Cour d'appel de Paris, 10 janvier 2014, n° 11/23109

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 10 janv. 2014, n° 11/23109
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/23109
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 14 décembre 2011, N° 11/00277

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRET DU 10 JANVIER 2014

(n° 002, 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/23109.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2011 – Tribunal de Grande Instance de PARIS 3e Chambre 4e Section – RG n° 11/00277.

APPELANTS :

— SAS AEDEN FILMS anciennement dénommée BB2C CONSEIL

prise en la personne de son Président,

ayant son siège XXX,

— Monsieur D X DE Z

XXX,

— SARL LIAISON FILMS

prise en la personne de son gérant,

ayant son siège XXX,

— Monsieur B A

XXX,

représentés par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU en la personne de Maître Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

assistés de Maître Jean AITTOUARES plaidant pour le Cabinet OX Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : A0966.

INTIMÉE :

Société pour l''uvre et la Mémoire d’Y de Saint-Exupéry – succession de Saint-Exupéry – d’Agay

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège XXX,

représentée par la SCP FISSELIER en la personne de Maître Alain FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044,

assistée de Maître Pierre-Marie BOUVERY et de Maître Boris KHALVADJIAN plaidant pour le Cabinet FACTORI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0300.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 novembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine AIMAR, présidente,

Madame Sylvie NEROT, conseillère,

Madame Véronique RENARD, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

La société Aeden Films (anciennement BB2C créée en 2002 par Monsieur D X de Z) ce dernier, la société Liaison Films et Monsieur B A exposent qu’en 2008 Monsieur X de Z a eu le projet de réaliser un biopic d’Y de Saint-Exupéry, que la société BB2C s’est rapprochée de la société civile Pour l’Oeuvre et de la Mémoire de Saint-Exupéry (ci-après: Pomase) afin d’acquérir à terme les droits nécessaires à la réalisation, la production et l’exploitation d’un film cinématographique et que le 28 mai 2008, la société BB2C et la société Pomase ont conclu un contrat d’option d’une durée d’un an, renouvelable deux fois auquel était annexé un contrat de production audiovisuelle, moyennant le paiement d’une redevance annuelle de 80.000 euros.

Ils ajoutent que la redevance afférente à l’année débutant le 28 mai 2008 a été payée, que la société Aeden Films a alors travaillé sur ledit projet de film biographique, élaborant un début de scénario ainsi qu’un traitement détaillé de l’histoire en s’adjoignant, pour le développement et la production du film, la collaboration de Monsieur A et de la société Liaison Films dont il est le gérant, suivant une lettre d’accord du 22 avril 2009, et qu’à l’issue de cette période, la société Aeden Films a sollicité le renouvellement de l’option avec effet jusqu’au 30 mai 2010, en lui adressant ensuite une proposition d’échéancier pour s’acquitter de la redevance annuelle.

Ayant appris qu’une société américaine Crossover Productions développait, elle aussi, un projet de film sur la vie d’Y de Saint-Exupéry réalisé à partir d’une biographie sur l’auteur écrite par Madame H I, la société Aeden Films a informé la société Pomase de cette situation en lui demandant quelles mesures elle entendait prendre afin de faire respecter ses droits.

Elle expose que celle-ci l’a informée, le 17 septembre 2009, d’une prise de contact avec la société américaine en question avec mise en garde contre toute violation de ses droits, puis, par courrier recommandé du 1er décembre 2009, l’a incitée à se rapprocher du producteur américain et de ses partenaires tout en la mettant en demeure de payer sous huitaine la somme totale de 40.000 euros H.T. en vertu du contrat d’option ; qu’en réponse, par lettre en date du 4 décembre 2009, elle a fait part à la société Pomase de son inquiétude quant au projet concurrent de biopic et lui a indiqué qu’elle estimait la durée de l’option suspendue conformément à l’article 2.4 du contrat ; que la société Pomase l’a contesté, par lettre en retour, en faisant valoir qu’elle avait rempli l’ensemble de ses obligations ; qu’un rapprochement avec les sociétés américaines a pu être envisagé, qu’il s’en est suivi un échange de courriers portant, en particulier, sur la renégociation des termes financiers du contrat mais que les parties n’ont pu trouver un nouvel accord ; que le 03 juin 2010, la Pomase a signifié à la société Aeden Films que leur contrat était résilié, de sorte que par acte du 15 décembre 2010, la société Aeden Films, Monsieur. D X de Z, la société Liaison Films et M. B A ont assigné la société Pomase en nullité du contrat d’option et de production audiovisuelle du 28 mai 2008 demandant, subsidiairement, que soit sanctionnée la rupture abusive de ce contrat et que soient réparés, sur le fondement des articles 1165 et 1382 du code civil, les préjudices subis.

