Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 16, 21 novembre 2023, n° 23/05077

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 16, 21 nov. 2023, n° 23/05077
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 23/05077
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 1er mars 2023, N° 2019042151
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 27 novembre 2023
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Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Chambre commerciale internationale

POLE 5 – CHAMBRE 16

ARRET DU 21 NOVEMBRE 2023

(n° 83 /2023 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/05077 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHJS7

Décision déférée à la Cour : Jugement du tribunal de commerce de Paris (3e chambre) rendu le 2 mars 2023 sous le numéro de RG 2019042151 ayant déclaré l’instance éteinte, la péremption étant acquise

APPELANTES

Société TOKIO MARINE EUROPE SA

société anonyme de droit étranger,

enregistrée au registre du commerce luxembourgeois sous la référence B 22975,

ayant son siège social : [Adresse 4],

prise en sa succursale en France, immatriculée au RCS de PARIS sous le n°843 295 221, sise [Adresse 5],

prise en la personne de ses représentants légaux,

Compagnie ALBINGIA

société anonyme à conseil d’administration,

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n°429 369 309,

ayant son siège social : [Adresse 2],

prise en la personne de ses représentants légaux,

Compagnie ERGO VERSICHERUNG AKTIENGESELLSCHAFT

société étrangère,

ayant son siège social : [Adresse 11] (ALLEMAGNE),

prise en sa succursale en France, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 819 062 548,et domiciliée [Adresse 3],

prise en la personne de ses représentants légaux,

Société AMS EUROPEAN

société par actions simplifiée,

immatriculée au RCS de CRETEIL sous le n°477 854 681,

ayant son siège social : [Adresse 6])

prise en la personne de ses représentants légaux,

Ayant pour avocat postulant : Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant : Me Nicolas FANGET, du cabinet VEBER AVOCATS avocat au barreau de LYON

INTIMEES

Société IBERIA LINEAS AEREAS DE ESPANA OPERADORA SA

société de droit espagnol,

ayant son siège social : [Adresse 8] (ESPAGNE)

prise en la personne de ses représentants légaux,

Ayant pour avocat postulant : Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Ayant pour avocats plaidants : Me Antonio ALONSO et Me Jules GOMEZ-BOURRILLON Me Antonio ALONSO de la SELARL DOLLA – VIAL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0074

Société SOTRACOM AIR TRANSIT

société par actions simplifiée,

immatriuculée au RCS de BOBIGNY sous le n° 350 269 585

ayant son siège social : [Adresse 12]

prise en la personne de ses représentants légaux,

Ayant pour avocat postulant : Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant : Me Sylvie NEIGE, de la SELARL LAROQUE NEIGE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. M2V TRANSPORT

Société à responsabilité limitée,

immatriculée au RCS de PARIS sous le n°489 824 763,

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social : [Adresse 7]

défaillante, non constituée

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Daniel BARLOW, Président de chambre

Mme Fabienne SCHALLER, Présidente de chambre

Mme Laure ALDEBERT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Mme Fabienne SCHALLER dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Najma EL FARISSI

ARRET :

— réputé contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Daniel BARLOW, président de chambre et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* *

*

I/ FAITS ET PROCEDURE

1. La cour est saisie de l’appel interjeté contre un jugement rendu le 2 mars 2023 par le tribunal de commerce de Paris (3e chambre), dans un litige opposant :

— D’un côté, les sociétés Tokio Marine Europe, Albingia, Ergo Verischerung Aktiengesellschaft (ci-après « Ergo »), coassureurs et la société grossiste en fruits et légumes AMS European (ci-après « AMS »)

— De l’autre, les sociétés de transport Iberia Lineas Aereas de Espana Operadora SA (ci-après « Iberia »), Sotracom Air Transit (ci-après « Sotracom ») et M2V Transport.

2. Les sociétés Albingia, AMS, Sotracom et M2V Transport sont des sociétés de droit français. La société Tokio Marine Europe est une société apériteur coassureur de droit luxembourgeois et la société Ergo Versicherung est un compagnie d’assurance de droit allemand. La société Iberia est une société de transport aérien de droit espagnol.

