Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 1er juillet 2020, n° 18/16850

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 4, 1er juill. 2020, n° 18/16850
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/16850
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 26 juin 2018, N° 2017008787
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 1er JUILLET 2020

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 18/16850 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B57RE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2018 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2017008787

APPELANTES

- SARL GROUPE ARTICQUE SOLUTIONS

Ayant son siège social : […]

[…]

N° SIRET : 519 851 356 (TOURS)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

—  SAS Y Z

Ayant son siège social : […]

[…]

N° SIRET : 622 019 735 (TOURS)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentées par Me Yves CRESPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2003

Ayant pour avocat plaidant : Me Olivier HEGUIN DE GUERLE, avocat au barreau de ORLEANS, toque : 56

INTIMÉE

SAS A B C

Ayant son siège social : 27 cours de l’Ile Seguin

[…]

N° SIRET : 433 677 721 (NANTERRE)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Hervé LEHMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0286

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Mars 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame D-E F, Présidente de chambre, et Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame D-E F, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Monsieur Dominique GILLES, Conseiller

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame D-E F dans les conditions prévues par l’article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame G H

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame D-E F, Présidente de chambre, et par Madame G H, greffier auquel la minute de la présente décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat du 8 novembre 2012 et avenant n°1 du 3 avril 2013, la société Y Z, qui édite des cartes routières et touristiques, des atlas et des plans de ville et qui a été reprise en 2012 par la société Groupe Articque Solutions (ci-après « Articque »), a confié son activité de diffusion et distribution à la société A B C (ci-après « A »), qui édite des cartes et atlas ainsi que des guides dont elle assure la diffusion et qui assure aussi la diffusion et la distribution de publications éditées par des tiers.

Le 3 juin 2015, à la suite de tensions sur l’exécution du contrat, la société Y Z a notifié l’arrêt du contrat à échéance du 31 décembre 2015.

Le 4 août 2015, une lettre accord a été signée entre les parties pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 aux termes de laquelle la société A s’engage à passer à minima trois commandes selon un échéancier prévu par les parties :

— une commande de 900.000 euros fin août 2015,

— une commande de 250.000 euros entre mars et juillet 2016

— le solde avant le 31 décembre 2017.

Soutenant que le comportement de la société A leur a causé préjudice les sociétés Y Z et Articque ont fait assigner le 30 janvier 2017, la société A devant le tribunal de commerce de Paris lequel, par jugement du 27 juin 2018, a :

— débouté la société Y Z et le Groupe Articque Solutions de leur demande de résiliation judiciaire du contrat constitué par la lettre d’accord du 4 août 2015,

— débouté la société Y Z de ses demandes de paiement des sommes suivantes:

* 2.200.000 euros du chef du manque à gagner suby par Y Z,

* 500.000 euros du chef de la dévalorisation de la marque déposée SAS Y Z,

* 100.000 euros du chef de la désorganisation de la SAS Y Z,

* 100.000 euros en réparation du préjudice moral de la SAS Y Z

— débouté la SAS Y Z de sa demande de paiement de la somme de 1.500.000 euros à la SARL Groupe Articque Solutions en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de céder la SAS Y Z,

— débouté la SAS A de sa demande de paiement de la somme de 100.000 euros,

— débouté les parties de leurs demandes sur la gestion des stocks de fin de contrat,

— débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

— condamné solidairement la société Y Z et le Groupe Articque Solutions à payer à al société A la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du CPC,

— ordonné l’exécution provisoire sans constitution de garantie,

— condamné la société Y Z aux dépens de la présente instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 100,08 euros dont 16,47 euros de TVA.

Le 3 juillet 2018, la société Y Z et le Groupe Articque Solutions ont interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions des sociétés la société Y Z et le Groupe Articque Solutions notifiées le 21 février 2020, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l’article L 442-6 du code de commerce,

Vu les articles 1382, 1134, 1142, 1146 et 1184 (actuellement : 1240, 1104, 1221, 1231 et 1224 et suivants) du code civil,

— déclarer la société Y Z et la société GROUPE ARTICQUE SOLUTIONS recevables et bien fondées en leur appel,

— infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société Y Z et la société

GROUPE ARTICQUE SOLUTIONS de leurs demandes et les a condamnées à payer la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,

En conséquence,

— ordonner la résiliation judiciaire du contrat de diffusion distribution conclu entre les parties, aux torts de la société A B C,

— dire que la résiliation judiciaire prendra effet au jour du jugement dont appel, à défaut au jour de l’arrêt à rendre,

— dire que A B C pourra écouler ses stocks résiduels, pendant six mois, au plus tard jusqu’à la date du 30 juin 2019, à titre non-exclusif, sans rachat de stocks par Y-Z, et qu’au terme de ce délai de six mois A B C devra faire pilonner le stock restant à ses frais.

