Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 7, 16 mars 2023, n° 19/07158

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 7, 16 mars 2023, n° 19/07158
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/07158
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 14 mai 2019, N° 19/00432
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 21 mars 2023
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 16 MARS 2023

(n° , 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/07158 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGK2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mai 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/00432

APPELANT

Monsieur [I] [J]

[Adresse 1],

ROYAUME UNI

Représenté par Me Marc OLIVIER-MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J152

INTIMEE

Société MAAF ASSURANCES SA – RCS de Niort sous le numéro 542 073 580

[Localité 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Virginie MONTEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0071

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRET :

— CONTRADICTOIRE,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par lettre d’engagement à durée indéterminée et à temps plein du 14 novembre 2007, M. [I] [J] a été engagé en qualité de directeur du département 'Marketing Stratégique’ par la société MAAF Assurances (ci-après désignée la société MAAF). Bien que cette lettre ne le précise pas, les parties s’accordent dans leurs écritures sur le fait que celle-ci a pris effet à compter du 25 février 2008.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective des cadres de direction des sociétés d’assurance.

La société MAAF employait à titre habituel au moins onze salariés.

Par avenant d’expatriation du 27 juin 2012 prenant effet le 3 septembre 2012, M. [J] a été nommé directeur général (CEO) de la société de droit anglais MMA Holdings située à Manchester pour une durée de 3 ans.

Par avenant d’expatriation du 5 janvier 2015, M. [J] a été nommé directeur général (CEP) de la société Swinton Group Limited à compter du 15 janvier 2015 et jusqu’au 1er septembre 2017.

Par avenant d’expatriation du 8 janvier 2018, la mission d’expatriation de M. [J] a été prolongée jusqu’au 31 août 2018.

Par un dernier avenant d’expatriation du 22 août 2018, la mission d’expatriation de M. [J] a été prolongée jusqu’au 30 novembre 2018.

Par courrier du 26 novembre 2018, la société MAAF a indiqué à M. [J] qu’il serait reclassé en France (sans autre précision) à compter du 1er décembre 2018 et qu’il était attendu le 3 décembre au [Adresse 5] à [Localité 4] pour se voir notifier sa nouvelle affectation.

M. [J] a refusé de conclure l’avenant qui lui était soumis le 4 décembre 2018 par l’entreprise au titre de son reclassement, estimant que le poste qui lui était proposé s’analysait en un déclassement.

Aussi, par courrier du 27 décembre 2018, M. [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Sollicitant que sa prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 18 janvier 2019 aux fins d’obtenir la condamnation de la société MAAFau paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 15 mai 2019, le conseil de prud’hommes a :

Débouté M. [J] de sa demande de reconnaissance de prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et des conséquences financières afférentes,

Condamné la société MAAF à verser à M. [J] les sommes suivantes :

—  33.604 euros au titre du bonus, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de jugement,

—  800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Requalifié la prise d’acte de M. [J] en démission,

Condamné M. [J] à verser à la société MAAF la somme de 84.999 euros au titre de l’indemnité de préavis, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de jugement,

Rappelé qu’en vertu de l’article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,

Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

Condamné M. [J] aux dépens.

Le 14 juin 2019, M. [J] a interjeté appel du jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 22 janvier 2020, M. [J] demande à la cour de :

Dire que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence:

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail devait être requalifiée en démission,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamné à verser à la société MAAF la somme de 33 604 euros à titre d’indemnité de préavis,

Condamner la société MAAF à lui payer les sommes suivantes :

—  379.420 euros à titre d’indemnité de préavis,

—  37.942 euros à titre de congés payés sur préavis,

—  589.114 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  663.986 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

—  63.237 euros à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires entourant la rupture du contrat de travail,

—  5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société MAAF à lui verser la somme de 33.604 euros à titre de bonus,

Ordonner la remise des documents de rupture (certificat de travail et attestation Pôle emploi),

Condamner la société MAAF aux entiers dépens.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 2 mars 2020, la société MAAF demande à la cour de :

A titre principal, infirmer partiellement le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [J] la somme de 33 604 euros à titre de complément de bonus et en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes en paiement du remboursement du loyer du logement de fonction situé en Grande-Bretagne échu depuis le 1er décembre 2018 et des frais de scolarité acquittés à compter du 1er décembre 2018 et en conséquence de :

Débouter M. [J] de sa demande en paiement d’un complément de bonus 2018,

Condamner M. [J] à lui verser les sommes suivantes :

—  56 733 euros à titre de remboursement du loyer du 1er décembre 2018 au 15 juillet 2019,

—  25 760,49 euros à titre de remboursement des frais de scolarité à compter de décembre 2018, Confirmer le jugement pour le surplus,

A titre subsidiaire, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

A titre infiniment subsidiaire, réduire le quantum des indemnités éventuellement accordées dans les proportions suivantes :

—  102.000 euros à titre d’indemnité de préavis,

—  418.083,38 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  214.975 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

Condamner M. [J] à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Débouter M. [J] de son appel,

Condamner M. [J] aux entiers dépens.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 1er décembre 2021.