Par jugement contradictoire rendu le 15 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance, déclaré Monsieur D X de Z irrecevable à agir, débouté les sociétés Aeden Films, Liaison Films et Monsieur. B A de leurs demandes, condamné la société Aeden Films à payer à la société Pomase la somme de 80.000 euros au titre du renouvellement de l’option qui lui a été consentie, débouté cette dernière de sa demande indemnitaire pour procédure abusive mais condamné in solidum les demandeurs à l’action à lui verser la somme de 7.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par leurs dernières conclusions signifiées le 23 octobre 2013, la société par actions simplifiée Aeden Fims, Monsieur D X de Z, la société à responsabilité limitée Liaison Films et Monsieur B A, appelants, demandent principalement à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a déclaré recevables les demandes présentées par la société Liaison Films et par Monsieur B A et débouté la société Pomase de sa demande indemnitaire et,

' sur les demandes de la société Aeden Films :

— à titre principal, de prononcer la nullité du contrat d’option du 28 mai 2008, de condamner la société Pomase à lui restituer la somme de 84 400 euros versée en exécution du contrat annulé, de dire que la société Pomase a engagé sa responsabilité délictuelle et de la condamner à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice patrimonial subi du fait du travail vainement effectué, outre celle de 1.935.025,51 euros venant réparer le préjudice patrimonial subi en raison de la perte de chance de pouvoir exploiter le film et enfin celle de 60 000 euros réparant son préjudice moral,

— à titre subsidiaire, de considérer que le contrat du 28 mai 2008 n’est pas arrivé à échéance le 28 mai 2010, que la société Pomase n’a pas exécuté ses obligations contractuelles, de prononcer la résolution de ce contrat, de condamner la société Pomase à lui verser la somme de 84.400 euros en réparation du préjudice patrimonial subi en raison des frais qu’elle a engagés, outre celles de 25.000 euros en réparation du préjudice patrimonial subi du fait du travail effectué en vain, de 1.935.025,51 euros réparant le préjudice patrimonial subi consécutif à la perte de chance de pouvoir exploiter le film et celle de 60.000 euros venant réparer son préjudice moral,

' sur les demandes de Messieurs X de Z et A et de la société Liaison Films,

de considérer que Monsieur X de Z est recevable à agir, que la société Pomase a engagé sa responsabilité délictuelle et de condamner la société Pomase à verser :

— à la société Liaison Films la somme de 19.938,21 euros en réparation du préjudice patrimonial subi par celle-ci en raison des frais qu’elle a engagés, celle de 20.000 euros en réparation du préjudice patrimonial subi résultant du travail vainement effectué, celle de 1.935.025,51 euros venant réparer le préjudice patrimonial subi du fait de la perte de chance de pouvoir exploiter le film, outre celle de 60.000 euros réparant son préjudice moral,

— à Monsieur X de Z celle de 70.000 euros en réparation de son préjudice moral,

— à Monsieur A la somme de 60.000 euros en réparation de son préjudice moral,

' en tout état de cause,

de débouter la société Pomase de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 80.000 euros, de la condamner à leur verser la somme totale de 45.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 06 novembre 2013, la société civile Pour l’Oeuvre et la Mémoire d’Y de Saint Exupéry – succession de Saint-Exupéry – d’Agay (ci-après : la Pomase) prie essentiellement la cour, au visa des articles 1129, 1134, 1147, 1382 et 1165 du code civil, de confirmer le jugement en ses dispositions qui lui sont favorables, de l’infirmer pour le surplus et :

— de déclarer irrecevables à agir et, en tout cas, mal fondés Messieurs X de Z et A ainsi que la société Liaison Films,

