Cour d'appel de Pau, 12 décembre 2014, n° 14/04422

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 12 déc. 2014, n° 14/04422
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 14/04422

Sur les parties

Texte intégral

JN/AM

Numéro 14/4422

COUR D’APPEL DE PAU

1re Chambre

ARRET DU 12/12/2014

Dossier : 13/02631

Nature affaire :

Demande relative à un droit de passage

Affaire :

V-W B

F G épouse B

C/

D Z

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU 40 R S

SCI DU 40 R S

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 12 décembre 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 14 octobre 2014, devant :

Madame PONS, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Madame NICOLAS, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l’article 785 du code de procédure civile

assistés de Madame VICENTE, Greffier, présente à l’appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur V-W B

né le XXX à MANTES-LA-JOLIE (78)

de nationalité française

XXX

XXX

Madame F G épouse B

née le XXX à LORIENT

de nationalité française

XXX

XXX

représentés et assistés de Maître V-Benoît SAINT-CRICQ, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMES :

Monsieur D Z

né le XXX à XXX

de nationalité française

40 R S

64200 A

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU 40 R S

40 R S

64200 A

pris en la personne de Monsieur D Z

SCI DU 40 R S

40 R S

64200 A

représenté par son syndic bénévole Monsieur D Z

représentés et assistés de la SCP VELLE LIMONAIRE & DECIS, avocats au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 24 JUIN 2013

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

Les faits et la procédure

M. et Mme B ont fait l’acquisition, par acte notarié du 15 novembre 2005, d’un immeuble situé à A (64), 40 R S.

Ils ont donné à bail commercial le rez-de-chaussée de l’immeuble, pour l’exploitation d’un commerce à l’enseigne de « petit casino ».

Cet immeuble, fonds servant, est grevé d’une servitude constituée dans un acte notarié du 10 juillet 1962.

Cette servitude réelle et perpétuelle, concède notamment le droit de passer en un passage couvert, dont les dimensions sont précisées à l’acte.

En 1962, lors de la création de la servitude, le fonds dominant, bénéficiaire de la servitude, propriété des époux X, était exclusivement destiné à une activité commerciale de brocante.

Les époux X, par acte notarié du XXX, ont cédé leur propriété, à la SCI du 40 R S.

Cette SCI, selon règlement de copropriété déposé au rang des minutes du notaire le 17 juillet 2003, a divisé l’immeuble en 2 lots :

— le lot n° 1, constitué d’un local commercial situé au rez-de-chaussée, et exploité par M. Z pour l’activité de brocante,

— le lot n° 2, consistant en un appartement à aménager au 1e étage, accessible depuis le rez-de-chaussée par un escalier privatif, lequel a été vendu à M. Z, par acte notarié du 17 juillet 2003.

M. Z est le gérant de la SCI, le syndic bénévole de la copropriété, le propriétaire de l’appartement et l’exploitant du fonds de commerce.

Suite à des différends entre leur locataire et M. Z, les époux B ont reproché aux propriétaires et exploitant du fonds dominant, d’excéder très largement les termes de la servitude, et de porter ainsi atteinte à leur droit de propriété.

Par une mise en demeure du 6 janvier 2009, ils ont estimé que le droit de passage était réservé à des personnes physiques et ne concernait aucun véhicule, et que la possibilité d’entreposer des meubles et objets relatifs à leur commerce, était une clause « intuitu personae », et que seuls, les consorts X (précédents propriétaires du bien), pouvaient s’en prévaloir.

Par assignation du 13 juillet 2009, M. et Mme B ont assigné le syndicat de copropriété du 40 R S à A, pris en la personne de son syndic, la SCI du 40 R S, prise en la personne de son gérant, et M. D Z, au visa des articles 544, 686 à 710 du code civil, notamment aux fins de les voir condamnés sous astreinte, à faire cesser les troubles qui leur sont reprochés, et à leur payer des dommages-intérêts.