MOTIFS :

Sur le rappel de bonus :

L’article 6 de l’avenant d’expatriation du 8 janvier 2018 stipule que M. [J] bénéficie:

— d’un bonus 'annuel pouvant être nul ou aller jusqu’à un plafond annuel brut fixé à 20% du salaire annuel fixe défini en 6.1.1", soit un salaire annuel fixe de 170.000 euros bruts (ci-après désigné le bonus personnel),

— d’un bonus de performance exceptionnelle 'pouvant être nul ou aller jusqu’à un plafond annuel brut fixé à 15% du salaire annuel fixe défini en 6.1.1", soit un salaire annuel fixe de 170.000 euros bruts.

L’article 6.3 stipule que ces deux bonus 'seront versés selon les pratiques en vigueur dans le groupe MAAF, à proportion de l’atteinte d’objectifs. Après échanges avec son responsable, ce dernier déterminera et notifiera avec M. [I] [J] par écrit ses objectifs au début de chaque exercice'.

M. [J] expose que les objectifs fixés par l’employeur n’ont pas été établis d’un commun accord et qu’il n’a pas signé son évaluation. Il en déduit être créancier de la somme de 59.500 euros composée du maximum des deux rémunérations variables soit les sommes de :

—  34.000 euros au titre du bonus personnel (20% de 170.000),

—  25.500 euros au titre du bonus de performance exceptionnelle (15% de 170.000).

L’employeur lui ayant déjà versé les sommes de 9.690 euros au titre du bonus personnel et de 16.206 au titre du bonus de performance exceptionnelle, le salarié sollicite ainsi la somme de 33.604 euros correspondant à la différence entre ce qu’il a reçu et ce qu’il aurait dû percevoir et, par voie de conséquence, la confirmation du jugement.

En défense, la société MAAFsoutient que le salarié a été rempli de ses droits au titre des deux bonus et sollicite ainsi l’infirmation du jugement et le débouté des demandes salariales de M. [J].

***

Lorsque le salarié a droit au paiement d’une rémunération variable reposant sur l’atteinte d’objectifs, il appartient à l’employeur de fixer les objectifs servant au calcul de la rémunération variable. Par ailleurs, lorsque les modalités de calcul sont déterminées par l’employeur, le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération variable a été effectué conformément aux modalités prévues, et il appartient à l’employeur de justifier des éléments permettant de déterminer si les objectifs fixés au salarié pour les années de référence ont été atteints. A défaut, il incombe au juge de fixer le montant de la rémunération en fonction des critères convenus entre les parties et des éléments de la cause.

En toute hypothèse, le droit à rémunération variable, qui est une contrepartie de l’activité du salarié, s’acquiert au fur et à mesure et ne peut être soumis à une condition de présence effective dans l’entreprise à une date déterminée.

***

En l’espèce et en premier lieu, l’employeur justifie que M. [C], supérieur hiérarchique de M. [J] a notifié à ce dernier ses objectifs au titre des bonus pour l’année 2018 (pièce 22). S’il n’est en revanche nullement établi que, comme l’affirme M. [J], ces objectifs ont été approuvés par ce dernier, la cour constate qu’il ne ressort nullement des stipulations de l’article 6.3. précité de l’avenant du 8 janvier 2018 que l’employeur est tenu de recueillir au préalable le consentement du salarié lors de l’élaboration de ses objectifs.

En deuxième lieu, l’employeur justifie que M. [C] a le 14 décembre 2018, au titre du bonus personnel, évalué à 52% la réalisation des objectifs fixés en janvier 2018 au salarié.

S’il est vrai que le salarié n’a pas signé cette notification, il n’en demeure pas moins qu’il ne critique nullement dans ses écritures l’évaluation qui a été faite par M. [C] sur ses performances au titre de l’année 2018.

Dès lors, l’employeur a pu utilement considérer que le montant du bonus personnel dû correspondait à 52% du montant maximum de ce bonus au sens de l’article 6 de l’avenant précité.

Ainsi, M. [J] était rempli de ses droits lors de la remise par l’employeur de la somme de 9.690 euros à ce titre.

En troisième et dernier lieu, l’employeur expose que le bonus de performance exceptionnelle a été calculé conformément à la délibération du comité de rémunération de la société Swinton Group Limited du 7 décembre 2018 'et appliqué par analogie à M. [J] pour le même taux soit 38 %'.

