Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 25 mars 2022, n° 20/06462

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 12, 25 mars 2022, n° 20/06462
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/06462
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 30 août 2020, N° 18/04993
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 25 Mars 2022

(n° , 14 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/06462 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCOGJ


Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Août 2020 par le Pôle social du TJ de PARIS RG n° 18/04993

APPELANTE

CRAMIF (CAISSE REGIONALE D’ASSURANCE MALADIE D’ILE DE FRANCE)

[…]

[…]

représentée par M. X Y en vertu d’un pouvoir spécial

INTIMEE

S.A.S. TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES

[…]

[…]

représentée par Me Juliana KOVAC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461 substitué par Me Elie GERSTNER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

Monsieur Z A

[…]

[…]

non comparant, non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Février 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président, chargé du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Raoul CARBONARO, Président

Monsieur Lionel LAFON, Conseiller

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Madame Joanna FABBY, lors des débats

ARRET :


- RENDU PAR DEFAUT


- prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président, et par Madame Joanna FABBY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


La cour statue sur l’appel interjeté par la Caisse Régionale d’Assurance-Maladie d’Île-de-France d’un jugement rendu le 31 août 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris dans un litige l’opposant à la S.A.S. Transports Rapides Automobiles.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :


Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Monsieur Z A est salarié de la S.A.S. Transports Rapides Automobiles et occupe un poste de contrôleur d’exploitation ; que dans le courant de l’année 2017, il a saisi la caisse nationale d’assurance vieillesse d’une réclamation portant sur son exposition aux facteurs de risques professionnels « travail en équipes successives alternantes » au titre de l’année 2016 ; que le 6 décembre 2017, la caisse a informé la société de cette demande ; qu’à la suite d’une enquête et après avis de la commission de réclamation compte pénibilité, la caisse régionale d’assurance-maladie d’Île-de-France a rendu des décisions datées du 20 juin 2018 et du 5 juillet 2018 par lesquelles elle a décidé que le salarié avait été effectivement exposé aux facteurs de risque précité durant l’année 2016 ; que la décision a été notifiée au salarié et à son employeur, lequel a été mis en demeure de payer la somme de 42,06 euros au titre d’un supplément de cotisations sociales ; que la S.A.S. Transports Rapides Automobiles a saisi le 7 septembre 2018 le secrétariat du tribunal des affaires de sécurité sociale d’une contestation des décisions précitées ; que par assignation du 10 septembre 2019, la caisse régionale d’assurance-maladie d’Île-de-France a assigné en intervention le salarié Monsieur Z A afin qu’il ait connaissance de l’instance en cours et puisse faire valoir son point de vue et ses intérêts.


Par jugement en date du 31 août 2020, le tribunal a :

• dit que c’est à tort que la caisse nationale d’assurance vieillesse et la caisse régionale d’assurance-maladie d’Île-de-France ont considéré que Monsieur Z A était exposé aux facteurs de risque pénibilité « travail en équipes successives alternantes » au titre de l’année 2016 ;

• annulé les décisions datées du 20 juin 2018 et du 5 juillet 2018 notifiées à la S.A.S. Transports Rapides Automobiles ;

• débouté la caisse régionale d’assurance-maladie d’Île-de-France de l’intégralité de ses prétentions ;
• dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

• dit que le jugement était opposable à Monsieur Z A en ce qui concerne ses droits sociaux et ses droits à la retraite ;

• condamné la caisse régionale d’assurance-maladie d’Île-de-France à supporter les éventuels dépens de l’instance ; ordonné l’exécution provisoire de la décision.•


Pour statuer ainsi, le tribunal a d’abord considéré que les demandes formées étaient de nature indéterminée dès lors qu’il s’agissait de trancher l’exposition d’un salarié aux facteurs de risques professionnels « travail en équipes successives alternantes » au titre de l’année 2016 et d’annuler une décision faisant grief. Le tribunal a considéré ensuite que le calcul des sommes réclamées résultait des dispositions légales et réglementaires applicables et était strictement fonction des données fiscales, sociales et comptables communiquées par la société à l’administration fiscale et l’URSSAF. Il a ajouté qu’aucun texte du code du travail n’impose l’obligation d’information de la société. S’agissant de l’absence de décret applicable fixant le taux de la cotisation additionnelle due au titre de la pénibilité, le tribunal a constaté que le décret numéro 2016-953 du 11 juillet 2016 a été publié pour combler un vide juridique entraîné par un décret précédent, n°2014 -1157 du 9 octobre 2014 qui a été annulé par le Conseil d’État. L’article 2 de ce décret énonce explicitement que ses dispositions s’appliquent aux cotisations dues à partir de l’année 2015. Ce décret n’a pas été attaqué au contentieux, ni annulé, ni retiré ou abrogé. La Cour de cassation admet que les textes légaux ou réglementaires puissent être rétroactifs, l’article 2 du Code civil n’étant que supplétif et le principe de non rétroactivité n’étant pas un principe général du droit à valeur supra législative. Sur le délai moyen tiré de l’absence de travail en équipes successives alternantes, le tribunal a constaté que l’agent ne travaillait pas sur de tels rythmes puisqu’il n’était pas en équipe et n’était pas relayé par un autre salarié.


Ce jugement a été régulièrement notifié par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 4 septembre 2020 par la Caisse Régionale d’Assurance-Maladie d’Île-de-France qui en a interjeté appel par lettre recommandée adressée le 29 septembre 2020.


Par lettre recommandée adressée le 23 décembre 2020, la caisse a interjeté appel du jugement à l’égard de Monsieur Z A.


Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son représentant, la caisse régionale d’assurance-maladie d’Île-de-France demande à la cour de :

dire que sa décision du 14 août 2018 est régulière ;•

• subsidiairement, dire que les causes de nullité évoquées n’affectent pas la régularité de la décision de reconnaître une exposition de Monsieur Z A au facteur de risque « travail en équipes successives alternantes » ;

• constater que Monsieur Z A était exposé au facteur de risque « travail en équipes successives alternantes » dans le cadre de sa fonction de contrôleur d’exploitation exercée pour le compte de la S.A.S. Transports Rapides Automobiles en 2016 ;

• confirmer la décision de du 5 juillet 2018 imposant à la S.A.S. Transports Rapides Automobiles un montant supplémentaire de cotisations de 43,22 euros ;

• condamner la S.A.S. Transports Rapides Automobiles à lui rembourser les dépens de première instance et notamment les frais d’assignation que l’organisme a exposés pour la mise en cause de Monsieur Z A ;

• condamner la S.A.S. Transports Rapides Automobiles à lui rembourser les dépens de la procédure d’appel.


Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, la S.A.S. Transports Rapides Automobiles demande à la cour de :
à titre principal :

• confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 31 août 2020 en ce qu’il a dit que Monsieur Z A n’est pas exposé au facteur de risque pénibilité « Travail en équipes successives alternantes » et a annulé la décision datée du 07 août 2018 qui lui a été notifiée ;

en conséquence,

• débouter la Caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France de l’intégralité de ses prétentions de première instance et d’appel ;

à titre subsidiaire :

• infirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 31 août 2020 en ce qu’il a rejeté le moyen selon lequel la décision de la Caisse régionale d’assurance maladie d’Ile de France du 7 août 2018 est irrégulière pour défaut de précision du mode de calcul de la cotisation additionnelle due au titre de la pénibilité et celui selon lequel aucun décret fixant le taux de la cotisation additionnelle due au titre de la pénibilité ne serait applicable ;

en conséquence,

• annuler la décision de la Caisse régionale d’assurance maladie d’Ile de France du 7 août 2018 ;

en tout état de cause,

• condamner la Caisse régionale d’assurance maladie d’Ile de France à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

• condamner la Caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France à supporter les éventuels dépens de l’instance ;

• dire que l’arrêt d’appel est opposable à M. C D, notamment en ce qui concerne ses droits sociaux et ses droits à la retraite.

Monsieur Z A, régulièrement convoqué par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise à sa personne, n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter à l’audience de plaidoirie.

SUR CE,

- sur la régularité de la décision de la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île de France :

- Moyens des parties


La S.A.S. Transports Rapides Automobiles expose que la caisse devait motiver le mode de calcul de la cotisation ; que dès lors que la décision ne mentionne aucun fondement juridique ni aucune formule de calcul et encore moins l’assiette de ce dernier, les garanties minimales de taux cotisant n’ont pas été respectées, de telle sorte que l’obligation de motivation dont les caisses sont tenues dès lors qu’elles exigent des cotisations ne sont pas remplies ; qu’elle invoque les dispositions de l’article L211-5 du code des relations entre le public et l’administration.


En défense, la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île de France que les exigences portées relativement aux actes préalables à l’émission d’une contrainte ne sont aucunement applicables aux décisions par lesquelles les organismes gestionnaire fixent la cotisation en relation avec une exposition au sens du compte professionnel de prévention ; que les exigences de motivation applicables aux actes de recouvrement et de redressement ne se comprennent qu’en lien avec le fait que le cotisant peut déjà avoir acquitté cette somme au moment de la mise en demeure de la contrainte, et qu’il doit pouvoir savoir à quel titre des sommes lui sont réclamées, notamment en cas de redressement ; que la Cour de cassation, dans un arrêt publié du 20 juin 2013, a rappelé qu’il ne saurait être demandé à un organisme de justifier son calcul de la cotisation dans le cadre d’une mise en demeure, puisque celui-ci résulte directement de l’application de la loi que le cotisant est censé connaître ; qu’il n’a jamais existé de principe général de motivation des décisions des organismes de sécurité sociale et que l’article L 211-5 du code des relations entre le public et l’administration n’est pas applicable aux organismes de sécurité sociale ; que l''obligation de motivation est issue de l’article 6 de la loi numéro 79- 587 dans sa version issue de la loi numéro 86-76 du 17 janvier 1986 ; qu’elle ne concerne que certaines décisions individuelles refusant des avantages dont l’attribution constitue des droits pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour les obtenir et aux décisions par lesquelles les organismes et institutions refusent l’attribution d’aides ou de subventions dans le cadre de leur action sanitaire et sociale.


- Réponse de la cour


Les dispositions de l’article L211-2 du code des relations entre le public et l’administration ne portent pas sur l’obligation de motivation du mode de calcul des cotisations mises en recouvrement par un organisme de sécurité sociale, l’énonciation limitative de cet article ne concernant pas ce point.


Les dispositions des articles L211-7 et L211-8 relatives aux règles spécifiques applicables notamment aux organismes de sécurité sociale ne prévoient de motivation que dans les cas suivants :

• refus d’un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ;

• refus d’attribution d’aides ou de subventions dans le cadre de l’action sanitaire et sociale propre à chaque organisme ; reversement des prestations sociales indûment perçues.•


Dès lors, la S.A.S. Transports Rapides Automobiles ne saurait faire grief à la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île de France de ne pas avoir détaillé le mode de calcul des cotisations appelées.


S’agissant de la décision du 14 août 2018, elle ne peut s’apparenter à une mise en demeure dès lors qu’elle indique que Monsieur Z A est exposé au travail en équipes successives alternantes et que le seuil d’exposition associé à ce facteur de risque professionnel prévu à l’ancien article D4161-2 du code du travail est atteint. La caisse précise le montant supplémentaire de la cotisation à acquitter, sans comporter d’invitation impérative à son règlement.