3. Le différend à l’origine de cette décision porte sur un transport de 9.552 kg de mangues fraiches du Mexique vers la France confié en 2018 par la société grossiste en fruits et légumes AMS à Iberia pour le transport aérien puis, de l’aéroport de [9] où Sotracom a réceptionné la marchandise, à M2V Transport pour le transport routier jusqu’à [Localité 10]. La société AMS, à la réception de la marchandise, a émis des réserves, estimant que les mangues livrées n’étaient pas conformes à la commande et avaient voyagé avec des fruits mous ou pourris dans la cargaison, les dommages semblant provenir d’une température de transport trop élevée.

4. L’expertise a chiffré le préjudice à 24.100,47 euros. L’apériteur Tokio Marine Europe SA a indemnisé son assuré AMS à hauteur de 13.821,03 euros.

5. Par courrier recommandé du 24 mai 2019, AMS et ses co-assureurs ont mis en demeure la société Iberia de les indemniser.

6. Par acte introductif d’instance du 29 mai 2019, ils ont assigné les sociétés Iberia, Sotracom et M2V Transport devant le tribunal de commerce de Paris afin de les voir condamnés à les indemniser au titre de l’avarie.

7. Par jugement en date du 2 mars 2023, le tribunal de commerce de Paris a :

« Dit recevable et bien fondé l’incident de péremption soulevé par la société de droit Espagnol Iberia Lineas Aereas de Espagna Operadora SA,

Dit périmée l’instance RG 2019042151,

Condamné la société de droit espagnol Iberia Lineas Aereas de Espagna Operadora SA à une amende civile de 2000 euros au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile,

Dit que le greffe de ce tribunal transmettra une expédition exécutoire du présent jugement au Service des Impôts des Entreprises étrangères ' [Adresse 1] pour en permettre la mise en recouvrement,

Condamne la société anonyme de droit luxembourgeois Tokio Marine Europe SA, la SA Albingia, Companie Ergo Verischerung Aktiengesellschaft, SAS AMS European aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 180,10 euros dont 29,80 euros de TVA. »

8. Les sociétés Albingia, AMS, Ergo et Tokio Marine Europe ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 13 mars 2023.

9. Elles ont été autorisées à assigner les sociétés Iberia, M2V Transport et Sotractom à bref délai devant la chambre commerciale internationale de la cour d’appel de Paris, pour l’audience du 9 octobre 2023, la clôture intervenant le 3 octobre 2023.

II/ PRETENTIONS DES PARTIES

10. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 août 2023, les sociétés Tokio Marine Europe, Albingia, Ergo et AMS demandent à la cour, au visa des articles articles 2, 15, 446-3 du Code de procédure civile de :

— Réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 mars 2023 en ce qu’il a :

' dit recevable et bien fondé l’incident de péremption soulevé par la société de droit espagnol Iberia Lineas Aereas de Espana operadora SA,

' dit périmée l’instance RG 2019042151,

' condamné la Société Anonyme de droit luxembourgeois Tokio Marine EuropeSA, la SA Albingia, la compagnie Ergo Verischerung Aktiengesellschaft et la SAS AMS European aux dépens.

Statuant à nouveau,

— Déclarer irrecevables les conclusions d’incident de la société Iberia du 25 mai 2022,

— Rejeter l’exception de péremption de la société Iberia,

— Dire l’instance introduite par les concluantes non frappée de péremption ; et déclarer recevable leur action,

— Débouter les sociétés intimées de toutes leurs demandes, fins et prétentions.

— Débouter la société Iberia Lineas Aereas de Espagna Operadora SA de son appel incident.

— Condamner la société Iberia, au paiement de la somme de 5 000 eurps sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

11. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 juillet 2023, la société Sotracom demande à la cour de bien vouloir :

« Vu les articles 385 et suivants du code de procédure civile,

La société Sotracom Air Transit s’en remet à la sagesse de la cour sur la question de la péremption d’instance.