Toutefois, il ne ressort d’aucune stipulation de l’avenant d’expatriation que le montant du bonus de performance sera déterminé par rapport à un taux fixé par une délibération du comité de rémunération de la société Swinton Group Limited, cette délibération n’étant d’ailleurs pas versée aux débats.

Dès lors, la société ne peut affirmer que le montant du bonus de performance exceptionnelle correspondait à 38% du montant maximum de ce bonus au sens de l’article 6 de l’avenant précité.

Il ressort au contraire de l’article 6.3 précité que le montant du bonus de performance exceptionnel est déterminé à proportion de l’atteinte des objectifs. Or, il ressort des développements précédents que l’employeur a estimé que le salarié avait réalisé 52% de ses objectifs au titre de l’année 2018.

Dès lors, le montant du bonus de performance exceptionnelle dû correspond à 52% du montant maximum de ce bonus au sens de l’article 6 de l’avenant précité soit la somme de 13.260 euros ((170.000x15%)x52%)

Or, comme il a été dit précédemment, il ressort des écritures du salarié (p.21) qu’il a perçu à ce titre la somme de 16.206 euros, soit un montant supérieur.

Il s’en déduit que M. [J] a été rempli de ses droits non seulement pour le bonus personnel mais également pour le bonus de performance exceptionnelle.

Il sera donc débouté de ses demandes salariales et le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur les demandes reconventionnelles :

* Sur le remboursement du loyer :

La société MAAF expose que M. [J] n’a pas déménagé avant le 15 juillet 2019 du logement de fonction qu’il occupait au titre de ses fonctions de directeur général de la société Swinton Group Limited. Elle sollicite ainsi le paiement du loyer mensuel dû, soit la somme de 7.564,50 euros, pour la période du 1er décembre 2018 au 15 juillet 2019, date à laquelle le salarié a effectivement quitté le logement de fonction. Par suite, la société MAAF demande de manière reconventionnelle à la cour de condamner M. [J] à lui payer la somme de 56.733 euros au titre du loyer.

A l’appui de ses allégations, elle produit :

— un contrat écrit en langue anglaise et non traduit, dénommé 'Tenancy Agreement’ et conclu entre les époux [Y] domiciliés en Angleterre et la société MMA Holding UK PLC,

— un courrier du 26 juin 2019 par lequel la société MAAF demande au salarié de quitter sans délai son logement de fonction et de lui rembourser le montant de l’indemnité d’occupation pour un montant de 56.733 euros.

En défense, le salarié soutient que la demande de la société MAAF est irrecevable dans la mesure où cette dernière n’est pas titulaire du bail conclu à son profit et que l’occupation des lieux après la rupture du contrat de travail ne trouve pas son origine dans le contrat de travail mais dans le bail et l’exécution de ce dernier contrat n’est pas de la compétence du conseil de prud’hommes.

Selon l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il est de jurisprudence constante que si l’ordonnance de [Localité 6] d’août 1539 ne vise que les actes de procédure, le juge, sans violer l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est fondé, dans l’exercice de son pouvoir souverain, à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, faute de production d’une traduction en langue française.

En l’espèce, il ressort des éléments versés aux débats que M. [J] a occupé en Angleterre un logement de fonction loué à son profit par la société MMA Holding UK PLC aux époux [Y]. Dès lors, comme l’affirme le salarié, la société MAAF n’était pas partie au contrat de bail et, par voie de conséquence, n’était pas débitrice des sommes dues aux époux [Y] au titre du logement de fonction.

Si la société MAAF sollicite le remboursement de la somme de 56.733 euros, elle n’établit nullement avoir versé cette somme à l’une des parties au contrat de bail et être ainsi subrogée dans les droits du bailleur (les époux [Y]) ou du locataire (la société MMA Holding UK PLC) pour le montant sollicité.

Il se déduit de ce qui précède que la société MAAF n’établit nullement son titre de créance.

Elle sera donc déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé en conséquence.

* Sur les frais de scolarité :

La société MAAF expose avoir indûment payé la scolarité des trois enfants de M. [J] postérieurement à la fin de la mission d’expatriation survenue fin novembre 2018 pour un montant de 25.760,49 euros. Elle en sollicite le remboursement au salarié.

Toutefois, la société ne produit à l’appui de ses allégations que trois documents entièrement rédigés en langue anglaise et non traduits et qui ne sont dès lors pas de nature à établir le paiement des sommes réclamées par l’employeur.

Il s’en déduit la société MAAF n’établit nullement son titre de créance en l’espèce.

