missions

— il est justifié du surcroît temporaire d’activité pour chacune des périodes :

— transfert d’activité de l’atelier de FONTAINE vers celui de VOREPPE

— organisation de l’inventaire à la fin de l’exercice fiscal

— changement de logiciel de gestion et difficultés afférentes

— cycles de production erratiques, dont la réalité a été reconnue par les demandeurs à l’instance (aveu judiciaire et avant instance, dans un courrier)

— les demandes indemnitaires ne sont subsidiairement pas justifiées et/ou fondées (demande indemnité pour irrégularité de procédure et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse)

— les durées minimales de repos hebdomadaire et journalier ont été respectées

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.

La clôture a été prononcée le 5 septembre 2019.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la SAS POMA :

L’article L 1471-1 du code du travail créé par la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 prévoit en son alinéa 1 :

Toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

L’article 21 de ladite loi prévoit que :

V. ' Les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Lorsqu’une instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation.

Antérieurement, l’action en requalification d’un contrat d’interim contre une entreprise utilisatrice était régie par la prescription de l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2018 qui disposait que :

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Selon l’article L. 1251-40 du code du travail, lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission et le délai de prescription prévu par l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 puis par l’article L 1471-1 du code du travail ne court qu’à compter du terme du dernier contrat de mission.

En l’espèce, les demandeurs à l’instance ont saisi le Conseil de Prud’hommes de GRENOBLE le 5 mai 2015 alors que leur dernier contrat de mission d’intérim s’est achevé le 1er mai 2015, de sorte que la saisine de la juridiction est intervenue avant l’expiration du délai de 2 ans après le dernier contrat de mission.

Contrairement à ce que soutient la SAS POMA, sauf à priver d’effet les dispositions de l’article L 1251-40 du code du travail, dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2016-1387 du 22 septembre 2017, il n’y a pas lieu de distinguer s’agissant de l’application de la prescription de l’action en requalification entre les différentes irrégularités du recours allégué à l’intérim par l’entreprise utilisatrice dans la mesure où le salarié mis à disposition peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

S’agissant plus particulièrement de la méconnaissance alléguée de l’article L 1251-12 du code du travail, si la durée maximale de 18 mois mentionnée s’apprécie en principe mission par mission, il convient de relever que les demandeurs à l’instance ne se prévalent pas de plusieurs relations de travail à l’égard de l’entreprise utilisatrice mais d’une seule relation de travail pour le même emploi, nonobstant les intitulés de postes différents mentionnés sur les contrats d’intérim, avec une succession alléguée de contrats d’intérim, selon des missions non autonomes les unes par rapports aux autres, sans interruption ayant pour effet de contourner le délai de 18 mois de sorte qu’ils sont recevables en leur demande de requalification d’un contrat de travail unique à compter du premier contrat d’interim, la société POMA opérant une confusion entre la recevabilité et le bien fondé des prétentions adverses.

Plus précisément, l’intérimaire ne peut avoir pleinement connaissance d’un contournement allégué par l’entreprise utilisatrice du délai énoncé à l’article L 1251-12 du code du travail qu’au terme de la dernière mission en ce que ce n’est qu’à ce moment, qu’il peut opérer sur toute la période de mise à disposition une comparaison entre les postes mentionnés dans chacun des contrats de mission d’intérim successifs avec les fonctions effectivement exercées dans l’entreprise utilisatrice et se prévaloir le cas échéant d’une identité ou d’une forte similarité, à charge pour l’entreprise utilisatrice d’établir la preuve de l’autonomie effective de chacune des missions et du respect du délai énoncé par cette disposition.

Il convient en conséquence de rejeter la fin de non recevoir alléguée par la SAS POMA tirée de la prescription de l’action respective en requalification des contrats d’intérim à son égard de Messieurs X et B C.

Sur les demandes de requalification des contrats d’intérim à l’égard de la SAS POMA :

Il résulte des articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail que la possibilité donnée à l’entreprise utilisatrice de recourir à des contrats de missions successifs avec le même salarié intérimaire pour faire face à un accroissement temporaire d’activité ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente de sorte que l’entreprise utilisatrice ne peut recourir de façon

systématique aux missions d’intérim pour faire face à un besoin structurel de main-d’oeuvre.

En cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire, il incombe à l’entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de travail.

L’article L 1251-12 du code du travail tel que modifié par la loi n°2011-893 du 28 juillet 2011 puis par la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 prévoit que :

La durée totale du contrat de mission ne peut excéder dix-huit mois compte tenu, le cas échéant, du renouvellement intervenant dans les conditions prévues à l’article L. 1251-35.

Cette durée est réduite à neuf mois lorsque le contrat est conclu dans l’attente de l’entrée en service effective d’un salarié recruté par contrat à durée indéterminée ou lorsque son objet consiste en la réalisation de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité.

Elle est portée à vingt-quatre mois :

1° Lorsque la mission est exécutée à l’étranger ;

2° Lorsque le contrat est conclu dans le cas du départ définitif d’un salarié précédant la suppression de son poste de travail ;

3° Lorsque survient dans l’entreprise, qu’il s’agisse de celle de l’entrepreneur principal ou de celle d’un sous-traitant, une commande exceptionnelle à l’exportation dont l’importance nécessite la mise en oeuvre de moyens quantitativement ou qualitativement exorbitants de ceux que l’entreprise utilise ordinairement. Dans ce cas, la durée initiale du contrat ne peut être inférieure à six mois.

Elle est portée à trente-six mois afin d’être égale à celle du cycle de formation effectué en apprentissage conformément à l’article L. 6222-7 (L 6222-7-1).

En l’espèce, d’une première part, s’agissant de la méconnaissance alléguée du délai de 18 mois imposé par l’article L 1251-12 du code du travail, il appert que les qualifications professionnelles mentionnées sur les contrats d’intérim de Monsieur B C, qui se sont succédés pendant une période de 4 ans, sont :

préparateur de commande cariste, magasinier cariste, magasinier préparateur de commandes, cariste et magasinier responsable chargement.

Les qualifications professionnelles mentionnées sur les contrats d’intérim de Monsieur X, qui se sont succédés pendant une période de 3 ans, sont :

préparateur de commande cariste, cariste et magasin préparateur de commandes.

Messieurs B C et X soutiennent que l’ensemble de ces postes requièrent les mêmes qualifications et qu’ils étaient similaires se prévalant notamment de la réponse de l’entreprise à une interrogation de ses représentants du personnel.

Pour soutenir qu’elle a respecté le délai maximal de 18 mois énoncé à l’article L 1251-12 du code du travail et que les missions doivent s’interpréter de manière autonome les unes par rapport aux autres, la SAS POMA oppose que le délai de 18 mois s’apprécie mission par mission et que les postes n’étaient pas identiques, s’arrêtant pour autant uniquement à l’intitulé de la « qualification demandée » figurant sur les contrats de mission, sans considération des « caractéristiques du poste » et faisant valoir que la réponse donnée aux représentants du personnel est générale et non précise.

Or, à l’analyse précise des contrats de mission décrivant « les caractéristiques du poste », il s’évince que

nonobstant des formulation différentes, les fonctions confiées à Messieurs B-C et X sont en réalité similaires d’une mission à l’autre et ce indépendamment de la « qualification demandée » figurant sur chaque mission.

En effet, il y a systématiquement un maniement de pièces, le recours à l’outil informatique et l’utilisation d’un chariot.

Il s’ensuit que sous couvert d’intitulés de « qualification demandée » multiples figurant dans des contrats de mission formellement d’une durée inférieure à 18 mois, la SAS POMA a en réalité contourné les dispositions de l’article L 1251-12 du code du travail en employant chacun des requérants au même poste pendant une durée de plus de 18 mois, les contrats de mission ne pouvant dans ces circonstances s’apprécier de manière autonomes les uns-vis-à-vis des autres.