Dès lors, aucune disposition n’imposait à la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île de France de motiver le calcul des cotisations supplémentaires appelées.


Ce moyen sera donc écarté.

- sur la règle d’interdiction de la rétroactivité des actes réglementaires :


- Moyens des parties


La S.A.S. Transports Rapides Automobiles indique que le décret qui fixait le taux de cotisation pour les années en cause a été annulé par le Conseil d’État dans un arrêt du 4 mars 2016 ce qui interdit de calcul à nouveau des cotisations ; qu’une instruction ministérielle du 30 mai 2016 indique clairement qu’aucune cotisation ne peut être due pour les années 2015 et 2016 ; que la caisse ne pouvait donc se prévaloir du décret n°2016-953 du 11 juillet 2016 pour combler le vide juridique laissé par l’annulation du décret du 9 octobre 2014 ; que la situation de l’espèce ne correspond à aucun des cas de figure permettant la rétroactivité du décret.


Au soutien de son argumentation, la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île de France expose que le décret n°2016-953 du 11 juillet 2016 entre dans le cas des exceptions admises par la jurisprudence, le Conseil d’État ayant admis la rétroactivité des actes réglementaires quand l’effet rétroactif est rendu nécessaire par le vide créé par une décision d’annulation par le juge de l’excès de pouvoir ; que la rétroactivité est parfaitement justifiée s’agissant du décret n°2016-953 qui visait à remplacer le décret n°2014-1157 du 9 octobre 2014 quand bien même le nouveau décret affecterait le montant des cotisations dues par certains employeurs ; qu’en effet, la décision d’annulation du décret par le Conseil d’État imposait manifestement à l’autorité réglementaire de prendre un nouvel arrêté à effet rétroactif destiné à assurer un financement du compte professionnel de prévention à hauteur des prévisions de la loi ; qu’elle demande à la cour de considérer au vu de la décision du tribunal des conflits du 17 octobre 2021 qu’il n’existe aucune contestation sérieuse de la contestation de la légalité du décret du 11 juillet 2016 qui puisse être tirée de son application rétroactive aux années 2015 et 2016.


- Réponse de la cour


Si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d’un acte administratif, les tribunaux de l’ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu’à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu’il apparaît manifestement, au vu d’une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal (Tribunal des Conflits – 17 octobre 2021 n° 3828 3829).


En l’espèce, l’article 2 du décret n° 2016-953 du 11 juillet 2016 fixant les taux de la cotisation additionnelle due au titre du financement du compte personnel de prévention de la pénibilité expose que : « Les dispositions du présent décret s’appliquent aux cotisations dues à partir de l’année 2015 ».


L’article 31 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi dispose en son paragraphe II qu’ « aucune cotisation mentionnée au I de l’article L. 4162-20 du code du travail n’est due en 2015 et 2016 ».


L’article L 4162-19 2° du code du travail, par renvoi de L4162-20 énonce en son paragraphe II la création d’une cotisation additionnelle due par les employeurs ayant exposé au moins un de leurs salariés à la pénibilité, au sens du deuxième alinéa de l’article L. 4162-2, dans les conditions définies au II de l’article L. 4162-20.


Dès lors que la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île de France demande à la S.A.S. Transports Rapides Automobiles de payer cette cotisation additionnelle, la société ne peut s’abriter derrière le texte législatif précité dont la disposition relative à l’absence de cotisation principale pour 2015 et 2016 ne s’applique pas au cas d’espèce.


Ce texte énonce donc le principe selon lequel la cotisation additionnelle est due pour ces deux années.


Or, l’arrêt du Conseil d’Etat rendu sous la référence n° 386354 annule les dispositions du décret n° 2014-1157 du 9 octobre 2014 relatif au fonds de financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité relative au taux de cotisation uniquement du fait que le seuil fixé était inférieur à celui des dispositions législatives alors applicables et modifiées par la loi n°2015-994 du 17 août 2015.
Il en résulte que la loi prévoyait une cotisation additionnelle due pour les années 2015 et 2016 sans qu’un décret d’application ne la mette en oeuvre, du fait de l’annulation du décret pris en application de l’article L.4162-20 du code du travail, créant au sens du Conseil d’Etat un vide créé par une décision d’annulation prononcée par le juge de l’excès de pouvoir.


Dès lors, les conditions étaient réunies pour qu’un acte réglementaire puisse disposer rétroactivement, ce qui est le cas de l’espèce du décret n°2016-953 du 11 juillet 2016 (Conseil d’État, 26 décembre 1925, Rodière – Grands arrêts du Conseil d’Etat).


En conséquence la S.A.S. Transports Rapides Automobiles ne peut utilement soutenir que le décret en cause serait entaché d’une illégalité manifeste.


La décision attaquée par la S.A.S. Transports Rapides Automobiles ne saurait être annulée de simple chef.

- Sur l’annulation de la décision reconnaissant l’exposition du salarié pour les irrégularités qui concerneraient la décision fixant la cotisation


La Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île de France expose qu’il existe en l’espèce deux décisions distinctes quand bien même elles auraient été notifiées par un même courrier à la S.A.S. Transports Rapides Automobiles, la décision imposant la cotisation est celle établissant exposition au risque du salarié ; qu’en l’espèce, cette dernière décision n’est pas critiquée.


La cour relève que la S.A.S. Transports Rapides Automobiles critique bien dans ses écritures et depuis l’origine le principe de l’assujettissement à la cotisation supplémentaire.


Elle ne peut opposer le caractère définitif de l’assujettissement.

