Cour d'appel de Metz, 6ème chambre, 17 décembre 2020, n° 17/02184

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, 6e ch., 17 déc. 2020, n° 17/02184
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 17/02184
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Minute n° 20/00246

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

R.G : N° RG 17/02184 – N° Portalis DBVS-V-B7B-EQZF

S.A.R.L. HAMANT ENERGIE SOLAIRE

C/

S.C.P. A B X, Société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2020

APPELANTE :

S.A.R.L. HAMANT ENERGIE SOLAIRE

[…]

[…]

Représentant : Me Gilles ROZENEK, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me Bertrand DE GERANDO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEES :

SCP A B X SCP A B X prise en la personne de Maître X, es qualités de liquidateur judiciaire de la SARL PHOTOVOLTAIC ENERGY SYSTEM.

[…]

[…]

Représentant : Me Jean-luc HENAFF, avocat au barreau de METZ

Société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED Représentée par son représentant légal

Coeur défense tour A […]

[…]

Représentant : Me Jacques BETTENFELD, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me Stéphane LAUNEY avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 01 Octobre 2020, tenue en double rapporteurs par Mme Catherine Devignot, conseillère faisant fonction de président de chambre et par Mme Aline Bironneau, conseillère, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré pour l’arrêt devant être rendu le 17 Décembre 2020 par mise à disposition publique au greffe de la 6e chambre civile de la cour d’appel de Metz.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Mme DEVIGNOT, Conseiller faisant fonction de président de Chambre

ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU, Conseiller

M. JANEIRO, Conseiller

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET AU PRONONCÉ DE L’ARRÊT : Mme WILD

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Hamant Energie Solaire, ci-après désignée SARL Hamant, a mandaté la société Photovoltaic Energy System, ci-après désignée société PES, pour réaliser l’installation de panneaux photovoltaïques sur la toiture d’un bâtiment agricole au plus tard le 15 mars 2012, moyennant un prix de 528.407 euros HT aux termes d’un bon de commande du 31 octobre 2011.

Trois factures ont été réglées par la SARL Hamant les 16 avril, 20 avril et 1er juin 2012, le solde de 10% du prix étant demeuré impayé.

Par jugement de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz en date du 6 mars 2013, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’encontre de la société PES.

Par acte d’huissier en date du 14 août 2013, la SCP A-B-X, prise en la personne de Mme X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société PES, a fait assigner la SARL Hamant en paiement du solde des travaux.

Par ordonnance du 12 janvier 2015, le juge-commissaire, sur la contestation élevée à raison de la créance déclarée par la SARL Hamant a constaté qu’une instance judiciaire était en cours et a dit n’y avoir lieu à statuer.

Par acte d’huissier en date du 9 octobre 2015, la SARL Hamant a fait assigner la société QBE Insurance Europe Limited, ci-après désignée société QBE, ès qualités d’assureur de la société PES, aux fins de condamnation en paiement sur le fondement de l’article L.124-1 du code des assurances.

Par ordonnance du 15 mars 2016, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Metz a joint les procédures introduites le 14 août 2013 et le 9 octobre 2015 .

Selon ses dernières conclusions déposées le 27 mai 2015, la SCP A-B-X, prise en la personne de Mme X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société PES, a demandé au tribunal de:

— dire et juger que sa demande était recevable et bien fondée

— rejeter l’ensemble des demandes de la SARL Hamant et notamment la demande tendant à la reconnaissance d’une dette connexe à la charge de la SARL PES

— dire et juger en conséquence qu’il n’y a pas lieu à compensation

— condamner la SARL Hamant à lui payer les sommes de :

* 64.393,48 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 09 octobre 2012 au titre de la facture du 25 mai 2012,

* 1.500 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande

* 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner la SARL Hamant en tous les frais et dépens.

Par conclusions déposées le 30 novembre 2016, la SARL Hamant a demandé au tribunal de :

— dire et juger que le solde dû au titre des prestations réellement exécutées par la société PES était de 54.293,48 euros TTC

— fixer sa créance à la somme de 904.488 euros TTC

— constater l’existence de créances connexes

— ordonner la compensation de ces créances connexes

— condamner la société QBE à lui payer la somme de 3.317.688 euros TTC, sauf à déduire le cas échéant les sommes qui seront compensées précédemment et la franchise éventuelle

à titre subsidiaire et en avant dire droit,

— désigner tel expert qu’il plaira au tribunal pour examiner sa créance au titre de son préjudice économique, au regard du tarif d’achat auquel elle pouvait prétendre si la mise en service de l’installation photovoltaïque avait été effectuée dans le délai de 18 mois de l’article 4 du décret du 9 décembre 2010, et au regard du tarif de rachat obtenu au titre du contrat d’obligation d’achat signé avec EDF en date du 03 novembre 2014

en tout état de cause,

— dire n’y avoir lieu à dommages et intérêts au profit de la SCP A-B-X, prise en la personne de Mme X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société PES,

— condamner la SCP A-B-X, prise en la personne de Mme X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société PES, et la société QBE, chacune, au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et, in solidum, aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 07 octobre 2016, la société QBE a demandé au tribunal de:

à titre principal,

— dire et juger que les préjudices financiers alléguées par la SARL Hamant constituaient des dommages immatériels non garantis par la police souscrite par la société PES

— dire et juger qu’au surplus les préjudices financiers allégués par la SARL Hamant étaient exclus des garanties de la police souscrite par la société PES

— débouter la SARL Hamant de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre

en toute hypothèse,

— dire et juger que la perte du tarif de rachat de l’énergie électrique résultait de la seule incurie de la SARL Hamant

— dire et juger que la SARL Hamant était seule et unique responsable des préjudices financiers dont elle prétendait pouvoir solliciter l’indemnisation

— débouter la SARL Hamant de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre

— dire et juger que le chiffrage des préjudices financiers allégués par la SARL Hamant n’était pas justifié par la communication de pièces établissant d’une part la production réelle des panneaux photovoltaïques, et, d’autre part, la prétendue perte de marge bénéficiaire