— condamner la société A B C à payer à la société Y Z, en réparation des préjudices subis par cette dernière, les sommes suivantes :

* 2 200 000 euros du chef du manque à gagner subi par la société Y Z,

* 500 000 euros du chef de la dévalorisation de la marque déposée Y Z

* 100 000 euros du chef de la désorganisation de la société Y Z,

* 100 000 euros en réparation du préjudice moral subi par la société Y Z.

— condamner la société A B C à payer à la société GROUPE ARTICQUE SOLUTIONS, en réparation du préjudice subi par cette dernière et résultant de la perte de chance de céder la société Y Z, la somme de « 1 500 000 C ».

— débouter la société A B C de toutes ses demandes principales, incidentes ou reconventionnelles.

— condamner la société A B C à payer à la société Y Z et à la société GROUPE ARTICQUE SOLUTIONS, ensemble, une somme de 40 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

— la condamner aux dépens.

Vu les dernières conclusions de la société A, intimée, notifiées le 12 février 2020, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu le contrat signé par les parties le 8 novembre 2012 ;

Vu la lettre-accord du 4 août 2015 ;

Vu la saisine du Juge des référés par la société Y Z ;

Vu l’exécution de mauvaise foi du contrat, la publicité donnée à la présente instance par la société Y Z et les informations communiquées par celle-ci aux opérateurs du marché ;

Vu la déstabilisation de la clientèle de A depuis le non-renouvellement de la lettre-accord et son terme fixé au 30 juin 2019

Vu les articles 1134 ancien et 1240 du Code civil ;

Vu l’article L 442-6-IV du Code de commerce ;

Vu le jugement rendu le 27 juin 2018 par le Tribunal de commerce de PARIS;

— confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

* dit que la société A B C n’a pas soumis ou tenté de soumettre la société Y·Z à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et n’a pas manqué à son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi ;

* débouté la société Y-Z de ses demandes indemnitaires ;

* condamné solidairement la société Y·Z et la société GROUPE ARTICQUE SOLUTIONS à régler à la société A B C une indemnité de 30.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— dire et juger que compte tenu de la fin définitive du contrat le 30 juin 2019, les demandes tendant à ordonner la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société A B C et à dire que cette dernière pourra écouler ses stocks jusqu’au 30 juin 2019 sont tant irrecevable que mal fondés ;

— débouter la société Y·Z des demandes formées de ces chefs ;

— infirmer le jugement dont appel sur le surplus et condamner solidairement les sociétés Y Z et GROUPE ARTICQUE SOLUTIONS à paye à la société A B C la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du comportement fautif adopté lors de l’exécution du contrat ;

Y ajoutant :

— condamner solidairement les sociétés Y Z et GROUPE ARTICQUE SOLUTIONS à payer à la société A B C la somme de 136.596 euros à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire, en raison du comportement fautif adopté à la suite du non-renouvellement de la lettre-accord ;

— condamner solidairement les sociétés Y Z et GROUPE ARTICQUE SOLUTIONS à payer à la société A B C la somme de 30.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Hervé LEHMAN, Avocat, en application de l’article 699 du même Code.

SUR CE LA COUR

Sur l’existence d’un déséquilibre significatif

La société Y Z et le Groupe Articque Solutions arguent que le contrat crée un déséquilibre significatif entre Y Z et A en raison :

— des conditions d’exclusivité consenties à A

— des minimas de commande par référence.

La société A estime que l’ensemble contractuel unissant les parties est aussi usuel qu’équilibré et qu’elle a d’ailleurs contracté un engagement de commande qu’elle a scrupuleusement respecté.

La demande fondée sur le déséquilibre significatif n’a été formée par Y Z que pour lui permettre d’attraire A devant le Tribunal de commerce de Paris et de « servir » une démonstration déconnectée de toute réalité.

