Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 16 décembre 2020, n° 14/13414

  • Peinture·
  • Licenciement·
  • Employeur·
  • Salariée·
  • Harcèlement moral·
  • Intérêt·
  • Contrat de travail·
  • Résiliation judiciaire·
  • Avenant·
  • Salaire

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 8, 16 déc. 2020, n° 14/13414
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/13414
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bobigny, 17 novembre 2014, N° 13/01136
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRÊT DU 16 Décembre 2020

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 14/13414 – N° Portalis 35L7-V-B66-BVHQH

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Novembre 2014 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 13/01136

APPELANTE

SA PEINTURES INNOVA

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Stéphanie NOREVE, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Romain FALCON, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 290

INTIMÉE

Madame B X Y

[…]

[…]

représentée par Me Dan NAHUM, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 36 substitué par Me Alexandre LOBRY, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 268

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Novembre 2020, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Corinne JACQUEMIN, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente de chambre

Monsieur Benoît DEVIGNOT, conseiller

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire., Présidente de chambre et par Nolwenn CADIOU, Greffière présent lors du prononcé.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme B X Y a été engagée par la société Peintures Innova par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er février 2010, en qualité d’ attachée commerciale, coefficient 22.

Un avenant accompagné d’annexes, portant date du 16 avril 2012, a été rédigé par l’employeur modifiant les conditions de rémunération avec augmentation du fixe et diminution du salaire variable.

En son dernier état, la rémunération mensuelle brute de la salariée s’élevait à 2 500 euros.

La convention collective de la chimie était applicable à la relation de travail.

À la suite d’un arrêt de travail pour maladie le 14 juin 2012 Mme X Y a bénéficié d’une visite médicale de reprise le 12 novembre 2013 à l’occasion de laquelle le médecin du travail l’a déclarée inapte à tout poste au sein de l’entreprise.

Par acte du 19 mars 2013, Mme X Y a saisi le conseil de Prud’hommes de Bobigny d’une demande en résiliation judiciaire aux torts de l’employeur, en rappel de salaires, en dommages-intérêts pour harcèlement moral et travail dissimulé et de diverses demandes à caractère indemnitaire liées à la rupture contractuelle et à titre subsidiaire, en rappel de salaire jusqu’au prononcé du jour de la nullité du licenciement.

Par courrier daté du 2 décembre 2013, la salariée a été convoquée à un entretien préalable qui s’est tenu le 20 décembre 2013 et à la suite duquel elle a été licenciée le 24 décembre 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 18 novembre 2014, notifié le 19 novembre suivant, la section Industrie du conseil de Prud’hommes de Bobigny a prononcé la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur et condamné la société Peintures Innova à payer à Mme X Y les sommes suivantes :

—  20 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  5 000 euros au titre de l’indemnité de préavis,

—  500 euros au titre des congés payés afférents,

—  549 euros au titre du droit individuel à la formation,

—  354 euros au titre des frais de déplacement,

—  1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 5 décembre 2014, Mme X Y a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions déposées au greffe le jour de l’audience et soutenues oralement par son avocat, Mme X Y demande à la cour, à titre principal de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et formant appel incident sur le quantum des condamnations et sur le débouté de la demande en paiement d’heures supplémentaires, elle sollicite la condamnation de la société Peintures Innova à lui verser :

— des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 45.000 euros

— des dommages et intérêts pour préjudice moral : 10.000 euros ,

— des dommages et intérêts pour harcèlement moral : 20.000 euros,

— une indemnité compensatrice de préavis : 5.000 euros,

— des congés payés y afférents : 500 euros,

— une indemnité légale de licenciement: 1.375 euros,

— un droit individuel de la Formation (60h) : 988,99 euros,

— un rappel de salaire heures supplémentaires : 5.000 euros,

— des congés payés y afférents : 500 euros,

— un rappel de frais: 354,90 euros,

— des congés payés y afférents : 35,49 euros,

— des dommages et intérêts pour travail dissimulé (6 mois) : 15.000 euros,

— le maintien de la prévoyance pendant une durée de 9 mois après son licenciement

— des intérêts aux taux légal a compter de la date de saisine du conseil

— la capitalisation des intérêts,

— l’exécution provisoire Art. 500 du code de procédure civile,

— un article 700 du code de procédure civile : 2.000 euros,

— et le paiement des dépens par la société Peintures Innova.

