Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 2e ch.

  • Protection au titre du droit d'auteur contrefaçon de modèle·
  • Reproduction des caractéristiques protégeables·
  • Atteinte à la valeur patrimoniale du modèle·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Quantité limitée de produits incriminés·
  • Protection au titre du droit d'auteur·
  • Appréciation selon les ressemblances·
  • Bénéfices tirés des actes incriminés·
  • Titularité des droits sur le modèle·
  • Titularité d&m protection du modèle

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La société demanderesse est fondée à revendiquer à son profit l’application de la présomption de titularité des droits d’auteur sur le dessin de dentelle invoqué, divulgué et commercialisé pour la première fois par une filiale appartenant au même groupe de sociétés, sous une ancienne référence, puis exploité par elle sous une nouvelle référence, suite à un transfert de propriété à son profit1. Elle justifie que la dentelle commercialisée sous les deux références est la même et prouve qu’elle exploite le dessin en cause seule depuis que la société l’ayant initialement divulgué en a cessé toute commercialisation pour son compte. Elle a ainsi poursuivi une commercialisation dépourvue d’équivoque de la dentelle, même si elle utilisait la marque, correspondant au nom de la société ayant divulgué le dessin, et mentionnait la référence sous laquelle cette dernière le commercialisait. Ainsi, en l’absence de revendication de la titularité par un tiers, la société demanderesse est présumée être titulaire, sur ce dessin, du droit de propriété incorporelle d’auteur allégué. Le dessin en cause est original. Les caractéristiques revendiquées de ce motif d’inspiration florale sont suffisamment identifiées et la sophistication de la dentelle, constituée d’une abondance de détails disposés selon une combinaison bien spécifique et selon des variations de tissage, donne à cette composition prise dans son ensemble un caractère unique, qui, n’étant dicté par aucun impératif particulier, révèle un nécessaire arbitraire et, au-delà, une véritable empreinte créatrice justifiant la protection par le droit d’auteur. Par ailleurs, l’originalité de la composition ayant été retenue dans son ensemble, il importe peu que les éléments qui la composent, pris individuellement, puissent se retrouver pour partie dans un fonds commun de la dentelle. La société demanderesse satisfait à son obligation de justifier d’un droit d’auteur toujours en vigueur au moment des faits poursuivis en contrefaçon, par la production d’une attestation du président du groupe auquel elle appartient, indiquant la date de divulgation et de première commercialisation du dessin de dentelle par une autre filiale du groupe. Les articles de presse énonçant que cette société avait « puisé » dans ses archives, qui remontent à l’année 1870, pour proposer le dessin à un client pour une de ses collections ne permettent pas de combattre son allégation quant à la date de divulgation du dessin, soit douze années seulement avant les faits litigieux. L’expression « puiser » dans les archives ne signifie pas nécessairement que le dessin se soit retrouvé tel quel dans les archives, ni qu’il aurait été publié avant la date de première divulgation alléguée. L’examen de la contrefaçon s’apprécie par la reprise des caractéristiques identifiées comme constitutives de l’originalité de l’¿uvre et au vu des ressemblances. En l’espèce, le dessin de dentelle invoqué est reproduit servilement dans la partie haute constituée de dentelle d’une robe commercialisée sur le site internet des sociétés défenderesses. La contrefaçon est constituée.

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Alexandre Zollinger · L'ESSENTIEL Droit de la propriété intellectuelle · 1er février 2021
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 20 nov. 2020, n° 19/06739
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/06739
Publication : PIBD 2021, 1152, IIID-6
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 13 février 2019, N° 17/11451
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 14 février 2019, 2017/11451
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Référence INPI : D20200030
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 20 novembre 2020

Pôle 5 – Chambre 2

(n° 122, 10 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 19/06739 –  n° Portalis 35L7-V-B7D-B7TOL Décision déférée à la Cour : jugement du 14 février 2019 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 4e section – RG n° 17/11451

APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES S.A.R.L. H&M HENNES & MAURITZ, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé […] Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 398 979 310 Société H&M HENNES & MAURITZ GBC A.B., société de droit suédois, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé […] Représentées par Me Axel MUNIER de la SELAS BARDEHLE – PAGENBERG, avocat au barreau de PARIS, toque P 0390

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE S.A.S. DENTELLE SOPHIE HALLETTE, prise en la personne de son président et de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé […] Immatriculée au rcs de Douai sous le numéro 672 029 725 Représentée par Me Laurence TAZE-BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque P 241 Assistée de Me Corinne CHAMPAGNER-KATZ, avocat au barreau de PARIS, toque C 1864, Me Sandra FORERO VILLAMIL plaidant pour le Cabinet CCK AVOCATS, avocat au barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 7 octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Brigitte CHOKRON, Présidente Mme Laurence LEHMANN, Conseil ère Mme Agnès MARCADE, Conseil ère qui en ont délibéré Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile. Greffière lors des débats : Mme Carole T

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

ARRET : Contradictoire Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Me Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire du 14 février 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l’appel interjeté le 26 mars 2019 par la société H&M Hennes & Mauritz SARL et la société H&M Hennes & Mauritz GBC AB (les sociétés H&M),

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 2 septembre 2020 par les sociétés H&M, appelantes et intimées incidentes,

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 16 septembre 2020 par la société Dentel e Sophie Hal ette (Sophie Hal ette), intimée et appelante incidemment,

Vu l’ordonnance de clôture du 17 septembre 2020.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société Sophie Hal ette immatriculée le 23 février 1994 au registre du commerce et des sociétés de Douai, a pour activité le négoce, la fabrication, la vente à la commission, le courtage et la représentation de toutes étoffes et plus particulièrement de dentel es et tul es. Son président est la société Holesco dont el e indique être une filiale à 100 %.

El e dit être spécialisée dans la dentel e haut de gamme obtenue grâce à l’utilisation des derniers exemplaires au monde de machines « Leavers » créées au XIXème siècle et seules à permettre une reproduction mécanique de la dentel e réalisée à la main.

El e argue de droits d’auteur sur un dessin de dentel e d’inspiration florale constitué d’un motif de fleurs avec feuil ages, référencé 970110, qu’el e commercialise depuis 2012.

El e précise toutefois que ce dessin a été divulgué et commercialisé pour la première fois en avril 2005 par la société Riechers Marescot Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

sous la référence 70964 mais que dans le cadre d’une restructuration du groupe des sociétés filiales de la société Holesco, c’est el e seule qui à compter de 2012 exploite ce dessin.

El e revendique sur ce dessin référencé 970110 et anciennement 70964 l’application à son profit de la présomption prétorienne de titularité des droits.

Le groupe suédois H&M est spécialisé depuis 1947 dans la création et la commercialisation d’articles de mode. La société H&M SARL, filiale française du groupe H&M, a exclusivement pour activité la distribution de produits de marque H&M en France. Son fournisseur est la société suédoise H&M Hennes & Mauritz GBC AB.

La société Sophie Hal ette a fait établir un procès-verbal par huissier de justice le 9 mars 2017 afin de faire constater qu’une robe mousseline à manches courtes confectionnée dans une dentel e reproduisant les caractéristiques du dessin référencé 970110 était proposée à la vente et commercialisée sur le site internet www2.hm.com exploité par la société H&M GBC AB.

El e a également fait procéder à l’achat de la robe litigieuse sur le site internet, réceptionné par Colissimo ouvert par huissier de justice le 15 mars 2017 suivant procès-verbal de constat.

El e a ensuite, le 13 juil et 2017, fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société française H&M après y avoir été autorisée par une ordonnance sur requête en date du 7 juil et 2017.

Selon les indications communiquées à l’occasion des opérations de saisie-contrefaçon la robe litigieuse n’a pas fait l’objet de vente dans les points de ventes en France mais seulement sur le site internet www2.hm.com.