- Sur le bien-fondé de la décision de retenir une exposition aux facteurs de risques travail en équipes successives alternantes en 2016 :


- Moyens des parties


Au soutien de son argumentation, la caisse régionale d’assurance-maladie d’Île-de-France expose qu’à l’occasion de la loi n°2014-40 du 20 janvier 2014 « garantissant l’avenir et la justice du système de retraites » le législateur a introduit un dispositif imposant aux employeurs de déclarer l’exposition des salariés à certains facteurs de risques professionnels en vue de leur ouvrir des droits sociaux (en matière de retraite, de formation et de temps partiel), conçus en partie comme des compensations à une réforme des retraites allongeant la durée de cotisation, et d’assurer dans les entreprises une meilleure prévention de risques professionnels entraînant des conséquences pour la santé ; que l’exposé des motifs du projet de loi permet de comprendre les objectifs poursuivis au travers du dispositif du « compte personnel de prévention de la pénibilité », rebaptisé depuis « compte professionnel de prévention » ; que face à ces situations, la réponse passe avant tout par la prévention : l’enjeu est que les travailleurs puissent sortir des situations de travail pénibles, définies comme des expositions professionnelles susceptibles de laisser des « traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé avant que celles-ci n 'aient entraîné des conséquences irréversibles sur leur santé » ; que c’est la raison pour laquelle, suite aux propositions de la commission pour l’avenir des retraites, le Gouvernement a décidé de créer un « compte personnel de prévention de la pénibilité » qui permet de lier prévention et réparation ; qu’en l’occurrence, l’exposition litigieuse concerne le facteur de risque « travail en équipes successives alternantes » et rentre dans la catégorie des expositions liées aux rythmes de travail que la S.A.S. Transports Rapides Automobiles est en principe tenue de déclarer au bénéfice de tous les salariés concernés dans son entreprise, en application de l’article L161-1 du Code du travail ; que la caractérisation précise du facteur de risque était faite au titre de l’année 2016 par le décret n°2014-1159 du 9 octobre 2014 : Travail en équipes successives alternantes impliquant au minimum une heure de travail entre 24 heures et 5 heures sur une durée minimale de 50 nuits par an ; que l’objectif du législateur est de tenir compte des conditions de travail éprouvées par certains salariés en vue de « lier prévention et réparation » ; que pour la mise en 'uvre du dispositif du compte professionnel de prévention, il convient à bien y réfléchir de s’interroger sur les organisations de travail en tant seulement qu’elles sont l’origine de conditions de travail présentant certains risques pour la santé, de sorte que l’expression de « travail en équipes successives alternantes » utilisée par le législateur ne se voulait pas du tout restrictive mais au contraire ouverte et accueillante ; que l’article L4161-l du Code du travail prévoit plus précisément trois catégories de facteurs de risques : les contraintes physiques marquées, les environnements physiques et agressifs et enfin certains rythmes de travail ; que le facteur de risque « travail en équipes successives alternantes » rentre dans cette dernière catégorie, aux côtés du « travail de nuit » et du « travail répétitif », ce qui fait ressortir que ce sont certains rythmes de travail qu’il est demandé à l’employeur de constater pour apprécier la nécessité de déclarer une exposition de ses salariés ; qu’au regard du décret n°2014-1159 du 9 octobre 2014, elle considère qu’il faut considérer que la notion de « travail en équipes successives alternantes » vise à désigner des formes variées d’organisation du travail dont la caractéristique essentielle est de conduire à des successions habituelles des salariés sur plusieurs postes de travail qui se traduisent, d’une part, par des variations importantes de leurs horaires d’un cycle de travail à l’autre et, d’autre part, par l’accomplissement d’au minimum une heure de travail entre 24 heures et 5 heures à raison de 50 jours par an ; que la conséquence de ce type d’organisation du travail conjuguant variation horaires importantes et des journées de travail de nuit est un risque de perturbation des rythmes chronobiologiques des personnes concernées qui se trouvent dans la nécessité d’adapter leurs plages de repos et notamment de sommeil d’un cycle de travail à l’autre, ce qui a justifié d’en faire un facteur de risque à part entière à côté du travail de nuit ; qu’aussi, dès l’instant que la fonction d’un salarié le fait entrer dans une organisation conduisant à de tels rythmes de travail, elle doit être considérée comme rentrant dans la définition du facteur de risque et la question est alors essentiellement de savoir si le seuil de 50 nuits fixés par la réglementation est atteint, en veillant cependant à exclure les journées de travail déjà retenues pour une exposition au titre du facteur de risque « travail de nuit », conformément à la législation ; que pour aller plus loin dans l’explication de la définition qu’elle propose, elle fait observer que la notion d’ « équipes successives alternantes » doit être comprise dans le contexte du droit du travail et notamment du droit relatif à l’aménagement et à l’organisation du travail par distinction avec les notions plus englobantes que sont l’entreprise ou l’établissement qui correspondent à des conceptions classiques de la collectivité des travailleurs et qui constituent de véritables structures conceptuelles en ces matières ; qu’ainsi, quand les textes relatifs au temps de travail évoquent des « équipes », ce n’est pas par opposition à des salariés isolés mais au contraire par opposition à un établissement ou une entreprise dans laquelle seraient pratiqués des horaires collectifs et uniformes, lesquels sont réputés mieux protéger la santé des travailleurs que les modes d’organisation du temps de travail atypiques ; que l’instruction ministérielle DGT-DSS du 20 juin 2016 est sans changement par rapport à l’instruction précédente pour le facteur de risque en litige ; que, par travail en équipes successives alternantes on vise, comme le précise la directive européenne du 4 novembre 2003 relative à l’aménagement du temps de travail, tout mode d’organisation de travail selon lequel des travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme, y compris rotatif, de type continu ou discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines ; que pour être considéré comme exposé au titre de la pénibilité, un travailleur en équipes successives alternantes doit travailler au moins une heure entre 24 heures et 5 heures du matin, cela un minimum de 50 nuits par an ; que les nuits réalisées au titre du travail en équipes successives alternantes ne peuvent être prises en compte au titre du travail de nuit ; que, selon elle, on ne peut donc pas en faire une norme applicable au compte professionnel de prévention, car l’objet de celui est seulement d’ouvrir des compensations sous la forme de droits sociaux aux salariés confrontés à certaines conditions de travail présentant des risques pour leur santé et d’inciter les employeurs à la prévention au travers des cotisations dont ils s’acquittent en rapport avec les facteurs de risques constatés dans leurs établissements.
Elle ajoute que l’enseignement qu’on peut tirer de l’article 2 de la directive européenne de 2003 est tout à fait clair, à savoir que ce n’est pas tant le mode d’organisation qui importe que les effets que ce mode d’organisation produit sur les rythmes de travail, à savoir e fait d’entraîner pour les travailleurs la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jour ou de semaines.