Par jugement du 24 juin 2013, le tribunal de grande instance de Bayonne, a :

— dit et jugé que les servitudes de passage et d’entreposage résultant de l’acte authentique du 10 juillet 1962 sont indissociables et ont été constituées au profit du fonds ayant appartenu aux consorts X, actuellement propriété de la SCI du 40 R S à A, sur le fonds ayant appartenu aux consorts Y – T-U appartenant actuellement aux époux B,

— donné acte à V-W B et son épouse F G de ce qu’ils acceptent d’indemniser les défendeurs pour la construction du mur et à hauteur de l’euro symbolique, et la SCI 40 R S de ce qu’elle accepte l’offre,

— constaté que de fait, la servitude de passage se trouve limitée aux piétons et deux-roues,

— débouté les époux B de l’ensemble de leurs autres fins, prétentions et moyens,

— rejeté les plus amples demandes du syndicat des copropriétaires du 40 R S à A, pris en la personne de son syndic D Z, de la SCI du même nom dont le gérant est également M. Z, et de M. Z lui-même,

— dit n’y avoir lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en l’espèce,

— condamné les époux B aux dépens en ce compris le coût de trois constats.

Par déclaration par voie électronique du 9 juillet 2013, les époux B ont formé appel à l’encontre du jugement du 24 juin 2013.

L’instruction de l’affaire a été clôturée le 1er septembre 2014.

Les prétentions des parties

Selon leurs dernières conclusions du 7 octobre 2013, M. et Mme B sollicitent, au visa de l’article 687 du code civil, la réformation du jugement frappé d’appel, en ce qu’il les a déboutés, et statuant à nouveau, demandent :

— la condamnation des intimés à leur payer 10 000 € de dommages-intérêts pour atteinte à leur droit de propriété, outre 3 000 € à titre de frais irrépétibles,

— de dire et juger que par l’effet de l’article 703 du code civil, la servitude de passage s’est trouvée nécessairement limitée au seul passage des piétons ou des véhicules à deux-roues,

— donner acte de ce qu’ils sont désormais propriétaires du muret et de l’imposte construite sur leur sol par la copropriété du 40 R S, la SCI du 40 R S, et M. D O Z, et de ce qu’ils acceptent désormais d’indemniser le muret pour l’euro symbolique,

— de dire et juger que l’autorisation donnée aux consorts X d’entreposer des meubles pour leur commerce était intransmissible,

— de dire et juger qu’une servitude ne peut être instaurée que sur un fonds immobilier au profit d’un autre fonds immobilier et certainement pas au profit d’un fonds de commerce,

— de constater que l’autorisation d’entreposage dont bénéficiaient les consorts X ne bénéficie pas à M. Z et à son commerce et qu’elle est révoquée par les appelants,

— en conséquence, de condamner les défendeurs, sous astreinte de 300 € par jour de retard, à dégager tout le mobilier qui occupe indûment la servitude de passage,

— de condamner les mêmes, sous la même astreinte, à :

— faire disparaître tous les autocollants, publicités adhésives, panneaux, horaires et boîte aux lettres apposés sur la porte d’entrée,

— supprimer l’interphone leur appartenant encastré dans la AJ de la façade de la maison,

— supprimer le câble Numericable installé sur la façade et sur le mur le long du passage de l’immeuble appartenant aux époux B,

— supprimer les enseignes installées sur la façade et la porte de la servitude de passage de l’immeuble des concluants,

— s’interdire de stationner un quelconque véhicule dans l’emprise de la servitude de passage qui demeurera libre,

— d’ordonner une mesure d’expertise aux fins de chiffrer le coût de la remise en état de la AJ d’entourage du passage dégradé par la mise en place de l’interphone, et vérifier l’installation électrique mise en place par M. Z.

