Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 1re ch.

  • Brevetabilité de l'invention ou validité du brevet·
  • Recevabilité mesures provisoires ou conservatoires·
  • Caractère vraisemblable de l'atteinte aux droits·
  • Caractère sérieux de l'action au fond·
  • Rappel des circuits commerciaux·
  • Demande de mesures provisoires·
  • Interdiction provisoire·
  • Compétence matérielle·
  • Contestation sérieuse·
  • Contrefaçon de brevet

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Il résulte de l’article L. 615-3 du CPI relatif aux mesures provisoires, interprété à la lumière de l’article 9 1. b) de la directive n° 2004/48/CE, que le juge des référés, après avoir apprécié la proportionnalité des mesures sollicitées au regard des atteintes alléguées, peut ordonner le rappel des produits argués de contrefaçon et leur retrait des circuits commerciaux, en ce compris les produits vendus à des tiers. Par conséquence, l’exception d’incompétence est rejetée. En application des articles L. 615-2 et L. 615-3 du CPI, interprétés à la lumière de la directive susvisée, la société qui distribue le médicament Lumigan 0,1 mg/ml mettant en oeuvre le brevet, avec l’accord de la société titulaire des droits, est recevable à demander des mesures provisoires conjointement avec cette dernière. Les demandes d’interdiction provisoire de commercialisation des médicaments génériques et de rappel des circuits commerciaux sont rejetées. Le brevet européen en cause porte sur une solution ophtalmique constituée d’un ingrédient actif (le bimatoprost) et notamment d’un conservateur (le chlorure de benzalkonium, dit BAK). L’atteinte alléguée aux droits sur ce brevet n’est pas caractérisée de façon vraisemblable en raison de l’existence d’une contestation sérieuse relative à sa validité. En effet, la société demanderesse était titulaire d’un brevet européen antérieur portant sur un collyre contenant les mêmes composants dans des dosages différents, mis en oeuvre par le médicament Lumigan 0,3 mg/ml. L’homme du métier (en l’espèce, une équipe constituée d’un ophtalmologue spécialisé dans le traitement du glaucome et d’un formulateur expérimenté), partant de l’art antérieur le plus proche constitué de ce médicament et cherchant à améliorer sa formulation en maintenant son efficacité tout en réduisant les effets secondaires, n’était pas dissuadé, en dépit des incertitudes qui caractérisent les expériences en matière de dosage d’un médicament, de réduire la concentration de bimatoprost aux fins de limiter les effets indésirables. En outre, il savait grâce à ses connaissances personnelles à la date de priorité du brevet, que le BAK était présent dans la grande majorité des produits ophtalmiques traitant la même pathologie présents sur le marché, dont le Lumigan 0,3 mg/ml, et que certains des collyres étaient conservés dans des doses supérieures à celle de ce médicament, ce qui atteste de la bonne tolérance de ce conservateur pour les patients. Par ailleurs, l’homme du métier qui connaissait les effets du BAK en termes d’activateur de pénétration du principe actif dans la cornée, qui constatait que la concentration du bimatoprost dans le Lumigan 0,3 mg/ml était élevée par comparaison à d’autres produits analogues et que la concentration du BAK y était au contraire bien plus faible, n’était pas dissuadé d’ajuster les doses respectives de ces composants par de simples essais de routine méritant d’être explorés aux fins de tenter de réduire l’irritation oculaire et de maintenir l’efficacité du composé.

Chercher les extraits similaires

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Amélie Favreau · L'ESSENTIEL Droit de la propriété intellectuelle · 1er décembre 2021
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 1, 15 juin 2021, n° 20/12617
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/12617
Publication : Propr. industr., 9, sept. 2021, comm. 46, E. Py, Les Conditions de mise en œuvre des mesures provisoires de l'article L. 615-3 du CPI ; PIBD 2021, 1168, IIIB-1
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 16 juillet 2020, N° 20/53265
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal judiciaire de Paris, ordonnance de référé, 17 juillet 2020, 2020/53265
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : EP1753434
Titre du brevet : Solution ophtalmique de bimatoprost améliorée ; Dérivés non-acides de 2-cycloalkyle ou d'arylalkyle d'acide hiptanoïque de cylopentane en tant qu'agents thérapeutiques
Classification internationale des brevets : A61K ; A61P ; C07C
Brevets cités autres que les brevets mis en cause : EP0660716
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Référence INPI : B20210045
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 15 juin 2021

Pôle 5 – Chambre 1 (n°107/2021) Numéro d’inscription au répertoire général: 20/12617 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCKA3

Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé rendue le 17 juil et 2020 par le Président du Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 20/53265

APPELANTES Société ALLERGAN, INC. Société de droit américain Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège 2525 Dupont Drive Irvine CA 92612 ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE Représentée et assistée de Me Yves BIZOLLON de l’AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : R255

S.A.S. ALLERGAN FRANCE Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 312 856 917 Agissant en la personne de son représentant légal ou statutaire domicilié en cette qualité audit siège. Tour Cbx Passerel e des Reflets 92400 COURBE VOIE Représentée et assistée de Me Yves BIZOLLON de l’AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : R255

INTIMEE S.A.S. MYLAN Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de LYON sous le numéro 399 295 385 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège 117 Al ée des Parcs 69800 SAINT PRIEST Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111 Assistée de Me Denis SCHERTENLEIB de la SAS SCHERTENLEIB AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0948

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 avril 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabel e DOUILLET, Présidente de chambre et Françoise BARUTEL, conseil ère, chargée d’instruire l’affaire, laquel e a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabel e DOUILLET, présidente Mme Françoise BARUTEL, conseil ère Mme Déborah BOHÉE, conseil ère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine A

