Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 5 novembre 2020, n° 18/01033

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch. soc. -sect. b, 5 nov. 2020, n° 18/01033
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 18/01033
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 19 février 2018, N° 16/00853
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AMM

N° RG 18/01033

N° Portalis DBVM-V-B7C-JNUU

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 05 NOVEMBRE 2020

Appel d’une décision (N° RG 16/00853)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 20 février 2018

suivant déclaration d’appel du 02 Mars 2018

APPELANTE

Mme Y X

de nationalité Française

demeurant […]

[…]

représentée par Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE

SAS ARMAND THIERY, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[…]

[…]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Sandrine LOSI, avocat plaidant au barreau de PARIS substituée par Me Alexandre DUPREY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

M. Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l’audience publique du 2 septembre 2020, Monsieur MOLINAR-MIN, conseiller est entendu en son rapport.

Les parties ont été entendues en leurs observations et plaidoiries.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Y X a été embauchée à compter du 15 avril 2002 en qualité de vendeuse à temps partiel par la SAS ARMAND THIERY, suivant contrat de travail à durée indéterminée soumis à la convention collective nationale des maisons à succursales de vente au détail d’habillement.

Y X a été élue en qualité de déléguée du personnel suppléante à compter du 23 mars 2012.

Par arrêt en date du 12 mai 2010, la chambre sociale de la cour d’appel de Grenoble a notamment condamné la SAS ARMAND THIERY à verser à Y X la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison de la discrimination syndicale dont elle a fait l’objet.

Y X a dû bénéficier d’un arrêt de travail à compter du 26 juin 2009.

Par décision en date du 25 janvier 2011, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère a refusé la prise en charge de cet arrêt de travail au titre de la législation sur les risques professionnels.

Ensuite de la saisine de la commission de recours amiable par Y X le 9 février 2011, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Lyon, par avis du 9 mars 2011, a écarté l’existence d’un lien de causalité entre la pathologie présentée par Y X et son activité professionnelle.

Mais, par arrêt en date du 5 novembre 2015, la chambre sociale de la cour d’appel de Grenoble a confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de cette ville du 13 mars 2014, en ce qu’il a dit que la maladie déclarée par Y X le 21 juillet 2010 devait être prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par avis des 2 et 16 octobre 2012, le médecin du travail a estimé Y X inapte définitivement à tout poste de vendeuse et à tous les postes dans l’entreprise.

Ensuite de l’autorisation de l’inspecteur du travail du 10 septembre 2014, la SAS ARMAND THIERY a procédé au licenciement pour inaptitude de Y X, par correspondance en date du 24 septembre 2014.

Le 12 juillet 2016, Y X a saisi le conseil de prud’hommes de demandes indemnitaires et salariales à raison de la rupture de son contrat de travail, ainsi que d’une demande de rappel de congés payés durant la période d’accident du travail et de prime de 13e mois pour la période de juillet 2010 à décembre 2012 et de prime de participation pour la même période.

Par jugement en date du 20 février 2018, dont appel, le conseil des prud’hommes de Grenoble ' section commerce :

• S’EST DÉCLARÉ incompétent à juger de la demande de dommages et intérêts de Y X pour licenciement imputable à l’employeur au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble ;

• A CONDAMNÉ la SAS ARMAND THIERY à payer à Y X les sommes suivantes :

—  3 898,29 € à titre de doublement de l’indemnité de licenciement,

—  4 053,90 € à titre d’indemnité de préavis,

—  405,39 € à titre de congés payés afférents,

—  1 479,30 € à titre de rappel de congés payés durant la période d’accident du travail,

lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du 8 septembre 2016,

—  1 200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ladite somme avec intérêts de droit à compter du prononcé du jugement ;

• A DÉBOUTÉ Y X du surplus de ses demandes ;

• A DÉBOUTÉ la SAS ARMAND THIERY de sa demande reconventionnelle ;

• A CONDAMNÉ la SAS ARMAND THIERY aux dépens.

La décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec accusés de réception en date du 21 février 2018. Y X en a interjeté appel par déclaration de son conseil transmise par voie électronique au greffe de la présente juridiction le 2 mars 2018.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er septembre 2020, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Y X demande à la cour d’appel de :

• LA DECLARER recevable et bien fondée en son appel ;

• REJETER la demande de sursis à statuer formulée in limine litis par la société ARMAND THIERY ;

• CONFIRMER le jugement du 20 février 2018 en ce qu’il a condamné la société ARMAND THIERY à lui régler les sommes suivantes :

— Doublement de l’indemnité de licenciement 3 898,29 €,

— Indemnités de préavis 4 053,90 €,

— Congés payés afférents 405,39 €,

— Rappel sur congés payés durant la période d’accident du travail 1 479,30 € ;

• REFORMER en revanche le jugement dont appel en ce qu’il :

— S’est déclaré incompétent à juger sa demande de dommages et intérêts pour licenciement imputable à l’employeur au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble ;

— l’a déboutée de sa demande relative à la prime de 13e mois,

— l’a déboutée de sa demande relative à la prime de participation ;

Et, statuant à nouveau,

• CONDAMNER la société ARMAND THIERY à lui régler les sommes suivantes :

— Prime du 13e mois de juillet 2010 à décembre 2012 2 584,63 €,

— Rappel de primes de participation de juillet 2010 à décembre 2012 : 11 602,36 €,

— Dommages et intérêts pour licenciement imputable à l’employeur : 30 000 € ;

• ASSORTIR ces condamnations des intérêts légaux de droit à compter de l’enrôlement pour les sommes à caractère salarial et à compter de la notification de la décision à intervenir pour les autres ;

• CONDAMNER la société ARMAND THIERY à lui régler la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC ;

• CONDAMNER la société ARMAND THIERY aux entiers dépens.

Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 27 août 2020, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS ARMAND THIERY demande à la cour d’appel de :

• LA RECEVOIR en son appel et en ses conclusions et l’y déclarer bien-fondée ;

• SURSOIR A STATUER dans l’attente de l’issue de la procédure actuellement en cours en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur entre Madame X et elle (affaire RG 20/0565 de la cour d’appel de Grenoble – RG 17/00268 du tribunal de grande instance de Grenoble – Pôle Social) ;

• INFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS en ce qu’il l’a condamnée à verser à Madame X les sommes de :

—  3898,29 € au titre du doublement de l’indemnité de licenciement,

—  4053,90 € à titre d’indemnité de préavis,

—  405,39 € au titre des congés payés afférents,

—  1479,30 € au titre de rappel de congés payés durant la période d’accident du travail ;

Statuant à nouveau sur ces chefs de demande,

• DEBOUTER Madame X de ses demandes ;

Pour le surplus :

• CONFIRMER le jugement en ce qu’il a débouté Madame X de ses autres demandes et s’est déclaré incompétent au profit du TASS de GRENOBLE (désormais le Pôle social du Tribunal Judiciaire de GRENOBLE) sur la demande de dommages et intérêts fondée sur un prétendu manquement à l’obligation de sécurité ;

• SE DECLARER incompétent au profit du Tribunal Judiciaire de Nanterre pour juger la demande au titre de la prime de participation ;

• JUGER la demande de rappel de prime variable prescrite et à défaut mal fondée ;

En conséquence,

• DEBOUTER Madame X de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire

• JUGER la demande de rappel de prime de participation prescrite et à défaut mal fondée;

En cas de reconnaissance d’une inaptitude d’origine professionnelle

• CONDAMNER Madame X à rembourser le maintien de salaire payé indûment et à rembourser la prévoyance reçue indûment ;

En tout état de cause :

• CONDAMNER Madame X à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

L’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 20 mai 2020 puis renvoyée à la demande des parties à l’audience du 2 septembre 2020, et la clôture prononcée à l’audience du 2 septembre 2020 avant l’ouverture des débats.