Elle sera donc déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé en conséquence

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat :

Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l’employeur qui empêchent la poursuite du contrat. Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Enfin, lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul selon les circonstances, si les faits invoqués le justifient, soit d’une démission dans le cas contraire.

M. [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 27 décembre 2018 dans laquelle il reprochait à son employeur :

— de ne pas avoir défini avec lui, dans les six mois précédant la fin de son expatriation, les modalités de son reclassement en France,

— de ne pas lui avoir proposé un poste équivalent à celui qu’il occupait avant son expatriation,

— de ne pas avoir fait d’effort sérieux de reclassement pour lui proposer un poste en rapport avec ses compétences.

La société conteste ces faits et considère que la prise d’acte de M. [J] doit entraîner les effets d’une démission.

Au préalable, il est constant que :

— l’article 12 de l’avenant d’expatriation du 27 juin 2012 stipule :

'A la fin de la période d’expatriation, la société MAAF s’engage à réintégrer M. [I] [J] dans l’emploi qu’il occupait avant détachement ou dans un emploi équivalent, avec un niveau de rémunération équivalent à la rémunération de référence (cf article 6.1).

Dans les six mois avant la fin de l’expatriation, la société MAAF étudiera avec M. [I] [J] tout poste correspondant à son profil dans l’entreprise.

La société MAAF tiendra compte dans la mesure du possible de l’expérience, la performance et le potentiel que M. [J] aura acquis lors de son expatriation',

— l’article 6.1 de l’avenant d’expatriation du 27 juin 2012 auquel renvoie son article 12 stipule : 'La rémunération de référence servant de calcul de la rémunération nette garantie ainsi que des cotisations volontaires françaises pendant la durée de l’expatriation se décompose comme suit:

6.1.1. Salaire annuel fixe :

La rémunération de référence de M. [I] [J] est composée d’un salaire annuel fixe de 108.000 euros bruts versé en douze mensualités.

6.1.2. Bonus

M. [I] [J] bénéficie également d’un bonus annuel pouvant être nul ou aller jusqu’à un plafond annuel brut fixé à 20% du salaire annuel fixe défini en 6.1.1.

Le bonus sera intégré au calcul de la rémunération nette disponible (6.4) au moment de la fixation annuelle de son montant'.

Il est également constant qu’en tant que directeur général de la société Swinton Group Limited, le salarié s’est notamment occupé de la cession de cette entreprise pour le compte du groupe Covea auquel appartient la société MAAF, que M. [J] a quitté ses fonctions de directeur général le 4 octobre 2018 et que la cession de la société Swinton Group Limited s’est réalisée le 31 décembre 2018.

* Sur la recherche d’un reclassement en concertation avec l’employeur dans les six mois avant la fin de l’expatriation :

M. [J] soutient que l’employeur a méconnu les stipulations de l’article 12 de l’avenant d’expatriation du 27 juin 2012 dans la mesure où la société n’a pas, dans les six mois précédant la fin de l’expatriation du salarié survenue le 30 novembre 2018, défini avec ce dernier les modalités de son reclassement en France.

Il soutient également que l’employeur savait dès le mois de janvier 2018 qu’il pourraît être amené à devoir le reclasser et que dès le mois de juin 2018 son départ de la direction de la société Swinton Group Limited était inéluctable.

En défense, la société expose qu’elle n’a pu procéder à une étude du poste de reclassement de M. [J] dans les six mois précédant la fin de son expatriation dans la mesure où :

— la fin de la mission d’expatriation du salarié dépendait de la date de fin des opérations de cession de la société Swinton Group Limited,

— le salarié souhaitait rester en Angleterre et éventuellement saisir l’opportunité de profiter de la cession de la société Swinton Group Limited pour être embauché par le repreneur.

En premier lieu, il ressort des stipulations de l’article 12 de l’avenant d’expatriation précité et des termes du dernier avenant d’expatriation conclu le 22 août 2018 et prévoyant une fin de mission le 30 novembre 2018 que l’employeur était contractuellement tenu d’étudier avec M. [J] tout poste de reclassement correspondant à son profil au sein de la société MAAF à compter du mois de juin 2018.

En deuxième lieu, si la société Maaf estime avoir respecté cette obligation en organisant à plusieurs reprises des entretiens avec le salarié, elle n’entend en justifier qu’en produisant un courriel du 27 juillet 2018 par lequel M. [C] a indiqué à Mme [H] qu’il a fait un point avec M. [J] sur la conclusion d’un dernier avenant d’expatriation portant la fin de sa mission au 30 novembre 2018. Or, ce courriel n’établit nullement l’existence d’un entretien au sens de l’article 12 précité portant sur le reclassement du salarié au sein de la société MAAF. En outre, le salarié conteste avoir bénéficié d’un entretien de reclassement avec l’employeur pendant la période litigieuse.