— de considérer que la société Aeden Films demeure redevable à son égard de la redevance de 80.000 euros correspondant au renouvellement de l’option initialement consentie, de constater la validité de l’objet du contrat d’option du 28 mai 2008, de dire qu’il est parvenu à échéance à la date du 28 mai 2010, qu’elle n’a commis aucune faute dans son exécution, qu’en tout état de cause, la société Aeden Films n’établit pas l’existence d’un lien de causalité entre les prétendues fautes contractuelles par elle commises et le préjudice allégué, que cette dernière est mal fondée à mettre en cause sa responsabilité délictuelle à défaut de démonstration de l’existence de fautes délictuelles commises, d’un préjudice subi, et d’un lien de causalité entre ce dommage et ces prétendues fautes,

— de considérer que Messieurs X de Z et A ainsi que la société Liaison Films sont mal fondés en leur mise en cause de sa responsabilité délictuelle, faute d’établir pour chacun d’eux l’existence de fautes commises, d’un préjudice personnellement subi et d’un lien de causalité entre ce préjudice et chacune de ces prétendues fautes,

— en conséquence, de débouter les appelants de l’ensemble de leurs prétentions, de condamner la société Aeden Films à lui verser la somme de 80.000 euros avec intérêts au taux légal et anatocisme au titre du renouvellement de l’option, de condamner 'solidairement’ les appelants à lui verser la somme indemnitaire de 50.000 euros en raison du caractère abusif de la procédure engagée outre la somme complémentaire de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

SUR CE :

Sur les fins de non-recevoir opposées à Messieurs X de Z, A ainsi qu’à la société Liaison Films :

Considérant qu’alors que le tribunal a déclaré recevables à agir la société Aeden Films, agissant sur le terrain contractuel, tout comme la société Liaison Films et Monsieur A, agissant sur le terrain délictuel, mais a accueilli la fin de non-recevoir opposée par la société Pomase à l’action de Monsieur X de Z, tiers au contrat d’option et n’ayant ni qualité ni intérêt à agir sur le fondement contractuel, ce dernier, formant appel incident, déclare abandonner en cause d’appel ses demandes relatives à la nullité du contrat, et ne plus agir qu’en responsabilité délictuelle, à l’instar de la société Liaison Films et de Monsieur A ;

Que la société Pomase reprend, quant à elle et au visa de l’article 31 du code de procédure civile, sa demande tendant à voir déclarer irrecevables à agir tant la société Liaison Films et Monsieur A que Monsieur X de Z au motif que si elle ne s’est jamais opposée à ce que la société Aeden Films noue des relations avec des tiers, sa seule cocontractante n’a jamais été que la société Aeden Films, que leur demande se heurte 'incontestablement’ à l’effet relatif des contrats et qu’en outre, la démonstration d’une faute délictuelle indépendante n’est pas faite ;

Considérant, ceci exposé, qu’il est constant que l’effet relatif des contrats n’interdit pas aux tiers d’invoquer la situation de fait créée par une convention à laquelle ils n’ont pas été parties dès lors que cette situation de fait leur cause un préjudice de nature à fonder, comme en l’espèce, une action en responsabilité délictuelle ;

Que l’appréciation de la réalité des fautes alléguées ressort du fond du litige, de sorte que cette question ne fait pas obstacle à l’admission de la recevabilité de l’action de la société Liaison Films et de Messieurs X de Z et A ;

Qu’eu égard à ce qui précède, le jugement sera uniquement infirmé en ce qu’il a déclaré Monsieur X de Z irrecevable à agir ;

Sur la validité du contrat d’option et de production audiovisuelle conclu le 28 mai 2008 entre la société Aeden Films et la société Pomase :

Considérant que la société Aeden Films poursuit l’infirmation du jugement qui a rejeté ses divers moyens de nullité du contrat tenant à son défaut d’objet, à son indétermination ou au fait qu’il portait sur une oeuvre future en condamnant la société Aeden Films à verser à la Pomase la somme de 80.000 euros au titre de la redevance due en contrepartie de l’option qui lui a été consentie et reprend, sur le fondement des articles 1108, 1128 et 1129 du code civil, l’ensemble de ses moyens en demandant à la cour d’en tirer les conséquences qui s’imposent ;