À titre subsidiaire, elle sollicite le prononcé de la nullité du licenciement pour inaptitude au motif qu’il serait fondé sur la maladie à l’origine de son arrêt de travail et la condamnation de la société Peintures Innova au paiement :

— d’un rappel de salaire jusqu’au prononcé du jour de la nullité du licenciement, soit 8 mois et demi de salaire : 21.250 euros

— des dommages et intérêts pour discrimination en raison de l’état de santé :30.000 euros,

— des dommages et intérêts pour préjudice moral : 10.000 euros,

— des dommages et intérêts pour harcèlement moral : 20.000 euros,

— une indemnité compensatrice de préavis : 5.000 euros,

— des congés payés y afférents : 500 euros,

— une indemnité légale de licenciement: 1.375 euros,

— un rappel de salaire jusqu’au prononcé du jour de la nullité du licenciement, soit 8 mois et demi de salaire : 21.250 euros,

— des dommages et intérêts pour discrimination en raison de l’état de santé: 30.000 euros,

— un droit individuel à la Formation (60h) : 988,99 euros,

— un rappel de salaire heures supplémentaires : 5.000 euros,

— des congés payés y afférents : 500 euros,

— un rappel de frais: 354,90 euros,

— des congés payés y afférents : 35,49 euros,

— des d ommages et intérêts pour travail dissimulé (6 mois) : 15.000 euros,

— le maintien de la prévoyance pendant une durée de 9 mois après son licenciement,

intérêts aux taux légal a compter de la date de saisine du Conseil,

— la capitalisation des intérêts,

— l’exécution provisoire article 500 du code de procédure civile,

— article 700 du code de procédure civile : 2.000 euros

— les dépens

A titre infiniment subsidiaire,

Dire et juger le licenciement pour inaptitude de Madame X Y est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Condamner la société Peintures Innova au paiement des sommes suivantes:

— des dommages et intérêts pour discrimination en raison de l’état de santé : 45.000 euros,

— des dommages et intérêts pour préjudice moral : 10.000 euros,

— des dommages et intérêts pour harcèlement moral : 20.000 euros,

— une indemnité compensatrice de préavis : 5.000 euros,

— des congés payés y afférents : 500 euros,

— une indemnité légale de licenciement: 1.375 euros,

— des dommages et intérêts pour discrimination en raison de l’état de santé: 30.000 euros,

— un droit individuel à la Formation (60h) : 988,99 euros ,

— un rappel de salaire heures supplémentaires : 5.000 euros ,

— des congés payés y afférents : 500 euros,

— un rappel de frais: 354,90 euros,

— des congés payés y afférents : 35,49 euros ,

— des dommages et intérêts pour travail dissimulé (6 mois) : 15.000 euros,

— le maintien de la prévoyance pendant une durée de 9 mois après son licenciement,

— les intérêts aux taux légal a compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes,

— la capitalisation des intérêts.

En tout état de cause,

Ordonner la remise des documents de rupture (attestation Pôle emploi indiquant licenciement comme motif de rupture, le certificat de travail et des bulletins de salaires conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document;

Débouter la société Peintures Innova de toutes ses demandes, fins et prétentions.

Par conclusions déposées au greffe le 31 octobre 2017 ainsi que le jour de l’audience, et soutenues oralement par son avocat, la société Peintures Innova requiert de la cour l’infirmation partielle du jugement en ce qu’il a prononcé la rupture du contrat de travail de la salariée aux torts de l’employeur et l’a condamnée également à payer 549 euros au titre du DIF.

Elle sollicite en conséquence :

— le débouté des demandes de Mme X Y présentées au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux tords de l’employeur, ou au titre du licenciement pour inaptitude physique d’origine non professionnelle et impossibilité de reclassement ainsi que celle au titre du DIF ; elle demande la confirmation de la décision de première instance pour le surplus;

— par voie d’appel incident, la condamnation de l’appelante au remboursement des sommes perçues en exécution de droit pour un montant de 4 585,04 euros net, ainsi que la somme de 2 850 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

SUR QUOI

Sur l’exécution du contrat de travail

Concernant les heures supplémentaires

Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Ainsi, si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l’espèce, Mme X Y soutient qu’elle s’est investie dans l’entreprise et a effectué de nombreuses heures supplémentaires sans bénéficier d’aucune rémunération en dehors de son salaire mensuel.

Elle ne s’appuie sur aucune pièce pour formuler une demande de rappel de salaires à ce titre de 5000 euros et notamment ne verse au débat aucun tableau hebdomadaire de ses horaires qui aurait permis à l’employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée.

En conséquence, le jugement sera confirmé sur le débouté du paiement d’ heures supplémentaires.