En troisième lieu, il ressort des éléments versés aux débats que, comme le soutient le salarié, l’employeur ne pouvait méconnaître le fait que dès janvier 2018 sa mission d’expatriation arrivait à son terme puisque :

— ses deux derniers avenants d’expatriation conclus les 8 janvier et 22 août 2018 prévoyaient de courtes périodes de prolongation de la mission d’expatriation (huit mois puis trois mois) alors que les précédants avenants stipulaient des prolongations d’une durée supérieure à un an,

— l’avenant du 8 janvier 2018 stipulait pour la première fois un bonus de fin de mission,

— suite à la signature du dernier avenant d’expatriation du 22 août 2018, le salarié a sollicité sept jours plus tard l’employeur pour définir avec lui les conditions de son retour,

— le salarié a démissionné début octobre 2018 de son poste de directeur général de la société Swinton Group Limited et ce à la demande de la société MAAF comme en atteste l’échange de courriels du 2 octobre 2018 versé aux débats,

— il est constant que la cession de la société Swinton Group Limited a été réalisée le 31 décembre 2018.

Par suite, comme le soutient le salarié, la circonstance selon laquelle les opérations de cession de la société Swinton Group Limited étaient en cours durant l’année 2018 ne peut justifier le fait que l’employeur n’a pas organisé avec le salarié des entretiens de reclassement entre juin et novembre 2018 alors que l’article 12 précité lui imposait de le faire.

En quatrième et dernier lieu, il ne ressort d’aucun élément produit et notamment pas des courriels des 23 mai et 29 août 2018 (pièces 24 et 25) que M. [J] a notifié à la société MAAF son intention de mettre fin à son contrat de travail pour pouvoir continuer à travailler au sein de la société Swinton Group Limited. Par suite, la société MAAF était tenue d’organiser avec le salarié des entretiens de reclassement entre juin et novembre 2018 comme elle s’y était engagée dans le cadre de l’article 12 de l’avenant d’expatriation du 27 juin 2012.

Il se déduit de ce qui précède que l’employeur a inexécuté ces stipulations contractuelles.

* Sur l’absence de réintégration de M. [J] dans l’emploi qu’il occupait avant son expatriation ou dans un emploi équivalent :

M. [J] expose qu’avant son expatriation, il occupait un poste de directeur le plaçant à la tête d’une équipe d’une cinquantaine de salariés dont certains étaient cadres ou relevaient du statut de directeur. Il expose également qu’au cours de son expatriation, il a été amené à diriger des entreprises de plus en plus importantes et en dernière lieu la société Swinton Group Limited qui comprenait 2.000 salariés.

Malgré cette expérience, M. [J] reproche à la société MAAF de ne lui avoir proposé le 4 décembre 2018 qu’un poste ne comportant aucun titre et pour lequel il avait seulement pour mission de réaliser une étude pour le compte de l’entreprise. Il en déduisait que son reclassement s’analysait en un déclassement puisqu’il se voyait supprimer toute fonction managériale. Compte tenu de ce déclassement, le salarié estimait avoir valablement refusé de signer l’avenant qui lui était proposé par la société MAAF le 4 décembre 2018.

En défense, la société MAAF expose que les stipulations du contrat de travail du salarié en vigueur avant son expatriation ne comportaient aucune mission de management, que M. [J] ne bénéficiait alors d’aucune fiche de poste, que les missions relevant d’un poste de direction ne nécessitent pas une composante de management, que le fait de s’être vu confier une équipe à manager et ne plus en avoir par la suite ne signifiait pas que le poste proposé ne relevait pas du statut de directeur mais que les composantes du poste étaient redistribuées autour d’un enjeu stratégique et que le poste proposé à M. [J] au sein de la direction réassurances et international était équivalent à celui qu’il occupait avant son détachement et ce d’autant que sa rémunération fixe de 170.000 euros assortie d’une prime d’objectifs de 20% correspondait à l’actualisation de ses conditions de rémunération.

Lorsque la modification des conditions de travail par l’employeur bouleverse l’économie fonctionnelle du contrat de travail, le changement ainsi apporté constitue une modification du contrat nécessitant l’accord du salarié.

En l’espèce et en premier lieu, il n’est nullement contesté le fait que les conditions pécuniaires du poste proposé en décembre 2018 par la société respectaient les stipulations de l’article 12 de l’avenant d’expatriation précité imposant à l’employeur de réintégrer M. [J] dans l’emploi qu’il occupait avant son détachement en Angleterre ou dans un emploi équivalent.