SUR CE :

- Sur le sursis à statuer :

Il convient de rappeler qu’il résulte de la combinaison des articles 73, 74 et 108 du code de procédure civile que l’exception de sursis à statuer fondée sur les dispositions des articles 377 et suivants du code de procédure civile, tendant à faire suspendre le cours de l’instance, doit à peine d’irrecevabilité être soulevée avant toute défense au fond.

Ce n’est pourtant que postérieurement à ses premières conclusions au fond, notifiées par voie

électronique le 18 juin 2018, que la SAS ARMAND THIERY a sollicité, par conclusions notifiées le 28 août 2020, qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, introduite à son encontre par Madame X devant les juridictions des affaires de sécurité sociale, et actuellement pendante devant la cour en cause d’appel.

Au demeurant, au regard notamment de l’ancienneté du litige, d’une part, et des prérogatives respectivement reconnues aux juridictions judiciaires saisies et rappelées ci-après, d’autre part, il n’apparaît pas opportun et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice qu’il soit sursis à statuer dans le présent litige.

Sur la rupture du contrat de travail :

Il résulte des dispositions combinées de la loi des 16-24 août 1790, de l’article L. 1411-1 du code du travail et des articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale, que l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, d’une part, et qu’il appartient à l’administration du travail, dans l’exercice de son contrôle des demandes d’autorisation de licenciement de salariés protégés motivées par leur inaptitude physique, de vérifier, sous le contrôle du juge administratif, que l’inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement.

Mais il n’appartient pas à l’administration du travail, dans l’exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d’un harcèlement moral ou d’une discrimination à raison de son engagement et de ses mandats syndicaux, dont l’effet serait la nullité de la rupture du contrat de travail.

Il s’ensuit que l’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant le juge prud’homal, seul compétent pour statuer sur les circonstances et les conséquences de la rupture du contrat de travail, tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations.

Il convient, par conséquent, d’infirmer le jugement déféré en ce que les premiers juges se sont déclarés incompétents à juger de la demande de dommages et intérêts de Y X pour licenciement imputable à l’employeur au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble.

Et, sur le fond, il convient de relever que par arrêt désormais définitif en date du 12 mai 2010, la chambre sociale de la cour d’appel de Grenoble, constatant les difficultés imputables à l’employeur dans la prise des heures de délégation par sa salariée, le retard dans le paiement de ses heures de délégation, la fixation par l’employeur des réunions des délégués du personnel en un lieu et à un horaire ne lui permettant pas d’assister à l’intégralité des débats, la suppression sur ses plannings de travail des mois de février et juin 2008 des heures complémentaires qui y figuraient initialement et sa proposition afférente ' suite à l’intervention de l’inspection du travail ' d’une augmentation de la durée contractuelle du travail bouleversant ses horaires de travail, puis l’absence de démonstration par l’employeur que ces faits, qui laissaient supposer l’existence d’une discrimination, étaient justifiés par des éléments objectifs, a condamné la SAS ARMAND THIERY à indemniser Y X des conséquences de la discrimination syndicale dont elle avait été victime entre novembre 2007 et début 2010.

Il apparaît, parallèlement, que Y X a dû bénéficier d’un arrêt de travail à compter du 17 juin 2010 à raison d’une « dépression aigüe de type « burn-out » (dépression d’épuisement professionnel) résistante au traitement et devenue chronique avec persistance d’une phobie sociale sévère et invalidante associée à des troubles du comportement alimentaire » constatée à cette date par son médecin traitant.

Pour autant, la proximité dans le temps des agissements discriminatoires constatées par l’arrêt précité du 12 mai 2010, et le premier arrêt de travail dont a dû bénéficier Y X, d’une part, et les constatations ci-dessus reprises du médecin traitant de l’intéressée, d’autre part, sont très largement insuffisantes à établir que, ainsi qu’elle le soutient, son inaptitude à occuper son emploi, constatée les 2 et 16 octobre 2012, procéderait d’un manquement fautif de son employeur à ses obligations nées du contrat de travail.