ARRÊT :

• Contradictoire • par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. • signé par Isabel e DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine A, Greffière, à laquel e la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu l’ordonnance de référé rendue le 17 juil et 2020 par le 1er vice-président adjoint au tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du président du tribunal,

Vu la déclaration d’appel du 2 septembre 2020 des sociétés Al ergan Inc.et Al ergan France (ensemble sociétés Al ergan),

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 26 mars 2021 par les sociétés Al ergan, appelantes et intimées incidentes,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 2 avril 2021 par la société Mylan, intimée et appelante incidente,

Vu l’ordonnance de clôture du 6 avril 2021,

SUR CE, LA COUR :

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

La société de droit américain Al ergan Inc. appartient au groupe international Al ergan, spécialisé dans le développement, la fabrication et la commercialisation de produits pharmaceutiques.

La société Al ergan France commercialise en France les produits du groupe Al ergan.

La société Al ergan Inc. est notamment titulaire du brevet européen EP 1 753 434 (EP 434) désignant la France, intitulé « Solution ophtalmique de bimatoprost améliorée », dont la demande a été déposée le 14 mars 2006, sous priorité de la demande US 83261 du 16 mars 2005.

Le brevet a été délivré le 13 mai 2009. Il est en vigueur jusqu’en mars 2026. Les annuités de la partie française de ce brevet sont régulièrement payées.

L’invention couverte par le brevet EP 434 est une solution ophtalmique (col yre) destinée au traitement des patients atteints de glaucome ou d’hypertension intraoculaire.

Le glaucome est une pathologie du nerf optique, très souvent liée à une pression intraoculaire élevée (en anglais « intraocular pressure », ou « IOP ») qui comprime les fibres nerveuses de l’oeil. C’est une maladie grave, qui nécessite un traitement à vie pour lequel l’observance du traitement est de la plus haute importance.

Pour traiter cette maladie, la société Al ergan a développé une première solution ophtalmique, protégée par le brevet européen EP 0 660 716 (déposé le 9 septembre 1993, sous priorité d’une demande US du 21 septembre 1992 et délivré le 28 novembre 2001) puis par le CCP n° FR 02C0033 qui a expiré le 8 mars 2017. Ce brevet est mis en oeuvre par le produit Lumigan 0,3 mg/ml, commercialisé dans de nombreux pays, notamment en France depuis le 22 avril 2002.

Le Lumigan 0,3 mg/ml est un col yre dont l’effet est de réduire la pression intraoculaire. L’ingrédient actif est le bimatoprost. Le Lumigan 0,3 mg/ml comprend également certains autres composés dont, en particulier, un agent conservateur ayant des propriétés désinfectantes, le chlorure de benzalkonium (BAK). La formulation du Lumigan 0,3 mg/ml comprend donc : 0,3 mg/ml de bimatoprost et 0,05 mg/ml (ou 50 ppm) de BAK.

Il est exposé que le Lumigan 0,3 mg/ml présente certains inconvénients, en ce que son utilisation s’accompagne d’importants effets secondaires, notamment des risques élevés d’hyperémie conjonctivale (une inflammation de l’oeil se traduisant par une vasodilatation excessive), ce qui peut souvent conduire les patients à arrêter le traitement.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

La description du brevet EP 434 explique [0001] que l’invention concerne des compositions pharmaceutiques comprenant du bimatoprost, qui est décrit en [0002] comme étant un prostamide commercialisé sur le marché pour le traitement du glaucome et de l’hypertension oculaire. La description continue en [0003] en disant que le BAK est un conservateur utilisé dans de nombreux produits ophtalmiques du commerce pour empêcher une contamination microbienne dans les produits multi-usages, et que les col yres de bimatoprost disponibles sur le marché contiennent 0,03 % de bimatoprost et 0,005 % de BAK. El e précise ensuite que plusieurs analogues de la prostaglandine disponibles sur le marché utilisent du BAK en tant que conservateur, et comprenant le latanoprost (Xalatan), le travoprost (Travatan) et l’unoprostone isopropyle (Rescula). La description indique que tous exigent significativement plus de BAK, de 150 à 200 ppm (c’est-à-dire de 0,015 à 0,02 %) pour satisfaire aux tests d’efficacité antimicrobienne aux États-Unis et en Europe.

Le brevet EP 434 couvre une composition contenant une concentration plus faible de bimatoprost et une concentration plus élevée de BAK.

La revendication 1 du brevet EP 434, revendication de composition, se lit ainsi :

« Composition comprenant de 0,005 % à 0,02 % en poids de bimatoprost et de 100 ppm à 250 ppm de chlorure de benzalkonium, dans laquel e ladite composition est un liquide aqueux qui est formulé pour une administration ophtalmique ».

La revendication 5 indique une fourchette de la quantité de bimatoprost plus limitée et se lit ainsi : «Composition selon la revendication 1, dans laquel e la concentration de bimatoprost est de 0,01 % à 0,02 % ».

La revendication 12, d’application thérapeutique, se lit ainsi : « Composition selon l’une quelconque des revendications précédentes pour traiter un glaucome ou une hypertension intra-oculaire chez un mammifère ».

Le produit Lumigan 0,1mg/ml, qui met en oeuvre le brevet EP 434, a bénéficié d’une autorisation de mise sur le marché n° EU/1/02/205/003-004 délivrée par l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) à la société Al ergan Pharmaceuticals Ireland le 7 janvier 2010.