Elle ajoute que dans l’article 3 de son accord d’entreprise, l’organisation du temps de travail de la société Transports Rapides Automobiles est décrite de la façon suivante :

• Etant donné la nécessité de répartir la charge quotidienne de travail sur des heures et des fréquences particulières du fait de la mission de Transports de Voyageurs confiée à l’entreprise, l’organisation du temps de travail est basée sur des cycles à l’intérieur desquels la répartition de la durée du travail se répète à l’identique d’un cycle à l’autre.

• Les roulements sont fixés par des grilles de travail. Chaque grille de travail correspond à un ou plusieurs lignes d’autobus et regroupe un nombre variable de Conducteurs correspondant, pour chacune, au personnel affecté sur ces lignes.

• Les grilles de travail seront bâties sur le principe de 5 jours de repos par quatorzaine avec alternance de 2 jours pour une semaine et 3 jours la suivante.


Que l’article 4 du même accord prévoit un décompte du temps légal de travail par quatorzaines et considère que les heures supplémentaires accomplies en fonction des nécessités du service sont celles dépassant la durée de 70 heures sur cette période ; que l’article 5 précise quant à lui les conditions dans lesquelles les heures supplémentaires peuvent être compensées sous la forme de jours de repos ; que la société a donc adopté de façon tout à fait évidente une organisation générale en équipes successives alternantes selon son propre accord collectif ; que les contrôleurs d’exploitation s’inscrivent pleinement dans cette organisation du travail en tant que gestionnaires de lignes de transport et sont soumis à des rythmes de travail caractérisés par des variations d’horaires importantes d’un cycle de travail à l’autre ; que le simple fait que des grilles collectives de travail soient mises en place pour assurer des roulements entre les contrôleurs d’exploitation et que leurs horaires individuels soient exprimés sous la forme de codes services démontrent qu’ils s’inscrivent dans une organisation horaire qu’ils ne maîtrisent pas (ou à la marge) et qu’ils font partie d’équipes successives alternant sur plusieurs postes de travail pour les besoins des services de bus ; que la fiche de poste des contrôleurs d’exploitation précise, d’ailleurs, que les contrôleurs d’exploitation établissent les plannings quotidiens et les feuilles de route des conducteurs de bus ; qu’ ils sont donc en charge des équipes de bus et travaillent en interaction avec d’autres salariés ; qu’il n’y a donc dans les faits d’espèce aucune difficulté à constater une organisation « entraînant pour les travailleurs la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines » pour reprendre les termes de la directive européenne du 4 novembre 2003 ; que, quand la société Transports Rapides Automobiles parle de l’absence d’ « équipes », elle ne conteste pas en réalité que les contrôleurs d’exploitation travaillent simultanément avec d’autres salariés occupant d’autres fonctions notamment les conducteurs-receveurs dont ils fixent les plannings, ni qu’ils s’inscrivent de manière générale dans une organisation constituée de plusieurs équipes qui sont chacune placées sous la responsabilité d’un contrôleur d’exploitation ; que la société Transports Rapides Automobiles entend seulement faire remarquer que les contrôleurs d’exploitation ne travailleraient jamais en même temps sur un même poste de travail (ce qui correspond à une vérité absolue qui peut être soutenue à propos de tous les entreprises) et c’est en ce sens seulement qu’elle affirme qu’ils travailleraient « seuls », sans d’ailleurs s’expliquer à aucun moment sur ce que cela changerait pour leur exposition au facteur de risque alors que de toute évidence ils exercent leur fonction dans une organisation caractérisée par des rythmes alternants, seule véritable exigence de la réglementation ; que le seuil de cinquante nuits fixé par la réglementation est atteint sur la fonction de Monsieur Z A en 2016.