— rejeter l’intégralité des demandes de la SARL Hamant

— rejeter la demande de désignation d’un expert judiciaire, irrecevable et injustifiée

à titre infiniment subsidiaire,

— dire et juger que toute condamnation qui serait prononcée à son encontre serait dans les termes et limites de la police, soit pour des dommages immatériels non consécutifs, avec application d’une franchise de 1.000 euros et un plafond de 200.000 euros

en tout état de cause,

— condamner la SARL Hamant à lui verser une indemnité de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 15.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par jugement en date du 27 juin 2017, le tribunal de grande instance de Metz, chambre commerciale, a :

— déclaré la SCP A-B-X, prise en la personne de Mme X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société PES, recevable et partiellement bien fondée en ses demandes

— condamné la SARL Hamant à payer à la SCP A-B-X, prise en la personne de Mme X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société PES, la somme de 64.393,48 euros TTC au titre de la facture n°120522001 du 22 mai 2012, avec intérêts au taux légal à compter du 09 octobre 2012

— débouté la SCP A-B-X, prise en la personne de Mme X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société PES, de sa demande de dommages et intérêts

— débouté la SARL Hamant de l’intégralité de ses prétentions tant à l’encontre de la SCP A-B-X, prise en la personne de Mme X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société PES, qu’à l’encontre de la société QBE

— débouté la société QBE de sa demande de dommages et intérêts

— condamné la SARL Hamant à payer à la SCP A-B-X, prise en la personne de Mme X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société PES, et à la société QBE la somme de 2.000 euros, à chacune, au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— condamné la SARL Hamant aux entiers dépens.

Pour rejeter les demandes de la SARL Hamant qui sollicitait la déduction d’une somme de 10.000 euros sur le solde du marché au titre de la non fourniture d’une pompe à eau sur le fondement de la compensation légale, le tribunal a indiqué que celle-ci n’avait pu opérer avant le jugement d’ouverture entre la créance du solde du prix de l’installation et la créance de nature indemnitaire pour manquement à l’obligation de délivrance. Il a en outre relevé que la SARL Hamant ne justifiait pas avoir déclaré cette créance au passif de la société, et a par ailleurs indiqué qu’elle ne pouvait se prévaloir de l’exception d’inexécution, l’obligation de faire incombant au débiteur en liquidation judiciaire ne pouvant se résoudre qu’en dommages et intérêts.

Il a ensuite relevé que le liquidateur de la société PES avait contesté la créance de la SARL Hamant au titre des pénalités de retard et de la perte de production pour la période du 15 mars au 05 juin 2012 au motif que le retard allégué était imputable à la SARL Hamant, de sorte que la créance indemnitaire alléguée n’était pas certaine, liquide et exigible, et n’avait pu faire l’objet d’aucune compensation légale.

Il a également indiqué que la créance déclarée au passif de la procédure collective au titre des pénalités de retard, de la perte de production et d’un manque à gagner lié à la perte du tarif d’achat fixé à 0,66 euros /kWh avait été contestée par le liquidateur, sans que la SARL Hamant ne démontre avoir demandé au juge commissaire de trancher cette contestation. Il a en conséquence indiqué qu’il ne pouvait fixer cette créance en lieu et place du juge commissaire.

Il a en outre estimé que la société PES ne pouvait se voir imputer le retard dans l’installation des panneaux photovoltaïques et a par ailleurs indiqué que le dommage lié à la perte du tarif d’achat fixé à 0,66 euros /kWh ne constituait pas un dommage prévisible ouvrant droit à indemnisation.

Pour rejeter la demande indemnitaire de la SCP A-B-X, il a indiqué que la preuve de ce que le défaut de paiement des factures était à l’origine de la procédure collective n’était pas rapportée, étant précisé qu’il n’était justifié d’aucun préjudice distinct de celui causé par le retard de paiement.

Concernant l’action directe de la SARL Hamant contre la société QBE, il a estimé que le préjudice allégué par la première trouvait sa cause dans le non-respect par la société PES de son engagement de livrer l’installation des panneaux photovoltaïques, prête à être « raccordée au réseau public au plus tard le 15 mars 2012 », sans toutefois que la SARL Hamant ne démontre que ce retard avait pour origine les défauts et/ou manquements relevés par le rapport d’audit réalisé par la société Crealec et évalués à la somme de 1.668,75 euros, lequel est au surplus inopposable à la société QBE dans la mesure où il a été réalisé en dehors de tout respect du principe du contradictoire. Il a en outre relevé que les conditions générales du contrat d’assurance excluaient de la garantie les dommages immatériels non consécutifs qui résultent du non-respect de l’achèvement à prix et à délai convenu.

Par déclaration déposée au greffe de la cour d’appel de Metz le 27 juillet 2017, la SARL Hamant a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 16 février 2018 et au visa des articles 1289 et suivants du code civil, L.641-3 et L.622-7 du code de commerce, L.124-1 et suivants, et L.113-1 du code des assurances, la SARL Hamant demande à la cour de :

— réformer le jugement en toutes ses dispositions

— dire et juger que le solde dû par elle au titre des prestations réellement exécutées par la société PES est de 54.293,48 euros TTC après compensation légale

— fixer sa créance à la somme de 904.488 euros TTC, ou dire et juger en tout état de cause vraisemblable sa créance qui sera fixée par le juge commissaire

— constater l’existence de créances connexes entre elle et la SCP A-B-X, prise en la personne de Mme Z X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société PES,

— ordonner la compensation de ces créances connexes ou, en tout état de cause, ordonner la compensation à concurrence du montant à fixer par le juge commissaire

— condamner la société QBE à lui payer la somme de 3.317.688 euros TTC, sauf à déduire le cas échéant les sommes qui seront compensées précédemment et la franchise éventuelle

— à titre subsidiaire, avant dire droit et sur le fondement de l’article 232 du code de procédure civile, désigner tel expert qu’il plaira pour examiner sa créance au titre du préjudice économique, au regard du tarif de rachat auquel elle pouvait prétendre si la mise en service de l’installation photovoltaïque avait été effectuée dans le délai de 18 mois de l’article 4 du décret du 09 décembre 2010, et au regard du tarif de rachat obtenu au titre du contrat d’obligation d’achat signé avec EDF le 04 novembre 2014