Dans le prolongement de cette saisie-contrefaçon, l’huissier de justice instrumentaire a reçu le 25 juil et, une attestation de Mme S, responsable comptable de la société H&M France confirmant les indications données pendant la saisie d’absence totale de commercialisation de la robe litigieuse dans les points de ventes en France et l’absence de tout stock mais seulement sur le site internet à hauteur de 596 robes au prix de vente de 29,99 euros soldées à 17,99 euros.

Par actes d’huissier de justice en date des 2 et 4 août 2017, la société Sophie Hal ette a fait assigner les sociétés H&M en contrefaçon de droits d’auteur et, à titre subsidiaire, en responsabilité délictuel e du fait de leurs agissements parasitaires.

Le jugement déféré, au bénéfice de l’exécution provisoire, a : Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

— dit la société Sophie Hal ette recevable à agir sur le fondement du droit d’auteur en tant que titulaire du dessin de dentel e référencé 970110, ce dernier étant jugé original,

— dit qu’en offrant à la vente et commercialisant une robe référencée 0409737 et dont la dentel e reproduit les caractéristiques originales de la dentel e référencée 970110, les sociétés H&M ont commis des actes de contrefaçon de droit d’auteur au préjudice de la société Sophie Hal ette,
- condamné in solidum les sociétés H&M en réparation des actes de contrefaçon à payer à la société Sophie Hal ette la somme de 26 513,06 euros au titre de son préjudice commercial et 60 000 euros au titre de son préjudice moral,

— fait interdiction, sous astreinte, aux sociétés H&M de poursuivre ou reprendre la commercialisation de la robe initialement référencée 0409737,
- ordonné en tant que de besoin la destruction du stock subsistant au jour de la signification du jugement de la robe reconnue contrefaisante, ce dont il sera dressé procès-verbal par huissier de justice aux frais des défenderesses, qui sera transmis à la société Sophie Hal ette dans les 30 jours suivant la signification du jugement,
- débouté la société Sophie Hal ette de ses demandes de publication,
- débouté les sociétés H&M de leur demande en procédure abusive,
- condamné les sociétés H&M in solidum à verser à la société Sophie Hal ette la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance dont avec distraction.

Sur la titularité des droits sur le dessin revendiqué par la société Sophie Hallette

La société Sophie Hal ette demande la confirmation du jugement en ce qu’il a fait à son profit application de la présomption prétorienne de titularité des droits patrimoniaux d’auteur du fait de l’exploitation non équivoque qu’el e a fait de l’œuvre à compter de 2012.

Les sociétés H&M dénient à la société Sophie Hal ette la présomption de titularité en arguant qu’el e n’identifie pas avec certitude la physionomie de la dentel e revendiquée, ne justifie pas d’une exploitation non équivoque dès lors qu’il n’est pas démontré que la société Riechers Marescot ait cessé la commercialisation de la dentel e postérieurement à 2011 et que la société Hal ette fait toujours mention du nom de Riechers Marescot et de l’ancienne référence pour Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

nommer la dentel e litigieuse et qu’el e ne prouve pas l’exploitation sur la période mars-juil et 2017 date des faits qualifiés de contrefaçon.

En l’absence de revendication du ou des auteurs, l’exploitation non équivoque d’une œuvre par une personne, physique ou morale, sous son nom fait présumer, à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’œuvre, qu’el e soit col ective ou non, du droit de propriété incorporel e de l’auteur, sans qu’il soit nécessaire d’exiger de cel e-ci de rapporter la preuve d’une cession des droits à son profit.

Les faits reprochés aux sociétés H&M ayant été constatés entre le mois de mars et le mois de juil et 2017, l’assignation ayant été délivrée au mois d’août 2017, c’est sur les premiers mois de l’année 2017 et notamment aux mois de mars à juil et 2017 qu’il convient de se placer pour apprécier la commercialisation non équivoque par la société Sophie Hal ette du dessin de dentel e revendiqué.

