Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 5 décembre 2014, n° 2014/14773

  • Risque de confusion·
  • Revêtement de sol·
  • Consommateur·
  • Produit·
  • Construction·
  • Propriété industrielle·
  • Distinctif·
  • Marque antérieure·
  • Risque·
  • Similitude

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5, 5 déc. 2014, n° 14/14773
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 2014/14773
Décision précédente : Institut national de la propriété industrielle, 1er juin 2014, N° 13-5109/PAB
Décision(s) liée(s) :
  • Décision du directeur général de l'INPI, 2 juin 2014, 13-5109
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : COUD 9 ; # CLOUD
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 6100929 ; 4032291
Classification internationale des marques : CL19 ; CL27
Référence INPI : M20140698
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 05 DECEMBRE 2014

Pôle 5 – Chambre 2 (n°244, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/14773

Décision déférée à la Cour : décision du 02 juin 2014 – Institut National de la Propriété Industrielle -RG n° OPP 13-5109/PAB

DECLARANTE AU RECOURS S.A. FONCIERE LYONNAISE, agissant en la personne de son directeur général, M. Bertrand J, domicilié en cette qualité au siège social situé […] 75008 PARIS Ayant élu domicile C/O Cabinet de Me Salomé LACHAT Avocat à la Cour […] 75015 PARIS Représentée par Me Salomé LACHAT, avocat au barreau de PARIS, toque B 197

EN PRESENCE DE MONSIEUR L GENERAL DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE (INPI) […] CS 50001 92677 COURBEVOIE CEDEX Représenté par Mme Christine LESAUVAGE, chargée de mission

APPELEE EN CAUSE Société BALL & YOUNG LIMITED, société de droit britannique, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé Times Place 45 Pall M SW1Y 5JG LONDRES ROYAUME-UNI Ayant élu domicile C/O Cabinet NOVAGRAAF FRANCE Avocat à la Cour […] 92593 LEVALLOIS-PERRET Non représentée, non comparante (convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception présentée et distribuée le 22 juillet 2014)

COMPOSITION DE LA COUR : Après rapport oral, l’affaire a été débattue le 30 octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente Mme Sylvie NEROT, Conseillère Mme Véronique RENARD, Conseillère q ui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme Carole T Le dossier a préalablement été transmis au Ministère Public, représenté lors des débats par M. Hugues WOIRHAYE, Avocat Général, qui a fait connaître son avis

ARRET: Réputé contradictoire Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole T, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

Vu la décision rendue le 02 juin 2014 par le Directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (ci-après : INPI) qui a considéré comme justifiée l’opposition formée le 03 décembre 2013 par la société de droit anglais Ball & Young Limited, titulaire de la marque communautaire « Cloud 9 », n° 006100929, déposée le 13 juillet 2007 et enregistrée le 18 août 2008 pour désigner notamment en classe 19 les produits et services suivants :

« Sols non métalliques ; revêtements de sol compris dans cette classe ; revêtements de sol en bols ; revêtements de sol en bois stratifié ; revêtements de sol non métalliques pour la finition de sols semi-finis ; lattes de plancher ; blocs de revêtement de sol, composants de plancher, revêtements de sol, panneaux de plancher, chape de plancher, sections de plancher, carreaux, tous en matériaux non métalliques ; sous-couche pour dalles ; matériaux non métalliques pour sous-couches ; matériaux non métalliques destinés au bâtiment et/ou à la construction ; matériaux non métalliques dotés de propriétés acoustiques destinés au bâtiment et/ou à la construction ; pièces et parties constitutives pour tous les produits précités »

à la demande d’enregistrement de la marque complexe « # Cloud », n° 13 4 032 291, présentée le 14 septembre 2013 par la société anonyme Société Foncière Lyonnaise, pour désigner en classe 19 les produits et services suivants :

« Constructions non métalliques ; monuments non métalliques ; immeubles bâtis »,

Vu le recours contre cette décision formé le 26 juin 2014 par la société Foncière Lyonnaise SA et son mémoire reçu le 10 juillet 2014,

Vu les observations de l’INPI parvenues au greffe le 08 octobre 2014,

Vu la convocation à l’audience de la société Ball & Young Ltd par pli recommandé dont l’accusé de réception a été retourné avec mention de la réception par son représentant en France, la société Novagraaf France, à la date du 22 juillet 2014,

Le Ministère Public entendu en ses réquisitions,

SUR CE,

Considérant qu’au soutien de son recours, la société requérante fait valoir que, pour conclure à une similarité des produits, des signes et à un risque de confusion, le Directeur de l’INPI n’a pas pris en compte tous les facteurs pertinents de l’espèce ;