Selon leurs dernières conclusions du 4 décembre 2013, les intimés, à savoir M. Z, la SCI du 40 S, et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble 40 R S, représenté par son syndic bénévole M. Z, au visa des articles 555, 637, 682 et suivants, 692 et suivants, 1134, 1147 et 2258 et suivants du code civil, sollicitent la confirmation du jugement du 24 juin 2013 en ce qu’il a :

— débouté les époux B de toutes leurs prétentions,

— dit que les servitudes de passage et d’entreposage étaient indissociables et ont été constituées au profit du fonds ayant appartenu aux consorts X, actuellement propriété de la SCI du 40 S à A,

— donné acte aux époux B de leur accord pour indemniser les intimés pour la construction du mur à hauteur de l’euro symbolique,

— mis à la charge des appelants les entiers dépens.

Ils sollicitent sa réformation, en ce qu’il a constaté que la servitude de passage se trouvait limitée aux piétons et aux deux-roues, demandant qu’il soit jugé que la servitude de passage conventionnelle s’applique à l’ensemble des véhicules (à deux ou quatre roues) susceptibles d’emprunter ledit passage.

À titre d’appel incident, ils demandent la condamnation des appelants à :

— effectuer les travaux de réparation nécessaires du sol et des murs du passage, dans les trois mois de la signification de l’arrêt à intervenir, sous peine d’astreinte de 200 € par jour de retard, sauf à leur donner acte de leur offre de payer la moitié des frais sur présentation des devis acceptés par les deux parties, puis des factures,

— supprimer les nuisances causées par les aérateurs, dans les trois mois de la signification de l’arrêt à intervenir, sous peine d’astreinte de 200 € par jour de retard,

— leur payer une indemnité de 10 000 € pour procédure abusive et vexatoire,

— leur payer une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le cas échéant, ils sollicitent de la Cour un transport sur les lieux, et le débouté des époux B de toutes leurs demandes.

Sur quoi la cour

Par acte notarié du 10 juillet 1962, les consorts T-U ont divisé l’immeuble dont ils étaient propriétaires, situé 40 S à A, pour en vendre une partie aux consorts X (AF AG épouse de M. X V-W, et M. et Mme X V-AJ).

Ce même acte a créé une servitude réelle et perpétuelle destinée à permettre aux acquéreurs d’accéder à l’immeuble objet de la vente.

L’acte prévoit au paragraphe « servitudes », les dispositions suivantes :

« Pour permettre à Mme X née AG et M. et Mme X, acquéreurs d’accéder à l’immeuble objet de la présente vente, Mme J Y (née T-U) et Melle T-U, nom et ès nom, leur concèdent, ce qu’ils acceptent à titre de servitude réelle et perpétuelle, le droit de passer en un passage couvert se trouvant dans l’immeuble restant la propriété défenderesse, au nord de celle-ci, et joignant la propriété vendue R S, pris pour partie sur le n° 3638 de la section C du plan cadastral rénové de la commune de A (restant appartenir aux vendeurs, cf. page 2 de l’acte).

Ledit passage couvert d’une largeur, sur la R S, de deux mètres soixante dix sept et sur la copropriété vendue, de deux mètres soixante huit, sur une longueur de dix mètres dix en hachures rouges sur un plan dressé par MM. Boussuge, géomètres experts à A, le XXX, qui est demeuré ci-joint et annexé après mention.

Ce passage débouche directement sur la R S avec laquelle il communique par une grande porte de deux mètres trente sept de largeur, de laquelle porte Mme X née AG et M. et Mme X auront seuls la libre disposition.

Le droit de passage ainsi constaté pourra être exercé de tout temps et à toute heure par les consorts X, les membres de leurs familles, leurs domestiques, employés et clients du fonds de commerce exploité par eux dans l’immeuble objet de la présente vente, puis ultérieurement et dans les mêmes conditions, par les propriétaires successifs de l’immeuble objet des présentes, pour se rendre à celui-ci et en revenir.

Dans ce passage couvert, les consorts X auront la possibilité d’entreposer les meubles et objets relatifs à leur commerce de « vente d’objets d’occasion » en tant que hall d’exposition'. ».