La société Al ergan France commercialise en France le produit Lumigan 0,1 mg/ml sur la base de cette AMM depuis le 7 mai 2010.

Le brevet EP 434 a fait l’objet de deux oppositions devant l’Office européen des brevets (OEB), la première initiée par la société Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Ratiopharm GmbH le 11 février 2010, la seconde par la société Teva le 12 février 2010.

Par une décision du 6 décembre 2011, l’OEB a rejeté l’opposition et maintenu le brevet EP 434 sous une forme modifiée. Le recours contre cette décision formé par la société Teva a été retiré le 12 juil et 2017, de sorte que la chambre des recours de l’OEB n’a pas statué.

Par un jugement du 13 janvier 2014, l’US District Court, Eastern Division of Texas, a rejeté les demandes de nul ité formées à l’encontre de plusieurs brevets américains de la société Al ergan Inc. équivalents du brevet EP 434 et a interdit aux défendeurs de commercialiser les médicaments génériques correspondants. Cette décision a été confirmée en appel par une décision du 4 août 2015.

Une décision similaire a été rendue au Canada.

En revanche, par un jugement du 3 mai 2019, la High Court of Justice of England and Wales (Chancery division / Patents court) a annulé la partie anglaise du brevet EP 434 estimant que les revendications étaient dépourvues d’activité inventive.

La société Mylan appartient au groupe pharmaceutique mondial Mylan spécialisé dans la fabrication et la vente de médicaments génériques.

Le 28 avril 2017, la société Mylan a obtenu de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le produit dénommé 'Bimatoprost MylanPharma 0,1 mg/ml, col yre en solution'. Par un avis publié au Journal Officiel le 15 juin 2017, le Comité Economique des Produits de Santé a fixé un prix fabricant pour ce médicament. Par deux arrêtés du 12 juin 2017, il a été inscrit sur la liste des spécialités remboursables aux assurés sociaux et sur la liste des spécialités agréées à l’usage des col ectivités.

La société Mylan a déclaré auprès de l’ANSM que la commercialisation du Bimatoprost Mylan 0,1 mg/ml avait débuté le 27 février 2020.

Dès le 8 juin 2017 et après avoir appris les démarches réglementaires entreprises par la société Mylan, le conseil des sociétés Al ergan lui a écrit pour lui signaler que toute commercialisation de son médicament générique Bimatoprost MylanPharma 0,1 mg/ml, avant la date d’expiration du brevet EP 434, constituerait une contrefaçon, et lui demander de confirmer qu’aucune commercialisation n’était prévue.

La société Mylan a répondu par une lettre du 16 juin 2017 en indiquant que le simple fait d’obtenir une AMM ne constituait pas un acte de contrefaçon et qu’el e n’avait aucune obligation de divulguer des Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

informations commerciales concernant son activité sur le marché français.

Par une lettre du 20 février 2020 renouvelée le 4 mars suivant, le conseil des sociétés Al ergan a de nouveau interrogé la société Mylan sur l’absence de commercialisation d’un produit reproduisant selon el e les revendications de son brevet.

Par une lettre du 11 mars 2020, la société Mylan a indiqué notamment qu’el e refusait de communiquer quelque information que ce soit concernant le lancement de ses produits.

C’est dans ce contexte que par acte d’huissier du 4 mai 2020, les sociétés Al ergan Inc. et Al ergan France ont fait assigner en référé la société Mylan devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris afin notamment qu’il lui soit fait défense, sous astreinte, d’offrir, détenir à fin de vente, vendre, mettre dans le commerce, produire, importer et exporter la spécialité pharmaceutique Bimatoprost MylanPharma 0,1 mg/ml, col yre en solution, ou toute autre spécialité pharmaceutique similaire reproduisant selon el es les caractéristiques de la partie française du brevet EP 434.

Il convient de noter que par exploit du 12 février 2021, les sociétés Al ergan Inc. et Al ergan France ont engagé une procédure au fond devant le tribunal judiciaire de Paris à l’encontre de Mylan, aux fins de demander les mesures définitives nécessaires à faire cesser la contrefaçon et demander les mesures visant à compenser le dommage qu’el es estiment subir.

Par ordonnance de référé du 17 juillet 2020, le magistrat délégataire a :

Constaté l’existence d’une contestation sérieuse de nature à remettre en cause le caractère vraisemblable de la contrefaçon des revendications 1, 7 et 12 de la partie française du brevet EP n° 434 par la société Mylan ;

Dit par conséquent n’y avoir lieu à prononcer de mesures d’interdiction en référé ;

Condamné la société Al ergan Inc. et la société Al ergan France in solidum aux dépens ;

Condamné la société Al ergan Inc. et la société Al ergan France in solidum à payer à la société Mylan la somme de 80 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Sur la compétence du juge des référés pour prononcer le rappel des produits

La société Mylan soutient que le juge des référés, qui est juge du provisoire, n’est pas compétent pour ordonner une mesure de rappel des produits déjà vendus à des tiers à la procédure tels que les pharmacies, une tel e mesure, s’apparentant à une mesure de destruction, ayant un caractère définitif.

L’article L.615-3 du code de la propriété intel ectuel e, sur lequel les sociétés Al ergan fondent leurs demandes, prévoit que : 'Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. (…) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une tel e atteinte est imminente.

La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuel e du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux.(…)

Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l’exécution des mesures qu’el e ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuel e du défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées. Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l’engagement d’une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés'.

