Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 14 janvier 2021, n° 17/02384

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 2e ch - sect. 1, 14 janv. 2021, n° 17/02384
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 17/02384
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

PhD/ND

Numéro 21/195

COUR D’APPEL DE PAU

2e CH – Section 1

ARRET DU

14/01/2021

Dossier : N° RG 17/02384 – N° Portalis DBVV-V-B7B-GTJJ

Nature affaire :

Cautionnement – Recours de la caution contre le débiteur principal ou contre une autre caution

Affaire :

B F G X

C D Y

C/

SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS (CEG C)

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 14 Janvier 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 23 Novembre 2020, devant :

Monsieur Z A, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,

Z A, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de I-J K et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame I-J K, Présidente

Monsieur Z A, Conseiller

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur B F G X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Madame C D Y

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentés par Me I-Thérèse DE PINHO, avocat au barreau de DAX

INTIMEE :

SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS (CEGC)

[…]

[…]

Représentée par Me Barbara CANLORBE de la SELARL HEUTY LONNE CANLORBE VIAL, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

sur appel de la décision

en date du 03 MAI 2017

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DAX

FAITS – PROCEDURE – PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

Suivant acte sous seing privé du 20 août 2011, la société Caisse d’épargne

Languedoc-Roussillon a consenti à la société civile immobilière FBI X Y investissement un prêt de 170.000 euros d’une durée de 240 mois au taux annuel de 4,57 %, destiné à l’acquisition d’un immeuble de rapport comprenant un local commercial et trois appartements, à Carcassonne.

Par actes sous seing privé du même jour, les deux associés, M. B X et Mme C Y se sont portés cautions solidaires du prêt pour un montant maximum de 221.000 euros pendant 288 mois.

Par acte sous seing privé du 11 août 2011, la société anonyme Compagnie européenne de garanties et cautions (ci-après la société CEGC) s’est également portée caution solidaire de ce prêt.

Par jugement du 22 septembre 2015, l’emprunteur a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire.

Le prêteur a déclaré sa créance au passif.

Le 28 octobre 2015, le prêteur a établi une quittance subrogative au profit de la société CEGC qui lui a réglé, en sa qualité de caution du prêt, la somme de 149.849,24 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 octobre 2015, la société CEGC a mis en demeure M. X et Mme Y.

Suivant exploit du 30 novembre 2015, la société CEGC a fait assigner par devant le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan M. X et Mme Y en paiement, au visa des articles 2288 et 2310 du code civil.

Par jugement du 03 mai 2017, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal a :

— condamné solidairement M. X et Mme Y à payer à la société CEGC la somme de 154.599,47 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 août 2015

— condamné solidairement M. X et Mme Y au paiement d’une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 29 juin 2017, M. X et Mme Y ont relevé appel de ce jugement.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 07 novembre 2018.

L’affaire fixée à l’audience du 18 décembre 2018 a été renvoyée à la demande des avocats en grève.

***

Vu les dernières conclusions notifiées le 28 septembre 2017 par M. X et Mme Y qui ont demandé à la cour de :

Au principal :

— infirmer le jugement entrepris

— dire y avoir lieu à application de l’article L. 313-10 du code de la consommation, le principe de proportionnalité dans l’engagement des cautions n’ayant pas été respecté par le créancier

— débouter la société CEGC de ses demandes

— renvoyer la société CEGC à mieux se pourvoir sur le fondement de l’article 1857 du code civil devant le mandataire liquidateur de la SCI, les démarches étant toujours en cours et la liquidation judiciaire de la SCI pas encore aboutie.

Subsidiairement :

— dire y avoir lieu, en tout état de cause, à application des articles 1152, 1153 et 1244-1 du code civil

— réduire à néant toute clause pénale

— dire que les seuls intérêts exigibles ne peuvent courir qu’à compter des mises en demeure du 29 octobre 2015, et sur la base du taux légal

— constater que la commission de surendettement des particuliers est saisie et qu’une décision de recevabilité a été prononcée le 04 mai 2016, la société CEGC étant partie à cette procédure

— condamner la société CEGC à leur payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées le 05 mars 2018 par la société CEGC qui a demandé à la cour de :

Au principal, au visa des articles 2288 et 2310 du code civil :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

A titre subsidiaire, au visa de l’article 1857 du code civil :

— condamner M. X à lui payer la somme de 80.178,72 euros augmentée des intérêts conventionnels de 4,57 % à compter du 20 août 2015

— condamner Mme Y à lui payer la somme de 80.178,72 euros augmentée des intérêts conventionnels de 4,57 % à compter du 20 août 2015

En tout état de cause, les condamner solidairement au paiement d’une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 – sur la disproportion manifeste des cautionnements

Aux termes des dispositions de l’article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 14/03/2016, devenu L. 332-1 et L. 343-4 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement

disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

En vertu de ce texte il incombe à la caution de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, le cas échéant, tels qu’ils ont été indiqués dans la déclaration de la caution, dont le créancier, en l’absence d’anomalie apparente n’a pas à vérifier l’exactitude.