La S.A.S. Transports Rapides Automobiles expose que l’instruction DGT-DSS 1 du 13 mars 2015 (reprise par l’instruction DGT/DSS/SAFSL/2016/178 du 20 juin 2016, page 15) précise :
« Par travail en équipes successives alternantes on vise, comme le précise la directive européenne du 4 novembre 2003 relative à l’aménagement du temps de travail, tout mode d’organisation du travail selon lequel des travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme, y compris rotatif, de type continu ou discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée + de jours ou de semaines ; que le travail posté, comme par exemple les 5x8, 4x8, 3x8, 2x8, 2x12, fait partie de ces organisations temporelles atypiques, tout comme des rythmes de travail plus irréguliers, qui peuvent être utilisés dans certains secteurs, dès lors que les conditions ci-dessus sont remplies ; que pour être considéré comme exposé au titre de la pénibilité, un travailleur en équipes successives alternantes doit travailler au moins une heure entre 24 heures et 5 heures du matin, cela un minimum de 50 nuits par an » ; que parmi les formes de travail en équipes successives alternantes figure ainsi, selon l’administration, le travail posté ; qu’en effet, la définition du travail en équipes successives alternantes par l’instruction ministérielle est presque identique à celle du travail posté figurant à l’article 2 de la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ; que celle-ci comporte la définition suivante : « travail posté: tout mode d’organisation du travail en équipe selon lequel des travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme, y compris le rythme rotatif, et qui peut être de type continu ou discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines » (Directive 2003/88/CE du 4 nov. 2003) ; qu’il ressort au contraire tant de la définition posée par l’article 2 de la directive 2003/88/CE que de l’Instruction du 20 juin 2016 que, d’une part, le travail doit être réalisé en équipes qui se succèdent sur le même poste, d’autre part, les salariés ont des heures de travail différentes sur une période donnée de jours ou de semaines ; que l’Instruction du 20 juin 2016 comme l’article 2 de la directive 2003/88/CE ne font qu’expliciter la notion d’équipes successives alternantes qui était posée par l’article D. 4161-2 du Code du travail ; que le « mode d’organisation selon lesquels les travailleurs sont occupés successivement sur le même poste de travail » renvoie aux termes « équipes successives » et le rythme de travail « [entraînant] pour les travailleurs la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donné de jour ou de semaines » renvoi au terme « alternantes » ; que ces deux critères sont cumulatifs comme cela ressort de l’article 2 de la directive 2003/88/CE et de l’Instruction du 20 juin 2016 ; qu’il n’est pas possible de s’affranchir de l’un ou l’autre des critères du facteur « équipes successives alternantes ».


Elle ajoute que l’approche de la caisse est à exclure car elle conduirait à une confusion entre deux facteurs de risque prévus par l’article D. 4161-2 du Code du travail : le « travail en équipe successives alternantes » et le « travail de nuit » , que supprimer ce critère entraînerait une confusion des deux facteurs de risque, et les nuits travaillées seraient comptabilisées tant au titre du « travail de nuit » qu’au titre du « travail en équipes successives alternantes » ; que c’est précisément la confusion que souhaite éviter l’Instruction du 20 juin 2016 en indiquant que « les nuits réalisées au titre du travail en équipes successives alternantes ne peuvent être prises en compte au titre du travail de nuit D » (Instruction DGT/DSS/SAFSL/2016/178 du 20 juin 2016, Fiche technique n° 3) ; que l’arrêt de la CJUE du 19 septembre 2018 n’a à aucun moment estimé que la situation qu’elle décrivait correspondait à un travail posté au sens de l’article 2 de la directive 2003/88/CE ; que la question posée à la Cour était de savoir si l’article 7 de la directive 92/85 relatif au travail de nuit s’appliquait à la situation d’un travailleur posté ; que plus précisément, la juridiction de renvoi [cherchait] à savoir s’il y [avait] lieu d’appliquer les règles de renversement de la preuve prévues à l’article 19, paragraphe 1, de la directive 2006/54 dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire dont elle est saisie (CJUE, 19 sept. 2018, n° C-41/17, par. 36) ; que c’est dans l’objectif de répondre à ces questions que la CJUE rend la décision citée par la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île de France ; que ces questions sont très éloignées du litige en cause ; que cet arrêt ne démontre en rien que l’exigence d’équipes successives sur le même poste peut être éludée pour l’application de l’article D. 4161-2 du Code du travail ; qu’au demeurant l’arrêt ne répond pas à l’objection formulée par l’intimée ; qu’en effet, la situation visée dans cet arrêt ne concerne pas une situation de chevauchement d’horaires qui elle, est exclusive de la notion d’équipes successives alternantes au sens de la directive.


Que l’Instruction du 20 juin 2016 reprend la définition du travail posté donnée par la directive du 4 novembre 2003 à une date à laquelle l’arrêt du 19 septembre 2018 n’était pas encore intervenu ; que l’instruction ne pouvait anticiper cette interprétation donnée par un arrêt postérieur ; que c’est donc tout au plus à la définition du travail connue à la date de rédaction de l’instruction de la DGT que celle-ci peut renvoyer, et non l’interprétation ultérieure de cette notion par la CJUE ; que l’exigence d’équipes de travail successives sur le même poste doit donc être prise en compte dans l’application du facteur de risque « travail en équipes successives alternantes » ; que les conditions prévues par le texte réglementaire français comme par l’Instruction de la DGT du 20 juin 2016 ne peuvent pas être simplement ignorées au motif qu’il faudrait privilégier les objectifs de prévention ; que la modification du texte induite par la lecture mutilante de la CRAMIF est trop importante pour pouvoir être admise ;