Deuxièmement, la SAS POMA ne rapporte pas non plus la preuve du bien fondé du motif de recours aux contrats d’intérim figurant sur les contrats de mission, à savoir le surcroît temporaire d’activité et les postes occupés par les demandeurs à l’instance pourvoyaient en réalité des emplois permanents, en répondant à un besoin structurel de main d’oeuvre en ce que :

— les salariés ont occupé pendant 4 ans et un mois pour Monsieur B-C sans discontinuité, sauf le mois de février 2012 et 3 ans pour Monsieur X le même poste, nonobstant les variations d’intitulés sur les contrats de mission, soit pendant des durées quasi continues ne pouvant s’expliquer par de simples surcroîts temporaires d’activités et n’étant pas compatibles avec des cycles allégués d’activité, étant relevé qu’à supposer l’existence d’une saisonnabilité de la production avec des périodes de haute et de basse activité, évoquée par les intérimaires dans un courrier à la société POMA du 23 mars 2015, celle-ci était manifestement prévisible et il n’est aucunement justifié à tout le moins de son caractère erratique, puisque les pièces 4.5 et 6 de la société POMA ne concernent que les années 2014 et 2015, sans possibilité de comparaison pluriannuelle effective que les courbes semblent au demeurant suivre la même évolution. Par ailleurs, dans sa réponse aux représentants du personnel lors de la réunion du 2 avril 2015, la société POMA fait certes référence au caractère saisonnier de son activité mais se prévaut d’une nouvelle politique RH en matière de recours à l’intérim en fixant comme règles le recours à l’intérim pour 2 saisons successives par intérimaire ; ce qui implique nécessairement la répétition d’un schéma pré-défini de production dans le temps

— le recours à des intérimaires pour faire face à un besoin structurel de main d’oeuvre résulte des remarques faites par les élus lors de cette même réunion du 2 avril 2015 puisque ceux-ci affirment, sans être démenti par la SAS POMA qui supporte la charge de la preuve à défaut de production de son registre du personnel, que le service de préparation de commandes se compose depuis longtemps essentiellement d’intérimaires, et ce d’autant que les demandeurs à l’instance se prévalent d’arrêts exécutoires mais non définitifs de la présente Cour ayant requalifié des contrats d’intérim en contrat à durée indéterminée à l’égard de la SAS POMA dans des circonstances analogues

— de manière superfétatoire, la SAS POMA ne rapporte pas la preuve du bien fondé du recours à l’intérim au titre des causes alléguées dans le temps de surcroît temporaire d’activité :

— la réorganisation d’un site puis le déménagement d’un site à un autre avec fermeture d’un site est davantage susceptible d’engendrer de manière tendancielle une baisse plutôt qu’une hausse d’activité et surtout, à supposer une perturbation dans la production du fait du déménagement du matériel (décembre 2011) et la nécessité d’assurer le nettoyage et l’évacuation de l’ancien site, il n’est pas vraisemblable et à tout le moins, preuve suffisante n’est pas rapportée, que cela puisse occasionner un surcroît temporaire d’activité sur une période aussi longue que 1 an et 7 mois, du 21 mars 2011 au 31 octobre 2012, étant relevé que la preuve du surcroît temporaire d’activité allégué ne saurait s’appuyer sur la seule attestation non conforme à l’article 202 du code de procédure civile, de Madame D E, salariée de la société POMA

— outre qu’un inventaire fiscal est une tâche récurrente et prévisible de l’entreprise, la SAS POMA n’établit pas en quoi cette tâche, qui a d’après l’attestation de Monsieur Y, responsable Supply CHAIN de la

société POMA, mobilisé 100 % du temps de Monsieur Z, responsable logistique, du fait de son couplage avec la préparation de la migration du service SAP, a pu concerner sur la période du 3 décembre 2012 au 18 janvier 2013 Messieurs B-C et X, employés en intérim aux postes de cariste, le surcroît d’activité par glissement de postes avec le responsable logistique n’étant ni évident ni au demeurant prouvé

— dès lors que la mise en place de l’outil ERP n’a pu se faire comme prévu en avril 2013 du fait de difficultés techniques alléguées mais uniquement en février 2014 d’après les explications de la société POMA, il n’est pas justifié de manière évidente à la nécessité de recourir sur cette période à du personnel intérimaire de préparation de commandes, qui n’était pas en charge de cette migration informatique. La pièce n°18 de la société POMA prouve même plutôt le contraire puisqu’il est évoqué la mobilisation de Keys users, de correspondants en Autriche, des employés du bureau d’étude mais pas des préparateurs de commandes

— s’il résulte de la pièce n°18 de la société POMA des retards dans les commandes fournisseurs (plusieurs semaines en 2014) et dans les commandes clients (plusieurs semaines en 2014) et 4 mois de travail supplémentaire en 2014 au titre de la gestion des stocks du fait de la mise en place à partir de février 2014 du nouvel ERP, cela ne saurait entraîner un surcroît temporaire d’activité de plus d’un année entière alléguée par la société POMA, identifiant le nouvel ERP comme une cause prétendue du recours à l’intérim de février 2014 jusqu’en mai 2015, en sus du caractère cyclique de l’activité qui a d’ores et déjà été écarté.