Que si les matériaux de construction et les constructions relèvent du même secteur d’activité, expose-t-elle, il n’est pas possible de faire abstraction de la nature des produits, de leur fonction, de leur destination et de leurs circuits de distribution ; qu’au terme d’une analyse circonstanciée, elle conclut que reconnaître la complémentarité et donc la similarité des produits du seul fait que les bâtiments construits intègrent nécessairement des éléments de construction sans que les immeubles bâtis soient désignés dans le libellé de la marque antérieure conduit à élargir de manière injustifiée le domaine de protection visé par la marque antérieure et à faire une entorse importante au principe de spécialité des marques ;

Qu’ à son sens, par ailleurs, le Directeur de l’INPI n’a pas attaché une valeur appropriée à tous les éléments constitutifs des deux marques et qu’à tort il s’est principalement fondé sur l’élément verbal commun, au rôle certes important mais, selon elle, non exclusif du rôle décisif de leurs autres composants, verbaux et graphiques, dans la détermination du caractère distinctif et la différenciation des deux signes en cause ;

Qu’elle estime ainsi que l’impression d’ensemble produite sur le public pertinent, grand public et professionnels, par ces deux signes ne génèrera aucun risque de confusion, d’autant qu’il n’est pas établi que la marque communautaire jouisse d’une connaissance particulière sur le marché ou d’une renommée accroissant son degré de distinctivité et que la différence de réseaux de distribution des produits opposés exclut un risque d’association ;

Sur la comparaison des produits

Considérant qu’explicitant son moyen en regard des enseignements des juridictions communautaires, la requérante soutient que le libellé des produits couverts par le signe contesté n’inclut nullement les matériaux de construction en tant que tels qui sont des produits manifestement différents des immeubles bâtis par leur nature, leur méthode de production et leur mode de commercialisation ;

Que les produits finis couverts par la marque revendiquée et les produits bruts transportables et intermédiaires désignés par le signe second n’empruntent pas, non plus, les mêmes canaux de distribution et, observant que l’opposante n’a pas démontré qu’il était commun d’offrir à la vente sous une même marque des matériaux de construction en lien avec les sols et des immeubles bâtis, elle soutient que le client ne risquera pas de se méprendre sur leur origine ;

Considérant, ceci étant rappelé, qu’il résulte également de la jurisprudence communautaire que « pour que la marque puisse jouer son rôle d’élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité entend établir, elle doit constituer la garantie que tous les produits ou services qui en sont revêtus ont été fabriqués sous le contrôle d’une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de sa qualité » et qu’ « il ne suffit pas, afin d’exclure l’existence du risque de confusion (tenant à la croyance d’une origine commune des produits ou services ou de la provenance d’entreprises liées économiquement), de démontrer simplement l’absence de confusion dans l’esprit du public quant au lieu de production des produits et services en cause » (CJCE, 29 septembre 1998, Canon Kabushiki Kaisha, points 28 et 29) ;

Qu’en l’espèce, il ne saurait être contesté que les produits désignés dans la demande d’enregistrement de la marque « # Cloud » sont en relation étroite avec les produits couverts par la marque enregistrée « Cloud 9 » qui renvoient précisément à l’acte de bâtir dès lors que les seconds entrent de manière essentielle dans la composition des premiers et que, même s’ils n’empruntent pas les mêmes canaux de distribution et si les seconds ne jouissent pas d’une connaissance particulière sur le marché, le public sera conduit à leur attribuer une provenance commune telle qu’ explicitée par la juridiction communautaire ;

Qu’il suit que le recours de la Société Foncière Lyonnaise sur ce point ne peut prospérer ;

Sur la comparaison des signes

Considérant que la marque antérieure porte sur le signe complexe alphanumérique « Cloud 9 » qui représente le terme « Cloud » en caractères d’imprimerie noirs et épais, précisément ajusté au sommet d’une forme carrée aux contours régulièrement ondulés incluant, en caractère noir et épais, le chiffre « 9 » d’une taille supérieure à l’élément verbal ;

Que la demande d’enregistrement litigieuse porte sur le signe « # Cloud » associant sur une même ligne, dans une police de caractère similaire et sans accentuation du trait, le symbole hashtag (ou mot-dièse permettant de retrouver tous les messages d’un microblog qui le contiennent) et le terme « cloud » en lettres majuscules ;

Considérant que le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l’identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s’il n’existe pas entre les deux signes un risque de confusion (lequel comprend le risque d’association) qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ;

Qu’en outre, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement ;

Que, visuellement, la requérante peut être suivie lorsqu’elle identifie les divers éléments de nature à différencier les signes opposés, qu’il s’agisse de leurs caractères typographiques, de l’absence de lien entre les éléments adjoints à l’élément verbal commun, de l’importance de la représentation du chiffre « 9 » et de la disposition particulière de leurs composantes respectives ;