Elle ajoute que Monsieur Z A y occupe un emploi de contrôleur d’exploitation, avec les missions mentionnées sur sa fiche de poste ; que lorsqu’il intervient sur le terrain, le salarié est seul dans un véhicule ; qu’il se rend là où les nécessités de la régulation du trafic l’exigent : vérification de la régularité d’un autobus, lieu d’un embouteillage, d’un accident ou encore d’une panne ; qu’il termine normalement son intervention avant de quitter son travail si bien que, sauf cas exceptionnel, aucun collègue ne prend sa relève ; que dans ces conditions, il est évident que le salarié ne travaille pas en équipe, qu’il n’est pas relayé par un autre salarié et que ce n’est pas l’intervention d’un autre salarié qui met un terme à son travail ; qu’il n’y a donc pas de succession d’équipes alternantes sur le terrain ; qu’il ne travaille donc pas en équipe : les tâches sont individualisées : deux salariés se trouvant en même temps au PC Régulation n’interviennent pas sur les mêmes secteurs ; que surtout, les horaires des différents salariés sont, comme sur le terrain, totalement individualisés ce qui induit des chevauchements d’horaires exclusifs de tout succession ; qu’en tout état de cause, elle indique rapporter la preuve de chevauchements sur un nombre suffisant de nuits de sorte que la condition de cinquante nuits par salarié (et non pas par affectation) ne puisse être vérifiée ; que cela exclut définitivement le facteur de pénibilité revendiqué ; que cette organisation est programmée de façon individuelle pour chaque salarié même si plusieurs d’entre eux accomplissent des fonctions similaires ; que les institutions représentatives du personnel (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et comité d’entreprise) sont consultées sur les plannings prévisionnels ; qu’en outre, les plannings étant individuels, il ne peut être affirmé que le salarié travaille en « équipes successives alternantes » ; que les salariés ne se succèdent pas sur un même poste de travail ; que la succession suppose qu’un salarié cesse son service à l’instant où le salarié qui le relève prend le sien ; que tel n’est pas le cas en l’espèce ; que les horaires des différents services (horaires de prise de service et de fin de service) sont propres à chaque salarié ; qu’ils ont donc nécessairement des temps de travail communs ; que ces chevauchements d’horaires sont exclusifs de toute notion de succession et donc du facteur de pénibilité invoqué ; que la durée du chevauchement est extrêmement variable selon les situations ; qu’elle peut aller de quelques minutes à plus d’une heure ; que l’accord du 11 mai 2000 se contente de définir l’organisation du temps de travail au sein de l’entreprise en indiquant que « l’organisation du temps de travail est basée sur des cycles de travail à l’intérieur desquels la répartition de la durée du travail se répète à l’identique d’un cycle à l’autre » ; que tout au plus pourrait-on déduire qu’il y a une alternance ; qu’à aucun moment il n’est indiqué que les équipes se succèdent sur le même poste, ou que le chevauchement des cycles de travail est exclu ; que, pourtant, ces notions sont déterminantes dans la notion de « travail en équipes successives alternantes » ; qu’ il n’y a pas eu cinquante situations dans l’année où le salarié et un autre se sont relayés sur un même poste sans chevauchement d’horaire ; qu’elle démontre trente-sept situations précises dans lesquelles il y a eu un chevauchement la nuit.


Elle ajoute qu’à la suite de demandes de deux autres salariés de l’entreprise qui faisaient valoir le même facteur de pénibilité, la CRAMIF a considéré le 20 juin 2018 que les salariés n’étaient pas exposés au facteur de pénibilité « travail en équipes successives alternantes » ; que la motivation de la Caisse est sans ambiguïté : dans ces deux décisions elle a considéré que « l’activité n’entre pas dans la définition du facteur « travail en équipes successives alternantes ».

- Réponse de la cour


L’article L 5161-1 I du code du travail énonce que « constituent des facteurs de risques professionnels au sens du présent titre les facteurs liés à :

(…) 3° Certains rythmes de travail :

(…) Travail en équipes successives alternantes ».


Le décret d’application a introduit un article D 4161-2 qui précise que le seuil était un travail en équipes successives alternantes impliquant au minimum une heure de travail entre 24 heures et 5 heures et 50 nuits par an.


Selon l’instruction DGT-DSS n° 1 du 13 mars 2015 relative à la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité en 2015et l’instruction DGT/DSS/SAFSL/2016/178 du 20 juin 2016 relative à la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité, par travail en équipes successives alternantes, on vise, comme le précise la directive européenne du 4 novembre 2003 relative à l’aménagement du temps de travail, tout mode d’organisation du travail selon lequel des travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme, y compris rotatif, de type continu ou discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines.


Cette définition se rapproche de celle de la directive n°2008/88/CE qui définit le travail posté comme : « tout mode d’organisation du travail en équipe selon lequel des travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme, y compris le rythme rotatif, et qui peut être de type continu ou discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines ».


Celle-ci définit en outre de manière alternative le travailleur de nuit, comme d’une part, tout travailleur qui accomplit durant la période nocturne au moins trois heures de son temps de travail journalier accomplies normalement et d’autre part, tout travailleur qui est susceptible d’accomplir, durant la période nocturne, une certaine partie de son temps de travail annuel, définie selon le choix de l’État membre concerné, par la loi, ou par des conventions collectives.


L’alternance et la succession peuvent se définir en rapport avec l’organisation des cycles de travail des agents de même catégorie, la référence faite dans la directive comme dans la note du ministère à une organisation en 5 × 8, 4 × 8, 3 × 8, 2 × 8, 2 × 12, n’étant pas exclusive et se référant à la permanence de salariés pour assurer la continuité de l’activité de l’entreprise sur ses horaires d’ouverture.


Il suffit donc de démontrer que l’entreprise fonctionne en permanence en continu par équipes successives sans qu’importent l’effectif de l’équipe et l’intensité de son travail (Cass Soc. 14 novembre 2000, pourvoi n° 98-45.456, Bulletin civil 2000, V, n° 374, p. 286). Ainsi, les équipes successives alternantes peuvent être composées de salariés en nombre différents de l’équipe qui les précède ou qui les suit succédant sur la même catégorie de postes de travail, au sens de la directive, la notion d’équipe postée renvoyant à des cycles horaires décalés pour l’occupation de postes de travail ou d’une même catégorie de postes au sein de la même unité de travail.


Dès lors, pour retenir un travail en équipes successives alternantes, la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île de France doit démontrer que des salariés de la S.A.S. Transports Rapides Automobiles occupent successivement un même poste de travail, sur un rythme de type continu ou discontinu d’une part, entraînant pour les salariés concernés la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines et pouvant ouvrir à un travail de nuit sur une période donnée, d’autre part.


Les conditions étant cumulatives, la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île de France ne saurait exciper de l’occupation d’un poste obligeant à un simple travail de nuit, puisque, pour rentrer dans les disposition relatives à la pénibilité, le code du travail dispose qu’un travailleur est considéré exposé dès lors qu’il travaille au moins une heure, continue ou discontinue, entre 24 heures et 5 heures du matin, cela un minimum de 120 nuits par an.