Il est constant, les parties étant en accord sur ce point, que le dessin de dentel e n’a pas été divulgué par la société Sophie Hal ette mais par la société Riechers Marescot et que notamment la dentel e litigieuse apparaît dans les défilés Prada de 2008 sous le seul nom de Riechers Marescot.

La cour constate que la société Sophie Hal ette produit un horodatage Fidealis du 10 mai 2012, au nom de Sophie Hal ette portant sur une dentel e référencée 970110, ainsi que deux échantil ons sous robrack en noir et en blanc de la même dentel e au nom de Sophie Hal ette portant chacun les deux références 970110 et 70964, ces documents permettant d’établir que le motif de cette dentel e, parfaitement identifiée, est le même sous ces deux références.

M. Romain L, président de la société Holesco, atteste par ail eurs que depuis 2006 la société Holesco est propriétaire des sociétés Riechers Marescot et Sophie Hal ette, que la société Riechers Marescot a divulgué et commercialisé le dessin de dentel e litigieux à compter du 6 avril 2005 et jusqu’en 2011 sous la référence 70964 et que la propriété du dessin a ensuite été transférée à la société Sophie Hal ette qui l’a exploité sous une nouvel e référence 970110 pour permettre la mise en production sur ses propres machines. Il joint à son attestation une reproduction du dessin en cause.

Ce témoignage ne peut être rejeté du seul fait que le témoin serait lié à une partie au litige, la société Holesco étant présidente des sociétés Riechers Marescot et Sophie Hal ette, dès lors qu’il est corroboré par les autres éléments produits au débat.

Ainsi, la société Hal ette produit notamment pour justifier de l’exploitation revendiquée: Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

— des factures de commercialisation par la société Sophie Hal ette du dessin référencé 970110 et précisant qu’il était initialement référencé 70964, factures établies entre 2013 et 2019,
- le catalogue «Sophie Hal ette» de la col ection 2014-2015 présentant un mannequin revêtu d’une robe reprenant les motifs du dessin revendiqué avec la mention Riechers Marescot pour S n° 70964 et précisant que «Riechers Marescot» est une marque de la maison Sophie Hal ette,
- le catalogue «Sophie Hal ette» de la col ection 2017 présentant un mannequin revêtu d’une robe reprenant le dessin revendiqué et portant la mention Sophie Hal ette pour Adam L n° 70964 et précisant que Riechers Marescot est une marque de la maison Sophie Hal ette,
- le catalogue «Sophie Hal ette» de la col ection 2020 présentant un mannequin revêtu d’un manteau reprenant le dessin revendiqué et portant la mention Sophie Hal ette par Vivien V n° 70964 et précisant que Riechers Marescot est une marque de la maison Sophie Hal ette,
- une attestation du cabinet comptable Cogefis qui atteste que le chiffre d’affaire de la société Sophie Hal ette généré par le dessin 970110 pour la période du 1er janvier 2012 au 31 août 2015 est de 3.271.527,16 euros avec un prix moyen de vente de 29,49 euros le mètre,
- une attestation établie le 25 octobre 2017 par le cabinet KPMG, commissaire aux comptes de la société Riechers Marescot, qui atteste que cette société n’a fait aucun chiffre d’affaire généré par sa référence 70964 pour la période al ant du 1er septembre 2014 au 19 octobre 2017.

Par ail eurs, la société Sophie Hal ette justifie être titulaire de deux marques verbales «Riechers Marescot», l’une française déposée le 15 octobre 2012 et l’autre internationale désignant notamment l’Union européenne déposée le 25 mars 2013, lui permettant d’utiliser cette appel ation pour nommer ses col ections provenant de dentel es initialement exploitées par la société Riechers Marescot.

Au vu de ces éléments concordants, il est justifié à suffisance de la réalité d’une exploitation par la seule société Sophie Hal ette de la dentel e en cause à tout le moins depuis la fin de l’année 2014, la société Riechers Marescot ayant cessé toute commercialisation pour son compte à compter de cette date. La société Sophie Hal ette a ainsi poursuivi seule une commercialisation dépourvue d’équivoque de la dentel e même si el e utilisait sa marque «Riechers Marescot» et mentionnait l’ancienne référence 70964.