En deuxième lieu, s’il est vrai comme l’affirme la société MAAF que la lettre d’engagement du 14 novembre 2007 ne précise pas expressément que M. [J] avait en charge une équipe de cinquante personnes et qu’aucune fiche de poste complétant cette lettre n’est versée aux débats, il n’en demeure pas mois que M. [J] a été engagé en tant que directeur du département 'Marketing Stratégique’ et qu’il avait ainsi la responsabilité d’un département de l’entreprise et donc d’une équipe de salariés. En outre, la société MAAF ne conteste pas le fait que le salarié exerçait avant son expatriation une activité managériale au sein de la société MAAF, l’admettant d’ailleurs implicitement dans ses écritures.

En troisième lieu, la cour constate que le projet d’avenant qui a été présenté au salarié en décembre 2018 n’est pas versé aux débats. Seule une fiche de poste dénommée 'fonctions de [I] [J]' est produite afin de justifier les missions dévolues au salarié au moment de son reclassement. Or, comme le souligne M. [J], le poste qui lui a été proposé par la MAAF et dont l’intitulé n’est pas précisé dans la fiche de poste ne prévoit pas la gestion d’une équipe mais seulement la réalisation d’une étude pour le compte de l’entreprise visant à simplement proposer à celle-ci 'une stratégie et une organisation du partage des connaissances et des savoirs-faire de nos filiales et participations étrangères'.

En outre, il ne ressort nullement des pièces versées aux débats que l’étude devant être réalisée par M. [J] était d’une importance stratégique telle qu’elle rendait ces nouvelles fonctions équivalentes à celle de directeur de département.

Il se déduit de ce qui précède que la modification des conditions de travail par l’employeur au moment du reclassement a bouleversé l’économie fonctionnelle du contrat de travail de M. [J], ce bouleversement se traduisant par un déclassement de ce dernier.

Dès lors, la société a méconnu les stipulations de l’article 12 de l’avenant d’expatriation lui imposant de réintégrer le salarié à un emploi équivalent.

* Sur les efforts sérieux de reclassement :

La société MAAF soutient qu’elle a fait ses meilleurs efforts pour reclasser le salarié à un poste équivalent et produit à cette fin :

— un tableau mentionnant qu’entre le 1er juin et le 31 décembre 2018, dix salariés de l’entreprise ont été nommés à un poste de direction dans le cadre de la mobilité interne,

— un tableau mentionnant qu’entre le 1er juin et le 31 décembre 2018, quatre salariés ont été recrutés pour occuper un poste de direction dans la société.

L’employeur tire argument de ces deux éléments pour affirmer qu’aucun poste correspondant au profil de M. [J] n’était disponible.

Néanmoins, la cour constate que la société MAAF procéde par voie d’affirmation et ne justifie nullement que les postes de direction ainsi attribués ne pouvaient être proposés au salarié.

Au contraire, la société établit par ces éléments que des postes équivalents à celui qu’occupait le salarié avant son expatriation étaient susceptibles de lui être attribués au moment de son reclassement en France.

Il s’en déduit que, comme l’affirme le salarié, la société MAAF n’a pas procédé à des efforts sérieux de reclassement.

***

Ainsi qu’il a été vu ci-dessus, l’employeur a méconnu les stipulations de l’article 12 de l’avenant d’expatriation du 27 juin 2012 en :

— ne définissant pas avec le salarié, dans les six mois précédant la fin de son expatriation, les modalités de son reclassement en France,

— ne proposant pas au salarié un poste équivalent à celui qu’il occupait avant son expatriation,

— ne procédant pas au profit de M. [J] à des efforts sérieux de reclassement.

Ces carences ayant pour effet, comme il a été dit précédemment, de bouleverser l’économie fonctionnelle du contrat de travail caractérisent un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat. La prise d’acte de la rupture est dès lors justifiée et doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

***

Ayant jugé que la prise d’acte de rupture s’analysait en une démission, le conseil de prud’hommes a condamné le salarié à payer à la société MAAF une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 84.999 euros.

Dans le dispositif de ses écritures, le salarié demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné à verser à la société MAAF la somme de 33 604 euros (et non de 84.999 euros) à titre d’indemnité de préavis.

En premier lieu, la cour considère que les conclusions du salarié comportent une erreur matérielle et qu’il sollicitait en réalité l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamné à verser à la société la somme de 84.999 euros à titre d’indemnité compensatrice.

En second lieu, il se déduit des développements précédents que le salarié n’est pas débiteur d’une indemnité compensatrice de préavis à l’égard de l’employeur. Ce dernier sera donc débouté de cette demande pécuniaire et le jugement sera infirmé en conséquence.