Mme X Y doit par voie de conséquence également être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé fondée sur le non paiement d’heures supplémentaires.

Concernant les frais de déplacement

Mme X Y soutient n’avoir pas reçu le paiement de sa note de frais du 20 décembre 2013 pour la somme de 354 euros.( pièce 38 ).

L’employeur ne formule aucune observation sur le principe de la dette ou sur son quantum et d’ailleurs ne demande pas dans le dispositif de ses écritures l’infirmation du jugement de condamnation sur ce point.

La décision déférée sera en conséquence confirmée et la société Peintures Innova condamnée à payer cette somme à Mme X Y.

Concernant les griefs énoncés à l’encontre de l’employeur et l’obligation de sécurité

Mme X Y fait valoir qu’après avoir sollicité par courrier du 13 février 2012 une révision de son statut contractuel et de sa rémunération qui ne correspondaient ni à son investissement ni aux fonctions réellement exercées (pièce 10), l’employeur lui a imposé, par le biais d’un avenant, de nouvelles conditions de travail qui n’étaient pas tenables et qui ont abouti à son arrêt de travail.

Comme le soutient la société Peintures Innova, à la suite de cette demande de Mme X Y d’une révision de son statut contractuel, un avenant à son contrat de travail prévoyant un nouveau mode de rémunération a été établi et signé par la salariée.

Toutefois, la cour observe que si l’avenant au contrat de travail communiqué en cause d’appel (pièce 5 du dossier de la société Peintures Innova, qualifiée «'d’original'») dont le conseil de prud’hommes avait souligné son absence en première instance, mentionne au-dessus de la signature des parties la date du 16 avril 2012, cette date ne peut correspondre à l’échange des consentements sur les nouvelles modalités contractuelles en matière de rémunération dès lors que comme l’affirme la salariée elle a contesté différents points.

Ce fait est établi par la production par l’employeur en pièce 11 de son courrier du 20 juillet 2012 dans lequel il demande à la salariée de bien vouloir signer les deux exemplaires de l’avenant intégrant les deux annexes clients et de les lui renvoyer dès lors que le premier envoi était incomplet.

Or, l’échange de courrier entre les parties démontre que Mme X Y souhaitait que soit précisé la difficulté liée au fait que si elle développait à nouveau des anciens clients faisant partie de ceux dont les 21 noms avait été retirés de sa clientèle par l’employeur elle percevrait à nouveau les primes correspondante sans faire de nouvel avenant.

En effet, l’avenant prévoyait que dans cette hypothèse de manière purement potestative «'nous déciderons au cas par cas en fonction de nouvelles propositions de prix de la façon de les rémunérer'».

Mme X Y mentionnait encore ce point de désaccord quant aux dispositions de l’avenant en cause dans un courrier du 22 octobre 2012 ( pièce 13 du dossier de la salariée).

Il résulte ainsi du dossier que subsistaient des zones d’ombre dans l’avenant proposé à la salariée et que l’employeur ne verse pas au débat l’avenant régularisé tel que demandé dans son courrier du 20 juillet 2012 avec précisément les annexes clients.

Mme X Y est dès lors fondée à soutenir que cet avenant lui a été imposé par la société Peintures Innova et avait pour conséquence de modifier de manière substantielle un élément important de son contra de travail.

En effet, l’appelante justifie du motif légitime de sa demande de modification de son contrat de travail présentée dans la lettre du 12 février 2012 dès lors qu’il résulte de ses bulletins de salaires que la moitié de sa rémunération reposait sur le développement du chiffre d’affaire et que, par le biais de la consolidation de ce marché et malgré l’accroissement de nouveaux clients, le développement du chiffre d’affaires ne pouvait se maintenir à un niveau permettant une rémunération équivalente à celles des deux années précédentes alors que la charge de travail était la même, voire plus importante.

En prévoyant dans l’avenant une augmentation de 500 euros du salaire fixe de la salariée l’employeur ne répondait pas à sa requête.

Par courrier du 23 novembre 2012 la société Peintures Innova reconnaît d’ailleurs que la salariée n’avait d’ailleurs plus aucune chance de percevoir la rémunération antérieure puisqu’elle n’allait plus percevoir des commissions. (pièce 4 dossier de Mme X Y).

Cette modification de ses conditions de rémunération ainsi établie correspondait au surplus, comme le souligne Mme X Y, à une charge de travail augmentée dès lors que la société Peintures Innova lui a imposé de superviser des commerciaux supplémentaires (pièce 10 du dossier de Mme X Y).

