Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 1er avril 2021, n° 20/12215

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Chronologie de l’affaire

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Deloitte Société d'Avocats · 8 octobre 2021

Cet article a été publié sur le blog avec l'accord de l'éditeur. Retrouvez l'article en version originale sur www.liaisons-sociales.fr La Covid-19 a causé, par son ampleur et ses répercussions, une crise économique et sanitaire sans précédent dans l'histoire récente de l'humanité, dont nous commençons seulement à sortir progressivement aujourd'hui. En France, sous l'effet de cette crise, la croissance économique a fortement reculé et des pans entiers de notre économie ont été mis à l'arrêt ou en panne. Le recul de la croissance économique et la mise en panne de larges pans de notre …

 

www.iter-avocats.fr · 5 juin 2021

Législation et réglementation EPIDEMIE DE COVID-19 Activité partielle *Fixation du contingent annuel d'heures indemnisables au titre de l'allocation d'activité partielle à 1.607 heures (au lieu de 1000 heures) (Arrêté n°MTRD2114658A du 10 mai 2021). *Report de la baisse du taux de l'indemnité d'activité partielle au 1er juillet 2021 pour les entreprises de droit commun, au 1er septembre 2021 pour les entreprises relevant des secteurs les plus affectés par la crise sanitaire et au 1er novembre 2021 pour les entreprises qui continueraient à être soumises à des restrictions d'activité …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 2, 1er avr. 2021, n° 20/12215
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/12215
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 30 juillet 2020, N° 20/54530
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Me Christophe PACHALIS

Me Sandrine LOSI

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRET DU 01 AVRIL 2021

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/12215 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCI3H

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 31 Juillet 2020 -Président du TJ de PARIS – RG n° 20/54530

APPELANTE

F é d é r a t i o n F N I C – C G T ( F E D E R A T I O N N A T I O N A L E D E S I N D U S T R I E S CHIMIQUES-CGT)

[…]

[…]

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

INTIMEES

S.C.S. SIP

[…]

[…]

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

S.A. X- AVENTIS GROUPE

[…]

[…]

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

S.A. X CHIMIE

[…]

[…]

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

S.A. X Y

[…]

[…]

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

S.A.S.U. X Y EUROPE

[…]

[…]

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

S.A. X WINTHROP INDUSTRIE

[…]

[…]

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

S.A. X-AVENTIS FRANCE

[…]

[…]

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

S.A. X-AVENTIS RECHERCHE & DEVELOPPEMENT

[…]

[…]

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Février 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. François LEPLAT, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur LEPLAT François, président

Madame LUXARDO Mariella, conseiller

Madame PINOY Natacha, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Sihème MASKAR

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par François LEPLAT, Président et CAILLIAU Alicia, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le Groupe X, un des acteurs majeurs de l’industrie pharmaceutique européen et mondial, est constitué de la société Anonyme X Aventis France (pour des activités de mise sur le marché, de promotion et de commercialisation de médicaments et produits de santé humaine), de la société anonyme X Aventis Recherche & Développement (pour des activités de recherche et de développement), de la société anonyme X Chimie, de la société anonyme X Winthrop Industrie et de la société par actions simplifiée […] (pour des activités de fabrication de principes actifs, de préparations pharmaceutiques et de distribution de médicaments), de la société par actions simplifiée X Y Europe et de la société anonyme X Y (pour des activités de fabrication et de commercialisation de vaccins), de la société anonyme X Aventis Groupe, de la société anonyme Biopark by X et de la société en commandite simple SIP (pour des activités tertiaires et des fonctions supports).

Il compte plus de 100.000 salariés dans le monde dont près de 28.000 en France répartis dans les différentes entités juridiques susnommées.

La France traverse depuis le mois de mars 2020 une crise sanitaire du fait de la pandémie du coronavirus covid-19.