La disproportion manifeste du cautionnement s’apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, non à l’obligation garantie, selon les modalités de paiement propres à celle-ci, mais au montant de son propre engagement.

La sanction du caractère manifestement disproportionné de l’engagement de la caution est l’impossibilité pour le créancier de se prévaloir de cet engagement.

En l’espèce, pour rejeter le caractère manifestement disproportionné des cautionnements souscrits par M. X et Mme Y, le premier juge a pris en compte l’ensemble de leurs biens et revenus cumulés ainsi que les revenus locatifs perçus par la SCI emprunteur dont les cautions sont associés.

Mais, en droit, d’une part, en cas de pluralité de cautions solidaires, la proportionnalité doit être appréciée au regard des biens et revenus de chacune d’entre elles, puisque chaque caution est tenue au paiement intégral de la dette sans pouvoir opposer le bénéfice de discussion ou de division.

Et, d’autre part, la proportionnalité de l’engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l’opération garantie.

En l’espèce, Mme Y et M. X étant concubins, situation exactement déclarée dans la fiche de renseignements établie lors de leurs engagements respectifs du 20 août 2011, il convient d’apprécier la proportionnalité de chacun de leurs cautionnements.

Ensuite, il est constant que la SCI FBI X Y investissement a emprunté la somme de 170.000 euros, remboursable par mensualités de 1.166,94 euros, pour financer l’acquisition d’un immeuble de rapport comportant un local commercial et trois appartements.

Selon l’étude prévisionnelle de la banque, l’activité locative de la SCI était susceptible de dégager des revenus mensuels de l’ordre de 1.475 euros en cas de location des quatre locaux, le premier juge ayant retenu un revenu mensuel de 1.085 euros au titre des trois appartements qui étaient loués à la date de l’acquisition, ce que contestent au demeurant les appelants, et intégré ce revenu dans les revenus des cautions.

Or, même en prenant le revenu locatif maximum, les associés n’auraient eu vocation à percevoir que les dividendes distribués par la SCI après règlement des dettes sociales, de sorte que, dans le meilleur des cas, ces dividendes ne pouvaient excéder la différence entre les revenus locatifs et le remboursement de l’emprunt, soit un mensuel net théorique maximum de 390 euros, à répartir entre les deux associés, et dont à déduire l’ensemble des charges et autres dettes sociales,soit, à la date des cautionnements, un delta proche de zéro.

Et, au surplus, en tout état de cause, les revenus escomptés de cet investissement locatif garanti par les cautionnements, par nature aléatoire et incertain, ne peuvent être pris en compte dans la proportionnalité des cautionnements.

Cela posé, il convient d’examiner la situation de chaque caution.

1 – 1 – sur le cautionnement de Mme Y

Il est constant que Mme Y, militaire, logée à titre gratuit, percevait, à la date de son cautionnement, un traitement mensuel moyen de 1.366,71 euros.

A cette date, la valeur nette des parts sociales détenues par moité dans la SCI qui venait d’emprunter pour financer l’acquisition de son immeuble, était nulle.

Mme Y ne détenait aucun immeuble et avait déclaré une épargne d’un montant total de 9.000 euros.

Il ressort de ces constatations que la charge mensuelle de l’emprunt représentait plus de 85 % de son traitement et que son épargne ne pouvait répondre de son cautionnement souscrit à concurrence de 221.000 euros.

A l’évidence, ce cautionnement était manifestement disproportionné aux biens et revenus de Mme Y à la date de sa conclusion.

Et, alors qu’il résulte de la combinaison des articles 1315, devenu 1353 du code civil, et L. 332-1, devenu L. 343-4 du code de la consommation qu’il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci permet de faire face à son obligation, la société CEGC ne soutient pas que, à la date de l’assignation en paiement, le patrimoine de Mme Y lui permettait de répondre de sa dette.

Infirmant le jugement de ce chef, il sera dit que le cautionnement souscrit par Mme Y est manifestement disproportionné et la société CEGC déboutée de sa demande.