Il s’ensuit qu’il convient d’infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a mis hors de cause la SAS POMA et de requalifier les contrats d’intérim de Monsieur F B C et de Monsieur A X à l’égard de la SAS POMA respectivement à compter 21 mars 2011 et du 23 avril 2012 en contrat à durée indéterminée de droit commun.

Au visa de l’article L 1251-41 du code du travail, il convient d’accorder à Monsieur F B C une indemnité de requalification à hauteur de 1897,93 euros nets, celle-ci étant parfaitement justifiée contrairement à ce que soutient la SAS POMA puisqu’au moins égale à un mois de salaire et réparant le préjudice subi par le salarié à raison du fait qu’il est demeuré de manière injustifiée pendant 4 ans et 1 mois en situation de précarité.

Au visa de l’article L 1251-41 du code du travail, il convient d’accorder à Monsieur A X une indemnité de requalification à hauteur de 1804,36 euros nets, celle-ci étant parfaitement justifiée, après rectification du salaire retenu (manque les bulletins de salaire de mars à mai 2015) contrairement à ce que soutient la SAS POMA puisqu’au moins égale à un mois de salaire et réparant le préjudice subi par le salarié à raison du fait qu’il est demeuré de manière injustifiée pendant 3 ans en situation de précarité.

Les demandeurs à l’instance seront en revanche déboutés de leur demande indemnitaire respective s’agissant du recours abusif au contrat d’intérim dès lors qu’il n’est pas justifié d’un préjudice distinct à ce titre qui ne soit pas déjà réparé par l’allocation de l’indemnité spéciale de requalification pour laquelle ils ont d’ailleurs limité leur demande à 1 mois de salaire ; ce qui est le minimum.

Sur les prétentions respectives au titre la rupture des contrats de travail requalifiés en CDI :

Premièrement, à compter du 1er mai 2015, la SAS POMA a cessé d’employer Messieurs F B C et A X sans qu’une procédure de licenciement régulière et fondée sur un motif valable n’ait été mise en oeuvre à l’égard de chacun d’eux.

Il s’ensuit que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée de Monsieur F B C et celle du contrat de travail à durée indéterminée de Monsieur A X, l’un et l’autre avec la SAS POMA, s’analysent en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Deuxièmement, au visa de l’article L 1234-5 du code du travail, Monsieur F B C et Monsieur A X se trouvent en conséquence fondés en leur demande au titre de l’indemnité

compensatrice de préavis, et des congés payés afférents.

Monsieur F B C se voit allouer la somme de 3795,87 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 379,59 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Monsieur A X se voit en conséquence allouer la somme de 3608,72 euros bruts (rectification du montant sollicité faute de production des bulletins de salaire de mars à mai 2015), outre 360,87 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Troisièmement, au visa des articles R 1234-2 et suivants du code du travail dans leur version applicable au 1er mai 2015, il convient d’accorder à Monsieur B C une indemnité légale de licenciement de 1644,86 euros et à Monsieur A X une indemnité légale de licenciement de 1082,61 euros, le surplus de leurs prétentions respectives à ce titre n’étant pas justifié.

Quatrièmement, au visa de l’article L 1235-3 du code du travail dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, au jour de leur licenciement injustifié, Monsieur B C avait 4 ans d’ancienneté et Monsieur A X 3 ans d’ancienneté.

L’un et l’autre ne produisent pour autant pas d’éléments utiles sur leur situation de travail, de famille et personnelle postérieurement à la rupture de leur contrat de travail, étant relevé que la société RANDSTAD à l’égard de laquelle les demandeurs à l’instance avaient formé des demandes à titre subsidiaire produit un certain nombre d’éléments mettant en évidence que l’un et l’autre ont accompli des missions d’intérim pour d’autres entreprises utilisatrices après le mois de mai 2015.