C’est dans ces conditions qu’a été adopté, dès le 16 mars 2020, un ensemble législatif et réglementaire, temporairement dérogatoire au droit commun, notamment l’arrêté du 14 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, portant diverses mesures relatives à la lutte contre le covid-19, le décret n°2020-260 du 16 mars 2020 du Premier ministre, portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19, la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, dont l’article 11 a autorisé le Gouvernement à prendre d’urgence toutes mesures utiles par ordonnances conformément aux dispositions de l’article 38 de la Constitution.

A l’instar de l’ensemble des acteurs économiques, le Groupe X a tenu compte de la situation de confinement généralisé de la population, ayant duré du 17 mars 2020 au 11 mai 2020, et de crise sanitaire aiguë pour recourir, autant que possible, au télétravail et adopter diverses autres mesures de sécurité et de santé au travail.

La plupart de ses salariés ont ainsi pu continuer d’exercer leurs activités en télétravail pendant cette période de crise sanitaire.

En ce qui concerne les salariés qui n’ont pu, en tout ou en partie, télétravailler en raison de la nature de leur activité principale (représentant environ 10% de l’ensemble des salariés), la Direction des ressources humaines du Groupe X a notamment adopté, en matière de congés, les deux notes de service suivantes :

* Note de service du 26 mars 2020 : « Mesures sur les congés »

« (…) 2. Pour les salariés qui sont actuellement à domicile sans que leur activité principale ne puisse être exercée en télétravail de manière prolongée, lesquels en seront informés, et dans le cadre des dispositions prévues par la loi d’urgence du 23 mars 2020 et l’ordonnance du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jour de repos, il a été décidé ce qui suit :

— La prise des jours JRTT ou JOTT sera imposée à hauteur de 10 jours. Ces jours devront impérativement être pris entre le 30 mars et le 17 avril 2020 au plus tard, et posés dans e-Rh au plus tard le 3 avril 2020.

— Pour les salariés qui ne disposent pas de JRTT/JOTT ou plus suffisamment sur l’exercice en cours, des jours qui auront été épargnés sur le CET seront positionnés automatiquement à concurrence de 10 jours sur la période indiquée ci dessus. / (…)"

* Note de service du 29 avril 2020 : « Note aux salariés actuellement à domicile pour garder un enfant de moins de 16 ans ainsi qu’aux salariés vulnérables ou qui partagent le même domicile qu’une personne vulnérable »

« Les salariés actuellement à domicile pour garder un enfant de moins de 16 ans ainsi que les salariés vulnérables ou qui partagent le même domicile qu’une personne vulnérable et dont l’activité ne permet pas le télétravail ont fait l’objet d’une déclaration d’arrêt de travail, à compter du 30 mars 2020.

Par décision gouvernementale, ce dispositif d’arrêt de travail dérogatoire ne sera pas maintenu au-delà du 1er mai 2020 et sera remplacé par un dispositif de chômage partiel que le Groupe X souhaite éviter.

Dès lors, la mesure suivante, qui a concerné l’ensemble des salariés qui sont actuellement à domicile sans que leur activité principale ne puisse être exercée en télétravail de manière prolongée, vous sera appliquée à compter du 4 mai 2020 :

— Des jours JRTT ou JOTT seront positionnés à hauteur de 10 jours, à partir du 4 mai 2020 à due concurrence des JRTT/JOTT disponibles.

— Pour les salariés qui ne disposent pas de JRTT/JOTT ou d’un nombre de jours inférieur à 10 sur l’exercice en cours, des jours qui auraient été épargnés sur le CET seront positionnés automatiquement à concurrence des 10 jours.

Plus généralement, nous encourageons fortement à prendre des jours de congés (acquis ou en cours

d’acquisition) au cours du mois de mai, dans la mesure où votre ou vos enfants ne pourraient être pleinement accueillis dans les établissements scolaires tandis que les conditions du déconfinement seront progressives et adaptées en fonction des situations. /(…)"

Contestant ces dispositions, la Fédération nationale des industries chimiques CGT a, par actes d’huissier de justice signifiés les 13, 14, 15 et 18 mai 2020, fait assigner, suivant la procédure de référé d’heure à heure, les sociétés X Aventis Groupe, X Aventis France, X Winthrop Industrie, X Chimie, […], X Aventis Recherche & Développement, X Y, SIP, Biopark by X et X Y Europe devant le Président du tribunal judiciaire de Paris, lui demandant essentiellement :