Sur la servitude de passage

La servitude de passage a été convenue lors de la division d’un fonds unique, pour permettre aux acquéreurs d’accéder à l’immeuble vendu.

Si elle est contenue dans un acte, elle résulte d’un état d’enclave créé par la division d’un fonds unique.

Or l’acte, s’il a précisé l’assiette de la servitude, et les bénéficiaires, n’en a pas précisé tous les modes d’exercice.

Les parties sont en désaccord sur le point de savoir si, au-delà du passage des piétons, la servitude permet le passage des véhicules, et dans ce cas, elles sont en désaccord sur le point de savoir si seuls les véhicules deux-roues sont autorisés, ou si au contraire, la servitude permet le passage des véhicules à quatre roues.

Il convient, en application des dispositions des articles 1156 et suivants, de rechercher quelle a été la commune intention des parties, et de rappeler que dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation.

L’immeuble vendu est un immeuble de ville où était exploité un commerce de brocante.

Cette activité suppose la livraison d’objets mobiliers pouvant accuser un certain poids, ce qui nécessite de les véhiculer.

Les éléments du dossier démontrent que la porte d’accès au passage, est une ancienne porte de garage, devant laquelle le trottoir comporte un abaissement, communément appelé « bateau », destiné à permettre aux véhicules d’accéder plus facilement de la R, à l’entrée du garage.

Par ailleurs, la largeur du passage accordé, de 2,77 m, ou 2,68 m, permet le passage de la plupart des véhicules à quatre roues.

Enfin, aucune restriction n’a été prévue dans l’acte.

L’ensemble de ces éléments permet de retenir que la servitude consentie, était destinée au passage piétonnier, mais également au passage de véhicules à deux et quatre roues.

Cette analyse est conforme aux règles d’interprétation des contrats, telles que rappelées ci-dessus.

Le passage concédé par la servitude, ouvre sur la R S et accède à une cour intérieure propriété de la SCI du 40 S.

Il est constant qu’en 2005, le propriétaire du fonds dominant a édifié un muret sur l’assiette de la servitude, côté cour, réduisant à cet endroit la largeur du passage à 1,77 m au lieu de 2,68 m.

Pour autant, l’usage de la servitude reste possible, sans restriction pour les piétons, et les véhicules deux-roues, et pour les véhicules quatre roues, sur toute la longueur de l’assiette de la servitude, et jusqu’à l’implantation du muret et même au-delà mais alors sous la réserve que la largeur des véhicules permette leur passage sur la largeur résiduelle du passage de 1,77 m.

En conséquence, les dispositions de l’article 703 du code civil, selon lesquelles « les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu’on ne peut plus en user », ne trouvent pas à s’appliquer.

Enfin, c’est de façon pertinente et adaptée, que le premier juge a considéré que la division du fonds dominant en un appartement et un commerce, n’était pas de nature à aggraver la servitude, faute de démontrer que l’usage du passage par les occupants d’un appartement, comparé à l’usage du passage par les clients d’un commerce, causerait une aggravation pour le fonds servant, alors même que la servitude de passage a été concédée pour être exercée « en tout temps et à toute heure ».

Au vu de ces motifs, le premier juge sera infirmé, en ce qu’il a constaté, que de fait, la servitude de passage se trouvait limitée aux piétons et aux deux-roues.

Sur la possibilité d’entreposage

Les époux B contestent qu’il s’agisse d’une servitude, mais estiment au contraire qu’il s’agit d’un droit personnel, concédé aux seuls consorts X.

Il est constant qu’avant de devenir propriétaires des murs, les consorts X exploitaient dans les lieux un commerce d’antiquités brocante, et bénéficiaient déjà de l’autorisation de se servir du passage devenu l’assiette de la servitude de passage, comme d’un hall d’exposition.

Le premier juge a estimé que dès lors que la clause « claire et minutieuse » se situe au paragraphe « servitudes », le droit ainsi concédé est un droit réel conféré au bénéfice d’un fonds et non au bénéfice des personnes, le surplus des motifs du premier juge, tenant aux avantages pratiques pour le propriétaire du fonds dominant, de la qualification de servitude, étant en l’espèce inopérant.