— dire et juger n’y avoir lieu en tout état de cause à dommages et intérêts au profit de la société QBE, et rejeter toute demande de dommages et intérêts de la SCP A-B-X, prise en la personne de Mme Z X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société PES, confirmant à ce titre la motivation du jugement entrepris

— condamner la SCP A-B-X, prise en la personne de Mme Z X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société PES, et la société QBE, chacune, à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et, in solidum, aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de ses prétentions, elle expose que la société PES s’était engagée, à peine de pénalités de retard et d’une indemnisation financière, à réaliser l’installation avant le 15 mars 2012 et souligne que le tribunal n’a pas indiqué en quoi la réalisation des travaux aurait pu être retardée du fait d’un versement tardif des acomptes, étant précisé qu’il ne s’agissait pas d’avances sur travaux, ou par l’absence de versement d’une caution.

Elle indique ensuite que la société PES ne pouvait ignorer le contexte réglementaire et les démarches administratives relatives au raccordement de l’installation et au rachat de l’électricité par EDF, de sorte qu’elle savait que l’installation devait être mise en service dans un délai de 18 mois pour pouvoir bénéficier des conditions tarifaires de l’arrêté du 10 juillet 2006 auquel elle fait expressément référence au sein de l’entête de son offre de prix. Elle précise que la société PES a réalisé son offre technique en considération du tarif de 60c€/kWh dont la société Hamant ne pouvait bénéficier qu’à la condition de respecter le délai de 18 mois. Elle ajoute que la société PES est intervenue à plusieurs reprises dans la procédure administrative en lien avec le CONSUEL et ERDF, tels qu’en témoignent le fait que ses coordonnées soient indiquées sur la documentation de finalisation du raccordement et qu’elle ait réalisé la demande de mise en service de l’installation. A cet égard, elle relève que la société PES effectue directement la demande de raccordement auprès de ERDF à qui elle indique par ailleurs une date butoir de mise en service erronée, au 25 mai 2012.

Elle relève par ailleurs que la société PES était tenue d’un devoir de conseils et d’informations et que les démarches administratives liées à l’obtention du Consuel et à la mise en service de l’installation n’étaient pas expressément mentionnées au titre des prestations non comprises dans l’offre budgétaire, de sorte que la mise en service de l’installation relevait bien des prestations de la société PES conformément à la partie «documentation et mise en service de l’installation » en page 16 du contrat qui prévoit «' la procédure de mise en service ».

S’agissant des retards dans le paiement, elle souligne qu’aux termes des conditions de paiement établies dans le contrat, il ressort que «' la facturation se base sur la puissance réelle installée », que l’échéance des factures 1 et 2 est antérieure au début des travaux, justifiant ainsi que la société PES n’en ai jamais réclamé le paiement ou mis en demeure de faire valoir l’exception d’inexécution alors même que l’avancement des travaux ne justifiait pas leur existence contrairement aux dispositions contractuelles. Elle soutient que les factures et leurs échéanciers correspondent au paiement d’acomptes selon l’état d’avancement des travaux et non des avances sur travaux. Elle souligne qu’aucune date de démarrage des travaux n’était fixée dans le contrat et qu’elle n’a eu aucune information sur le retard dans le déroulement de la prestation.

Elle précise qu’après démarrage effectif des travaux, elle a réglé les factures au fur et à mesure de leur avancement. Elle indique que l’obtention du prêt n’était pas une condition suspensive du contrat qui n’en contenait d’ailleurs pas.

Elle soutient ensuite qu’elle n’a pu tirer profit de l’installation achevée le 22 mai 2012 qu’à compter de sa mise en service qui est intervenue le 5 juin 2012. Elle relève également que la production a été impactée par des travaux de mise en conformité ayant dû être réalisés conformément à l’audit réalisé le 23 juillet 2012 qui a relevé de nombreux défauts de l’installation, y compris certains constituant un danger immédiat en raison d’un risque d’électrisation. Elle indique que ce n’est qu’à l’issue de ces travaux de réparation réalisés les 8 et 9 août 2012 que l’installation a pu fonctionner correctement, soit deux mois après la mise en service réalisée le 5 juin 2012. S’agissant du caractère contradictoire de ce rapport dont le tribunal a considéré qu’il n’était pas établi, elle ajoute que la société PES l’a validé en réalisant à sa charge tous les travaux de mises en conformité préconisés par la société Crealec et sans critique.

Elle précise en outre que le jugement du Tribunal Administratif de Paris en date du 22 avril 2014 a confirmé la motivation de la société EDF relative au rejet de la demande du contrat d’obligation d’achat au tarif de 60 centimes d’euros /kWh en raison du retard pris dans la mise en service de l’installation, de sorte qu’elle a perdu sa possibilité de conclure en raison uniquement du retard fautif de la société PES. Elle relève qu’elle a finalement bénéficié d’un tarif extrêmement réduit à savoir 7,96 centimes d’euros /kWh.

Elle ajoute que la société PES n’a finalement respecté ni son délai contractuel fixé au 15 mars 2012, ni le délai de 18 mois pour bénéficier des dispositions du décret du 9 décembre 2010 fixant une date butoir au 16 mai 2012, ni même l’exécution conforme de ses obligations puisque l’installation démontrait de multiples manquements aux règles de conformité et sécurité applicable en la matière, justifiant ainsi son refus de paiement du solde.

Elle précise ensuite que le juge commissaire n’a pas statué sur la déclaration de créance en raison de l’existence d’une instance en cours mais qu’il s’agissait en réalité d’une contestation sérieuse sur laquelle il ne lui appartenait pas de statuer en raison de ses pouvoirs juridictionnels, ce qui revenait à inviter les parties à saisir le juge compétent pour en débattre. Elle relève que la cour, comme le tribunal, n’est pas saisie de la contestation de cette ordonnance et qu’en tout état de cause, elle peut parfaitement ordonner la compensation des créances réciproques si elle fixe la créance ou à défaut, ordonner la compensation à concurrence du montant à fixer par le juge commissaire.