En outre, l’article 9 de la directive n°2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intel ectuel e intitulé 'Mesures provisoires et conservatoires’ prévoit que '1. Les États membres veil ent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, à la demande du requérant : (…)

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

b) ordonner la saisie ou la remise des marchandises qui sont soupçonnées de porter atteinte à un droit de propriété intel ectuel e pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux ;'

Ainsi que l’a pertinemment relevé le juge des référés, en application de l’article L.615-3 susvisé interprété à la lumière de la directive n°2004/48/CE du 29 avril 2004, dont la disposition précitée constitue la transposition, le juge des référés, après avoir apprécié la proportionnalité des mesures sol icitées au regard des atteintes al éguées, peut ordonner le rappel des produits argués de contrefaçon et leur retrait des circuits commerciaux, en ce compris les produits vendus à des tiers, de sorte que la société Mylan n’est pas fondée à opposer une exception d’incompétence qui sera rejetée, l’ordonnance querel ée étant confirmée sur ce point.

Sur la recevabilité de l’action de la société Allergan France

La société Mylan soutient que les demandes de la société Al ergan France fondées sur l’article 835 du code de procédure civile sont irrecevables comme formées pour la première fois en appel, et tardivement, dans le deuxième jeu de conclusions.

El e ajoute que la société Al ergan France, désignée comme codemanderesse à l’action intentée sur le fondement de l’article L.615-3 du code de la propriété intel ectuel e, n’a pas qualité à agir sur le fondement de cet article, en tant que tiers au brevet, en l’absence d’une licence conférée en sa faveur.

La société Al ergan France soutient qu’el e s’est jointe à l’action du titulaire du brevet conformément à l’article 330 du code de procédure civile et que son intervention accessoire est recevable compte tenu de son intérêt à agir en sa qualité de représentant en France du titulaire de l’AMM du lumigan 0,1 mg/ml et d’exploitante dudit médicament.

A titre complémentaire el e soutient que la société Al ergan France est également recevable à agir sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile dès lors que l’obligation de respecter le brevet n’est pas sérieusement contestable.

En application de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvel es prétentions si ce n’est pour faire écarter les prétentions adverses.

En outre, en application de l’article 910-4 du code de procédure civile, les parties doivent présenter, dès leurs premières conclusions, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. Mais, demeurent recevables, dans les limites des chefs du Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses.

En l’espèce, l’invocation par la société Al ergan France de l’article 835 du code de procédure civile 'à titre complémentaire', dans son deuxième jeu de conclusion, ne constitue pas une prétention nouvel e au sens des dispositions précitées, mais un moyen de défense pour répondre à la fin de non-recevoir qui lui est opposée.

Pour répondre au moyen d’irrecevabilité, la société Al ergan fait valoir en premier lieu qu’el e a intérêt et qualité à agir, à titre accessoire, aux côtés du titulaire du brevet sur le fondement de l’article L. 615-2 du code de la propriété intel ectuel e, en sa qualité de distributeur en France du médicament mettant en oeuvre le brevet litigieux.

L’article L. 615-2 du code de la propriété intel ectuel e énonce que l’action en contrefaçon est exercée par le propriétaire du brevet, l’alinéa 4 du même article précisant que tout licencié est recevable à intervenir dans l’instance en contrefaçon engagée par le breveté, afin d’obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre.

En outre, l’article L. 615-3 du même code énonce que toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon.

L’article 4 de la directive n°2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intel ectuel e, à la lumière de laquel e doivent être interprétées les dispositions précitées, et dont l’article 9 prévoit des mesures provisoires et conservatoires de saisie et de remise de marchandises soupçonnées de porter atteinte à un droit de propriété intel ectuel e, énonce que les Etats doivent reconnaître qualité pour demander l’application des mesures, procédures et réparations des atteintes portées aux droits de propriété intel ectuel e, aux titulaires de droit, et à 'toutes les autres personnes autorisées à utiliser ces droits, en particulier les licenciés (…)'.

En l’espèce il est établi par la production de l’extrait du répertoire des médicaments génériques et de l’attestation de la secrétaire générale adjointe de la société Al ergan Inc., que la société Al ergan France exploite en France, avec l’accord du titulaire du brevet, l’AMM du Lumigan 0,1 mg/ml qui met en oeuvre le brevet EP 434, argué de contrefaçon.

Il résulte de ces éléments, qu’en application des articles L. 615-2 et L. 615-3 susvisés, interprétés à la lumière de la directive n°2004/48/CE du 29 avril 2004, la société Al ergan France qui exploite en France les droits de propriété intel ectuel e de la société Al ergan Inc. en Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

distribuant le médicament Lumigan 0,1 mg/ml qui met en oeuvre le brevet EP 434, est recevable à agir conjointement avec la société Al ergan Inc., titulaire dudit brevet. L’ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

Sur les demandes de mesures provisoires

Les sociétés Al ergan soutiennent que le produit Bimatoprost Mylan 0,1 mg/ml, commercialisé en France par la société Mylan depuis le 27 février 2020, constitue un médicament générique du Lumigan 01, mg/ml et reproduit dès lors les caractéristiques des revendications 1,5 et 12 du brevet EP 434.

El es ajoutent qu’au vu de la balance des intérêts en cause, les mesures provisoires qu’el es sol icitent sont proportionnées, en ce qu’el es subissent un préjudice économique très important et ce d’autant plus que le brevet EP 434 n’expirera qu’en 2026, et que les mesures provisoires sol icitées n’affecteront pas gravement les intérêts de la société Mylan qui est el e-même à l’origine de cette situation en n’ayant pas demandé la nul ité du brevet avant de lancer son produit contrefaisant.