Ainsi, en l’absence de revendication de la titularité par un tiers et notamment par la société Riechers Marescot, la société Sophie Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Hal ette qui justifie exploiter le dessin litigieux, sous son nom Sophie Hal ette et sous celui de sa marque «Riechers Marescot», bien antérieurement aux faits reprochés et alors qu’il est attesté que la société Riechers Marescot en a cessé la commercialisation à tout le moins depuis 2014, est présumée, à l’égard des sociétés H&M recherchées pour contrefaçon en 2017, être titulaire sur ce dessin du droit de propriété incorporel e d’auteur al égué.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l’originalité du dessin de dentelle L’article L. 111-1 du code de la propriété intel ectuel e dispose que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporel e exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intel ectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.

Ce droit est conféré, selon l’article L. 112-1 du même code, à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.

Néanmoins, lorsque cette protection est contestée en défense, l’originalité d’une œuvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité.

L’originalité d’une œuvre doit s’apprécier de manière globale de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérise du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie particulière qui démontre l’effort créatif et le parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur.

Les sociétés H&M contestent l’originalité de la dentel e litigieuse et soutiennent que la combinaison particulière de caractéristiques que l’intimée a el e-même désignée comme le siège de l’originalité revendiquée est issue du fonds commun non appropriable des dessins de dentel e.

La société Sophie Hal ette revendique des droits d’auteur sur un motif particulier de dentel e d’inspiration florale qu’el e décrit comme suit :

« Le dessin est constitué d’un motif répété horizontalement, formant de ce fait une ligne régulière et dense dans laquel e les motifs se superposent quasiment. Les lignes sont ensuite répétées en Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

quinconce sur tout le lé. Le motif se compose d’une fleur ronde et plate faite d’une première rangée de cinq pétales trilobés.

À l’intérieur, est placée une seconde partie composée de six feuil es remplies d’une armure en carrés se plaçant autour d’un pois. Cet agencement compact ne résulte nul ement de contraintes techniques liées à la fabrication de la dentel e mais procède au contraire de l’unique volonté de l’auteur d’insuffler une impression d’abondance et de luxuriance dans cette composition.

De la fleur part une branche qui se divise en deux rapidement. Un premier rameau se recroquevil e presque sur lui-même dans un mouvement rotatif, de l’extérieur du motif vers l’intérieur. El e est garnie de seize feuil es al ongées et courbées dont les extrémités sont arrondies.

Le repli de la branche et la dispersion de ses feuil es participent à l’impression de mouvement global et manifestent plus précisément le souffle de la brise. Les nombreuses feuil es témoignent de la recherche d’une abondance et d’une densité particulières.

Le second rameau, garni de trois feuil es, se divise lui-même en deux. Une première crosse qui s’achève par un bouquet de trois feuil es, est garnie d’une rangée de sept pois placés en anneau, une feuil e en arc de cercle venant clore cet anneau. La disposition des pois en demi- cercle et l’orientation des feuil es dans un même sens participent à la sensation de rotation du motif.

L’anneau est lui-même garni de trois feuil es de tail es différentes.

La seconde crosse forme un mouvement rotatif entourant la fleur et est composée de nombreuses feuil es disposées comme des plumes. El es retombent délicatement, dans un mouvement aérien».

Au-delà d’une description objective détail ée, laquel e ne saurait évidemment à el e-seule démontrer une originalité, la société Sophie Hal ette précise que l’auteur a fait le choix de représenter l’envolée légère d’un ensemble floral, en réalisant à cette fin des variations dans la transparence de la dentel e et des nuances dans la finesse de ses traits et qu’il a choisi une forme circulaire du motif afin de créer l’impression que les feuil es tournoient et virevoltent au gré du vent et de suggérer que les compositions florales sont en suspension, portées par un mouvement unique et perpétuel. Il a pris soin de créer un motif harmonieux et équilibré afin de correspondre aux critères de sa destination, c’est-à-dire la mode.