* Sur les indemnités liées à la rupture du contrat :

Le salarié dont la rupture du contrat produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse a droit aux indemnités de rupture et à une indemnité pour licenciement sans caue réelle et sérieuse.

En premier lieu, les parties s’accordent sur le fait que M. [J] pouvait prétendre à un préavis de 6 mois.

En revanche, elles divergent sur le montant du salaire de référence pour déterminer le montant de l’indemnité compensatrice de préavis :

— l’employeur considère que ce salaire doit être déterminé à partir des éléments de rémunération fixés par la lettre d’engagement du 14 novembre 2007 soit un salaire annuel fixe de 170.000 euros, outre une prime d’objectif de 20% de ce salaire. Il en déduit que le salarié peut seulement prétendre à une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 102.000 euros bruts (((170.000+(20%x170.0000))/2),

— le salarié considère au contraire que ce salaire doit être déterminé à partir de sa rémunération fixée par ses avenants d’expatriation.

L’indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au salaire brut que le salarié aurait perçu s’il avait travaillé pendant la durée du délai-congé.

En l’espèce, il est constant que l’expatriation de M. [J] a pris fin le 30 novembre 2018 et qu’il a pris acte de la rupture de son contrat le 27 décembre 2018, soit postérieurement à son retour en France.

Il s’en déduit que, comme l’affirme l’employeur, l’indemnité compensatrice de préavis doit être déterminée à partir de la rémunération que M. [J] aurait perçu en France et donc en application de la lettre d’engagement du 14 novembre 2007 (faute d’avenant signé en décembre 2018) et non en application des avenants d’expatriation devenus caduques à la fin de la mission d’expatriation puisque le préavis n’est pas exécuté en Angleterre.

Dès lors, il convient d’allouer au salarié la somme de 102.000 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 10.200 euros bruts de congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

En deuxième lieu, les parties s’accordent sur le fait que l’indemnité conventionnelle de licenciement doit être déterminée sur la base d’une ancienneté de 11 ans et 4 mois compte tenu de la durée du préavis.

Les parties divergent sur le montant du salaire de référence.

Le salarié expose que ce salaire doit être déterminé conformément à la rémunération annuelle brute correspondant aux 12 mois précédents la rupture du contrat de travail conformément aux stipulations de la convention collective applicable et donc à la moyenne des salaires perçus en Angleterre et qui, selon les bulletins de paye de décembre 2017 à novembre 2018 produits, est d’un montant mensuel brut de 63.237 euros, correspondant à un salaire annuel brut de 758.841 euros. Il en déduit que l’indemnité conventionnelle de licenciement due doit être fixée à la somme de 589.114 euros.

L’employeur estime au contraire que le salaire mensuel de référence sur la même période est de 42.995 euros, soit une rémunération annuelle de 515.940 euros. Il en déduit à titre subsidiaire que l’indemnité conventionnelle de licenciement due doit être fixée à la somme de 418.083,38 euros.

En premier lieu, les seuls bulletins de paye versés aux débats pour la période de décembre 2017 à novembre 2018 sont produits par le salarié en pièce 26. La cour constate toutefois que ces bulletins sont rédigés en langue anglaise non traduits, font référence à des rémunérations versées en Livre Sterling et non en euros et mentionnent comme employeur la société MMA Holdings modified et non la société MAAF. Dès lors, l’appelant ne peut utilement se fonder sur ces éléments pour justifier son salaire de référence eu égard à leur faible valeur probatoire.

Au contraire, l’employeur se référe dans ses dernières conclusions à un tableau qu’il produit (pièce 4), rédigé en langue française et dans lequel il fait l’inventaire des éléments de rémunération ayant bénéficié au salarié au titre de la période concernée et parmi lesquels figurent le salaire de base, la prime d’expatriation, les parts variables versés en 2018, le bonus exceptionnel, les avantages en nature, les allocations familiales et l’égalisation sociale et fiscale stipulée dans les avenants d’expatriation produits; ces éléments de rémunération étant valorisés en euros. Ce document est ainsi le seul élément versé aux débats permettant à la cour d’appréhender les rémunérations versées au salarié pendant la période concernée. Il établit que M. [J] a perçu au cours de cette période une rémunération annuelle de 515.940 euros bruts comme le soutient l’employeur dans ses écritures.

Dans ses conclusions, le salarié reproche à l’employeur de ne pas avoir mentionné comme élément de rémunération la prime exceptionnelle de fin de mission qui lui a été versée en janvier 2019.

Lorsqu’elle est payée en exécution d’un engagement unilatéral de l’employeur, une prime constitue un élément du salaire et est obligatoire pour l’employeur dans les conditions fixées par cet engagement, peu important son caractère variable. Toutefois, n’a pas le caractère de salaire au sens de l’article L. 1234-9 du code du travail, une gratification bénévole dont l’employeur fixe discrétionnairement les montants et les bénéficiaires et qui est attribuée à l’occasion d’un événement unique.