La clause n’est pas univoque : en effet, si on s’en tient aux termes employés, il s’agit d’une possibilité, et non d’un droit, concédée en faveur de personnes nommément désignées, à l’exclusion de toute autre, non pas en leur qualité d’acquéreurs, mais en leur qualité d’exploitants d’un commerce de brocante.

C’est en adoptant cette analyse, que les appelants concluent que l’autorisation consentie ne l’est pas en faveur d’un fonds immobilier, mais en faveur de personnes nommément désignées, et ne peut donc constituer une servitude, au sens des dispositions de l’article 686 du code civil.

Cependant, conformément aux dispositions de l’article 1156 du code civil, on doit dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes.

Or, la clause litigieuse est toute entière relative à la servitude de passage.

L’analyse de sa rédaction démontre que les parties, après avoir posé le principe de la servitude, et définit son assiette, en ont déterminé certaines des modalités d’exercice.

Et la possibilité d’entreposage est comprise au titre des modalités d’exercice de la servitude.

Elle en fait donc partie intégrante.

C’est ainsi que les consorts X sont implicitement désignés en leur qualité d’acquéreurs, cette qualité ayant été expressément rappelée dans la première phrase de la clause à interpréter, sans que les parties aient estimé nécessaire de la répéter.

C’est le même procédé de rédaction qui a été employé, pour rappeler que les bénéficiaires du droit de passage auront seuls la libre disposition de la porte située R S, et donnant accès au passage, puisque là encore, ce sont les consorts X et qui sont nominativement désignés dans l’acte, alors qu’il ne fait pas de doute qu’ils ne sont cités qu’en leur qualité d’acquéreurs du fonds dominant.

Il en résulte que la servitude consentie, comprend la possibilité pour les propriétaires du fonds dominant d’utiliser l’assiette du passage, comme hall d’exposition de leur commerce de brocante.

Les époux B ne sont donc pas fondés à solliciter l’enlèvement des meubles et objets mobiliers qui y sont entreposés.

Le premier juge sera confirmé.

Sur l’interdiction de stationnement de tout véhicule dans le passage

La servitude de passage consentie, ne renferme pas le droit de stationner sur l’emprise de la servitude.

Les parties en conviennent, M. Z reconnaissant avoir parfois laissé son scooter en stationnement dans le passage, de façon indue, s’engageant à ne plus réitérer ce comportement.

L’accord des parties et l’absence de comportement répréhensible en cours, ne justifie pas la condamnation sollicitée sous astreinte.

Les demandes ne sont pas fondées et seront rejetées.

Sur la suppression des autocollants, publicité, panneaux, horaires, boîte aux lettres, apposés sur la porte d’entrée

La clause relative à la servitude de passage, prévoit que « ce passage débouche directement sur la R S avec laquelle il communique par une grande porte de 2,37 m de largeur, de laquelle porte Mme X née AG et M. et Mme X auront seuls la libre disposition ».

Ainsi, cette clause attribue aux propriétaires du fonds dominant la libre disposition de la porte par laquelle le passage communique sur la R S.

Il n’est pas contesté que cette porte supporte divers affichages, panneaux d’information, publicités, boîte aux lettres, conformes à la clause de libre distribution.

C’est donc à tort que des griefs à ce titre leur sont reprochés.

Ces demandes ne sont pas fondées et seront rejetées.

Le premier juge sera confirmé.

Sur la suppression de l’enseigne

Les intimés se prévalent d’une prescription acquisitive, au motif que l’enseigne serait posée au même endroit depuis 1957.

Les époux B, appelants, contestent toute possibilité de prescription acquisitive, dans le principe d’abord, estimant qu’une simple tolérance ne peut donner lieu ni à servitude, ni à prescription, faisant valoir en outre que les obligations conférées dans l’intérêt d’un fonds de commerce, bien meuble, ne peuvent pas être qualifiées de servitudes, prévues exclusivement aux bénéfices de fonds immobiliers, et faisant valoir enfin que la SCI n’étant propriétaire que depuis 1998, elle ne peut se prévaloir d’aucun délai trentenaire.