Qu’elle fait valoir que l’article 2 du contrat de production audiovisuelle stipule que le droit d’adaptation, objet de l’option, porte sur 'la vie et l’oeuvre’ d’Y de Saint-Exupéry, que bien que ces deux éléments soient distincts juridiquement, leur association constituait la condition essentielle de l’engagement des parties puisque 'sa vie c’est son oeuvre et son oeuvre c’est sa vie', que chacun de ces objets est nul, ce qui vide le contrat d’option de sa substance et conduit à son annulation intégrale, et qu’il ne peut être envisagé de maintenir partiellement ce contrat alors qu’il n’a plus d’objet ;

Considérant, ceci rappelé, qu’il résulte de la combinaison des articles précités que pour qu’une convention soit valide, il faut qu’elle ait 'un objet certain qui forme la matière de l’engagement', qu’il porte sur 'des choses qui sont dans le commerce’ et sur 'une chose au moins déterminée quant à son espèce’ ;

Qu’il est vain de débattre de l’impossibilité d’accorder une exclusivité quelconque sur des éléments relevant de la vie de Saint-Exupéry qui ne peut faire l’objet d’aucun monopole, ainsi qu’en convient sans réserve la société Pomase ;

Que cet argument tend à controuver l’objet même du contrat litigieux qui ressort tant des correspondances antérieures à sa signature, des lettres d’intention, du préambule et des stipulations de ce contrat (pièces 2, 32, 33), tous éléments conduisant à considérer que le producteur entendait réaliser un film retraçant la vie de Saint-Exupéry à travers le prisme de son oeuvre et qu’en professionnel avisé il a donc jugé nécessaire de se rapprocher de la Pomase pour 'travailler avec les livres’ (pièce n° 29) ;

Que le préambule de la convention rappelait, d’ailleurs, que les ayants-droit 'disposent, notamment, des droits d’adaptation et d’exploitation audiovisuelle de l’oeuvre logés dans la société pour l’oeuvre et la mémoire de Saint-Exupéry’ et que 'le Producteur a entrepris de développer un film cinématographique de long-métrage provisoirement ou définitivement intitulé 'Saint-Ex, The Fox’s Secret’ librement adapté de la vie d’Y de Saint-Exupéry et de son oeuvre (ci-après dénommé 'le Film’ ) ; que l’intimée observe justement que les garanties contractuelles consenties étaient strictement limitées aux seuls droits de propriété intellectuelle de l’écrivain puisqu’il était stipulé : 'Les ayants-droit garantissent le producteur contre les recours des tiers en général concernant la propriété des droits (…) Les ayants-droit s’engagent à ne donner aucune autorisation à un quelconque projet d’adaptation d’une oeuvre d’Y de Saint-Exupéry (à l’exception de l’oeuvre 'Le Petit Prnce’ non visée par les présentes), ni à un quelconque projet audiovisuel sur sa vie et son oeuvre (…)' ;

Que le tribunal en a justement déduit que les contrats d’option et de production audiovisuelle permettaient à la société Aeden Films, non pas de réaliser un biopic quelconque sur Saint-Exupéry, ce qu’elle aurait pu faire sans l’autorisation de la défenderesse, mais de pouvoir développer un scénario en utilisant librement la matière littéraire et artistique de l’écrivain ; que ce contrat ne portait pas sur les droits de la personnalité de l’écrivain et ne peut donc être considéré comme illicite, contrairement à ce que prétend l’appelante ;

Que, par ailleurs, l’exception de nullité de cette convention tirée de l’indétermination de son objet ne saurait être déclarée fondée qu’autant qu’il est démontré que cet objet ne pouvait être déterminé ;

Qu’il ressort sur ce point de la convention qu’était visé l’ensemble de l’oeuvre littéraire de l’écrivain, à l’exclusion de l’oeuvre 'Le Petit Prince’ (réserve faite de l’utilisation autorisée de 12 dessins), ce qui la rendait déterminable, tout comme le courriel adressé, en période pré-contractuelle et le 03 avril 2008, par le gérant de la Pomase à Monsieur X de Z citant expressément diverses oeuvres 'qui contiennent les éléments biographiques de la vie de Saint-Ex et les phrases clefs éventuellement réutilisables dans le film’ (pièce 32 de l’intimée) ;

Qu’il est, de plus, indifférent pour la solution du présent litige que n’aient pas été énumérés des oeuvres non littéraires de l’auteur sur lesquelles ne porte pas le débat, d’autant que la société Aeden Films présente le moyen de manière hypothétique en avançant : 'rien n’exclut qu’il ait aussi réalisé des poèmes, des lettres, des peintures, des compositions musicales, des sculptures, etc’ ;