Elle relève que pour ordonner la compensation, la cour constatera que l’existence de la déclaration de créance n’est pas remise en cause, que la connexité de la créance est établie puisqu’elle provient du même contrat et que le caractère certain de la créance est établi. A cet égard, elle indique que son préjudice est établi à la somme de 904.488 euros, constituée de 34.000 euros au titre des pénalités de retard, de 35.349 euros au titre de la perte de productible sur la période du 15 mars au 5 juin 2012 et de 835.139 euros au titre de la perte du bénéfice du contrat d’obligation d’achat à 60 centimes d’euros/kWh à la date de la déclaration de créance notifiée le 19 juin 2013.

S’agissant de la créance invoquée par la société PES, elle affirme tout d’abord qu’une compensation légale s’est opérée avant l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire avec la pompe à eau dont la fourniture et la pose gratuite devait intervenir en raison de la signature du contrat de construction et fourniture de la centrale solaire, et qui n’a jamais été effectuée et dont elle estime une valeur de 10.000 euros. Elle estime sur ce point qu’elle n’avait pas à déclarer sa créance. Ensuite, elle estime que les créances détenues par elle et par la société PES sont connexes, réciproques et opposables, de sorte que la cour pourra faire droit à sa demande de compensation judiciaire, pour fixer sa créance définitive à la somme de 904.488 euros TTC. Elle indique, à titre subsidiaire, que la cour pourra ordonner une expertise sur ce point.

Elle soutient par ailleurs que la société QBE est tenue de garantir son assuré au titre de sa responsabilité civile concernant les dommages immatériels consécutifs à des dommages matériels, nonobstant la clause d’exclusion de garantie qu’elle tente d’opposer.

S’agissant d’une éventuelle qualification de dommage immatériel non consécutif, elle précise que l’exclusion de garantie au titre de « l’inexécution totale ou partielle des obligations contractées par l’assuré » est illégale en ce qu’elle n’est pas formelle et limitée d’une part, et en ce qu’elle vide la garantie de sa substance d’autre part. Elle ajoute que l’exclusion au titre du « non-respect de l’achèvement des travaux à prix convenu et délai convenu » ne joue pas non plus dans la mesure où le prix convenu a été respecté et que ces deux conditions sont cumulatives.

En réponse aux moyens adverses, elle soutient que les dommages et intérêts sollicités étaient prévisibles dans la mesure où des indemnités de retard étaient prévues au contrat, lesdites indemnités n’excluant nullement l’allocation d’indemnités supplémentaires en cas de manquement dès lors que le dommage était prévisible. Elle ajoute que la société PES ne démontre ni que le retard dans le démarrage des travaux lui serait imputable, ni qu’un prétendu défaut de caution a empêché le démarrage des travaux. Elle estime enfin que la société QBE ne démontre pas le caractère abusif de la procédure et ne justifie pas de son préjudice.

Aux termes de ses conclusions déposées le 22 décembre 2017, la SCP A-B-X, prise en la personne de Mme X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société PES, demande à la cour de :

— dire recevable mais mal fondé l’appel de la SARL Hamant

— constater que la SARL Hamant n’a pas déclaré sa créance de 10.000 euros au titre de la non fourniture d’une pompe à eau

— constater qu’il n’existait au jour de l’ouverture de la procédure collective de la société PES aucune procédure en cours à l’encontre de cette dernière et initiée par la SARL Hamant, de sorte que le juge commissaire n’est nullement dessaisi de son pouvoir exclusif en matière de vérification du passif

— dire irrecevables et subsidiairement mal fondées les demandes présentées par la SARL Hamant et tendant à voir dire et juger que le solde dû à la société PES s’élève à la somme de 54.293,48 euros TTC après compensation légale

— dire irrecevable et subsidiairement mal fondée la demande de la SARL Hamant et tendant à voir fixer sa créance à la somme de 904.488 euros TTC

— pour le surplus, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

— condamner la SARL Hamant en tous les fais et dépens d’instance et d’appel

condamner la SARL Hamant à lui verser une somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle qu’en dehors de la compensation légale qui s’opère de plein droit entre les créances réciproques des parties nées antérieurement à l’ouverture de la procédure collective de l’une d’elles, à condition qu’elles soient liquides, certaines et exigibles avant l’ouverture de cette procédure, la compensation ne peut être que judiciaire. Elle indique qu’elle ne peut jouer, après jugement d’ouverture, que si le créancier du débiteur a déclaré au passif la créance qu’il prétend compenser et s’il existe entre les dettes respectives un lien de connexité. Or elle soutient que tel n’est pas le cas en l’espèce.

Elle expose, concernant l’absence de fourniture de la pompe à eau qu’aucune compensation légale n’a pu s’opérer avant le jugement d’ouverture de la procédure collective dans la mesure où il s’agit d’une créance indemnitaire et relève que celle-ci n’a pas fait l’objet d’une déclaration de créance.

Elle indique ensuite que la procédure sur laquelle se fonde le juge commissaire dans son ordonnance du 12 janvier 2015 a été ouverte postérieurement au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la société PES et que celle-ci tendait à la condamnation de la SARL Hamant au paiement du solde

des travaux, de sorte que le juge commissaire n’a pas été dessaisi et demeure seul compétent pour statuer sur l’admission de la créance. Elle en déduit que la demande de la SARL Hamant tendant à voir fixer sa créance à la somme de 904.488 euros est irrecevable.