Dans ces conditions, il sera alloué à Monsieur B C la somme de 12336 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à Monsieur A X celle de 11728 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le surplus de leurs prétentions étant rejeté.

Sur le non-respect allégué de la réglementation en matière de durée du travail :

Au visa de l’article L 3132-2 du code du travail, Messieurs B C et A X se contentent en cause d’appel de reprendre les mêmes moyens en arguant avoir travaillé de nombreux samedis de 7h à 12 h et avoir repris le travail le lundi suivant à 8 heures en indiquant que cela aboutissait à 32 heures de repos consécutif alors que le Conseil de prud’hommes a relevé, comme la société POMA, à juste titre, que la durée de repos s’établissait en réalité à 44 heures, soit en conformité avec les dispositions sus-visées si bien que les prétentions de ce chef seront rejetées, le jugement ne pouvant être purement et simplement confirmé puisqu’il a mis hors de cause la SAS POMA.

Sur les demandes accessoires :

L’équité commande de condamner la SAS POMA à payer à Monsieur F B C et Monsieur A X à chacun une indemnité de procédure de 2000 euros, le surplus des prétentions de ce chef étant rejeté et le jugement infirmé.

Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, la SAS POMA succombant à l’instance, le jugement dont appel sera infirmé et cette partie sera tenue des entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS,

la Cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré en l’ensemble de ses dispositions statuant à nouveau et y ajoutant

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la SAS POMA tirée de la prescription de l’action respective de Monsieur F B C et de Monsieur A X en requalification de leurs contrats d’intérim à son égard

REQUALIFIE les contrats d’intérim de Monsieur F B C à l’égard de la SAS POMA à compter 21 mars 2011 en contrat à durée indéterminée de droit commun

DIT que la rupture du contrat de travail de Monsieur F B C s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la SAS POMA à payer à Monsieur F B C les sommes suivantes :

— mille huit cent quatre vingt dix sept euros et quatre vingt treize cents (1897,93 euros) nets d’indemnité de requalification

— trois mille sept cent quatre vingt quinze euros et quatre vingt sept cents (3795,87 euros) bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

— trois cent soixante dix neuf euros et cinquante neuf cents (379,59 euros) bruts au titre des congés payés afférents

— mille six cent quarante quatre euros et quatre vingt six cents (1644,86 euros) d’indemnité légale de licenciement

— douze mille trois cent trente six euros (12336 euros) nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

DEBOUTE Monsieur F B C de sa demande indemnitaire pour recours abusif aux contrats d’intérim, du surplus de sa demande d’indemnité légale de licenciement et du surplus de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

REQUALIFIE le contrat d’intérim de Monsieur A X à l’égard de la SAS POMA à compter du 23 avril 2012 en contrat à durée indéterminée de droit commun

DIT que la rupture du contrat de travail de Monsieur A X s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la SAS POMA à payer à Monsieur A X les sommes suivantes :

— mille huit cent quatre euros et trente six cents (1804,36) euros nets d’indemnité de requalification

— trois mille six cent huit euros et soixante douze cents (3608,72 euros) bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

— trois cent soixante euros et quatre vingt sept cents (360,87 euros) bruts au titre des congés payés afférents

— mille quatre vingt deux euros et soixante et un cents (1082,61 euros) d’indemnité légale de licenciement

— onze mille sept cent vingt huit euros (11728 euros) nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

DEBOUTE Monsieur A X de sa demande indemnitaire pour recours abusif aux contrats d’intérim,

du surplus de sa demande d’indemnité légale de licenciement et du surplus de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

CONSTATE que les prétentions respectives de Messieurs F B C et A X à l’égard de la SAS RANDSTAD sont devenues sans objet dès lors qu’il a été fait droit à leurs prétentions dirigées à titre principal à l’encontre de la SAS POMA

DEBOUTE Messieurs F B C et A X de leur demande respective de dommages et intérêts pour non-respect allégué du repos hebdomadaire

CONDAMNE la SAS POMA à payer à Monsieur F B C et Monsieur A X à chacun une indemnité de procédure de 2000 euros,

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la SAS POMA aux dépens de première instance et d’appel

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Madame Blandine FRESSARD, Présidente et par Madame Carole COLAS, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 14 novembre 2019, n° 17/02053