Qu’il en résulte que les divers moyens de nullité du contrat ne sauraient prospérer et que le jugement mérite, sur ce point, confirmation ;

Sur les conséquences tirées par la société Aeden Films de la nullité du contrat par elle invoquée :

Considérant qu’à titre principal (§ I.1.2), la société Aeden Films poursuit en premier lieu le remboursement des sommes versées en contrepartie de l’option concédée (soit la somme de 84.000 euros HT) ; qu’elle entend, par ailleurs, démontrer que la société Pomase doit être sanctionnée sur le terrain de la responsabilité délictuelle, consécutivement à l’annulation du contrat, dans la mesure où, se faisant 'confortablement rémunérer', elle savait pertinemment que le projet ne nécessitait nullement la cession négociée puisque tout biographe pouvait librement l’utiliser pour réaliser un film sur la vie d’un auteur et l’enrichir d’extraits de ses oeuvres ; qu’en outre, après la signature de ce contrat, elle l’a laissée dans l’illusion de la validité de ce contrat en lui faisant croire qu’elle pouvait s’opposer à des projets concurrents, tel celui de la société Crossover Productions ;

Mais considérant que l’examen de chacun de ces chefs de demandes suppose, selon l’argumentation de l’appelante, que le contrat d’option litigieux ait été annulé, ce qui n’est pas le cas, si bien que les demandes de la société Aeden Films à ce titre doivent être rejetées ;

Sur la résolution du contrat en raison de la faute contractuelle de la société Pomase :

Considérant que la société Aeden Films poursuit subsidiairement, sur le fondement des articles 1183 et 1184 du code civil, la résolution du contrat et sollicite la réparation des préjudices qu’elle déclare avoir subis, du fait des frais engagés en pure perte, du travail vainement exécuté et de la perte de la chance de pouvoir créer le film, y ajoutant son préjudice moral ;

Qu’elle lui reproche cumulativement d’avoir toléré l’existence d’un film concurrent perturbant l’exercice paisible des droits cédés et détruisant l’avantage concurrentiel que constituait la cession de droits, d’avoir, de plus, manqué à son devoir d’exécuter le contrat de bonne foi en la maintenant dans la confusion, d’avoir, par ailleurs, anéanti le projet de collaboration mis en place avec les sociétés Crossover Productions et Lunaria et pourtant envisagé sur incitation de la Pomase et d’avoir, enfin, unilatéralement mis un terme à l’exécution de ses obligations alors que la découverte du projet de biopic concurrent constituait une cause de suspension du contrat prenant effet au 11 septembre 2009 et que le contrat n’a pu arriver à son terme le 28 mai 2010 dès lors qu’il était à l’époque suspendu ;

Considérant, ceci rappelé, et sur le non respect des obligations de garantie et d’exclusivité contractées, que la société Aeden Films soutient justement que la Pomase devait garantir le maintien durant toute la vie du contrat de l’exclusivité qui accompagne la cession de ses droits et que, conformément à l’article 4 du contrat, les ayants droits s’engageaient à garantir l’exercice paisible des droits cédés ;

Qu’elle ne peut, toutefois, être suivie lorsqu’elle affirme que cette exclusivité doit s’étendre aux droits sur la vie de l’écrivain cédés et non point seulement sur son oeuvre, qu’il s’agissait d’une obligation de résultat et que la garantie ne peut donc être limitée, comme en a à tort jugé le tribunal en se fondant sur l’article 4.5 du contrat, aux droits d’auteur ;

Que, sauf à forcer le contrat, la société Aeden Films ne peut en tirer aucun élément lui permettant de soutenir que la société Pomase s’engageait à ce qu’aucun projet concurrent ne voit le jour ; qu’il n’est pas contesté que le film américain sur la vie de Saint Exupéry s’inspirait d’une biographie de H Shiff publiée en 1994 et qu’afin de démontrer que la société Pomase a laissé produire un film en violation de l’exclusivité concédée, il appartenait à la société Aeden Films d’établir qu’au moment de la découverte de ce projet concurrent, la société américaine utilisait illicitement les droits cédés par la société Pomase sur l’oeuvre de Saint-Exupéry dont, professionnel avisée, elle avait entendu se réserver l’exclusivité, ce dont elle s’abstient ;