***

Selon l’article 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, applicable à la cause s’agissant de la lettre-accord du 4 août 2015, « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (') 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont, en premier lieu, la soumission ou la tentative de soumission et, en second lieu, l’existence d’obligations créant un déséquilibre significatif.

L’élément de soumission ou de tentative de soumission de la pratique de déséquilibre significatif implique la démonstration de l’absence de négociation effective des clauses incriminées.

L’existence ou non d’un pouvoir de négociation constitue un indice important de cette soumission ou encore l’éventualité d’une solution alternative.

En l’espèce, Y Z dénonce les conditions de la clause d’exclusivité résultant de l’article 5 du contrat initial de 2012, soutenant qu’elle constitue un déséquilibre significatif en ce qu’elle lui interdit de commercialiser quelque produit cartographique papier que ce soit sans passer par A alors que cette dernière ne limite pas dans les mêmes conditions la diffusion de ses produits concurrents. Elle ajoute, s’agissant des minima de commande par référence que la clause contenue dans la lettre accord du 4 août 2015 ne prévoit pas de délai de communication des prévisions de commande, que A ne l’a pas appliqué de bonne foi et que le jeu des clauses combinées fait peser sur le fournisseur les risques que doit normalement supporter le distributeur en sa qualité d’acheteur-vendeur.

Mais, Y Z ne démontre pas avoir tenté, vainement, d’obtenir la suppression ou la modification des clauses litigieuses dans le cadre de négociations ou qu’aucune suite n’a été donnée aux réserves ou avenants proposés par elle ou qu’elle s’est trouvée dans l’obligation de contracter sans alternative possible alors qu’il résulte des pièces qu’elle produit (pièces 28, 30 à 33) que des négociations sont intervenues et que des modifications ont été introduites à sa demande.

Dès lors, les appelantes échouent à établir l’existence d’un déséquilibre significatif, étant observé de surcroît que le tribunal a retenu, par des motifs justes et pertinents adoptés, que Y Z ne rapportait pas la preuve que la clause d’exclusivité et sa mise en oeuvre introduisait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Sur la résiliation du contrat

La société Y Z et le Groupe Articque Solutions demandent de prononcer la résiliation judiciaire du contrat, peu important que le terme soit survenu, motif pris de la non-exécution du contrat par A :

— en ne diffusant pas les produits visés par le contrat et en refusant de faire de nouvelles commandes ;

— en refusant de communiquer les analyses trimestrielles de vente ;

— en passant des commandes sous le minimum contractuel ;

— en refusant de communiquer les analyses trimestrielles de vente ;

— en passant certaines commandes tardivement et avec des retards de paiement récurrents.

La société A soutient que la demande de résiliation judiciaire du contrat ne peut être prononcé alors que le contrat a pris fin le 30 juin 2019.

En tout état de cause, elle fait valoir que ses prétendus manquements sont anecdotiques et qu’elle n’a jamais refusé de conclure un « contrat définitif » ni d’effectuer des commandes de cartes et d’atlas. Elle aurait toujours respecté les minima contractuels notamment par le biais de la passation des commandes dans le cadre du contrat du 8 novembre 2012 ou le respect de l' « Anticipation des commandes et minimum de commandes ». Elle indique qu’il n’y aurait pas eu de commandes tardives et de retard de paiements et qu’elle a régulièrement communiqué les données relatives aux stocks et au marché.

***

La demande de résiliation du contrat a été formée alors que le contrat était toujours en cours.

Sur le motif de résiliation pris de l’absence de diffusion des produits visés par le contrat et du refus de faire de nouvelles commandes

Y Z invoque le refus de A de commander des cartes et atlas alors que l’objet du contrat et de l’exclusivité était la diffusion / distribution de l’ensemble du catalogue de produits cartographiques papier Y Z.

Mais c’est par des motifs justes et pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu, outre le fait que Y Z n’établissait pas le refus de A de conclure un « contrat définitif » conformément à la lettre-accord du 4 août 2015, au regard du projet de contrat de distribution adressé par A le 29 octobre 2015 demeuré sans suite, les pièces produites montraient que la politique commerciale de Y Z était de se recentrer sur les plans de ville en particulier le contrat de 2012 et la lettre-accord du 4 août 2015 et le refus allégué de A de diffuser les cartes et atlas n’est en rien établi, alors que le dernier catalogue de Y Z qui intégrait des cartes routières a été intégralement repris dans le catalogue correspondant de A (pièce 60), que A continuait de distribuer les références des atlas maintenues au catalogue de Y Z (pièce 10 de A pour 2016) et que A justifie de commandes de cartes et atlas (ses pièces 25, 40 à 46).