Concernant les contestations relatives à l’activité inventive du brevet, les appelantes soutiennent que le document enseigne que le dosage à 0,03% d’AGN 192024 constitue la meil eure option pour les traitements à base de bimatropost. El e ajoute que l’homme du métier ne serait jamais parti du document Y pour parvenir au brevet, et en tout état de cause, qu’il lui aurait été impossible de parvenir à l’objet du brevet EP 434 en suivant l’enseignement de ce document sans faire preuve d’activité inventive.

El es prétendent que le juge des référés, comme le fait l’intimée, a suivi un raisonnement a posteriori pour retenir que l’homme du métier aurait cherché de manière évidente à augmenter la pénétration du bimatoprost au moyen du BAK en vue de réduire les effets secondaires du Lumigan 0,3 mg/mL. Or, selon el es, l’homme du métier ne trouvait dans l’art antérieur aucune incitation à faire usage du BAK pour abaisser l’hyperémie due au bimatoprost et le seul encouragement que l’homme du métier pouvait éventuel ement trouver dans l’art antérieur était d’utiliser le BAK pour augmenter la biodisponibilité topique de composés hydrophiles ou de grande tail e, ce que le bimatoprost n’est pas.

Les appelantes considèrent aussi que le juge des référés a procédé à une interprétation erronée des connaissances générales de l’homme du métier et soutiennent que ce dernier n’aurait pas de raison de croire que la quantité de 200 ppm de BAK, bien que considérée sûre dans des certaines formulations ayant un principe actif tel latanaprost, le soit aussi dans d’autres formulations, notamment cel es à base de bimatoprost, et ce d’autant plus que les col yres de Y étaient sans Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

conservateur. A cet égard, les appelantes font valoir que la société Mylan échoue à démontrer que les effets secondaires du BAK, notamment l’hyperémie, n’auraient pas dissuadé l’homme du métier d’utiliser une forte dose de ce composé dans une composition devant induire le moins d’effets secondaires possible. En outre, el es soutiennent que l’homme du métier aurait des raisons de douter que le BAK augmente la biodisponibilité topique du bimatropost in vivo, puisque les documents invoqués par Mylan évoquent un effet promoteur de pénétration du BAK sur la base des études réalisés in vitro, que cet effet promoteur n’a pas été observé sur toutes les molécules testées, l’action du BAK comme activateur de pénétration n’étant reconnue que pour des principes actifs hydrophiles et non pas pour des principes actifs lipophiles, et qu’il avait été observé dans la revue médicale du Lumigan 0',03% publiée par l’agence américaine du médicament que le BAK était sans incidence sur l’efficacité du bimatoprost dosé à 0,03%.

El es font enfin valoir qu’aucune prostaglandine sur le marché n’utilisait le BAK comme activateur de pénétration, que de nombreuses pistes ont été explorées qui n’ont pas fonctionné, et qu’ainsi la démarche suivie pour parvenir à l’invention démontre que cel e-ci n’avait rien d’évident, ainsi qu’en atteste notamment le témoignage de Mme L, directrice du développement clinique chez Al ergan, inscrite comme inventeur du brevet EP 434, relatant leurs échanges avec l’Agence européenne du médicament, laquel e tentait de les convaincre de la nocivité du BAK et de la nécessité de ne pas en augmenter la concentration.

El es soutiennent que l’antériorité la plus proche est constituée par le produit Lumigan 0,3 mg/mL qui était aussi le point de départ de leurs recherches car il contient les composants de la formulation de la revendication 1 (bimatoprost et le BAK) pour le traitement du glaucome (revendication 12). Partant de ce produit, le problème technique envisagé par l’homme du métier serait de maintenir l’efficacité dudit produit tout en réduisant son effet secondaire qui se manifeste en tant qu’hyperémie. Les appelantes estiment que la solution consistant à réduire la concentration du principe actif bimatoprost al ait à l’encontre de l’objectif recherché par l’homme du métier, qui serait en outre découragé d’augmenter la concentration du BAK en raison de son effet secondaire, à savoir l’hyperémie. El es concluent donc que l’effet thérapeutique consistant à maintenir l’efficacité du médicament tout en réduisant l’hyperémie a été obtenu par l’invention faisant l’objet du brevet EP 434 grâce à l’effet synergétique inattendu produit par la combinaison de la réduction de la concentration de bimatoprost et de l’augmentation de la concentration du BAK puisqu’il était imprévisible pour l’homme du métier que l’augmentation de la concentration du BAK permettrait d’obtenir la même efficacité thérapeutique avec une dose de bimatoprost réduite de plus d’un tiers et que l’incidence de l’hyperémie serait plus affectée par la réduction de la dose de bimatoprost que par Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

une augmentation de la concentration de BAK pouvant al er jusqu’à un quintuplement de cette dernière.

En réponse, la société Mylan fait valoir que la vraisemblance d’une atteinte portée au brevet, exigée par l’article L.615-3 du code de la propriété intel ectuel e fait défaut lorsqu’il existe des motifs sérieux quant à la validité du brevet invoqué et qu’en l’espèce, le brevet EP 434 qui lui est opposé est nul, principalement, pour défaut d’activité inventive et à titre subsidiaire, pour insuffisance de description. Selon l’intimée, la cour devrait d’abord analyser l’existence d’une contestation sérieuse lors qu’el e examine les demandes fondées sur l’article L.615-3 du code de la propriété intel ectuel e.