En tout état de cause, il est demandé à la cour de céans de bien vouloir

— CONDAMNER la société Iberia Lineas Aereas de Espagna Operadora SA à payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l’article 699 du code de procédure civile. »

12. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 septembre 2023, la société Iberia demande à la cour de bien vouloir :

« Vu les articles 2, 15, 32 1, 386, 446 3, 696 et 700 et du code de procédure civile,

— JUGER recevable la société IBERIA LINEAS AEREA DE ESPAÑA en ses conclusions et l’en déclarer bien fondée ;

Et en conséquence, à titre principal :

— CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 2 mars 2023, en ce qu’il a jugé périmée l’instance enregistrée sous le RG n°2019042151,

— INFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 2 mars 2023, en ce qu’il a condamné la société IBERIA LINEAS AEREA DE ESPAÑA à une amende civile de 2.000 au titre de l’article 32 1 du code de procédure civile,

— INFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de PARIS en date du 2 mars 2023, en ce qu’il a débouté la Société IBERIA LINEAS AEREA DE ESPAÑA de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau :

— DIRE ET JUGER qu’il n’y a pas lieu à condamner la Société IBERIA LINEAS AEREA DE ESPAÑA au paiement d’une amende civile,

— CONDAMNER in solidum la société TOKIO MARINE, ALBINGIA, ERGO VERSICHERUNG et AMS EUROPEAN au paiement de la somme de 2 .000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance. »

13. La société Iberia forme appel incident sur sa condamnation à une amende civile

« Et y ajoutant en cause d’appel :

— CONDAMNER in solidum la société TOKIO MARINE, ALBINGIA, ERGO VERSICHERUNG et AMS EUROPEAN au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— CONDAMNER in solidum la société TOKIO MARINE, ALBINGIA, ERGO VERSICHERUNG et AMS EUROPEAN aux entiers dépens. ».

III/ MOTIFS DE LA DECISION

— Sur l’irrecevabilité des conclusions demandant la péremption

14. Les sociétés Tokio Marine Europe, Albingia, Ergo et AMS (ci-après « les appelantes ») soutiennent que les conclusions de la société Iberia contenant le moyen tiré de la péremption sont irrecevables aux motifs que :

— la société Iberia n’a pas déféré à deux injonctions de conclure du tribunal de commerce et n’a conclu que le 25 mai 2022, lesdites conclusions étant dès lors tardives et partant, irrecevables.

— ces conclusions tendant à la péremption déposées après plus de huit renvois qu’elle avait elle-même sollicités pour tentatives d’arrangements amiables sont irrecevables pour déloyauté procédurale, et à tout le moins en raison de la fraude commise, nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude.

15. En réponse, la société Iberia réplique que :

— ses conclusions du 25 mai 2022 étaient parfaitement recevables.

— l’affaire a été renvoyée à quatorze reprises sur demande conjointe des parties et sans que les demanderesses ne réalisent de diligences pendant plus de deux ans, ni ne demandent la fixation de l’affaire, comme elles avaient le pouvoir de le faire.

16. Elle conteste toute déloyauté de sa part à ce titre, les renvois ayant été demandés conjointement.

17. Elle rappelle que la procédure devant le tribunal de commerce étant orale, les parties peuvent débattre oralement jusqu’à la fin de la plaidoirie car il n’y a pas de véritable clôture des débats.

18. La société Sotracom n’a pas conclu sur la recevabilité des conclusions d’Iberia et s’en remet à la sagesse de la cour sur le fond.

Sur ce,

19. Selon l’article 860-1 du code de procédure civile, la procédure est orale devant le tribunal de commerce.

20. En vertu du principe de l’oralité, une partie est recevable à présenter un nouveau chef de demande jusqu’à la clôture des débats et il appartient au juge de faire respecter le principe de la contradiction.