Que force est à cet égard de relever qu’une mise en garde a été adressée le 14 septembre 2009 par la société Pomase à la société Aeden Films afin que le scénario ne contienne ni citation de l’oeuvre ni reproduction de dessins originaux de l’auteur et qu’elle a informé la société Aeden Films qu’aucune cession des droits d’adaptation audiovisuels de l’oeuvre n’avait été consentie à des tiers (pièces 9 et 10) ;

Que, s’agissant du deuxième grief tiré de la mauvaise foi de la société Pomase dans l’exécution du contrat, la société Aeden Films ne peut lui reprocher de s’être contredite en la conduisant à signer un contrat d’option sur les oeuvres de Saint-Exupéry dans la fausse croyance que la vie de l’écrivain pouvait faire l’objet d’une cession et d’avoir par la suite affirmé, dans une lettre du 10 janvier 2010 (pièce 14 de l’appelante) qu’un film sur sa vie pouvait se faire sans ces droits et sans son autorisation, dans la mesure où ce sont les droits sur l’oeuvre qui font l’objet du contrat, que leur cession était nécessaire dans l’optique poursuivie de la réalisation d’un film mêlant étroitement vie et oeuvre de Saint-Exupéry mais que rien ne s’oppose à la réalisation d’une biographie expurgée de toute référence littéraire pour la réalisation de laquelle l’autorisation des ayants droit n’aurait pas lieu d’être ;

Que, s’agissant du troisième grief tiré de la violation par la société Pomase de l’obligation contenue à l’article 4.2 du contrat de production audiovisuelle selon lequel :

'(Les ayants droit) n’ont fait ni ne feront, par le fait d’une cession à un tiers ou par tout autre moyen, aucun acte susceptible de compromettre la présente cession de droits ou d’empêcher ou de gêner la pleine jouissance par le producteur des droits qui lui sont accordés par la présente convention'

ainsi que de sa méconnaissance d’un devoir général de cohérence, si la société Pomase a favorisé le rapprochement entre les producteurs français et américains, concrétisé par des actes, comme en atteste l’échange de correspondances produites aux débats, il ne peut lui être reproché d’avoir 'évincé’ la société Aeden Films du projet en violation de cette clause et afin de lui nuire dès lors qu’il est constant que la deuxième annuité de la redevance convenue, due en contrepartie du renouvellement annuel de la cession, n’avait pas été acquittée et que ce manquement de la société Aeden Films à son obligation de paiement était de nature à compromettre les droits cédés, élément que la société Pomase pouvait légitimement porter à la connaissance des sociétés américaines susceptibles de vouloir utiliser l’oeuvre dans le cadre de leur projet ;

Que, s’agissant enfin du dernier grief tenant au fait que la société Pomase s’est abusivement prévalue du terme du contrat à la date du 28 mai 2010 dans le but, selon l’appelante, de 'récupérer ses droits', cette dernière soutient que, ce faisant, la société Pomase a méconnu les termes de l’article 2.4 du contrat qui permettait au producteur de se prévaloir de la suspension automatique du contrat (ici, à la date du 11 septembre 2009, date de la découverte du projet américain concurrent) dès que 'le développement du Film s’en trouverait entravé d’une quelconque manière’ au cas, notamment, d''un litige relativement à l’oeuvre’ ;

Que, toutefois, il est constant qu’en exécution du contrat la redevance due après renouvellement de l’option aurait dû être payée à hauteur de 80.000 euros TTC à la date du 03 juin 2009 au plus tard et que la société Aeden Films ne s’en est pas acquittée à bonne date ; que la clause tardivement invoquée par l’appelante porte sur la suspension de l’option et non point sur celle du paiement et concerne un litige relatif à l’oeuvre de Saint-Exupéry et non point le film que le producteur avait le dessein de réaliser grâce à la cession des droits sur l’oeuvre ;

Que la stricte application du contrat conduit ainsi à considérer que la société Aeden Films n’est pas plus fondée en ce moyen qu’en ceux précédemment articulés pour solliciter la résolution du contrat en raison de manquements contractuels imputables à la société Pomase et que, comme en première instance, elle doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes indemnitaires à ce titre ;

Sur les demandes indemnitaires formées par Messieurs X de Z et A ainsi que par la société Liaison Films sur le fondement de la responsabilité délictuelle :