Subsidiairement, elle soutient que ce n’est que le 31 octobre 2011, soit un an après avoir retourné la convention de raccordement à EDF, que la SARL Hamant a commandé à la société PES la fourniture et l’installation des panneaux photovoltaïques. Elle ajoute que la SARL Hamant ne s’est pas conformée aux délais conventionnels de règlement des factures, entraînant un décalage temporel du chantier et que ces retards sont dus à l’absence de prêt bancaire de la SARL Hamant avant le 15 mars 2014. Elle indique par ailleurs que ni le rachat de l’énergie produite par EDF ni la date d’achèvement de l’installation n’étaient une condition déterminante du contrat d’installation et qu’il n’existe d’ailleurs aucune mention en ce sens. Elle relève enfin qu’aucune disposition contractuelle ne lui imposait d’intervenir dans les démarches d’achat d’énergie et ajoute que la SARL Hamant ne lui avait pas fourni de garantie de paiement conformément à l’article 1799-1 du code civil.

Plus subsidiairement, elle expose que la SARL Hamant ne peut se prévaloir d’aucune perte productible dans la mesure où le contrat de rachat conclu avec EDF d’une durée de 20 ans a seulement été décalé, étant souligné que la preuve de la souscription d’un tel contrat n’est pas rapportée. Elle ajoute qu’il appartenait à la SARL Hamant de négocier le tarif de rachat le plus avantageux et d’effectuer les démarches administratives nécessaires et que celle-ci ne pouvait ignorer que le tarif de rachat de l’énergie solaire photovoltaïque connaissait une baisse régulière ni que les conditions d’application d’un tarif avantageux étaient limitées dans le temps.

Aux termes de ses conclusions déposées le 18 décembre 2017 et au visa des articles 1134, 1147, 1150 du code civil, et 145, 146 et 771 du code de procédure civile, la société QBE demande à la cour de :

— confirmer le jugement rendu le 27 juin 2007 par le tribunal de grande instance de Metz en ce qu’il a débouté la SARL Hamant de l’intégralité des demandes dirigées à son encontre

— juger que les préjudices financiers allégués par la SARL Hamant constituent des dommages immatériels non garantis par la police souscrite par la société PES

— juger au surplus que les préjudices financiers allégués par la SARL Hamant sont exclus des garanties de ladite police d’assurance

— débouter en conséquence la SARL Hamant de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la société QBE

en toute hypothèse,

— dire et juger que la perte du tarif de rachat de l’énergie électrique résulte de la seule incurie de la SARL Hamant

— dire et juger que la SARL Hamant est seule et unique responsable des préjudices financiers dont elle prétend pouvoir solliciter l’indemnisation

— débouter en conséquence la SARL Hamant de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la société QBE

— dire et juger que le chiffrage des préjudices financiers allégués par la SARL Hamant n’est pas justifié par la communication de pièces établissant d’une part la production réelle des panneaux photovoltaïques, et d’autre part la prétendue perte de marge bénéficiaire

— rejeter en conséquence l’intégralité des demandes de la SARL Hamant

— rejeter la demande de désignation d’un expert judiciaire, irrecevable et injustifiée

à titre infiniment subsidiaire,

— dire et juger que toute condamnation qui serait prononcée à l’encontre de la société QBE le serait dans les termes et limites de la police, soit pour des dommages immatériels non consécutifs, avec application d’une franchise de 1.000 euros et un plafond de 200.000 euros

— réformer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages et intérêts

— condamner la SARL Hamant à lui verser une indemnité de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive

— la condamner à lui payer la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’appel.

Au soutien de ses prétentions, elle expose qu’aucune des garanties prévues par la police d’assurance n’a vocation à s’appliquer pour la prise en charge de la somme réclamée par l’appelante. Elle précise que les garanties de dommages à l’ouvrage et de responsabilité civile avant réception ne sont pas applicables en l’espèce puisqu’elles ne concernent pas le dommage subi.

S’agissant de la responsabilité civile après réception ou livraison des travaux, elle estime qu’elle ne s’applique pas car le dommage est antérieur à la réception de travaux et ne trouve pas son origine dans une malfaçon ou erreur de conception de travaux conformément aux conditions de mise en 'uvre de la garantie. A cet égard, elle précise que l’audit réalisé par la société Crealec est une expertise privée réalisée en dehors de tout respect du principe du contradictoire, de sorte qu’elle n’a aucune valeur probante. Elle précise qu’à la date de cette étude, l’installation avait été livrée en état de fonctionnement et soutient que le retard dans la livraison n’était que la conséquence du paiement tardif du premier acompte et des négligences de la SARL Hamant relatives au délai pour commander l’installation ou à la constitution d’une garantie bancaire. Au surplus, elle soulève que le non-respect de l’achèvement des travaux à délai convenu est exclu de la garantie.

En outre, elle soutient qu’il n’y avait aucune garantie contractuelle d’un tarif de rachat de l’énergie électrique et que le dommage résultant du tarif d’achat de l’énergie par EDF n’était pas un préjudice prévisible lors de la souscription du contrat et ne peut être réparé. Elle souligne en outre que la puissance de l’installation et son rendement ne sont pas démontrés. Elle soulève également que le préjudice subi résulte de la seule faute de la société Hamant qui a tardé à commander l’installation photovoltaïque et à réaliser les démarches administratives de raccordement.

Sur le quantum de la demande de la SARL Hamant, elle relève qu’il s’agit d’une puissance théorique pour la production moyenne et d’un plafond d’énergie livrée à ne pas dépasser pour la production maximale. Elle souligne ainsi que la SARL Hamant ne démontre pas que l’installation photovoltaïque soit en capacité de produire 316.710 kWh et le seul droit de vendre à EDF à cette hauteur ne suffit pas à le démontrer. Elle relève également qu’au regard du coût de l’installation

photovoltaïque, fixée à 538.407 euros, et de la production moyenne annuelle de 211.114 kWh, le chiffre d’affaire annuel est de 329.987 euros avec un tarif d’achat de 0,0796 € par kWh, de sorte que deux années suffisent à rentabiliser l’installation.

Elle soutient également que le préjudice indemnisable ne peut être constitué de la perte de chiffre d’affaire mais de la seule perte de marge bénéficiaire, que la SARL Hamant ne démontre pas. Elle relève que la demande d’expertise judiciaire n’aurait que pour but de suppléer à la carence probatoire de la SARL Hamant qui ne démontre aucun intérêt légitime à ce qu’elle soit ordonnée.