En premier lieu, il convient de constater que l’enseigne n’est pas posée sur la porte d’accès au passage, mais sur le mur qui surplombe cette porte, et qui est la propriété des époux B.

C’est donc en vain que les intimés soutiennent que la clause qui leur attribue la libre disposition de la porte, les autoriserait à poser leur enseigne sur le mur.

S’agissant de la prescription acquisitive, dont ils se prévalent, les intimés ne précisent ni le droit ou la servitude qui aurait été acquis par prescription, ni l’auteur de cette acquisition, ni le moyen par lequel ce droit leur aurait été transmis.

Il se contentent d’indiquer que les choses sont en l’état depuis 1957, que depuis, ils n’y ont rien changé, que l’enseigne a été posée exactement au même endroit que celle du précédent exploitant.

À l’origine, les précédents exploitants (les consorts X), étaient locataires des locaux commerciaux, si bien qu’ils posaient leur enseigne sur la façade de l’immeuble des propriétaires des locaux, en vertu d’une autorisation de ceux-ci.

Ils sont ensuite devenus propriétaires de leurs locaux commerciaux, par acte du 10 juillet 1962, et il est constant qu’ils ont continué à apposer leur enseigne, en façade de l’immeuble restant la propriété de leurs vendeurs.

Ils n’ont ni revendiqué, ni fait consacrer à leur profit, en leur qualité de propriétaires des locaux commerciaux, l’acquisition d’une servitude de pose d’enseigne par possession continue, apparente et trentenaire.

Ils ont ensuite vendu leurs locaux à la SCI du 40 R S, le XXX.

Il s’agit là d’une vente exclusivement immobilière, et non de la cession de fonds de commerce (contrairement à l’intitulé de la pièce n° 1 des intimés).

Cet acte ne contient mention d’aucune servitude de pose d’enseigne ou d’un quelconque panneau.

Il convient d’en déduire que les précédents propriétaires des locaux commerciaux, ont continué à jouir de l’autorisation d’abord de leurs bailleurs, puis de leurs vendeurs, pour apposer leur enseigne commerciale sur la façade de l’immeuble de ces derniers.

Lors de la vente des locaux à la SCI du 40 R S, le XXX, aucune servitude de pose d’enseigne n’a été transmise.

Il est donc indifférent à la solution du présent litige, que les éléments du dossier, notamment les photographies et les attestations produites, démontrent que les précédents exploitants posaient leur enseigne commerciale, au même endroit, depuis l’année 1960, et en tout cas l’année 1962, où ils sont devenus propriétaires des locaux.

Depuis cette date du XXX, aucun délai trentenaire ne s’est écoulé, si bien que les moyens tirés d’une prescription acquisitive trentenaire sont inopérants.

M. Z échoue à démontrer son droit d’apposer son enseigne sur un mur qui ne lui appartient pas.

Il sera en outre observé que la tolérance qui lui était jusque-là accordée s’agissant de la pose de son enseigne commerciale, lui est expressément retirée par les propriétaires du mur.

Il sera en conséquence fait droit à la demande d’enlèvement de l’enseigne.

Au regard des relations conflictuelles existant entre les parties, le prononcé d’une astreinte provisoire est opportun et sera ordonné, ainsi qu’il sera dit au dispositif.

Le premier juge sera infirmé.

Sur la suppression de l’interphone

Les époux B ne contestent pas le principe de la pose d’un interphone sur le muret vertical de leur propriété, entourant la porte d’entrée du passage.

Ils soutiennent que la pose aurait causé des dégradations et sollicitent une mesure d’expertise pour en chiffrer le coût.

Ils sollicitent en outre dans le dispositif de leurs conclusions, sa suppression.