Considérant que ces trois appelants font valoir que les fautes imputables à la société Pomase, déjà invoquées sur le fondement de la responsabilité délictuelle par la société Aeden Films, leur sont préjudiciables aux mêmes titres (travail vainement accompli, perte de chance d’exploiter le film, préjudice moral), le contrat litigieux ayant crée une situation de fait et de droit pouvant être invoquée par les tiers sur ce fondement ;

Mais considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’aucune faute de nature délictuelle n’a pu être retenue à l’encontre de la société Pomase ; que cette dernière fait, au surplus, justement valoir qu’aucun lien de causalité n’est démontré par les appelants entre les comportement fautifs allégués et les préjudices prétendument subis en réparation desquels il lui est réclamé une somme globale de près de 4,5 millions d’euros en observant que le synopsis tardivement versé en cause d’appel pour justifier d’un investissement financier et personnel n’a pas date certaine ;

Sur la demande en paiement de la redevance au titre du renouvellement du contrat d’option :

Considérant qu’alors que le tribunal a condamné la société Aeden Films au paiement de la somme de 80.000 euros correspondant au prix du premier renouvellement de l’option accordée en vertu du contrat du 28 mai 2008 qui a pris fin le 28 mai 2010, cette dernière objecte que cette seconde annuité n’est pas due en tirant argument de la lettre recommandée du 3 juin 2010 de la société Pomase renonçant à agir en justice pour réclamer le règlement de la somme correspondant au prix du renouvellement, d’une part, et arguant subsidiairement de la découverte du projet américain qui a justifié 'une suspension de ce paiement’ ;

Que la société Pomase réplique que l’objet principal de cette lettre était de mettre un terme au contrat, qu’elle avait auparavant réclamé sans succès ce paiement à plusieurs reprises et que cette renonciation qui n’est que prétendue est équivoque en regard de son contexte et de sa lettre ; qu’elle reprend, par ailleurs, son argumentation sur la suspension alléguée du paiement ;

Considérant, ceci rappelé, que cette lettre du 03 juin 2010, adressée par la société Pomase à la société Aeden Films succède à une série de mises en demeure de payer la redevance afférente au renouvellement du contrat d’option ; qu’il est constant qu’un acte de renonciation doit être dénué d’équivoque, d’autant, en l’espèce, que ce courrier viendrait rompre une série de demandes en paiement ; que la cour ne peut valablement y porter une appréciation en se fondant sur une seule phrase de cette lettre, comme le fait l’appelante, mais sur son ensemble ainsi libellé :

'(…) Sans nouvelles de ta part sur la signature d’un accord avec Christopher Mc Quarrie et Lunaria pour un projet commun de film biographique sur Y de Saint-Exupéry et sans trace du règlement de la somme de 80.000 euros HT prévue au renouvellement de l’option pour la deuxième année du contrat, soit jusqu’au 28 mai 2010, je me vois dans l’obligation de prendre une double décision avec effet immédiat.

Premièrement, je prends acte que notre contrat d’option prend fin et que les droits sont libres. Nous n’avons pas l’intention de te réclamer en justice le règlement de la somme ci-dessus et je ferai mes meilleurs efforts pour te mettre en contact avec le nouveau cessionnaire des droits d’adaptation pour qu’il puisse étudier le rachat éventuel de ton travail.

Deuxièmement, nous allons reprendre notre action aux USA contre le projet pirate de Lunaria Films afin d’en empêcher la réalisation.

Cependant, nous t’accordons une période d’un mois pour revenir vers nous afin de réactiver notre contrat à condition que :

1) tu procèdes avant toute signature au règlement de la somme de 80.000 euros toujours due au titre de la deuxième année d’option,

2) tu procèdes au règlement immédiat de la somme de 80.000 euros au titre de la troisième année d’option qui aurait commencé le 29 mai 2010,

3) tu t’engages sur un projet de film européen .

Nous sommes désolés de cette issue négative mais nous considérons que nous t’avons accordé le temps nécessaire pour trouver des solutions.