Elle relève qu’au vu de ces éléments et notamment des conditions explicites des garanties, la procédure engagée à son encontre par la SARL Hamant est manifestement abusive.

A titre infiniment subsidiaire, elle relève que la garantie des dommages immatériels non consécutifs limite leurs indemnisation à un plafond de 200.000 euros et une franchise de 1.000 euros.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les conclusions déposées le 16 février 2018 par la SARL Hamant, le 22 décembre 2017 par la SCP A-B-X, prise en la personne de Mme X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société PES, et le 18 décembre 2017 par la société QBE, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 07 février 2019 ;

Sur la saisine de la cour

Il sera relevé que si en première instance, la SCP A B X, prise en la personne de Z X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Photovoltaïc Energy System avait formé une demande en paiement de 1.500 euros de dommages-intérêts contre la SARL Hamant, il résulte de ses conclusions à hauteur d’appel qu’elle ne forme plus de demande en ce sens mais sollicite au contraire la confirmation du jugement pour le surplus de ses dispositions. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

Sur la créance de la société PES à l’égard de la SARL Hamant

Aux termes du contrat en date du 31 octobre 2011, le prix convenu entre la société PES et la SARL Hamant est de 538 407 euros HT payable ainsi : un premier acompte de 35 % de la somme totale avant le 23 décembre 2011, un deuxième acompte de 35 % avant le 31 janvier 2012, un troisième de 20 % avant le 28 février 2012 et le solde de 10% qui « sera payé lors du raccordement de la centrale au réseau public ».

La société PES fait valoir que la somme de 64 393,48 euros représentant le solde de 10% du marché n’a jamais été payée par la SARL Hamant malgré la réalisation de la prestation, ce que ne conteste pas la SARL Hamant.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont condamné la SARL Hamant à payer à la SCP A-B-X, prise en la personne de Mme X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société PES la somme de 64.393,48 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2012.

Sur la créance de la SARL Hamant à l’égard de la société PES

Sur l’exception d’inexécution invoquée au titre de la pompe à eau

L’article 1142 du code civil dans sa version applicable au litige prévoit que «toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur ».

Aux termes d’un accord conclu entre la société Hamant et la société PES, cette dernière s’est engagée à fournir et mettre en place « une pompe à eau autonome d’un débit de 40 à 60 m3 jour pour alimentation d’un étang » gratuitement dès « la signature du contrat construction et fourniture de la centrale solaire ».

Or, la SARL Hamant soulève que cette pompe n’a pas été fournie et la société PES ne le conteste pas.

Toutefois, il résulte des dispositions de l’article L622-24 du code de commerce que tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture doivent adresser la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire, même si elles ne sont pas encore établies par un titre.

L’article L622-26 du même code prévoit qu’à défaut de déclaration dans les délais prévus par l’article L622-24, la créance est inopposable à la procédure collective.

En l’espèce, la créance de la SARL Hamant au titre de l’absence de livraison de la pompe à eau est une créance antérieure au sens de l’article L 622-24 du code de commerce puisqu’elle est née de l’inexécution par la société PES de son obligation contractuelle qui devait être exécutée avant le jugement d’ouverture de la procédure collective de la société PES.

Or, il ressort de sa déclaration de créance réalisée le 18 juin 2013 que la SARL Hamant a indiqué une créance totale de 904' 488 euros composée de 34.000 euros au titre des pénalités de retard, 35.349 euros au titre de la perte de productible et 835.139 euros au titre du manque à gagner lié à la perte du tarif d’achat fixé. Ainsi, il n’apparaît aucune mention relative à cette créance de 10.000 euros au titre de l’absence de livraison de la pompe à eau.

En l’absence de déclaration de sa créance, cette dernière est inopposable à la procédure collective et ne peut donc être compensée.

En conséquence, il convient de déclarer irrecevable la demande de compensation formée par la SARL Hamant à hauteur de 10.000 euros et d’infirmer le jugement entrepris sur ce point dans la mesure où celui-ci a rejeté cette demande.

Sur les demandes reconventionnelles relatives aux manquements contractuels

Sur la recevabilité de la demande de fixation de créance

Par ordonnance du 12 janvier 2015, le juge commissaire du tribunal de grande instance de Metz a constaté que la créance déclarée par la SARL Hamant était contestée en totalité et qu’une instance judiciaire était en cours. Aucune partie n’a interjeté appel de cette ordonnance. Elle a donc autorité de la chose jugée.

Si la société PES en conteste désormais le bien-fondé, il est toutefois constant que l’ordonnance par laquelle le juge commissaire constate qu’une instance est en cours le dessaisit.

Par conséquent, il y a lieu de déclarer recevable la demande de la SARL Hamant tendant à voir fixer sa créance déclarée au passif de la liquidation judiciaire de la société PES.

Sur les pénalités de retard et la perte de productible

Aux termes des conditions de paiement et de livraison du contrat, il est prévu que « la facturation se base sur la puissance réelle installée. Le tarif de base est de 2.550,00 euros HT/ kWc. (') Un premier acompte de 35 % de la somme totale sera payé avant le 23 décembre 2011. Un deuxième acompte de 35 % de la somme totale sera payé avant le 31 janvier 2012. Un troisième acompte de 20 % de la somme totale sera payé avant le 28 février 2012. Le solde de 10 % sera payé lors du raccordement de la centrale au réseau public. Aucun escompte n’est accordé ».

Les conditions complémentaires du contrat disposent également que « la société PES s’engage à livrer le chantier prêt à être raccordé au réseau public au plus tard le 15 mars 2012. A défaut, une pénalité de 500 euros par jour de retard pourra être exigée. La société PES s’engage également à indemniser le client de sa perte de production pour la période concernée ».

En l’espèce, il ressort des écritures de la SARL Hamant que les travaux ont démarré « début avril 2012» pour s’achever au 22 mai 2012, date d’obtention du CONSUEL, soit un retard d’exécution de soixante-huit jours imputable à la société PES et un manque de productible jusqu’au raccordement de l’installation en date du 5 juin 2012.