En l’espèce, la prime exceptionnelle de fin de mission litigieuse est prévue par l’avenant d’expatriation du 8 janvier 2018 afin 'de soutenir les travaux de fin de mission dans le cadre du projet de cession de Swinton’ et est déterminée par une partie fixe et une partie variable déterminée de manière discrétionnaire par la direction générale réassurance et international du groupe Covéa.

Il se déduit de ces stipulations que cette prime a été attribuée au salarié non seulement de manière exceptionnelle et pour un événement précis (la cession d’une société), ce dont il résulte que l’usage de son versement n’est pas établi.

Par suite, comme l’affirme l’employeur, cette prime ne devait pas être incluse dans la rémunération servant de base au calcul de l’indemnité de licenciement.

Il se déduit de ce qui précède que la rémunération mensuelle brute du salarié doit être fixée à la somme de 42.995 euros bruts.

Dès lors, la société MAAF est redevable à l’égard de M. [J] d’une indemnité conventionnelle de licenciement d’un montant de 418.083,38 euros, selon le détail du calcul de l’employeur contenu en page 30 de ses conclusions.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

En quatrième lieu, M. [J] sollicite la somme de 663.986 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société sollicite à titre infiniment subsidiaire que cette somme soit réduite à 214.975 euros.

L’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 dispose que lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l’article.

En l’occurrence, pour une ancienneté de 11 ans, la loi prévoit une indemnité minimale de 3 mois de salaire brut et une indemnité maximale qui s’élève à 10,5 mois.

Eu égard à ces éléments, à l’âge du salarié au moment de la rupture du contrat de travail (50 ans), à son salaire mensuel brut (42.995 euros bruts), à son ancienneté (11 ans et 4 mois) au fait qu’il expose avoir subi une période de chômage entre le 27 décembre 2018 et le 17 novembre 2019 au cours de laquelle il a bénéficié d’une indemnisation chômage de droit anglais plus faible, il convient de lui allouer la somme de 214.975 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

En cinquième lieu, M. [J] sollicite la somme de 63.237 euros de dommages-intérêts en raison des circonstances vexatoires entourant la rupture.

Il expose ainsi qu’il lui a été demandé de quitter sa famille logée en Angleterre pour exercer une fonction qui ne relève pas de sa classification dans le cadre d’une mise à l’écart caractérisée et qu’il a été informé moins de huit jours avant la fin de sa mission d’expatriation du lieu auquel il devait se présenter.

Néanmoins, le salarié ne justifie en l’espèce ni d’un préjudice distinct de celui réparé par les indemnités mises à la charge de la société ni de circonstances vexatoires susceptibles d’engager la responsabilité civile de l’employeur, la mise à l’écart invoquée n’étant nullement caractérisée au regard des éléments produits.

Il sera donc débouté de sa demande et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Selon les dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable au litige, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Il ressort des développements précédents que la rupture du contrat a été jugée dépourvue de cause réelle et sérieuse par la cour. Etant ainsi dans le cas prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail, il y a lieu d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes français concernés les indemnités de chômage éventuellement versées par eux au salarié dans la limite de six mois d’indemnités.

Sur les demandes accessoires :

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande du salarié tendant à la remise de documents sociaux conformes au présent arrêt est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif.

La société MAAF qui succombe partiellement, est condamnée à verser à M. [J] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

La société MAAF doit supporter les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu’il a :

— débouté M. [I] [J] de sa demande de reconnaissance de prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes pécuniaires au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l’indemnité conventionnelle de licenciement et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamné la société MAAF Assurances à verser à M. [I] [J] la somme de 33.604 euros au titre du bonus,

— condamné M. [I] [J] à verser à la société MAAF Assurances la somme de 84.999 euros au titre de l’indemnité de préavis, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de jugement,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est bien fondée et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société MAAF Assurances à verser à M. [I] [J] les sommes suivantes:

—  102.000 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  10.200 euros bruts de congés payés afférents,

—  418.083,38 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  214.975 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce,

ORDONNE à la société MAAF Assurances de remettre à [I] [J] un certificat de travail, et une attestation destinée à Pôle emploi conformes à l’arrêt,

ORDONNE à l’employeur de rembourser aux organismes français concernés les indemnités de chômage éventuellement versées par eux au salarié dans la limite de six mois d’indemnités,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la société MAAF Assurances aux dépens d’appel.

La greffière, La Présidente.

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 7, 16 mars 2023, n° 19/07158