En effet, pour s’acquitter de la charge probatoire qui lui incombait de ce chef, Y X se limite à produire les seules décisions des juridictions de sécurité sociale, prononcées à l’occasion de l’instance en reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie. Or, ces décisions, prononcées au cours d’une instance à laquelle la SAS ARMAND THIERY n’était pas partie et dans laquelle elle n’a pas été attraite, sont inopposables à cette dernière. Et il convient de relever que Y X ne produit, à l’occasion de la présente instance, aucune pièce susceptible d’établir les agissements de harcèlement moral, évoqués par les juges du contentieux de la sécurité sociale dans leurs décisions des 13 mars 2014 et 5 novembre 2015 à l’appui de leur décision de reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie, et dont elle soutient qu’ils seraient à l’origine de l’inaptitude constatée les 2 et 16 octobre 2012.

Ainsi, faute pour Y X de rapporter la preuve de l’imputabilité à son employeur de son inaptitude à occuper son emploi et, partant, du licenciement dont elle a fait l’objet le 24 septembre 2014, il conviendra de la débouter de la demande indemnitaire qu’elle forme de ce chef.

- Sur l’indemnité spéciale de licenciement et l’indemnité de préavis :

Il résulte des dispositions de l’article L. 1226-14 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable, que lorsque l’employeur rompt ' dans les circonstances prévues à l’article L. 1226-12 alinéa 2 ' le contrat de travail du salarié déclaré inapte par le médecin du travail ensuite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, il est tenu de verser à ce dernier une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L. 1234-5 ainsi qu’une indemnité spéciale de licenciement qui est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L. 1234-9 du même code.

Et il apparaît en l’espèce, comme rappelé précédemment, que Y X a dû bénéficier d’un arrêt de travail à compter du 17 juin 2010, prolongé par la suite de façon ininterrompue, dont son médecin traitant estimait qu’il procédait d’une maladie professionnelle, à raison d’une « Dépression aigüe de type « Burn out » (dépression d’épuisement professionnel résistante au traitement et devenue chronique avec persistance d’une phobie sociale sévère et invalidante associée à des troubles de comportements alimentaires ».

Or, Y X a saisi le 21 juillet 2010 la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de l’Isère d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle à raison d’une « dépression d’épuisement professionnelle sur harcèlement moral caractérisé ». Et, ensuite de la décision de refus de prise en charge de la CPAM de l’Isère du 25 janvier 2011, prononcée à l’issue d’une procédure à laquelle était partie l’employeur, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble, par jugement du 13 mars 2014 confirmé par arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 5 novembre 2015 désormais définitif, a dit que cette maladie devait être prise en charge au titre de la législation professionnelle.

Il peut accessoirement être relevé que, si les pièces produites aux débats ne permettent pas d’établir que Y X aurait informé son employeur de la contestation en justice de la décision de refus de prise en charge par la CPAM de l’Isère de sa maladie au titre de la législation sur les risques professionnels, l’intéressée avait pris soin, dans les jours suivant immédiatement la notification de son licenciement le 24 septembre 2014, de communiquer à son employeur l’ampliation de la décision du 13 mars 2014 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble, avant de lui notifier l’arrêt confirmatif du 5 novembre 2015 à l’occasion de la présente instance.

En tout état de cause, la SAS ARMAND THIERY, qui avait connaissance depuis le 17 juin 2010 de la demande de Y X que soit reconnu le caractère professionnel de sa pathologie sur le fondement des termes univoques du certificat médical initial ci-dessus rappelés, d’une part, de l’existence d’un lien au moins partiel entre cette pathologie et le constat, les 2 et 16 octobre 2012, de l’inaptitude de sa salariée à occuper son emploi, d’autre part, et qui avait d’ailleurs entrepris une recherche d’un poste de reclassement au bénéfice de l’intéressée selon les modalités prévues à l’article L. 1226-10 du code du travail, enfin, était nécessairement tenue de verser à sa salariée les sommes de 4 053,90 € à titre d’indemnité compensatrice, et de 3 898,29 € à titre d’indemnité spéciale de licenciement, en application des dispositions précitées de l’article L. 1226-14.

Il convient, par conséquent, de confirmer le jugement déféré de ces chefs.