Toutefois, il convient de relever que la SARL Hamant n’a pas non plus respecté les délais contractuels quant au règlement des acomptes convenus, en réglant la première facture payable au 23 décembre 2011 le 16 avril 2012, la deuxième facture payable au 31 janvier 2012 le 20 avril 2012 et la troisième facture payable au 28 février 2012 le 1er juin 2012.

Si le contrat prévoit également que la facturation s’effectuera sur une puissance réelle installée, cela doit s’analyser sur le montant total du marché à l’issue des travaux puisqu’il s’agit du seul moment auquel la puissance réelle installée peut être constatée. Ainsi, le paiement d’acomptes et la facturation sur une puissance réelle installée constituent deux obligations distinctes et non contradictoires.

S’agissant du retard de paiement, l’absence éventuelle d’obtention du prêt bancaire par la SARL Hamant avant le 15 mars 2012 (et non 15 mars 2014 comme mentionné dans les écritures du mandataire) soulevée par la société PES ne suffit pas à démontrer que la SARL Hamant ne disposait pas des fonds nécessaires pour honorer ce contrat qui, d’ailleurs, a été expressément conclu sans condition suspensive.

Il convient de relever que la société EPS a commencé les travaux avant tout paiement de la SARL Hamant, ce qui démontre que l’absence de règlement n’était pas pour la société EPS un motif justifiant le retard dans l’exécution.

Les dispositions de l’article 1799-1 du code civil selon lesquelles « le maître de l’ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l’article 1779 doit garantir à l’entrepreneur le paiement des sommes dues’ » ne justifient pas davantage le retard d’exécution puisque la société PES n’a pas fait de demande de garantie auprès de la SARL Hamant conformément au troisième alinéa de l’article visé, lui permettant ainsi de « surseoir à l’exécution du contrat après mise en demeure restée sans

effet à l’issue d’un délai de quinze jours ».

Dès lors, il résulte du comportement des deux sociétés et notamment de l’absence de mise en demeure réciproque de chaque cocontractant au titre des manquements aux obligations de l’autre, qu’elles sont toutes les deux fautives dans l’exécution de leur convention et que la SARL Hamant ne peut se prévaloir des dispositions contractuelles pour obtenir l’indemnisation du retard de la société PES.

Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande de la SARL Hamant tendant à voir fixer sa créance au passif de la société PES à la somme de 34.000 euros au titre du retard d’exécution et à la somme de 35.349 euros au titre de la perte de productible. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur la perte du bénéfice du contrat d’obligation d’achat

L’article 1149 du code civil dans sa version applicable au litige dispose que « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé ».

Par ailleurs, l''article 1 du décret n°2010-1510 du 9 décembre 2010 prévoit que «l’obligation de conclure un contrat d’achat de l’électricité produite par les installations mentionnées au 3° de l’article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé est suspendue pour une durée de trois mois courant à compter de l’entrée en vigueur du présent décret ».

Toutefois, à la lecture de l’article 3 du même décret, il ressort que « les dispositions de l’article 1er ne s’appliquent pas aux installations de production d’électricité issue de l’énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement réseau’ », l’article 4 précisant que « le bénéfice de l’obligation d’achat au titre de l’article 3 est subordonnée à la mise en service de l’installation dans un délai de dix-huit mois à compter de la notification de l’acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ».

Il convient sur ce point d’indiquer que le tribunal administratif de Paris, saisi d’une requête de la SARL Hamant quant à l’analyse de la convention de raccordement conclue avec la société ERDF le 15 novembre 2010, a considéré dans un jugement du 22 avril 2014 que cette convention était distincte du contrat d’achat permettant d’échapper aux dispositions du décret du 9 décembre 2010. Ainsi, le tribunal en a déduit que les producteurs disposant d’une convention de raccordement devaient être assimilés à ceux qui avaient notifié au gestionnaire de réseau leur acceptation d’une proposition technique et financière et devaient bénéficier en conséquence des dispositions des articles 3 et 4 du décret susvisé. A ce titre, le tribunal a relevé que la SARL Hamant ne pouvait bénéficier des conditions tarifaires fixées par l’arrêté du 10 juillet 2006 car elle avait achevé l’installation postérieurement au 16 mai 2012, date butoir de la période de dix-huit mois prévue à l’article 4 du décret du 9 décembre 2010 à compter du retour signé de la convention de raccordement.

Dans son offre technique et financière acceptée le 31 octobre 2011, la société PES mentionne à titre liminaire une « intégration au bâti conforme au décret de 2006' ». A cet égard, elle ne conteste pas avoir indiqué par erreur le décret de 2006 alors qu’elle visait en réalité l’arrêté de 2006 fixant les conditions tarifaires de rachat de l’électricité produite, ce que soutient la SARL Hamant. Il est donc bien démontré que les conditions tarifaires de rachat prévu par cet arrêté étaient un élément déterminant du consentement de la SARL Hamant lorsqu’elle a contracté avec la société PES.

De plus, il résulte du mail adressé le 23 mai 2012 par M. Y, directeur général de la société PES, à la société ERDF que lors de la réalisation des démarches de raccordement, la société PES était consciente de la nécessité de respecter une date pour l’obtention de la tarification la plus avantageuse puisqu’elle vise expressément une « date butoir [au] 25 mai 2012 ». L’erreur dans la date, indiquée au 25 mai au lieu du 16 mai par M. Y, n’a pas d’incidence dans la mesure où il n’est pas établi par la société PES que cette erreur provient de la SARL Hamant.

Par ailleurs, la SARL Hamant dont le gérant est agriculteur à titre principal, n’agit pas en tant que professionnel en matière d’installation photovoltaïque. Il n’est donc pas établi qu’il avait nécessairement connaissance de la date butoir à laquelle l’installation devait être réalisée afin de lui permettre de bénéficier des tarifs envisagés, aucun autre élément ne justifiant par ailleurs, qu’il en avait eu connaissance.