Sur le motif de résiliation pris du refus de communiquer les analyses trimestrielles de vente

Y Z soutient que A n’a communiqué que fin mai 2014 un document ne comportant ni analyse de marché, ni éléments comparatifs (ses pièces 18 à 20), ne lui permettant pas d’avoir une visibilité sur les stocks de A, rendant difficile l’anticipation sur son propre catalogue face au concurrent, la gestion de la logistique, ne lui donnant pas de visibilité de chiffre d’affaires et de positionnement de la marque.

Le contrat de 2012 fait obligation à A (article 4.2) de communiquer « à Y Z chaque trimestre, les analyses faites sur les ventes Blayfoldex » et la lettre-accord du 4 août 2015 prévoit à l’article « Pilotage de la relation » que :

"Baly Z et A B C souhaitent renforcer le pilotage de la relation, par des échanges téléphoniques mensuels et par la mise en place de revues d’activité trois ou quatre fois par an, incluant systématiquement les éléments suivants (liste non exhaustive)

A informe Y Z sur les tendances marché cartographie (ventes au consommateur), sur les chiffres des ventes de A à la distribution et sur la situation des stocks A en produits Y Z".

A justifie des réunions reporting / pilotage qu’elle a organisées des années 2013 à 2019 (ses pièces 14 à 19, 58, 81 à 83 et 85) ainsi qu’un état des stocks communiqué le 30 juillet 2015 (sa pièce 20) et le tribunal a justement retenu que ni la fréquence, ni le contenu de ces réunions n’avaient été contestés par Y Z, étant observé que celle-ci en a refusé une (pièce 21) et pouvait également en prendre l’initiative, ce qu’elle n’a pas fait. Il sera ajouté qu’à la suite de la saisine du juge des référés, A s’est pliée aux demandes d’information en sa possession : chiffres Sell In et Sell Out des années 2016 et 2017, détail par mois et par référence des chiffres Sell In des années 2015 à 2017 et inventaire intégral des stocks au 10 avril 2017 (ses pièces 22 à 24), allant au-delà des termes de la lettre-accord.

Il en résulte que ce manquement de A à ses obligations contractuelles n’est pas davantage établi.

Sur le motif de résiliation pris de commandes de A en dessous des minima contractuels

Y Z invoque des commandes de plans de ville en dessous des minima contractuels en février 2014 ( sa pièce 15), l’écart important en volume entre le prévisionnel de la seconde commande (février 2016) et la commande définitive du 21 juillet 2016 et ainsi la perte de centaines d’heures de travail effectuées sur la base de la commande prévisionnelle et inversement l’impossibilité de fournir de nombreuses références ajoutées dans les délais. Elle en déduit le manquement de A à son obligation de suivi et d’analyse du marché et le manquement volontaire et de mauvaise foi de celle-ci à son obligation de commande dans le but de la déstabiliser.

Le contrat du 8 novembre 2012 ne comporte pas de dispositions sur le respect de seuils minima de commandes par références ; de tels seuils sont mentionnés dans l’annexe 1 « projet catalogue 2013 » et la lettre-accord du 4 août 2015 comporte un paragraphe « Anticipation des commandes et minimum de commandes » aux termes duquel:

« MTP s’engage à transmettre à Y Z une évaluation prévisionnelle de la commande annuelle suivante (dans un délai à préciser), et des éventuels besoins de révision des minimums de commandes nécessaires à la référence. Y Z se réserve le droit de refuser la livraison de certaines références qui deviendraient non rentables, les deux parties faisant les efforts nécessaires, de bonne foi, pour atteindre l’engagement d’achats. Ce dernier reste inchangé en cas de refus de livraison de la part de Y Z sur un nombre limité de références ».

S’agissant de la commande de 2014, force est de constater que si cette commande est au dessous des minima, toutes les autres solutions ont été envisagées, soumises et discutées avec Y Z (pièce 28 de A) de sorte qu’aucune violation des engagements contractuels ne peut être retenue.