Mais l’indemnité compensatrice prévue par les dispositions précitées de l’article L. 1226-14, dont le montant est uniquement fixé par référence à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L. 1234-5 du code du travail, n’en a pas la même nature, de sorte qu’elle n’ouvre pas droit à congés payés.

Il convient par conséquent d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SAS ARMAND THIERY à verser à Y X la somme de 405,39 € au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de l’article L. 1226-14, et de débouter cette dernière de la demande qu’elle formait de ce chef.

Sur l’indemnité compensatrice de congés payés :

Il ressort des dispositions de l’article L. 3141-5 du code du travail que les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause de maladie professionnelle doivent être considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé annuel prévu à l’article L. 3141-3 du même code, mais uniquement dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an.

Or, il ressort des constatations qui précèdent que le contrat de travail de Y X a été suspendu à compter du 17 juin 2010, jusqu’à son licenciement le 24 septembre 2014, en raison d’une maladie d’origine professionnelle.

Il s’ensuit que, conformément aux dispositions précitées du code du travail, l’intéressée a cumulé un droit à congés payés à hauteur de trente jours au cours de la période considérée.

Toutefois, l’arrêt de travail dont a dû bénéficier Y X ayant dû être renouvelé de façon ininterrompue jusqu’à son licenciement, celle-ci s’est trouvée dans l’impossibilité de prendre ses congés avant la rupture de son contrat de travail.

Mais le droit à congés ainsi cumulé, qui s’est trouvé reporté jusqu’à la rupture de la relation de travail, n’a donné lieu à cette date à aucune indemnisation.

Ainsi, dès lors que l’indemnité de congés payés prévue à l’article L. 3141-22 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, ne peut être assimilée ni confondue avec les sommes susceptibles d’avoir été perçues par l’intéressée à titre de revenus de substitution durant son absence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SAS ARMAND THIERY à verser à Y X la somme de 1 621,56 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés.

- Sur le rappel de prime de participation :

Il convient de rappeler que l’action du salarié tendant à obtenir l’exécution des engagements énoncés dans le cadre d’une convention ou d’un accord collectifs ou des dommages-intérêts pour violation à

son égard de ces engagements, de même que le litige opposant un salarié à son employeur en matière de participation, constituent des actions individuelles relevant de la compétence du seul juge prud’homal telle que définie par l’article L. 1411-1 du code du travail.

Il ressort par ailleurs des dispositions de l’article L. 3245-1 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’article 21-IV de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut alors porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Or, il convient de relever en l’espèce que l’accord de participation des salariés aux résultats de l’entreprise, signé le 18 juin 1996 avec les organisations syndicales, prévoit que les salariés comptant six mois d’ancienneté dans l’entreprise bénéficient de la répartition de la réserve spéciale de participation, dans la limite de 20 % de la réserve suivant la durée de présence dans l’entreprise au cours de l’exercice. Et l’article 3, a) précise à cet égard que, pour l’application de ces dispositions, les périodes d’absence provoquée par un accident de travail ou une maladie professionnelle doivent être assimilées à des périodes de présence et le salaire à prendre en compte est alors celui qui aurait été versé à l’intéressé s’il n’avait pas été absent.

Ainsi, dès lors que ce n’est que par la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale du 13 mars 2014, confirmé par arrêt de la chambre sociale de la cour d’appel de Grenoble, que l’origine professionnelle de la maladie ayant justifié son placement en arrêt de travail à compter du 17 juin 2010 a été établie, la demande de rappel de prime de participation afférent à la période d’absence en cause, formée par Y X le 12 juillet 2016, n’était pas atteinte par la prescription.

Au surplus, la SAS ARMAND THIERY, qui s’est délibérément abstenue de répondre aux demandes dont elle avait été saisie par sa salariée quant aux modalités de calcul et d’attribution de la participation en cause, qui dépendaient d’éléments dont elle était seule en possession, n’est pas valablement fondée à soutenir que le délai de prescription de la demande formée de ce chef par Y X aurait commencé à courir.