Qu’elle ne peut cependant valablement affirmer que la composante graphique et figurative joue un rôle essentiel et que le chiffre « 9 » qui n’entretient aucun rapport avec les produits désignés est normalement distinctif et dominant dans la marque première ;

Qu’il convient, en effet, de rappeler que le consommateur moyen perçoit, certes, une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails mais aussi que l’élément d’attaque de la marque, tel l’élément verbal « Cloud » est considéré de manière constante comme l’élément appelé à rester dans sa mémoire ; qu’il le sera d’autant plus en l’espèce que ce chiffre « 9 », fût-il fortement calligraphié, se trouve placé au dessous du terme verbal et dans un encart de fantaisie qui pourrait figurer une étiquette, ce qui ne permet pas de le considérer comme dominant et distinctif à l’égal du terme

verbal, comme prétendu, mais, s’il n’est pas négligeable, comme subsidiaire ou descriptif, susceptible d’évoquer, ainsi qu’énoncé par le Directeur de l’INPI, un numéro de série ou de gamme ;

Que l’usage courant du mot-dièse « # » conduira ce consommateur moyen et raisonnablement attentif à le considérer comme secondaire dans sa perception du signe contesté, quand bien même il précèderait l’élément verbal, de sorte que le Directeur de l’INPI qui n’a pas éludé l’examen des éléments figuratifs et graphiques, a justement conclu qu’il sera conduit à une lecture directe du terme « Cloud » en présence de chacun de ces signes ;

Que, phonétiquement, le détachement du chiffre « 9 » ainsi opéré et l’usage commun de l’hashtag dans les médias ou sur les réseaux sociaux incitent le consommateur à la seule citation de l’élément verbal commun à chacun des deux signes en présence lorsqu’il sera amené à les prononcer, d’autant qu’il sera susceptible d’hésiter sur le choix du terme « nine » ou « neuf » associé au mot anglais « cloud » ou sur la transcription orale du symbole « # » et que rien ne permet d’affirmer, comme le fait la requérante de façon péremptoire, « qu’il n’y a aucune raison » qu’il ne prononce pas ce « 9 » ou ce symbole « # » ;

Que, conceptuellement, l’argumentation de la requérante, destinée à démontrer que la perception que le public aura de chacun de ces signes sera radicalement différente et exclusive de risque de confusion, repose sur des prémisses contestables puisqu’elle tient pour acquis que le consommateur français sait que « Cloud 9 » correspond à l’expression française « septième ciel » ou qu’il a fait des recherches sur le sens du titre d’une oeuvre de Walt D comprenant cette locution ou encore qu’il est familier de l’informatique au point de voir dans le signe second une référence au cloud computing consistant à externaliser un système informatique aux fins de stockage ;

Qu’afin d’apprécier le risque de confusion, il convient de se référer au « consommateur moyen de la catégorie de produits concernés, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé» (CJCE, 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer & Co GmbH, point 26) ; que rien ne permet d’affirmer que le grand public ou les professionnels du bâtiment appelés à acquérir des matériaux de construction ou bien des constructions et dotés de connaissances de base en langue anglaise ou en matière de nouvelles technologies percevront le sens précis dont fait état la requérante ;

Qu’aucun des deux signes en conflit, distinctifs pour désigner les produits visés, n’ayant, en soi, une signification claire et immédiate susceptible de neutraliser les similitudes visuelles et phonétiques, il convient de considérer que le consommateur concerné verra dans chacun de ces signes une semblable référence au terme « cloud »,

éventuellement traduit par le mot « nuage » au singulier, de sorte qu’il en viendra à penser que les produits désignés par chacun proviennent de la même entreprise ou d’entreprises économiquement liées ;

Qu’il suit que l’impression d’ensemble qui se dégage de l’analyse globale ainsi menée est propre à générer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur qui sera conduit, en raison de la reprise de l’élément dominant « cloud » associé à des éléments figuratifs et graphiques qui ne l’affectent pas, ceci combiné à l’identité ou à la similarité des produits ou services en cause, à confondre ou, à tout le moins, à associer les deux signes et à leur attribuer une origine commune en forme de déclinaison de la marque antérieure ;

Qu’il résulte de tout ce qui précède que doit être rejeté le recours formé à l’encontre de la décision rendue par le Directeur de l’INPI ;

PAR CES MOTIFS

Rejette le recours formé par la société anonyme Foncière Lyonnaise à l’encontre de la décision rendue le 02 juin 2014 par le Directeur de l’Institut national de la propriété industrielle ;

Dit que la présente décision sera notifiée par les soins du greffe et par lettre recommandée avec accusé de réception à la société anonyme Foncière Lyonnaise, à la société de droit anglais Ball & Young Ltd et au Directeur de l’Institut national de la propriété industrielle.

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Textes cités dans la décision

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