— à titre principal, de faire interdiction aux sociétés du Groupe X de poursuivre la mise en 'uvre des notes de service susmentionnées des 26 mars et 29 avril 2020, sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée et par salarié concerné ;

— en tant que de besoin, d’enjoindre ces sociétés de rétablir dans leurs droits les salariés concernés par ces notes de service et notamment de les recréditer des jours de RTT/OTT ainsi prélevés sur leur compte épargne temps, dans un délai de sept jours à compter de la décision à intervenir et suivant le même régime d’astreinte à l’expiration de ce délai.

Par ordonnance de référé entreprise du 31 juillet 2020 le président du tribunal judiciaire de Paris a :

Au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent,

Déclaré recevable la demande formée par la Fédération nationale des industries chimiques CGT à l’encontre de la SA X Aventis Groupe, de la SA X Aventis France, de la SA X Winthrop Industrie, de la SA X Chimie, de la SAS […], de la SA X-Aventis Recherche & Développement, de la SA X Y, de la SA Biopark by X, de la SCS SIP et de la SAS X Y Europe aux fins d’interdiction sous astreinte de poursuivre la mise en 'uvre des notes de service susmentionnées des 26 mars et 29 avril 2020,

Débouté la FNIC-CGT de sa demande principale formée à l’encontre des sociétés X Aventis Groupe, X Aventis France, X Winthrop Industrie, X Chimie, […], X-Aventis Recherche & Développement, X Y, Biopark by X, SIP et X Y Europe aux fins d’interdiction sous astreinte de poursuivre la mise en 'uvre des notes de service susmentionnées des 26 mars et 29 avril 2020,

Déclaré irrecevable la demande formée par la FNIC CGT à l’encontre des sociétés X Aventis Groupe, X Aventis France, X Winthrop Industrie, X Chimie, […], X-Aventis Recherche & Développement, X Y, Biopark by X, SIP et X Y Europe aux fins de rétablissement sous astreinte des droits des salariés concernés par les notes précitées des 26 mars et 29 avril 2020 concernant leurs jours de RTT/OTT,

Condamné la FNIC- CGT à payer au profit des sociétés X Aventis Groupe, X Aventis France, X Winthrop Industrie, X Chimie, […], X-Aventis Recherche & Développement, X Y, Biopark By X, SIP et X Y Europe

une indemnité de 250 euros chacune, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Rappelé en tant que de besoin que la décision bénéficiait de l’exécution provisoire de droit, conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile,

Condamné la FNIC-CGT aux entiers dépens de l’instance.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l’appel interjeté le 18 août 2020 par la FNIC-CGT ;

Vu les dernières écritures signifiées le 15 décembre 2020 par lesquelles la FNIC-CGT demande à la cour de :

Vu l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile,

Confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a jugé la FNIC-CGT recevable à contester la licéité des notes de service des « 26 et 29 avril 2020 » ;

Infirmer pour le surplus l’ordonnance rendue le 31 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Paris ;

Et statuant à nouveau :

Dire et juger que les mesures prises par les sociétés du Groupe X par notes de service en date des 26 mars et 29 avril 2020 constituent un trouble manifestement illicite ;

Enjoindre en conséquence les sociétés X Winthrop Industrie, X Aventis France, X Aventis Groupe, X Chimie, […], X-Aventis Recherche & Développement, X Y, SIP et X Y Europe de rétablir dans leurs droits les salariés impactés par les notes de service litigieuses et notamment de recréditer dans les 7 jours du prononcé de la décision à intervenir les jours de RTT/OTT illégalement imposés et droits illégalement prélevés sur le compte épargne-temps desdits salariés ;

Assortir cette injonction d’une astreinte de 5.000 euros par jour de retard et par salarié concerné ;

En tout état de cause :