Ainsi, c’est à juste titre que le jugement a retenu que les caractéristiques revendiquées sont suffisamment identifiés et que la sophistication de la dentel e, constituée d’une abondance de détails Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

disposés selon une combinaison bien spécifique et selon des variations de tissage, donne à cette composition prise dans son ensemble un caractère unique, qui, n’étant dicté par aucun impératif particulier, révèle un nécessaire arbitraire et au-delà une véritable empreinte créatrice justifiant la protection par le droit d’auteur.

La cour rappel e par ail eurs que la notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur et constate, ainsi que l’avaient fait les premiers juges, que les caractéristiques originales du dessin litigieux tel es que ci- dessus énoncées ne sont reprises à l’identique par aucun des dessins de dentel e produits en défense, lesquels, s’agissant certes tous de motifs floraux, ne reproduisent jamais une composition identique, à savoir de mêmes motifs disposés selon un même agencement. Dès lors, l’originalité de la composition devant être appréciée et ayant été retenue dans son ensemble, peu importe que les éléments qui la composent, pris individuel ement, puissent se retrouver pour partie dans un fonds commun de la dentel e.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a retenu l’originalité du dessin référencé 970110.

Sur la durée de la protection

Les sociétés H&M reprochent encore à la société Dentel e Hal ette de ne pas justifier de ce que la protection au titre du droit d’auteur était toujours en vigueur en 2017 en application des articles L. 123-1 et L. 123-3 du code de la propriété intel ectuel e relative à la durée de la protection des œuvres de 70 ans à compter du décès de son auteur personne physique ou s’agissant d’une œuvre col ective de sa publication.

El es soutiennent que la charge de la preuve de la durée de la protection incombe à celui qui invoque la protection. El es sol icitent subsidiairement, si la cour estime que le droit positif est insuffisamment clair sur la question de la charge de la preuve de la durée de la protection revendiquée, la saisine de la Cour de Justice de l’Union européenne d’une question préjudiciel e rédigée comme suit :

« L’article 1er, paragraphes 1) à 4) de la directive 93/98/CEE du Conseil du 29 octobre 1993 relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins, d’une part, et les articles 3 et 4, sous a) de la directive 2004/48/CE du Parlement et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intel ectuel e, d’autre part, doivent-ils être interprétés en ce sens :

* qu’il incombe à la partie se prétendant titulaire d’un droit d’auteur qui saisit la juridiction d’un État membre aux fins de l’application de mesures, procédures ou réparations visées au chapitre II de la directive 2004/48/CE, de prouver la date de l’événement faisant courir Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

la durée de protection des droits qu’el e revendique, et ainsi de prouver que ces droits ne sont pas expirés '

* que la demande fondée sur un droit d’auteur en vue de l’application de mesures, procédures ou réparations visées au chapitre II de la directive 2004/48/CE, doit être déclarée irrecevable lorsqu’il résulte des éléments versés aux débats que la date de l’événement qui fait courir la durée de protection du droit d’auteur revendiqué n’est pas établie avec un degré de certitude suffisant '».

El es arguent que le dessin de dentel es revendiqué fait partie des « archives » de la société Riechers Marescot qui remontent à l’année 1870 soit bien plus de 70 ans avant les faits incriminés par l’intimée, lesquels datent de 2017.

En l’espèce, la société Sophie Hal ette énonce et justifie par l’attestation de M. L, président de la société Holesco que la société Riechers Marescot a divulgué et commercialisé le dessin de dentel e litigieux à compter du 6 avril 2005, soit 12 années seulement avant les faits litigieux argués de contrefaçon.

Les sociétés H&M contestent cette date de divulgation en énonçant que divers articles mentionnent que la société Riechers Marescot a « puisé » dans ses archives pour proposer le dessin de dentel e litigieux à la société Prada pour la col ection de 2008.