En l’espèce, la fiche de poste indique que le contrôleur d’exploitation intervient notamment sur l’ensemble du réseau pour assurer le bon fonctionnement des lignes, assure la régulation en temps réel sur nous des points de montée, gère les incidents d’exploitation, supervise l’affectation des bus en adéquation avec les impératifs des services de maintenance et d’exploitation, gère les incidents d’exploitation en parfaite connaissance des procédures d’urgence et réglementaire.


Selon le rapport d’enquête établi par la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île de France, Monsieur Z A fait partie d’une équipe de contrôleurs d’exploitation au nombre de 24.


Selon l’accord d’entreprise sur l’aménagement, l’organisation et la réduction du temps de travail, l’organisation du temps de travail est basée sur des cycles à l’intérieur desquels la répartition de la durée du travail se répète à l’identique d’un cycle à l’autre. Le but est de répartir la charge quotidienne de travail sur des heures des fréquences particulières du fait de la mission de transport de voyageurs confiés à l’entreprise. L’accord précise, s’agissant des conducteurs, que les roulements sont fixés par des grilles de travail correspondant à une ou plusieurs lignes d’autobus et regroupe un nombre variable de conducteur correspondant, pour chacune, aux personnels affectés sur ces lignes.


L’accord d’entreprise précité permet d’organiser la continuité du service sur des horaires décalés afin d’assurer la prestation de transport de voyageurs. Les plannings prévus ont donc pour objet d’assurer la continuité des missions pour une exploitation normale sur l’amplitude d’ouverture de celui-ci. Ils sont individuels et se réfèrent à des journées types approuvées par les instances de l’entreprise, définissant des horaires distincts de prise de poste et de fin de poste sur lesquels sont répartis, selon les plannings établis, l’ensemble des contrôleurs d’exploitation. Les salariés travaillent selon des plages horaires différentes selon les jours, les jours de repose étant décalés et non identiques.


L’avenant de promotion de Monsieur Z A en qualité de contrôleur d’exploitation indique un lieu de travail fixé à Villepinte avec possibilité de se déplacer sur d’autres sites de la région parisienne. Le contrat stipule que l’agent conserve ses droits liés à l’application de l’aménagement de l’organisation et de la réduction du temps de travail, à savoir cinq jours de repos par quatorzaine, avec alternance de deux jours pour une semaine et trois jours la suivante.


Il en résulte que cette organisation du travail entraîne pour le salarié concerné la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines et pouvant ouvrir à un travail de nuit. Le travail est donc soumis à alternance.


Soumis à l’accord sur le temps de travail, les contrôleurs d’exploitation doivent donc assurer la permanence du service par roulements successifs sur la même catégorie de postes dans les unités de travail rattachées à chaque dépôt. Pour Monsieur Z A, ce lieu est le dépôt de Villepinte.


La condition d’alternance est donc remplie.


S’agissant de l’existence d’un travail en équipes successives, le tableau des services démontre les points suivants s’agissant du poste central :

les embauches sur les Postes PC, PCS et PCD s’opèrent à horaires décalés, de telle sorte qu’il• n’y a pas de corrélation exacte des entrées en services des contrôleurs sur ces trois postes, les rapprochements pouvant s’opérer pour les postes PC et PC1, sauf quelques variations horaires pour la prise de poste sur PC3 et PCS3, décalée de 5 minutes et un sur le poste PC6 et PCS5 décalés d’une demi-heure ;

• aucun horaire de service ne correspond exactement à la fin du quart ainsi mis en place ; pour assurer la continuité du service, les contrôleurs de PC2 et de PCS2 relayent sur une heure et quart les contrôleurs sur les postes PC1 et PC2 avant que les personnes du service suivants ne prennent la suite.

• Les services PC6 et PCS5 ne relaient aucun autre aux heures d’embauche qui ne correspondent pas entre elles.


S’agissant des contrôleurs sur le terrain, les mêmes remarques peuvent être opérées en ce que :

• les horaires de début de service sont échelonnés, aucun des salariés, à l’exception de ceux occupant les postes NC et NCS n’ayant les mêmes horaire de début de service et de fin de service ;

• les horaires de fin de service des différents postes ne correspondent pas aux horaires de prise de service des autres, avec des chevauchement horaires de trois-quarts d’heure.


La S.A.S. Transports Rapides Automobiles produit l’emploi du temps sur l’ensemble de la période concernée des 24 salariés en lien avec les postes auquel ils étaient affectés à chaque service ce qui permet pas à la cour de vérifier ses assertions relativement à l’individualisation des horaires à l’absence de toute succession groupée pour occuper en toute ou partie les mêmes postes au regard des horaires relevés par la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île de France.


La condition de travail en équipes successives n’est donc pas remplie.


Dès lors, la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île de France ne démontre pas l’exposition au risque lié au travail en équipes successives alternantes.


Le jugement déféré sera donc confirmé.

- sur les autres demandes :


La Caisse Régionale d’Assurance-Maladie d’Île-de-France, qui succombe, sera condamnée aux dépens et au paiement à la Caisse Régionale d’Assurance-Maladie d’Île-de-France de la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

DÉCLARE recevable l’appel de la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île de France ;

CONFIRME le jugement du 31 août 2020 du tribunal judiciaire de Paris – pôle social en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la Caisse Régionale d’Assurance-Maladie d’Île-de-France à payer à la S.A.S. Transports Rapides Automobiles la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Caisse Régionale d’Assurance-Maladie d’Île-de-France aux entiers dépens ;
DÉCLARE le présent arrêt opposable à Monsieur Z A.


La greffière, Le président.
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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 25 mars 2022, n° 20/06462