Débouter les sociétés intimées de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Condamner in solidum les sociétés intimées à verser à la Fédération nationale des industries chimiques CGT la somme de 9.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner les sociétés intimées aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la Selarl Recamier Avocats Associés en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières écritures signifiées le 30 décembre 2020 au terme desquelles les sociétés X Aventis Groupe, X Aventis France, X Winthrop Industrie, X Chimie, […], X Aventis Recherche & Développement, X Y, SIP et X Y Europe demandent à la cour de :

Vu l’article 835 du code de procédure civile,

Vu l’article L.2132-3 du code du travail,

Recevoir les sociétés intimées en leurs écritures et les disant bien fondées ;

Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du tribunal judiciaire de Paris du 31 juillet 2020 ;

Y ajoutant :

Condamner la FNIC CGT à verser à chacune des sociétés intimées la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure d’appel ;

Condamner la FNIC CGT aux entiers dépens d’instance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu’elles ont déposées et à l’ordonnance déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le trouble manifestement illicite résultant des notes de service du 26 mars 2020 et du 29 avril 2020 :

La cour relève que, outre le fait que la société anonyme Biopark By X n’a pas été appelée en cause d’appel, la FNIC-CGT, tout en concluant à l’infirmation de l’ordonnance de référé entreprise, n’a pas maintenu devant la cour sa demande de « faire interdiction aux sociétés du Groupe X de poursuivre la mise en 'uvre des notes de service susmentionnées des 26 mars et 29 avril 2020, sous astreinte », et forme uniquement celle de reconnaissance de l’existence d’un trouble manifestement illicite du fait de leur intervention.

La recevabilité de cette demande n’est pas contestée devant la cour.

La FNIC-CGT considère toujours que les notes de service litigieuses ont été prises en violation, d’une part, des dispositions des articles 2 et 4 de l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos, prises sur le fondement de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, dont l’article 11 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances et, d’autre part, celles de l’article 20 de la loi n°2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

Sur le premier point, le président du tribunal judiciaire de Paris a rappelé que, lors de sa saisine, l’article 2 de l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 dispose que : "Lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, et par dérogation à l’accord ou à la convention collective instituant un dispositif de réduction du temps de travail maintenu en vigueur en application de la loi du 20 août 2008 susvisée ou un dispositif de jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre des dispositions prévues aux articles L.3121-41 à L.3121-47 du code du travail, l’employeur peut, sous réserve de respecter un délai de prévenance d’au moins un jour franc :

1° Imposer la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos au choix du salarié acquis par ce dernier ;

2° Modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos.

La période de prise des jours de repos imposée ou modifiée en application du présent article ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020." ;

Que son article 4 dispose que : "Lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, et par dérogation au titre V du livre Ier de la troisième partie du code du travail, notamment ses articles L.3151-3 et L.3152-2, et aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, l’établissement ou la branche, l’employeur peut imposer que les droits affectés sur le compte épargne-temps du salarié soient utilisés par la prise de

jours de repos, dont il détermine les dates en respectant un délai de prévenance d’au moins un jour franc.

La période de prise de jours de repos imposée en application du présent article ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020."

La FNIC-CGT fait valoir que l’imposition ainsi faite aux salariés de la prise de 10 jours de repos par les notes de service incriminées est cependant limitée aux entreprises subissant des « difficultés économiques liées à la propagation du covid-19 » et que le juge des référés ne pouvait, sans se livrer à un contrôle de légalité de l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020, réservé au juge administratif, considérer que celle-ci ne pouvait ajouter une condition à l’article 11 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, habilitant le Gouvernement, an application de l’article 38 de la Constitution, à légiférer par ordonnances ;

Que le Groupe X a, lors de son assemblée générale annuelle du 28 avril 2020, décidé pour la 26e année consécutive de distribuer 3,95 milliards de dollars de bénéfices à ses actionnaires.