1 – 2 – sur le cautionnement de M. X

Il est constant que M. X, militaire, logé à titre gratuit, percevait, à la date de son cautionnement, un traitement mensuel moyen de 2.029,58 euros.

Il remboursait également un prêt par mensualités de 268,05 euros, soit un disponible théorique, hors charges de la vie courante, de 1.761,53 euros.

A cette date, la valeur nette des parts sociales détenues par moité dans la SCI qui venait d’emprunter pour financer l’acquisition de son immeuble, était nulle.

M. X ne détenait aucun immeuble et avait déclaré une épargne d’un montant total de 15.300 euros.

Il ressort de ces constatations que la charge mensuelle de l’emprunt représentait plus de 66 % de son traitement et que son épargne ne pouvait répondre de son cautionnement souscrit à concurrence de 221.000 euros.

A l’évidence, ce cautionnement était manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. X à la date de sa conclusion.

Et, alors qu’il résulte de la combinaison des articles 1315, devenu 1353 du code civil, et L. 332-1, devenu L. 343-4 du code de la consommation qu’il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique,

d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci permet de faire face à son obligation, la société CEGC ne soutient pas que, à la date de l’assignation en paiement, le patrimoine de M. X lui permettait de répondre de sa dette.

Infirmant le jugement de ce chef, il sera dit que le cautionnement souscrit par M. X est manifestement disproportionné et la société CEGC déboutée de sa demande.

2 – sur l’obligation des associés au passif social

L’article 1857 du code civil dispose que, à l’égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements. En application de l’article 1858 du même code, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé, débiteur subsidiaire du passif social envers les tiers, qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

En droit, dans le cas où la société est soumise à une procédure de liquidation judiciaire, la déclaration de la créance à la procédure dispense le créancier d’établir que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser, l’action pouvant même être régularisée si la créance a été déclarée à la procédure.

En l’espèce, il ressort du courrier du liquidateur en date du 05 juillet 2017 que l’immeuble dépendant de la liquidation judiciaire de la SCI a été vendu au prix de 100.000 euros et que la société CEGC est susceptible de recevoir une somme comprise entre 90.000 et 95.000 euros.

Par ailleurs, il est établi que le prêteur avait déclaré sa créance pour un montant de 154.584,45 euros, outre les intérêts postérieurs au taux contractuel, la société CEGC étant subrogée dans les droits du prêteur à concurrence de la quittance subrogative du 28 août 2015 d’un montant de 149.849,24 euros, outre les intérêts au taux contractuel postérieurs dû dès le paiement subrogatoire.

En revanche, la société CEGC ne peut demander le paiement de l’indemnité de 10.489,45 euros fondée sur son propre cautionnement alors qu’elle n’a pas déclaré cette indemnité au passif de la SCI emprunteur.

La créance de la CEGC à l’égard de la SCI s’élève donc à la somme de 149.849,24 euros, outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 28 août 2015, chacun des associés répondant à concurrence de 50 % de cette dette sociale.

Cependant, les parties n’ayant pas réactualisé leurs écritures avant l’audience sur le sort de la distribution du prix de vente de l’immeuble, il conviendra de condamner M. X et Mme Y à payer chacun la moitié de la somme représentant la différence entre la somme de 149.849,24 euros, outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 28 août 2015, et le montant des fonds perçus dans le cadre de la liquidation judiciaire.

Il est rappelé ici que l’ouverture d’une procédure de surendettement n’interdit pas au créancier d’obtenir un titre exécutoire dont l’exécution sera soumise aux modalités de paiement déterminées dans le cadre de cette procédure.

Les appelants seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel, sans solidarité entre eux.

Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de

procédure civile

PAR CES MOTIFS

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré,

et statuant à nouveau,

DIT que les cautionnements souscrits le 20 août 2011 par M. X et Mme Y sont manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus,

DEBOUTE la société Compagnie européenne de garanties et cautions de ses demandes fondées sur les cautionnements manifestement disproportionnés,

CONDAMNE M. X à payer à la société Compagnie européenne de garanties et cautions la moitié de la somme représentant la différence entre la somme de 149.849,24 euros augmentée des intérêts de retard au taux contractuel de 4,57 % à compter du 28 août 2015 et la somme perçue par le créancier dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SCI FBI X Y investissement,

CONDAMNE Mme Y à payer à la société Compagnie européenne de garanties et cautions la moitié de la somme représentant la différence entre la somme de 149.849,24 euros augmentée des intérêts de retard au taux contractuel de 4,57 % à compter du 28 août 2015 et la somme perçue par le créancier dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SCI FBI X Y investissement,

CONDAMNE M. X et Mme Y aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame I-J K, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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