Concernant le défaut de caractère inventif, l’intimée soutient d’abord qu’un simple ajustement des concentrations respectives de bimatoprost et de BAK ne saurait constituer une activité inventive. Selon Mylan, à la date de priorité du brevet EP 434, le BAK était l’un des conservateurs les plus utilisés dans des col yres dont certains en contenaient déjà, à des doses al ant de 50 ppm à 200 ppm. El e soutient que l’effet du BAK sur la perméabilité de la cornée permettant d’augmenter la biodisponibilité des principes actifs était également connu par l’homme du métier pour un nombre important de principes actifs. El e ajoute que si des effets secondaires du BAK incluaient l’irritation oculaire, ces effets secondaires minimes n’empêchaient pas son utilisation dans des col yres aux concentrations revendiquées par le brevet.

L’intimée fait ensuite valoir que le document Y constitue l’état de la technique le plus proche, avec le produit Lumigan 0,03%, et enseigne notamment que le bimatoprost réduit la pression intraoculaire et que la réduction de la concentration de ce principe actif réduit les effets secondaires. Selon el e, à partir de ces documents, l’homme du métier serait parvenu, par de seuls ajustements, à l’invention revendiquée d’un produit combinant une dose faible de Bimatoprost à une dose relativement importante de BAK afin d’accélérer le passage du principe actif de la cornée, réduisant ainsi les effets secondaires puisque la simple modification d’une posologie est un travail de routine pour l’homme du métier.

La cour rappel e que, saisi de demandes présentées au visa de l’article L.615-3 du code de la propriété intel ectuel e, le juge des référés doit statuer sur les contestations élevées en défense, y compris lorsque cel es-ci portent sur la validité du titre lui-même. Il lui appartient alors d’apprécier le caractère sérieux ou non de la contestation, d’évaluer la proportion entre les mesures sol icitées et l’atteinte al éguée par le demandeur et de prendre, au vu des risques encourus de part et d’autre, la décision ou non d’interdire la commercialisation du produit prétendument contrefaisant.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

La cour rappel e en outre que l’article 3 §2 de la directive européenne 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intel ectuel e à la lumière de laquel e l’article L 615-3 susvisé doit être interprété énonce que 'les mesures, procédures et réparations doivent également être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d’obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif', et que le considérant 22 de l’exposé des motifs de ladite directive énonce qu’il y a lieu de veil er à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d’espèce, et que 'ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d’un droit de propriété intel ectuel e'.

Sur les contestations relatives au défaut d’activité inventive du brevet EP 434 Aux termes de l’article L. 611-14 du code de la propriété intel ectuel e, comme de l’article 56 de la convention sur le brevet européen (CBE), 'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, el e ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique (…)'.

Afin d’apprécier le caractère inventif, il faut déterminer si, eu égard à l’état de la technique, l’homme du métier, au vu du problème que l’invention prétend résoudre, aurait obtenu la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnel es et en effectuant de simples opérations.

Il n’est pas contesté, ainsi que l’a relevé le premier juge, que l’homme du métier est une équipe constituée d’un ophtalmologue spécialisé dans le traitement du glaucome, et d’un formulateur ayant une expérience dans l’élaboration de produits ophtalmiques.

La cour observe que l’invention litigieuse ne décrit pas le problème technique qu’el e prétend résoudre.

Il n’est cependant pas contesté que le problème technique est d’améliorer la formulation du Lumigan 0,3 mg/ml, pour maintenir son efficacité, tout en réduisant ses effets secondaires, à savoir le risque élevé d’hyperémie conjonctivale.

Il s’en déduit que c’est à juste titre que la société Al ergan considère que l’art antérieur le plus proche est le médicament Lumigan 0,3 mg/ml, lequel contient les composants de la formulation de la revendication 1 (bimatoprost et BAK) pour le traitement du glaucome (revendication 12), étant cependant observé que le document Y pris en compte par le juge des référés dans sa décision, qui est antérieur au Lumigan 0,3 mg/ml, fait partie de l’état de la technique pertinent en ce qu’il porte sur l’étude clinique ayant comparé les résultats en terme Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

d’efficacité et d’innocuité du lipide hypotonisant oculaire AGN 192024" correspondant au Bimatoprost, administré à différentes doses (0,003% ; 0,01% ; 0,03%) et du Timolol, ladite étude ayant conduit à la commercialisation du Lumigan 0,3 mg/ml.

La différence entre l’art antérieur le plus proche, le médicament Lumigan 0,3 mg/ml, et l’invention selon la revendication tient à la concentration de bimatoprost (valeur comprise entre 0,005% et 0,02% en poids) et à la concentration de BAK (valeur comprise entre 100 et 250 ppm).

Il n’est pas contesté que l’homme du métier connaissait le document Y qui porte sur les résultats d’une étude clinique comparant l’efficacité et l’innocuité du timolol et du bimatoprost à différentes doses (0,003% ; 0,01% ; 0,03%).

La société Al ergan prétend en premier lieu que le document Y enseigne qu’à une concentration de 0,01% en poids, l’efficacité du bimatoprost était significativement diminuée (baisse de seulement 5,4 à 6,0 mm Hg de la PIO avec la concentration à 0,01% contre 7,2 à 8,7 mm Hg avec la concentration à 0,03%), et ce sans effet notable sur la survenue de l’hyperémie (score d’hyperémie de 0,85-0,95 avec la concentration à 0,01% contre un score de 0,80- 0,98 avec la concentration à 0,03%), de sorte que l’homme du métier était découragé de réduire la concentration de bimatoprost.