Notre patience amicale ne peut justifier un renoncement à l’exploitation légitime de nos droits et des conditions de notre contrat.(…)' ;

Qu’il en ressort que n’est formulée aucune renonciation dénuée d’ambiguïté de la créancière et que si la société Aeden Films s’attache au membre de phrase 'nous n’avons pas l’intention de te réclamer en justice le règlement de la somme ci-dessus', ce défaut d''intention’ qui ne peut s’analyser en une renonciation à un droit porte sur une demande en justice par voie d’action à laquelle la société Pomase n’a d’ailleurs pas eu recours en l’espèce puisqu’elle forme une demande à titre reconventionnel ; que l’objet de cette lettre ne portait d’ailleurs pas sur le paiement de cette redevance qui n’est évoquée qu’incidemment mais sur l’expiration du contrat ainsi que compris par la société Aeden Films dans son courrier en réponse du 10 juin suivant contestant l’expiration du contrat ainsi notifiée et, par voie de conséquence, l’ensemble de la première décision formulée ;

Que ne peuvent être éludés le membre de phrase '80.000 euros toujours dus’ pas plus que les deux phrases conclusives de ce courrier par lesquelles la société Pomase affirme ne pas vouloir renoncer à l’exploitation légitime de ses droits et aux conditions du contrat ; que l’intimée relève au surplus que cette 'intention’ n’a été formalisée par aucun écrit qui aurait éventuellement pu faire l’objet d’une transaction faisant ressortir des concessions réciproques mettant fin au différend ; qu’il résulte, par ailleurs, de ce qui précède qu’aucune 'suspension de payer’ ne peut être retenue ;

Que le jugement sera, par conséquent, confirmé en ce qu’il a condamné la société Aeden Films au paiement de la somme réclamée à ce titre ; que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ; que rien ne s’oppose, par ailleurs, à la demande d’anatocisme ;

Sur les autres demandes :

Considérant que, formant appel incident, l’intimée réitère devant la cour sa demande indemnitaire fondée sur l’abus de procédure en faisant valoir que, contrairement à ce qu’a estimé le tribunal, les appelants ne se sont pas mépris sur la portée de leurs droits mais ont sciemment détourné la procédure de ses fins, parfaitement conscients de ce qui avait été cédé, ceci aux fins d’intimidation, à l’image du montant 'exceptionnel’ des sommes réclamées ;

Considérant qu’en dépit de la solution donnée au présent litige par les premiers juges les demandeurs à l’action qui n’ont tiré aucun profit du contrat d’option souscrit ont pu, sans faute, se méprendre sur la portée de leurs droits et porter une appréciation erronée sur l’attitude adoptée par leur cocontractante en présence d’un projet de film étranger concurrent de sorte qu’à juste titre le tribunal a pu considérer qu’ils n’avaient commis aucun abus dans l’exercice de leurs droits ;

Qu’en présence, toutefois, d’un jugement qui répondait de manière circonstanciée à l’ensemble de leur argumentation et en interjetant appel de cette décision sans apporter de nouveaux éléments de droit et de fait susceptibles d’en remettre en cause les motifs, les appelants ont agi avec légèreté en suscitant des tracas à leur adversaire liés à l’insécurité juridique ainsi entretenue ; qu’ils seront, par conséquent condamnés à lui verser la somme de 1.000 euros à ce titre ;

Considérant que l’équité conduit à condamner les appelants à verser à la société Pomase une somme complémentaire de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Que, déboutés de ce dernier chef de prétentions, les appelants supporteront les dépens d’appel ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement à l’exception de ses dispositions relatives à l’irrecevabilité à agir de Monsieur D X de Z et, statuant à nouveau en y ajoutant ;

Déclare Monsieur D X de Z recevable à agir sur le fondement délictuel à l’encontre de la société pour l’oeuvre et la mémoire d’Y de Saint Exupéry 'succession Saint Exupéry d’Agay’ (société Pomase) ;

Dit que la condamnation au paiement de la somme de 80.000 euros portera intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;

Déboute la société Aeden Films SAS, Monsieur D X de Z, la société Liaison Films SARL et Monsieur B A de leurs prétentions ;

Condamne in solidum la société Aeden Films SAS, Monsieur D X de Z, la société Liaison Films SARL et Monsieur B A à verser à la la société pour l’OEuvre et la Mémoire d’Y de Saint Exupéry 'succession Saint Exupéry d’Agay’ (société Pomase) :

— la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de procédure,

— la somme complémentaire de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

et à supporter les dépens d’appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, 10 janvier 2014, n° 11/23109