Se référant pour leur part au contenu de l’article 11 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, à son exposé des motifs, à son étude d’impact, au contenu des débats préalables à son adoption et au rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020, les sociétés du Groupe X intimées, plaident qu’elles pouvaient prendre des mesures afin de répondre aux difficultés que l’entreprise rencontre en cas de circonstances exceptionnelles ; qu’elles ont dû adapter leur organisation, face à une augmentation inattendue de l’absentéisme tenant au fait qu’une partie de leurs collaborateurs se trouvaient à leur domicile sans pouvoir exercer leur activité en télétravail, mais aussi par la nécessité d’aménager les espaces de travail et d’adapter le taux d’occupation des locaux en raison des conditions sanitaires.

Ceci étant, la cour relève que c’est justement que la FNIC-CGT rappelle au juge des référés qu’il n’entre pas dans ses pouvoirs mais dans ceux du juge administratif d’apprécier la légalité d’une ordonnance, qui est d’essence réglementaire jusqu’à sa validation législative ;

Qu’au cas d’espèce, comme l’a exactement apprécié le premier juge, s’agissant de dispositions exceptionnelles, dérogatoires au droit du travail, c’est à l’entreprise d’apporter la contradiction de l’existence d’un trouble manifestement illicite à la partie qui la soulève ;

Que l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 prévoit expressément et clairement que la prise des mesures dérogatoires ne peut intervenir que lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19 ;

Qu’il appartient aux sociétés du Groupe X de rapporter la preuve des difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, ce qu’elles ne font pas, les mesures d’adaptation dont elles excipent ne les caractérisant pas.

En conséquence, réformant l’ordonnance de référé entreprise sur ce point, la cour reconnaîtra l’existence d’un trouble manifestement illicite du fait des mesures contestées, prises par les sociétés du Groupe X par note de service du 26 mars 2020 sans justifier des difficultés économiques liées à la propagation du covid-19.

Sur le deuxième point le président du tribunal judiciaire de Paris a rappelé que l’article 20 de la loi n°2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 dispose que :

« I. – Sont placés en position d’activité partielle les salariés de droit privé se trouvant dans l’impossibilité de continuer à travailler pour l’un des motifs suivants :

— le salarié est une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2, selon des critères définis par voie réglementaire ;

— le salarié partage le même domicile qu’une personne vulnérable au sens du deuxième alinéa du présent I ;

— le salarié est parent d’un enfant de moins de seize ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile.

II. – Les salariés mentionnés au I du présent article perçoivent à ce titre l’indemnité d’activité partielle mentionnée au II de l’article L.5122-1 du code du travail, sans que les conditions prévues au I du même article L.5122-1 soient requises. Cette indemnité d’activité partielle n’est pas cumulable avec l’indemnité journalière prévue aux articles L.321-1 et L.622-1 du code de la sécurité sociale ainsi qu’aux articles L.732-4 et L.742-3 du code rural et de la pêche maritime ou avec l’indemnité complémentaire prévue à l’article L.1226-1 du code du travail.

L’employeur des salariés mentionnés au I du présent article bénéficie de l’allocation d’activité partielle prévue au II de l’article L.5122-1 du code du travail.

III. – Le présent article s’applique à compter du 1er mai 2020, quelle que soit la date du début de l’arrêt de travail mentionné au premier alinéa du I du présent article.

Pour les salariés mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du même I, celui-ci s’applique jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2020.

Pour les salariés mentionnés au dernier alinéa dudit I, celui-ci s’applique pour toute la durée de la mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile concernant leur enfant.

Les modalités d’application du présent article sont définies par voie réglementaire."

La FNIC-CGT, poursuivant l’infirmation de l’ordonnance de référé entreprise, lui reproche d’avoir écarté le grief qu’elle formulait à l’encontre de la note de service précitée du 29 avril 2020, au motif qu’elle introduisait des conditions plus favorables à l’égard des salariés, alors qu’elle-même critiquait le recours par l’employeur au dispositif mis en place par les articles 2 et 4 de l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos et que les dispositions du I. de l’article 20 de la loi n°2020-473 du 25 avril 2020 sont impératives dans les situations qu’il énumère.