Il résulte cependant de l’étude Y (p 997, 999 et 1000) qu’el e conclut à l’efficacité des différentes doses d’AGN 192024 testées, et à une meil eure efficacité hypotensive de la dose, même la plus faible de 0,01%, par rapport à cel e du timolol.

Ainsi il est indiqué, 'L’efficacité hypotonisante oculaire des concentrations de 0,01% et de 0,03% d’AGN 192024, instillé une fois par jour ou deux fois par jour, a été significativement plus grande que celle du timolol pris deux fois par jour.' (p 999) ;'Dans cette étude clinique randomisée à investigateur masqué, des instillations une fois et deux fois par jour d’AGN 192024 à 0,003 %, 0,01 % ou 0,03 % ont été sûres, bien tolérées et efficaces. (…)

D’une manière durable dose dépendante, les 3 concentrations d’AGN 192024, administrées une fois ou deux fois par jour, ainsi que le timolol administré deux fois par jour, ont produit des réductions moyennes significatives, par rapport à la PIO à la ligne de base à 8h00 (P ' 0,001)' (p 1000).

En outre, s’agissant de l’effet sur l’hyperémie consécutive à la concentration de bimatoprost, l’étude Y conclut à une 'minime augmentation associée à la dose, du degré d’hyperémie conjonctivale’, ainsi qu’à 'une légère augmentation des scores moyens d’hyperémie avec les deux concentrations les plus élevées d’AGN Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

102024" lorsque la posologie est augmentée d’une à deux fois par jour (p 998).

Il résulte des éléments qui précèdent que l’homme du métier, partant du Lumigan 0,3 mg/ml et cherchant à améliorer sa formulation en maintenant son efficacité tout en réduisant le risque élevé d’hyperémie conjonctivale, savait que le bimatoprost était la cause de l’hyperémie, que le bimatoprost dosé dans une fourchette entre 0,01% et 0,02% était efficace pour réduire la tension oculaire, et n’était dès lors pas dissuadé, en dépit des incertitudes qui caractérisent les expériences en matière de dosage d’un médicament, de réduire la concentration de bimatoprost aux fins de limiter les effets indésirables.

En outre, l’homme du métier savait grâce à ses connaissances personnel es à la date de priorité du brevet, que le BAK était présent dans la grande majorité des produits ophtalmiques traitant le glaucome présents sur le marché, en ce compris dans le lumigan 0,3 mg/ml, et que certains des col yres étaient conservés dans des doses supérieures à cel e du lumigan 0,3 mg/ml (50ppm de BAK), à savoir 150 ppm de BAK pour le Rescula et le Travatan, et 200 ppm de BAK pour le Xalatan,ce qui atteste de la bonne tolérance de ce produit de conservation, pour les patients.

La cour relève en deuxième lieu, comme l’a fait à juste titre le juge des référés, et contrairement aux al égations des sociétés Al ergan, que l’effet du BAK sur la perméabilité de la cornée était enseigné, dès les années 1990, par de nombreux ouvrages de références, tels notamment :

— le manuel Ophtalmique ' Pharmacologie, biopharmacie et galénique du médicament de l’oeil de Dolder et Skinner ' 4e édition, 1990 mentionnant 'Le chlorure de benzalkonium et autres composés d’ammonium quartenaire (quats) augmentent la perméabilité de la cornée pour les principes actifs à mauvaise pénétration [11-14]. Cette qualité des détergents cationiques est utilisée thérapeutiquement dans la formulation de collyre de carbachol [11, 12].'

'Effets secondaires et contre-indications : Des concentrations allant jusqu’à 0,02% peuvent être absorbées sans problèmes’ ;
- la 10e édition (2003) de l’ouvrage intitulé 'Adler’s phisiology of the eye (clinical application)' indiquant que 'L’inclusion de tensioactifs et de détergents, tels que le chlorure de benzalkonium (BAK) ou le Tween 20 dans des médicaments oculaires topiques, ou la préparation de médicaments contenant des liposomes peut aussi améliorer la pénétration d’un médicament à travers la barrière épithéliale extérieure, en plus de l’effet conservateur inhérent à ces agents. (…). L’action antibactérienne du BAK se fonde sur la propriété détergente du composé, qui agit par la rupture des parois des cellules bactériennes. (…) Les effets du BAK sur l’épithélieum cornéal ont été Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

largement étudiés. L’application d’un médicament contenant 0,01% de BAK sur la cornée cause une augmentation immédiate et mesurable de la perméabilité de la cornée à la fluorescéine.' (p96) ; - un article paru dans l’Indian Journal of Experimental Biology, en janvier 2001, intitulé 'Pénétration de la cornée’ mentionnant que 'Le chlorure de benzalkonium, un tensioactif cationique, est souvent ajouté à des préparations ophtalmiques aqueuses en tant que conservateur antibactérien à une concentration variant de 0,004 à 0,02 %. Le chlorure de benzalkonium s’est avéré augmenter la pénétration cornéenne d’un certain nombre de médicaments. Par exemple, une perméabilité cornéenne accrue, due au chlorure de benzalkonium, a été rapportée pour (…). Des observations au microscope électronique ont montré que les tensioactifs cationiques produisent une rupture dans la cohésion de l’épithélium par une augmentation de la largeur de l’espace intercellulaire. Ils produisent aussi une certaine rupture du cytoplasme cellulaire, vraisemblablement sous l’effet de leur action sur les membranes des plasmocytes. Les tensioactifs cationiques produisent une augmentation de la largeur de l’espace intercellulaire des couches superficielles de l’épithélium et provoquent aussi une rupture des cellules superficielles, ce qui indique qu’ils affectent non seulement les membranes cellulaires, mais aussi la voie intercellulaire avec en conséquence une perméabilité accrue'. (pages 11-24)