S’agissant de la demande de suppression, l’article 696 du code civil, prévoit que « quand on établit une servitude, on est censé accorder tout ce qui est nécessaire pour en user ».

Le droit de passage, comporte le passage des messages d’annonce des visiteurs, au moyen d’un interphone, si bien que la demande de suppression n’est pas fondée et sera rejetée.

S’agissant de la réfection du désordre, les appelants n’apportent nullement la preuve de ce désordre.

Les pièces adverses produites, par comparaison des photographies contenues au procès-verbal du 27 février 2009, et de la photographie n° 48, dont il n’est pas contesté qu’elle représente le dernier état des lieux, permettent de retenir que la pose de cet élément d’équipement, par le matériau de scellement employé, causait un désordre esthétique, qui a été réparé.

La demande n’est pas fondée et sera rejetée.

Le premier juge sera confirmé.

Sur la suppression du câblage Numericable

Au visa de l’article 696 du code civil déjà cité, le droit de passage comporte le passage du câblage nécessaire pour relier le fonds dominant au réseau de télévision et d’accès à Internet.

Les époux B ne sont donc pas fondés à solliciter la suppression d’un tel câblage.

Ils n’apportent aucun élément qui serait de nature à démontrer que ce câblage leur cause un préjudice.

La demande n’est pas fondée et sera rejetée.

Le premier juge sera confirmé.

Sur la demande d’expertise

Les époux B font grief à M. Z, d’avoir mis en place un tableau électrique, et un éclairage électrique dans le passage, sans leur autorisation, et sollicitent le bénéfice d’une expertise, aux fins de vérification de la conformité de l’installation aux normes applicables.

Il sera noté que les prétentions relatives à la suppression de cette installation électrique, contenues en page 16 des conclusions des appelants, ne sont pas énoncées au dispositif, si bien que la Cour n’a pas à statuer, en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile.

À ce titre, les motifs adaptés et pertinents du premier juge seront intégralement adoptés, consistant à juger, au vu d’une attestation EDF, que le précédent compteur EDF n° 589, a été remplacé par une compteur EDF n° 835, le 21 avril 1998, ces faits démontrant l’ancienneté et la pérennité de l’installation électrique, et l’absence de nécessité d’une mesure d’expertise, et ce notamment aux motifs que l’installation est à l’usage exclusif des intimés.

La demande n’est pas fondée et sera rejetée.

Le premier juge sera confirmé.

Sur la demande de dommages-intérêts

Cette demande des époux B est fondée sur une atteinte à la propriété, qui n’est pas caractérisée, dès lors qu’il vient d’être jugé que :

— la servitude consentie, permettait le passage non seulement des piétons, mais encore des véhicules deux et quatre roues, sous réserve de la largeur de ces derniers au vu de la construction d’un muret,

— la servitude consentie au fonds dominant, comporte une servitude d’entreposage de meubles sur l’emprise du passage.

Elle n’est pas fondée et sera rejetée.

Le premier juge sera confirmé.

Sur la demande de donner acte de la construction d’un muret

La Cour n’a pas à donner acte.

Sur la demande reconventionnelle au titre de l’entretien du passage

L’acte notarié du 10 juillet 1962, précise, au paragraphe « servitudes », dernier alinéa, que « tous les frais d’entretien ou de réparations de ce passage couvert seront supportés par moitié entre les consorts X, acquéreurs, et les consorts T-U, vendeurs, ainsi qu’ils s’y obligent, ou tous autres propriétaires futurs de cet immeuble ».

Les intimés soutiennent que l’état de dégradation avancée du passage couvert, s’agissant du sol et des murs, serait démontré par un constat d’huissier du 27 février 2009, et justifierait l’exécution de travaux, produisant les devis à ce titre.

Ils estiment que l’exécution de ces travaux présente un certain caractère d’urgence, et ce d’autant que le passage tient lieu de vitrine au commerce de brocante exploité par l’un des intimés.