Les sociétés du Groupe X lui rétorquent, se référant de nouveau à l’article 11 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, que sa position a pour effet de vider de tout effet utile le dispositif permettant à tout employeur d’agir par voie unilatérale.

Mais, quand bien même les sociétés intimées affirment avoir indemnisé leurs salariés à 100% de leur rémunération, elles n’avaient pas, comme le souligne justement la FNIC-CGT, la libre disposition de l’usage des articles 2 et 4 de l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020, pour traiter de situations limitativement énumérées par le I. de l’article 20 de la loi n°2020-473 du 25 avril 2020, dispositions qui sont impératives, le texte édictant clairement que les salariés « sont placés en position d’activité partielle ».

La cour relève d’ailleurs que les sociétés du Groupe X ont délibérément voulu s’affranchir de cet impératif dans la note de service du 29 avril 2020 qui indique que : « Par décision gouvernementale, ce dispositif d’arrêt de travail dérogatoire ne sera pas maintenu au-delà du 1er mai 2020 et sera remplacé par un dispositif de chômage partiel que le Groupe X souhaite éviter. »

En conséquence, réformant l’ordonnance de référé entreprise sur cet autre point, la cour reconnaîtra l’existence d’un trouble manifestement illicite du fait des mesures prises par les sociétés du groupe X par note service du 29 avril 2020, trouble lié à l’absence de libre disposition d’un droit malgré tout exercé.

Sur la recevabilité de la demande d’injonction formulée par la FNIC-CGT :

En conséquence de la reconnaissance du trouble manifestement illicite lié aux mesures prises par les sociétés du Groupe X par notes du 26 mars 2020 et du 29 avril 2020, la FNIC-CGT, comme devant le premier juge, demande à la cour de les enjoindre de rétablir dans leurs droits les salariés impactés par ces notes de service et notamment de recréditer, dans les 7 jours du prononcé de la décision à intervenir, les jours de RTT/OTT illégalement imposés et droits illégalement prélevés sur le compte épargne-temps des dits salariés.

Mais le président du tribunal judiciaire de Paris a exactement jugé cette demande irrecevable de la part de la FNIC-CGT puisqu’il s’agit de mesures individuelles qui ne relèvent pas de la défense de l’intérêt collectif de la profession mais, le cas échéant, de la seule compétence d’attribution de la juridiction prud’homale, ce que la cour confirme.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable d’allouer à la FNIC-CGT une indemnité de procédure de 6.000 euros à laquelle les sociétés du Groupe X intimées seront condamnées in solidum.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme, en ses dispositions frappées d’appel, l’ordonnance de référé entreprise sauf en ce qu’elle a déclaré irrecevable la demande de la Fédération nationale des industries chimiques CGT d’enjoindre les sociétés X Winthrop Industrie, X Aventis France, X Aventis Groupe, X Chimie, […], X-Aventis Recherche & Développement, X Y, SIP et X Y Europe de rétablir dans leurs droits les salariés impactés par les notes de service litigieuses et notamment de recréditer dans les 7 jours du prononcé de la décision à intervenir les jours de RTT/OTT illégalement imposés et droits illégalement prélevés sur le compte épargne-temps desdits salariés,

Et statuant à nouveau,

Dit que les mesures prises par les sociétés X Winthrop Industrie, X Aventis France, X Aventis Groupe, X Chimie, […], X-Aventis Recherche & Développement, X Y, SIP et X Y Europe dans les notes de service du 26 mars 2020 et du 29 avril 2020 constituent un trouble manifestement illicite,

Rejette toutes demandes contraires ou plus amples,

Et y ajoutant,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne in solidum les sociétés X Winthrop Industrie, X Aventis France, X Aventis Groupe, X Chimie, […], X-Aventis Recherche & Développement, X Y, SIP et X Y Europe à payer à la Fédération nationale des industries chimiques CGT la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de

procédure civile,

Condamne les sociétés X Winthrop Industrie, X Aventis France, X Aventis Groupe, X Chimie, […], X-Aventis Recherche & Développement, X Y, SIP et X Y Europe aux dépens de première instance d’appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 1er avril 2021, n° 20/12215