Pour autant ces articles ne permettent pas de combattre l’al égation de la société Sophie Hal ette quant à la date de divulgation du dessin. L’expression « puiser » dans les archives ne signifiant pas nécessairement que le dessin se soit retrouvé tel quel dans les archives, ni moins encore qu’il aurait été publié avant 2005.

Aucune des pièces versées aux débats par les sociétés H&M ne contredit la date de première divulgation énoncée par la société Sophie Hal ette et retenue par le tribunal.

Ainsi, et en l’absence d’éléments probants contraires, la cour constate que la société Sophie Hal ette a suffisamment satisfait à son obligation de justifier d’un droit toujours en vigueur au moment des faits poursuivis en contrefaçon.

Il n’est nul besoin de saisir la Cour de Justice de l’Union européenne d’une quelconque question préjudiciel e recevable en cause d’appel mais mal fondée en l’espèce.

Sur les faits de contrefaçon

Le tribunal, par de justes motifs que la cour adopte, a rappelé que l’examen de la contrefaçon s’apprécie par la reprise des Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

caractéristiques identifiées comme constitutives de l’originalité de l’œuvre au vu des ressemblances et non d’après les différences constatées et que l’examen attentif auquel doit se livrer la juridiction saisie doit porter, non sur la « robe en mousseline et dentel e » commercialisée sur le site internet des sociétés H&M mais sur la dentel e dont cette robe est constituée, par comparaison avec cel e exploitée par la société Sophie Hal ette.

La cour ayant procédé à cette comparaison minutieuse constate que le dessin de dentel e appartenant à la société Sophie Hal ette et référencé 970110 a été reproduit servilement dans la partie haute en dentel es de la robe qui reprend la disposition en quinconce, la branche divisée en deux rameaux et le même nombre et la même tail e et forme des feuil es, pois et pétales des fleurs permettant une superposition du motif de dentel e revendiqué sur les vêtements litigieux quasi-parfaite.

Le jugement dès lors sera confirmé en ce qu’il a retenu la contrefaçon étant précisé que le principe d’une condamnation in solidum entre les deux sociétés H&M n’est pas discuté par el es, chacune ayant eu un rôle dans la commercialisation de la robe litigieuse. Sur la réparation des préjudices

La société Sophie Hal ette sol icite l’infirmation du jugement en ce qu’il a fixé à la somme de 26.513,06 euros son préjudice commercial et à 60.000 euros son préjudice moral subis du fait des actes de contrefaçon et la condamnation in solidum des sociétés H&M à payer les sommes de : ' 123.032 euros au titre du manque à gagner, ' 200.000 euros pour l’avilissement du dessin, ' 170.400 euros au titre d’une atteinte à ses investissements, ' 200.000 euros en réparation de son préjudice moral, ' 62.559 euros au titre de bénéfices indûment réalisés, ' 104.528 euros au titre de la confiscation des recettes.

L’article L. 331-1-3 du code de la propriété intel ectuel e prévoit que : « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économie d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits».

Ces dispositions impliquent que le juge procède à l’examen de chacun de ces postes, sans pour autant qu’il en soit nécessairement réalisé un cumul, comme le soutient la société Sophie Hal ette. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Il convient, afin d’apprécier l’entier préjudice subi par la société Sophie Hal ette, de prendre en compte distinctement les éléments énoncés à l’article susvisé sans en faire le cumul et d’apprécier le préjudice sur les éléments de preuves fournis.

Il ressort des opérations effectuées dans le cadre de la saisie-contrefaçon et d’une attestation de la responsable comptable adressée à l’huissier instrumentaire la vente, par internet, de 596 robes contrefaisantes. C’est à juste titre que le tribunal a retenu ce nombre pour déterminer la masse contrefaisante, estimant que rien ne permet de considérer, comme le suggère la société Sophie Hal ette qu’il ne correspond pas à l’intégralité des ventes de la robe litigieuse référencée '0409737", toutes tail es confondues.