21. Toutefois, selon l’article 446-2, premier et derniers alinéa du code de procédure civile, propre à la procédure orale :

« Lorsque les débats sont renvoyés à une audience ultérieure, le juge peut organiser les échanges entre les parties comparantes. Après avoir recueilli leur avis, le juge peut ainsi fixer les délais et, si elles en sont d’accord, les conditions de communication de leurs prétentions, moyens et pièces.

(')

A défaut pour les parties de respecter les modalités de communication fixées par le juge, celui-ci peut rappeler l’affaire à l’audience, en vue de la juger ou de la radier.

Le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense. ».

22. Le fait que les parties n’aient pas respecté les dates limites fixées par le juge ne suffit pas, en application des dispositions susrappelées, à justifier le rejet d’office des écritures tardives des débats.

23. En outre, il ne résulte pas en l’espèce de la procédure devant le juge chargé d’instruire l’affaire en première instance que la tardiveté des conclusions puisse justifier un tel rejet dès lors qu’il n’est pas contesté que le motif des demandes de renvoi était l’existence de pourparlers, et que les demandes de renvoi ont été validées par les avocats de part et d’autre, l’absence de motif légitime pour en demander le rejet et la violation des droits de la défense n’étant dès lors pas établis.

24. Le fait que la société Ibéria en déduise ensuite que l’instance serait prescrite relève de l’appréciation de la validité de la péremption, et non de sa recevabilité.

25. La demande d’irrecevabilité des conclusions d’Ibéria aux fins de péremption sera par conséquent rejetée et la décision des premiers juges confirmée sur ce point.

— Sur la péremption

26. Les sociétés Tokio Marine Europe, Albingia, Ergo et AMS demandent à la cour de constater la fraude procédurale et la turpitude d’Iberia, dont la société Iberia ne peut se prévaloir pour en tirer avantage.

27. En tout état de cause, elles demandent à la cour de dire que la péremption n’est pas acquise dès lors que :

— l’absence de diligences pendant deux ans ne peut être invoquée si les parties ne sont pas ou ne sont plus tenues à aucune diligence, ce qui est le cas lorsque l’affaire est en état d’être plaidée.

— les injonctions de conclure délivrées par le tribunal de commerce ont interrompu la péremption car il s’agit d’actes de procédure.

— le point de départ de la péremption commencerait à courir non pas à la date des conclusions de la société Sotracom (22 janvier 2020) mais à la date de la délivrance de la deuxième injonction de conclure délivrée par le tribunal (16 septembre 2020).

28. En réponse, la société Iberia soutient que la péremption est acquise en ce que :

— il appartient aux parties, et surtout au demandeur, de réaliser des actes de nature à éviter la péremption de l’instance.

— en aucun cas les actes émanant du tribunal ne peuvent être définis comme des diligences qui auraient pu interrompre la péremption,

— le point de départ court à partir de la dernière diligence de l’une quelconque des parties. Or, les dernières diligences accomplies par les parties sont les conclusions déposées par Sotracom lors de l’audience du 22 janvier 2020. A compter de cette date, aucune autre diligence n’a été réalisée pendant deux ans.

Sur ce,

29. Aux termes de l’article 386 du code de procédure civile, « l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ».

30. La diligence interruptive de péremption, selon la doctrine et la jurisprudence, ancienne et constante, est celle qui manifeste la volonté d’une partie de faire progresser l’affaire, de donner une impulsion à l’instance.

31. Constitue une telle manifestation de volonté de la part des parties le fait, en procédure orale, de se présenter à l’audience du juge du contentieux général en charge du suivi des affaires pour voir ordonner par le tribunal aux parties ou à l’une d’elles de conclure pour une date donnée et qu’à défaut de quoi il soit fait application de l’article 469 du code de procédure civile.

32. En effet, selon cet article qui sanctionne l’absence de diligence, si l’une des parties, après avoir comparu, s’abstient d’accomplir les actes de la procédure dans les délais requis, le juge statue par jugement contradictoire au vu des éléments dont il dispose.