De plus, le secteur géographique a été remanié et étendu à l’ensemble de la région parisienne et 4 départements en province, sans que la société Peintures Innova justifie de la fourniture à la salariée qui le lui avait demandé dans son courrier du 14 juin 2012 ( pièce 12) de moyens supplémentaires ,

voire d’un statut différend .

Enfin, cette augmentation de la charge de travail s’est accompagnée de remontrances sur son travail qui avait jusqu’alors toujours donné satisfaction et au versement d’une prime de 10 000 euros en 2011.

Ainsi, il lui a été reproché de ne pas établir de rapports de visite alors que la salariée justifie les avoir réalisés conformément à ce qui lui était demandé (pièces 5 et 9) et au demeurant effectués durant son temps de repos, le samedi, ( courrier du 23 novembre 2012 pièce 4 et emails en pièce 39 ).

Mme X Y prouve ainsi de ce que que ses conditions de travail ont subi une dégradation importante.

Elle fait valoir que cette dégradation à eu des répercussion importante sur son état de santé et a abouti à l’avis du médecin du travail du 12 novembre 2013, concluant à l’inaptitude de Mme X Y à son poste et à tout poste dans l’entreprise, aux visas de l’article article R 4624 31 du code du travail : danger immédiat (pièces 26 et 27).

L’article L. 4121-1 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, dispose que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, que ces mesures comprennent des actions de préventions des risques professionnels, des actions d’information et de formation et la mesure en place d’une organisation et de moyens adaptés, qu’il veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

En l’espèce, le manquement, consistant en une violation de son obligation de sécurité de résultat vis à vis de la santé d’une salariée est établi au vu des pièces médicales ( pièce 26 et 27) et des courriers des adressés par Mme X Y à son employeur les 14 et 21 juin 2012 dans lesquels la salariée l’informait de ce qu’elle «'craquait'».

En effet la concomitance entre les arrêts de travail de Mme X Y pour dépression à partir du 14 juin 2012 pour «'syndrome anxodépressif réactionnel'» démontre le lien entre les conditions de travail imposées à la salariée et la dégradation de son état de santé.

De ce fait, le manquement de l’employeur est suffisamment démontré.

Sur la rupture du contrat de travail

La demande de résiliation judiciaire étant antérieure au licenciement, son bien fondé doit être vérifié dans un premier temps et, seulement si elle s’avère infondée, le licenciement sera examiné.

En l’espèce Mme X Y a sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail le 19 mars 2013, soit antérieurement à son licenciement prononcé le le 24 décembre 2013.

En cas d’inexécution de ses obligations contractuelles par l’employeur, le salarié peut saisir le conseil des prud’hommes afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l’employeur sur le fondement de l’article 1184 du code civil.

Lorsque les manquements sont établis et d’une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l’employeur et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, le manquement, consistant en une violation de son obligation de sécurité de résultat vis à vis de la santé d’une salariée fragilisée est suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat

de travail.

En conséquence, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur à compter du 24 décembre 2013.

Cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail

La cour relève qu’au moment de la rupture de son contrat de travail, Mme X Y comptait au moins deux années d’ancienneté et la la société Peintures Innova employait habituellement au moins onze salariés.

En application de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, l’intimée peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu’elle a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement, soit en l’espèce un salaire de 2 500 euros.

La cour constateque Mme X Y ne produit aucun élément pour justifier de sa situation sur l’ensemble de la période qui a suivi son licenciement et en particulier de recherches d’emploi depuis l’attestation délivrée par Pôle emploi le 21 août 2014 indiquant qu’elle avait été admise au bénéfice de l’allocation de retour à l’emploi. Elle ne produit pas non plus ses déclarations de revenus.

En considération de son âge, 47 ans au jour de la rupture du contrat, de son ancienneté dans l’entreprise, 3 ans et 11 mois , et de l’absence de plus amples éléments, le préjudice résultant du licenciement sera intégralement indemnisé par l’allocation de la somme de 20 000 euros arbitrée en première instance.

Le jugement sera confirmé sur ce point ainsi que sur les condamnations prononcées au titre de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents ainsi que du du droit individuel à la formation.

Sur le préjudice moral

Mme X Y ne justifie pas du caractère vexatoire de la rutpure du contrat de travail ni au demeurant d’un préjudice moral qui ne serait pas indemnisé par l’allocation des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il l’a déboutée de cette demande.

Sur le harcèlement moral

Mme X Y présente une demande spécifique de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Le harcèlement moral se définit, selon l’article L 1152-1 du code du travail dans sa version alors applicable, par des actes répétés qui ont pour objet ou pour effet, indépendamment de l’intention de leur auteur, une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il appartient au salarié d’établir la matérialité de faits précis et concordants faisant présumer l’existence de ce harcèlement.