Il ressort également des éléments du débat que le prix au mètre carré est de 29,49 euros HT pour sa dentel e référencée 970110, et qu’un mètre carré de dentel e environ est utilisé pour confectionner chaque robe.

Le gain manqué par la société Sophie Hal ette peut être ainsi évalué à : 596 x 29,49 x 1 = 17.576,04 euros

Le tribunal doit être également approuvé en ce qu’il a retenu pour calculer les bénéfices indus un taux de marge de 50 % pour une robe vendue au prix de 29,99 euros et ainsi la somme de 8 937,02 euros.

Le jugement doit également être approuvé en ce qu’il a reconnu un préjudice lié à la banalisation de la dentel e et une atteinte portée à sa valeur patrimoniale et sa réputation, dans la mesure où la clientèle haut de gamme et à la recherche de produits peu commun sera inéluctablement conduite à se détourner d’un dessin avili par la reproduction servile qui en a été faite.

Pour autant au vu de la commercialisation de seulement 596 robes sur internet la cour estime que le préjudice moral ne saurait dépasser 30.000 euros et qu’il fait partie des éléments à prendre en compte pour estimer le montant total de l’indemnisation fixée en application de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intel ectuel e sans qu’il fasse l’objet d’une condamnation spécifique au titre de l’avilissement du dessin.

La cour retient également que la société Sophie Hal ette ne peut invoquer une atteinte à ses investissements puisqu’il est avéré, que la dentel e a été créée par la société Riechers Marescot et qu’il n’est pas al égué qu’el e en ait fait l’acquisition à titre onéreux et qu’il n’est pas plus justifié qu’el e ait exposé des frais de promotion spécifiques pour cette dentel e.

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El e ne peut non plus légitimement sol iciter simultanément la confiscation des recettes et le paiement des bénéfices indûment réalisés, sauf à obtenir une double indemnisation d’un même préjudice.

Les mesures d’interdiction et de destruction des stocks qui avaient été prononcées avec exécution provisoire méritent quant à el es confirmation.

Le refus de la mesure publication sera aussi confirmé, les faits de l’espèce relatifs à une vente circonscrite dans le temps et limitée en nombre ne justifiant pas d’une tel e mesure.

La cour, au vu des éléments ci-dessus détail és, est à même de fixer à la somme de 50.000 euros l’indemnisation totale due à la société Sophie Hal ette du fait des actes de contrefaçon retenus.

Le jugement est dès lors infirmé sur le montant des dommages-intérêts.

Sur les autres demandes

L’arrêt retenant des faits de contrefaçons, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire en responsabilité délictuel e pour agissements parasitaires.

Les sociétés H&M condamnées pour des faits de contrefaçon seront déboutées de leurs demandes incidentes indemnitaires. Le jugement étant également confirmé de ce chef.

Le jugement sera enfin confirmé s’agissant des condamnations prononcées aux dépens et concernant les frais irrépétibles de première instance. Les dépens d’appel seront mis à la charge des sociétés H&M, appelantes, qui seront également condamnées au paiement d’une somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné in solidum les sociétés H&M Hennes & Mauritz SARL et la société H&M Hennes & Mauritz GBC AB à payer à la société Dentel e Sophie Hal ette les sommes de 26 513,06 euros au titre de son préjudice commercial et de 60 000 euros au titre de son préjudice moral,

Y substituant et y ajoutant,

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Condamne in solidum les sociétés H&M Hennes & Mauritz SARL et H&M Hennes & Mauritz GBC AB à payer à la société Dentel e Sophie Hal ette la somme totale de 50.000 euros au titre de son entier préjudice subi par les actes contrefaisants,

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,

Condamne les sociétés H&M Hennes & Mauritz et H&M Hennes & Mauritz GBC AB aux dépens d’appel dont distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile et, vu l’article 700 dudit code, les condamne in solidum à payer à ce titre à la société Dentel e Sophie Hal ette une somme de 8.000 euros pour les frais irrépétibles d’appel.

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Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 2e ch.