S’agissant de la deuxième commande visée dans la lettre-accord, les pièces produites justifient de discussions entre les parties ayant abouti à un accord sur cette commande (notamment pièces 71 à 75 de Y Z).

Par suite, la mauvaise foi et le manquement de A à ses obligations contractuelles ne sont pas établis.

Sur le motif de résiliation pris de commandes de A passées tardivement et de retards de paiement récurrents

Y Z soutient que la première commande de la lettre-accord n’a été passée qu’en octobre 2015 et la seconde début septembre 2016 alors qu’elle aurait du intervenir entre mars et juillet.

Elle invoque aussi un retard important dans le paiement des factures depuis le contrat de 2012, avec un retard systématique de 54 jours en moyenne en 2015 et de 53 jours en moyenne en 2014, 2015 et 2016 entre la date de la dernière livraison et la date de paiement.

Mais ainsi que l’a justement retenu le tribunal, il n’est pas démontré que le retard dans la passation des commandes définitives incombe à A au regard de la date de lancement de ces commandes, respectivement 6 août 2015 et 21 juillet 2016, et du processus de négociations explicitement prévu au contrat qui s’en est suivi.

De la même manière, le tribunal a justement retenu qu’il n’était pas démontré de retards de paiement suffisants et incontestables de nature à justifier un manquement contractuel.

Il sera ajouté que le tableau établi par Y Z a été complété par A (sa pièce 48) qui ne reconnaît que 4 occurrences de retards potentiels sur plus de 65 factures pour un total cumulé de moins d’un mois de retard pour un contrat de 5 années et un montant de moins de 350 000 euros sur un montant total de près de 4 millions d’euros.

En outre, A justifie d’une facture adressée tardivement (pièce 49), d’une facture qui a du être modifiée ( pièce 50) et d’un trop perçu de plus de 100 000 euros (pièce 51) non remboursée six mois plus tard.

Ainsi, il résulte de l’ensemble de ces éléments que A n’a pas soumis ou tenté de soumettre Y Z à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et qu’aucun manquement caractérisé à ses obligations contractuelles et à la bonne foi n’a été retenu.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a débouté Y Z de sa demande de résiliation judiciaire du contrat constitué par la lettre accord du 4 août 2015.

Il convient en conséquence de rejeter la demande de Y Z tendant à voir dire que A pourra écouler ses stocks résiduels pendant six mois au plus tard jusqu’à la date du 30 juin 2019, à titre non exclusif, sans rachat de stocks par Y Z, et qu’au terme de ce délai de six mois A devra faire pilonner le stock restant à ses frais

Le jugement entrepris est en conséquence également confirmé en ce qu’il a débouté Y Z de sa demande de réparation des préjudices allégués :

— à hauteur de 2 200 000 euros du chef du manque à gagner subi,

— à hauteur de 500 000 euros du chef de la dévalorisation de la marque,

— à hauteur de 100 000 euros du chef de la désorganisation de la société,

— à hauteur de 100 000 euros du chef du préjudice moral.

Sur la demande en réparation du préjudice subi par Articque

Articque demande réparation à hauteur de 1 500 000 euros du préjudice subi résultant de la perte de

chance de céder la société Y Z.

Elle soutient que l’attitude de A à l’égard de Y Z l’a empêchée de pouvoir négocier une reprise de cette société à son juste prix.

Les appelantes font grief à A de ne pas s’être positionnée clairement tout en invoquant un droit de préférence, conduisant ainsi à un blocage de la situation, à la suite de la lettre de Y Z du 10 septembre 2015, l’informant de plusieurs offres de rachat la concernant.

Elles ajoutent que A a fait pression sur un éventuel repreneur en lui indiquant entendre lui imposer le contrat et la clause d’exclusivité.

Mais, ainsi que l’a justement retenu le tribunal, l’effet du comportement de A sur la valeur de vente de Y Z n’est pas établi. En effet, la preuve de manoeuvres n’est pas rapportée. La lettre de A (pièce 62 de Y Z) du 18 novembre 2015 qui prend acte de la décision du Groupe Articque d’arrêter le processus de vente, indique qu’elle ne l’empêche pas de réaliser son projet et qui ajoute qu’en cas de relance des discussions avec la société qui a fait une offre, elle étudierait avec attention la possibilité d’exercer ou non son « droit de préemption », pour autant que les conditions de l’article 10 viendraient à s’appliquer, ne comporte aucun élément en ce sens.