Il ressort ainsi des énonciations qui précèdent que, dès lors que sa période d’arrêt de travail dont elle a dû bénéficier au cours de la période considérée devait en réalité être assimilée à une période de présence, Y X est valablement fondée à prétendre à un rappel d’intéressement pour les années 2010, 2011 et 2012 que les pièces qu’elle produit aux débats, dont l’employeur se limite à contester la valeur probante sans produire les éléments en sa seule possession, permettent de fixer respectivement aux somme de 5 574,56 €, 2 891,81 € et 3 408,68 € bruts.

— Sur le rappel de prime de 13e mois :

Il ressort des dispositions de l’article 2.2.5 (« 13e mois ») de l’accord relatif aux rémunérations variables pour le personnel des magasins de la société ARMAND THIERY du 30 novembre 2001 que les vendeurs, vendeurs principaux, chefs de rayon et adjoints aux directeurs de magasin de la société peuvent prétendre au versement d’une prime de 13e mois, dont le montant de référence est fonction de la durée d’appartenance à l’entreprise.

Mais Y X, qui a saisi le juge prud’homal le 12 juillet 2016 d’une demande de rappel de la prime considérée pour la période de juillet 2010 à décembre 2012, ne justifie d’aucune cause interruptive de la prescription prévue par les dispositions précitées de l’article L. 3245-1 du code du travail.

Il convient par conséquent d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Y X de la demande qu’elle formait de ce chef, et de la déclarer irrecevable comme étant prescrite.

- Sur la demande reconventionnelle au titre de la prévoyance :

La SAS ARMAND THIERY, qui soutient subsidiairement que Y X ne saurait cumuler les sommes perçues au titre du maintien conventionnel de salaire dont elle a bénéficié à l’occasion de son arrêt de travail pour maladie ordinaire, avec les indemnités de rupture dues à raison d’une inaptitude d’origine professionnelle, s’abstient, dans les écritures dont elle saisit la cour, de chiffrer sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de sa salariée « à rembourser le maintien de salaire payé indument et à rembourser la prévoyance reçue indument ».

La SAS ARMAND THIERY n’évalue d’ailleurs pas plus ces sommes, à son sens trop-perçues par sa salariée, dans le corps de ses écritures, que les pièces produites aux débats ne rendent pas plus déterminables.

Il convient, par conséquent, de la débouter de la demande qu’elle forme de ce chef.

- Sur les demandes accessoires :

La SAS ARMAND THIERY, qui succombe partiellement à la présente instance, sera tenue d’en supporter les entiers dépens.

L’équité ne commande pas pour autant, en l’espèce, de faire application en cause d’appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

REJETTE la demande de sursis à statuer formée par la SAS ARMAND THIERY ;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SAS ARMAND THIERY à verser à Y X les sommes de 4 053,90 € au titre de l’indemnité compensatrice prévue par l’article L. 1226-14, de 3 898,29 € à titre d’indemnité spéciale de licenciement, de 1 621,56 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés et de 1 200 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

INFIRME le jugement dont appel pour le surplus et, statuant de nouveau des chefs infirmés,

CONDAMNE la SAS ARMAND THIERY à verser à Y X les sommes de cinq mille cinq cent soixante-quatorze euros et cinquante six centimes (5 574,56 €) bruts, deux mille huit cent quatre-vingts-onze euros et quatre-vingts-un centimes (2 891,81 €) bruts et trois mille quatre cent huit euros et soixante-huit centimes (3 408,68 €) bruts à titre de rappel de prime de participation pour les années 2010, 2011 et 2012 ;

DÉBOUTE Y X de sa demande indemnitaire au titre de la rupture de son contrat de travail et de sa demande au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de l’article L. 1226-14 du code du travail ;

DÉCLARE irrecevable, comme étant prescrite, la demande de Y X de rappel de prime de 13e mois ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE la SAS ARMAND THIERY de la demande reconventionnelle formée au titre du

maintien de salaire payé indûment, et de remboursement de la prévoyance reçue indûment ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l’application en cause d’appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS ARMAND THIERY au paiement des entiers dépens de l’instance.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 5 novembre 2020, n° 18/01033