Ainsi, la société PES a bien manqué à son obligation de livraison dans un délai permettant à la SARL Hamant d’obtenir le tarif préférentiel envisagé à la signature du contrat.

A cet égard, l’article 3 de l’arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d’achat de l’électricité disposait que « si la demande complète de contrat d’achat est effectuée après le 31 décembre 2006, les tarifs mentionnés à l’annexe du présent arrêté sont indexés au 1er janvier de l’année de la demande par application du coefficient K ». L’article annexe prévoyait que «' en métropole continentale, le tarif applicable à l’énergie active fournie est égal à : T + I, formule dans laquelle : T= 30 c. d’euros / kWh ; I = 25 c d’euros / kWh ».

Dans son courrier du 2 septembre 2010, EDF a notifié à la SARL Hamant un coefficient d’indexation des tarifs de 1,09411 dont il résulte un tarif espéré de 60,17 centimes d’euros au regard du calcul indiqué dans l’arrêté susmentionné.

Cependant, il ressort du contrat d’achat conclu le 3 novembre 2014 que la société EDF a finalement accordé à la SARL Hamant un tarif de rachat de 0,0796 euros / kWh quant à une production maximale de 316 710 kWh.

A l’appui de sa demande, la SARL Hamant invoque, compte tenu du tarif espéré et du tarif obtenu, une perte de chiffre d’affaire de 2.157.353 euros pour une production annuelle moyenne de 211 114 kWh et de 3.236.029 euros pour une production annuelle maximale de 316 470 kWh sur une durée de vingt ans, durée habituelle des contrats de rachat par EDF, reconnue par la société PES dans ses écritures.

Toutefois, il convient de relever que le contrat d’installation photovoltaïque ne prévoit qu’une puissance installée de 211 114 kWh et ne mentionne aucune production maximale.

La SARL Hamant qui ne démontre pas la possibilité de produire au-delà du seuil contractuellement convenu, ne prouve pas non plus que l’installation photovoltaïque a la capacité effective de produire la puissance envisagée, alors qu’elle y était invitée par la société QBE dans ses conclusions.

Sur ce point, par application de l’article 16 du code de procédure civile, il sera rappelé que le juge ne peut fonder sa décision que sur des pièces dont les parties ont été à même de débattre contradictoirement.

Or, si trois «' publications des données de comptage» délivrées par ERDF apparaissent dans le dossier de plaidoirie de la SARL Hamant avec comme annotation manuscrite «' annexes pièce 3

produite par Me Zuch (PES) » sous la pochette 17, il convient néanmoins de relever que ces pièces ne sont pas visées dans le bordereau de pièces transmis par RPVA et n’étaient pas produites dans les pièces adressées à la cour avant l’audience. Si elles sont mentionnées page 14 des conclusions de la SARL Hamant, seul l’intitulé est rappelé sans que le contenu de ces pièces soit précisé.

Il n’est donc pas établi que les parties en ont eu connaissance et ont pu en débattre contradictoirement, contrairement aux dispositions de l’article 16 du code de procédure civile. En conséquence ces pièces doivent être écartées.

En l’absence de démonstration de la puissance réelle de l’installation photovoltaïque, le préjudice de la SARL Hamant n’est donc pas établi.

Par ailleurs, il n’appartient pas à la cour de pallier la carence des parties dans l’administration de la preuve. En conséquence la demande d’expertise sur l’évaluation du préjudice invoqué sera rejetée, étant observé qu’il n’est pas établi q’une expertise était indispensable pour cette évaluation.

Par conséquent, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de fixation de créance de la SARL Hamant sur ce point.

Sur la compensation des créances détenues par la société PES et la SARL Hamant

Aucune créance n’ayant été établie au profit de la SARL Hamant, il convient de rejeter sa demande de compensation avec celle détenue à son encontre par la société PES et de confirmer le jugement entrepris.

Sur l’action directe à l’encontre de la société QBE

En l’absence de créance fixée à l’encontre de la société PES, la demande de condamnation à l’encontre de la société QBE en qualité d’assureur doit être rejetée et le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande d’indemnisation pour procédure abusive

L’article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».

La société QBE ne démontrant pas que la SARL Hamant a agi à son encontre par pure mauvaise foi, dans un but malveillant ou dilatoire, il convient de rejeter la demande d’indemnisation sur ce fondement.

Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande d’indemnisation formée à ce titre par la société QBE et de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement entrepris dans ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La SARL Hamant, qui succombe principalement, supportera la charge des dépens d’appel.

L’équité commande de laisser à chacune des parties la charge des frais engagés par elle à hauteur d’appel et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les limites de l’appel,

CONSTATE que la cour n’est plus saisie de la demande en paiement de la somme de 1.500 euros de dommages-intérêts formée en première instance par la SCP A B X, prise en la personne de Z X, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Photovoltaïc Energy System contre la SARL Hamant Energie Solaire ;

DECLARE recevable la demande de la SARL Hamant tendant à voir fixer sa créance déclarée au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Photovoltaïc Energy System ;

CONFIRME le jugement du Tribunal de grande instance de Metz en date du 27 juin 2017 dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a’ rejeté la demande en compensation à hauteur de 10.000 euros formée par la SARL Hamant Energie Solaire contre la SCP A B X, prise en la personne de Z X, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Photovoltaïc Energy System et statuant à nouveau,

DECLARE irrecevable la demande en compensation à hauteur de 10.000 euros formée par la SARL Hamant Energie Solaire contre la SCP A B X, prise en la personne de Z X, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Photovoltaïc Energy System;

Y ajoutant,

DEBOUTE la SARL Hamant de sa demande d’expertise ;

LAISSE à chacune des parties la charge des frais engagés par elle à hauteur d’appel et non compris dans les dépens ;

CONDAMNE la SARL Hamant aux dépens d’appel.'

Le présent arrêt a été signé par Mme Devignot, conseillère à la cour d’appel de Metz faisant fonction de présidente de chambre, et par Mme Wild, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Metz, 6ème chambre, 17 décembre 2020, n° 17/02184