Il est cependant difficile d’admettre la nécessité de tels travaux, dès lors que le constat d’huissier produit, de même que les photographies produites en pièces 28 par les intimés, démontrent que l’état de la cour privative, propriété des intimés, n’est pas en meilleur état que le passage, qu’il s’agisse de son sol, ou de sa présentation générale, le constat d’huissier démontrant qu’elle est encombrée de bric et de broc.

Cette demande n’est pas suffisamment fondée et sera rejetée.

Le premier juge sera confirmé.

Sur la demande reconventionnelle de suppression sous astreinte des aérateurs posés dans le passage

Les époux B ont consenti, s’agissant du rez-de-chaussée de leur immeuble, R S, à A, un bail commercial dont il est constant qu’il est exploité sous

forme d’épicerie générale, (petit casino), comportant des automates réfrigérés permettant un retrait de denrées alimentaires 24 heures sur 24.

Les intimés se plaignent de ce que cette activité a nécessité la pose d’aérateurs, qui ont été installés dans le passage objet de la servitude, ce qui entraînerait d’importantes nuisances, par production d’air chaud et de bruit.

Ils estiment que ces conditions nuisent à leur droit d’exposition, car elles sont incompatibles avec l’exposition de meubles vernis ou cirés ou de meubles de valeur.

Ils estiment qu’il s’agit d’une aggravation de la servitude, et qu’il doit y être mis un terme.

L’article 701 du code civil alinéa 1, prévoit que le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l’usage ou le rendre plus incommode.

Le constat d’huissier du 27 février 2009, établit la réalité de la présence, dans le passage, de deux grilles fixées sur châssis de bois, à 2,30 m de hauteur environ, sans aucune avancée sur le passage, laissant passer de l’air chaud, l’huissier ayant déclaré percevoir également un bruit de moteur et de ventilation.

Ce constat ne donne aucune mesure sur l’importance du trouble allégué, et ne permet nullement d’établir l’impact du dégagement de chaleur, sur la température du passage, notamment au vu des importantes dimensions de ce dernier.

Par ailleurs, la nuisance sonore a été relevée pour le principe, l’huissier ayant exposé « la percevoir », ce qui permet d’établir son peu d’importance, et d’en conclure qu’elle n’est pas de nature à nuire à la commodité du passage.

Ainsi, les éléments produits ne permettent pas de démontrer que l’existence de ces deux grilles, diminuerait l’usage de la servitude ou la rendrait plus incommode, qu’il s’agisse de la servitude de passage, de la servitude d’entreposage.

La demande n’est pas fondée et sera rejetée.

Le premier juge sera confirmé.

Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts

L’intention de nuire imputée aux appelants n’est pas démontrée.

L’abus procédural ne l’est pas davantage, dès lors qu’il est partiellement fait droit aux demandes des appelants.

La demande de dommages-intérêts n’est pas fondée et sera rejetée.

Les époux B, qui succombent pour l’essentiel, supporteront les dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne du 24 juin 2013, sauf en ce qu’il a :

— constaté que de fait, la servitude de passage se trouve limitée aux piétons et deux-roues,

— débouté les époux B de leur demande de suppression de l’enseigne commerciale posée sur leur propriété par M. Z.

Et statuant à nouveau :

Juge que la servitude consentie par acte notarié du 10 juillet 1962, est destinée au passage piétonnier, mais également au passage de véhicules à deux et quatre roues.

Condamne M. Z à procéder ou faire procéder à la dépose de son enseigne commerciale, apposée 40 R S, à A (64), sur le mur de l’immeuble propriété des consorts B, et ce dans un délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision, sous peine d’astreinte provisoire de 30 € par jour de retard.

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne les époux B à payer 4 000 € (quatre mille euros) à M. Z, la SCI du 40 S, et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble 40 R S, représenté par son syndic bénévole, pris ensemble, et rejette le surplus des demandes à ce titre.

Condamne les époux B aux dépens.

Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

F VICENTE Françoise PONS

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Pau, 12 décembre 2014, n° 14/04422