De même l’existence de pressions sur les repreneurs potentiels ne résulte pas davantage du courriel adressé le 28 novembre 2016 par M X fixant le montant de son offre (pièce 96 de Y Z) après avoir fait état de la position de A (reprise de Y Z par A paraissant compliquée, pas d’opposition pour la reprise par son groupe de Y dans le respect du contrat liant A à Y jusqu’en 2018, interrogation sur la volonté du groupe et projet après 2018).

Il s’ensuit que la perte de chance alléguée de pouvoir négocier une reprise à son juste prix n’est pas démontrée.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur les demandes reconventionnelles de A

A sollicite la condamnation de solidaire des appelantes à lui verser des dommages-intérêts. à hauteur de 100 000 euros en raison du comportement fautif adopté lors de l’exécution du contrat.

Elle invoque à ce titre l’exécution de mauvaise foi du contrat par Y Z et la publicité donnée au présent contentieux.

Si les procédures engagées pendant le contrat devant le juge du fond et en référé ainsi que les lettres du conseil de Y Z sont impropres à établir l’exécution de mauvaise foi du contrat, tel n’est pas le cas s’agissant de la commercialisation d’un plan de ville à Epinal (sa pièce 56) en violation de l’exclusivité de distribution des plans de ville, de même et surtout de la publicité donnée au présent contentieux ainsi qu’il résulte de l’article de presse (sa pièce 55) qui mentionne même les détails financiers de l’accord, en violation de l’obligation de confidentialité.

La somme de 10 000 euros sera allouée à A en réparation du préjudice ainsi subi à la charge in solidum de Y Z et Articque.

Le jugement est infirmé de ce chef.

A sollicite aussi la condamnation solidaire des appelantes à lui verser des dommages-intérêts à hauteur de 136 596 euros en raison du comportement fautif adopté à la suite du non-renouvellement de la lettre d’accord.

Mais A qui impute au comportement fautif de Y Z, la différence entre le stock estimé devoir lui rester à la date du 30 juin 2019 (436 099 euros HT estimé le 31 juillet 2018) et la réalité de ce stock à la date du 30 juin 2019 (572 695 euros HT), ne le démontre pas.

En effet, s’il résulte de la lettre du 24 septembre 2018 adressée à A par Y Z en réponse à celle du 7 septembre (pièces 64 et 65) que celle-ci s’est affranchie unilatéralement de l’exclusivité dont bénéficiait A « pour diffuser et distribuer sa nouvelle collection » à compter du 1er janvier 2019 et a refusé la proposition de A de réassort de produits destinés à lui permettre d’alimenter le marché jusqu’au 30 juin 2019, étant rappelé que Y Z avait opté pour la poursuite de l’activité par A pendant une période de six mois à compter du 31 décembre 2018, date de la fin du contrat, il n’en demeure pas moins que le rôle de Y Z dans la déstabilisation de la clientèle de A n’est pas établi, les pièces produites à cet égard ayant trait au rôle des sociétés Sofédis et Sodis.

Dès lors, le lien de causalité direct entre le préjudice invoqué du fait de l’augmentation du stock en raison de la chute des commandes et de l’augmentation des retours et le comportement de Y Z n’est pas démontré.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les appelantes qui succombent, sont condamnées aux dépens d’appel et déboutées de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elles sont condamnées in solidum à payer sur ce fondement la somme de 20 000 euros à A en sus de la somme allouée par le premier juge.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a débouté la SAS A B C de sa demande de paiement de la somme de 100.000 euros,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE in solidum les sociétés Y Z et Groupe Articque Solutions à payer à la SAS A B C la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du comportement fautif adopté lors de l’exécution du contrat ;

DÉBOUTE la SAS A B C de sa demande en paiement de la somme de 136 596 euros ;

CONDAMNE in solidum les sociétés Y Z et Groupe Articque Solutions aux dépens d’appel et à payer à la SAS A B C la somme globale de 20 000 euros ;

REJETTE toute autre demande.

Le Greffier Le Président

G H D-E F

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 1er juillet 2020, n° 18/16850