— un article de Z publié dans Acta Ophtalmologica Scandinavica en 2002 indique 'Les activateurs de pénétration classiques, tels que le chlorure de benzalkonium, perturbent la barrière ophtalmique, tandis que les cyclodextrines hydrophiles améliorent la pénétration du médicament dans l’oeil en transportant les molécules de médicament lipophiles insolubles dans l’eau à travers la couche de mucine aqueuse et en augmentant ainsi la disponibilité du médicament à la surface lipophile de l’oeil’ (page 147)

Ainsi, et comme l’a pertinemment retenu le juge des référés, la dangerosité du BAK, al éguée par les sociétés Al ergan notamment en terme d’irritation oculaire, voire en terme d’hyperémie, est liée à son effet, bien connu de l’homme du métier, résultant de la perturbation de l’épithélium cornéen, laquel e a pour effet de faciliter le passage de la cornée pour un nombre important de principes actifs en particulier ceux traitant le glaucome, tel qu’en atteste par exemple la notice du Xelatan (qui comprend 200 ppm de BAK comme conservateur) indiquant dès 2002 'Comme la possibilité d’effets néfastes sur la perméabilité de la cornée et le danger de perturbation de l’épithélium cornéen en cas d’utilisation prolongée de préparations ophthalmologiques à base de BAK ne peuvent être exclus, un examen opthalmologique régulier est nécessaire'.

Les sociétés Al ergan échouent à démontrer que l’homme du métier n’aurait pas été incité à augmenter la concentration du BAK dont le Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

mode d’action le rendait peu susceptible d’améliorer la biodisponibilité des produits lipophiles, et du bimatoprost en particulier. En effet, le document A, publié en 2002, rappel e que l’effet d’activateur de pénétration du BAK se produit à des concentrations entre 50 ppm et 500 ppm. Le document S publié en 1996, relatif à une étude in vitro, démontre l’efficacité du BAK comme agent de pénétration pour 3 sur 4 des produits testés, et le document F, publié en 2002, confirme la grande efficacité du BAK du fait d’une augmentation de la perméabilité de la cornée pour de nombreux composés, sans montrer une absence d’efficacité pour des produits plutôt lipophiles. Enfin la revue médicale du Lumigan 0,03 % publiée en février et mars 2004 par l’agence américaine du médicament présentant les essais cliniques mis en œuvre pour obtenir l’AMM de Lumigan 0,03%, qui concluent notamment à des résultats d’efficacité comparables entre les solutions de bimatoprost à 0,03% stabilisées et non stabilisées ne suffisait pas pour dissuader l’homme du métier de tester une augmentation de la concentration de BAK, la composition sans BAK étant caviardée de sorte que la composition complète effective des produits testés est pour partie inconnue de l’homme du métier qui aurait pensé que les résultats proviennent en partie de variables qu’il ne peut appréhender.

Ainsi l’homme du métier qui connaissait les effets du BAK en termes d’amélioration de la bio-disponibilité d’un nombre significatif de principes actifs, qui constatait que la concentration du bimatoprost dans le lumigan 0,3 mg/ml était élevée par comparaison à d’autres produits analogues des prostaglandines disponibles dans leurs formulations mises sur le marché, et notamment le Xalatan(0,005%) et le Travatan (0,004%), et que la concentration du BAK y était au contraire bien plus faible (50 ppm dans le Lumigan) que dans les autres formulations (Xalatan 200 ppm ; Travatan 150 ppm) dans lesquel es il était bien toléré par les patients, n’était pas dissuadé d’ajuster les doses respectives de Bimaprost et de BAK en réduisant la concentration de Bimatoprost dans une fourchette comprise entre 0,01 % et 0,02 % et en compensant cette réduction par une augmentation du BAK dans une fourchette comprise entre 100 et 250 ppm, par de simples essais de routine méritant d’être explorés aux fins de tenter de réduire l’hyperémie et de maintenir l’efficacité du composé sur la réduction de la pression intra-oculaire, comme ayant une espérance raisonnable de réussite. Il ne peut donc être considéré que les résultats obtenus sont le fruit d’évènements fortuits.

Il s’ensuit que la critique tirée du défaut d’activité inventive du brevet EP 434 apparaît comme un moyen sérieux de contestation de la vraisemblance de la contrefaçon reprochée à la société Mylan.

Dès lors que les droits dont la société Al ergan Inc. revendique la protection sont susceptibles d’être annulés, l’atteinte qu’el e al ègue n’est pas caractérisée de façon vraisemblable, en sorte que les conditions prescrites par l’article L. 615-3 du code de la propriété intel ectuel e pour qu’il soit fait droit aux mesures provisoires sol icitées Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

ne sont pas réunies et que l’existence du préjudice que les sociétés Al ergan invoquent est sérieusement contestable.

Le caractère sérieux de cette contestation rend en outre disproportionnée l’al ocation de mesures provisoires d’interdiction et de rappel des produits, qu’il n’y a donc pas lieu de prononcer.

Il résulte des développements qui précèdent qu’il convient de rejeter toutes les demandes formées en référé par les sociétés Al ergan, et en conséquence de confirmer l’ordonnance entreprise dans toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;

Condamne les sociétés Al ergan Inc et Al ergan France in solidum aux dépens d’appel et, vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne in solidum à payer à ce titre pour les frais irrépétibles d’appel une somme de 80 000 euros à la société Mylan.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 1re ch.