Pour voir infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes des chef de harcèlement moral Mme X Y invoque :

— d’une part : «'des actes mal inspirés, des gestes ou des paroles que la morale courante réprouve, des mesquineries, des insultes déguisées, des moqueries ou encore tout acte d’omission tel que ne pas parler à quelqu’un, ne pas l’informer, ne jamais lui sourire.'».

— d’autre part, les conditions de travail qui se seraient détériorées depuis le mois de février 2012 :

* suppressions de ses commissions sur le chiffre d’affaires,

* augmentation de sa charge de travail sans moyens supplémentaire, sans * changement de statut, sans augmentation salariale,

* remontrances injustifiées,

* insuffisance de moyens,

* récupération de ses outils de travail (remise du véhicule de fonction et du GPS),

* durcissement du ton devant a la fois accusatoire, dévalorisant, très critique,sans aucun fondement et surtout non constructif.

Sur le premier point, les simples impressions décrites par Mme X Y ne sont corroborées par aucune pièce lui permettant d’étayer sa demande.

Sur le second point, la majorité des faits énoncés ont été examinés dans le cadre de l’obligation de sécurité de l’employeur et s’ils constituent des griefs constitués dans le cadre de l’exécution du contrat de travail aucun élément n’est versé au débat par l’appelante pour démontrer des agissements de harcèlement moral.

Au demeurant, la salarié qui invoque pour les quatre premiers faits, les mêmes griefs à l’encontre de l’employeur que ceux dénoncés dans le cadre de sa demande de résiliation judiciaire, n’a pas fondée celle-ci sur des actes de harcèlement moral.

Concernant la récupération de ses outils de travail, l’employeur justifie que cette demande de restitution du véhicule de fonction et du GPS a été régulièrement faîte pendant l’arrêt de travail de Mme X Y.

Enfin, «'le durcissement de ton'» n’est fondé sur aucun élément du dossier.

La matérialité de faits précis et concordants n’étant pas établie, Mme X Y doit être déboutée de sa demande au titre d’un harcèlement moral et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur le maintien de la prévoyance

Se fondant sur l’article 14 de l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2008, Mme X Y demande au «'conseil'» de «'rappeller'» qu’elle béné’cie du maintien de la prévoyance pendant une durée de 9 mois après son licenciement.

Nonobstant le fait que ce point n’a plus aucune actualité, la cour relève que les demandes de «'rappel'» ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile ; par conséquent elles ne donnent pas lieu à statuer.

Sur les intérêts et leur capitalisation

Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l’employeur en conciliation, et jusqu’au jour du paiement et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du jugement qui a été confirmé quant à la condamnation prononcée.

La capitalisation des intérêts est de droit conformément à l’article 1343-2 nouveau du code civil (ancien 1154 du code civil).

Sur l’application de l’article L.1235-4 alinéa 2 du code du travail

Il résulte de l’article L.1235-4 du code du travail qu’en cas notamment de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge ordonne, si besoin d’office, le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Le juge du fond apprécie souverainement, dans la limite fixée par la loi, la part d’indemnités de chômage devant être remboursée aux organismes concernés.

En l’espèce, il convient d’ordonner à la société Peintures Innova le remboursement à l’organisme Pôle emploi concerné des indemnités chômage versées à Mme X Y dans la limite de trois mois.

Sur les frais et dépens

L’employeur qui succombe doit être tenu aux dépens d’appel.

Compte tenu de la décision rendue il n’y a pas lieu en appel et au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les parties seront déboutées des demandes présentées à ce titre.

Sur la remise des documents sociaux

Il est fait droit à la demande de documents sociaux conformes sans que l’astreinte soit nécessaire.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement rendu le 19 mars 2013 par le conseil de Prud’hommes de Bobigny en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

ORDONNE à la SAS Peintures Innova de remettre à Mme X Y les documents sociaux conformes présent arrêt ;

DIT que sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l’employeur en conciliation, jusqu’au jour du paiement et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du jugement qui a été confirmé par le présent arrêt quant à la condamnation prononcée ;

PRONONCE la capitalisation des intérêts ;

ORDONNE à la SAS Peintures Innova le remboursement à l’organisme Pôle emploi concerné des indemnités chômage versées à Mme X Y dans la limite de trois mois.

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

CONDAMNE la SAS Peintures Innova aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 16 décembre 2020, n° 14/13414