33. En l’espèce, les avocats des parties se sont présentés à l’audience du tribunal de commerce du 16 septembre 2020, la présence des avocats étant justifiée par la mention de leur comparution sur l’avis du greffe, et le tribunal a fait injonction à l’avocat de la société Iberia, « de conclure pour l’audience du mercredi 14 octobre 2020 » et « qu’à défaut de quoi il serait fait application de l’article 469 du code de procédure civile ».

34. Un avis d’injonction de se mettre en état de plaider, notifiant auxdits avocats ladite injonction leur a été transmis par le greffe le même jour.

35. Une telle injonction résulte d’une action des parties qui ont comparu à l’audience, ce qui a fait courir un nouveau délai de péremption, un tel acte donnant une nouvelle impulsion aux parties de conclure ou d’en tirer les conséquences pour qu’un jugement soit rendu en l’état, faisant ainsi nécessairement avancer la procédure, l’affaire pouvant alors être fixée pour être jugée.

36. Le 16 septembre 2020 est par conséquent le nouveau point de départ du délai de péremption et le délai de deux ans n’était pas expiré le 25 mai 2022, date des conclusions d’incident de la société Ibéria, ni le 28 juillet 2022, date des conclusions des demanderesses.

37. Il y a lieu dans ces conditions, de dire que la péremption n’était pas acquise et d’infirmer la décision sur ce point.

— Sur l’appel incident

38. La société Iberia sollicite l’infirmation de la décision qui l’a condamnée à une amende civile.

39. Elle expose qu’elle n’a pas abusé du droit de se défendre en justice, qu’elle a simplement formalisé des demandes de renvoi, qui étaient conjointes, compte tenu de l’existence de pourparlers entre les parties, et n’a mis en 'uvre aucune man’uvre procédurale ayant pour objet de retarder l’issue du procès.

40. Les sociétés appelantes demandent la confirmation de la décision sur ce point et de débouter la société Ibéria de son appel incident.

Sur ce,

41. Selon l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

42. Une telle condamnation suppose la démonstration d’une faute commise dans l’exercice du droit d’agir, ou du droit de se défendre, susceptible de faire dégénérer l’action ou la défense en abus, l’octroi de dommages et intérêts étant subordonné à l’existence d’un préjudice en lien de causalité avec cette faute, conformément à l’article 1240 du code civil.

43. En l’espèce, les sociétés appelantes ne rapportent pas la preuve d’une faute ou légèreté blamable de la part de la défenderesse, le seul fait d’avoir sollicité avec l’accord de la partie adverse des renvois pour poursuivre des pourparlers ne suffisant pas à démontrer une attitude dilatoire délibérée. Elle ne démontre pas davantage l’existence d’un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense.

44. Il n’y a pas plus lieu d’ordonner une amende civile.

45. La demande sera en conséquence rejetée.

IV/ SUR LES FRAIS ET DEPENS

46. La société Ibéria qui succombe sera condamnée aux dépens et à payer aux sociétés appelantes, une somme globale de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

47. La société Iberia sera également condamnée à payer à la société Sotracom qui s’en est remise à justice sur la péremption mais a dû engager des frais irrépétibles devant la cour d’appel une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

V/ DISPOSITIF

Par ces motifs, la cour,

1) Infirme le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 2 mars 2023 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a dit recevable l’incident de péremption soulevé par la société Ibéria,

Statuant à nouveau,

2) Rejette l’exception de péremption d’instance,

3) Dit que les sociétés Tokio Marine Europe SA, Albingia SA, Ergo Verischerung Aktiengesellschaft, et AMS European sont recevables à poursuivre leur action devant le tribunal de commerce de Paris,

4) Déboute la société Ibéria de toutes ses demandes,

5) Condamne la société Ibéria à payer aux sociétés Tokio Marine Europe SA, Albingia SA, Ergo Verischerung Aktiengesellschaft, et AMS European, une somme globale de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

6) Condamne la société Iberia à payer à la société Sotracom une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

7) Condamne la société Iberia aux entiers dépens.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,

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