Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 17 octobre 2019, n° 17/02971

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. et com., 17 oct. 2019, n° 17/02971
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 17/02971
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Rouen, 29 mai 2017, N° 16/01941
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 17/02971 – N° Portalis DBV2-V-B7B-HQ2Y

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 17 OCTOBRE 2019

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

[…]

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 30 Mai 2017

APPELANTE :

LA SARL SAINTE MARIE DES CHAMPS venant aux droits de la SCCV SAINTE MARIE DES CHAMPS

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Anna LANCIEN-DENOYELLE, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

LA SAS JIENA anciennement dénommée […]

[…]

[…]

représentée par Me Richard DUVAL de la SCP RIDEL STEFANI DUVAL BAISSAS, avocat au barreau d’EURE, avocat postulant

assistée de Me Florence DELAPORTE, avocat au barreau de ROUEN, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 04 Juin 2019 sans opposition des avocats devant Madame Marion BRYLINSKI, Présidente de Chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marion BRYLINSKI, Président

Madame Chantal MANTION, Conseiller

Madame Dominique BERTOUX, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Hervé CASTEL, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 04 Juin 2019, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 Septembre 2019, délibéré prorogé ce jour.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 octobre 2019, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame Marion BRYLINSKI, Présidente de Chambre et par Madame Sylvie BRIOT, greffière lors du délibéré.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

La SCCV Sainte Marie des Champs exerce une activité d’acquisition droits et biens immobiliers, de construction et de vente de bâtiments, elle est venue aux droits de la SCI 49° Nord Groupe (et non SCI 49° Nord Hotel comme indiqué dans les écritures, '49° Nord Hotel’ étant le nom de l’opération projetée).

La SARL Jiena anciennement dénommée Jienarol Architecture, exerce une activité d’architecte.

Le 27 décembre 2011, la SCI 49° Nord Groupe a conclu avec la société Jienarol Architecture un contrat d’architecte pour les besoins d’une opération de construction d’un hôtel situé rue des Renards à Sainte-Marie-Des-Champs (76190). Le permis de construire a été accordé selon arrêté municipal du 4 juin 2012.

Le 12 mai 2014, un avenant n°1 au contrat d’architecte a été signé, ayant pour objet la prise en compte du changement de dénomination sociale et de forme juridique du maître d’ouvrage, devenu la SCCV Sainte-Marie-Des-Champs et la modification de la rémunération des honoraires de l’architecte, fixés à un forfait de 225 000 €.

Le 16 octobre 2014, un avenant n° 2 au contrat d’architecte a été signé par la SCCV Sainte-Marie-Des-Champs pour prendre en compte les modifications du projet par le maître d’ouvrage, notamment la construction d’un hôtel 4 étoiles au lieu de 3, avec augmentation de la rémunération de l’architecte de 50 000 €.

La société Jienarol Architecture a émis diverses factures pour le règlement de ses prestations.

Après mises en demeure en date du 10 novembre 2015 et du 23 février 2016 de lui régler les factures impayées représentant un montant de 117 300 €, la société Jienarol Architecture, par acte signifié le 28 avril 2016, a fait assigner la SCCV Sainte-Marie-Des-Champs devant le tribunal de grande instance de Rouen afin d’obtenir sa condamnation au paiement de la somme en principal de 117 300

€ TTC correspondant à 4 factures impayées, outre les intérêts moratoires et les intérêts au taux légal, ainsi que des dommages et intérêts.

Le tribunal de grande instance de Rouen, par jugement en date du 30 mai 2019 dont il a ordonné l’exécution provisoire, a :

— condamné la SCCV Sainte Marie des Champs à payer à la société Jienarol Architecture la somme de 117 300 € TTC en principal avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 novembre 2015, et celle de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;

— rejeté toutes demandes autres, plus amples ou contraires ;

— condamné la SCCV Sainte Marie des Champs aux dépens, et dit qu’ils seront recouvrés par Maître Florence Delaporte-Janna, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 code de procédure civile.

Postérieurement à l’assignation au fond devant le tribunal de grande instance de Rouen, la société Jienarol Architecture, par ordonnance du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris en date du 27 mai 2016, a été autorisée à inscrire une hypothèque provisoire sur l’immeuble appartenant à la SCCV Sainte-Marie-Des-Champs situé zone d’activité commerciale de la Bascule, rue des Renards à Sainte-Marie-Des-Champs ; la publication de cette hypothèque provisoire a été régularisée les 27 mai et 4 août 2016.

L’appel formé par la SCCV Sainte-Marie-Des-Champs directement contre cette ordonnance sur requête a été déclaré irrecevable par arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 23 février 2017.

***

La SARL Sainte Marie des Champs, venant aux droits de la SCCV Sainte-Marie des Champs, a interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance de Rouen et, aux termes de ses dernières écritures en date du 22 mai 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l’examen des moyens développés, au visa des anciens articles 1108 et suivants, 1134 et 1147 du code civil, et de l’article R.532-5 du code des procédures civiles d’exécution, demande à la cour de :

— déclarer son appel recevable et bien fondé et réformer le jugement du tribunal de grande instance de Rouen en date du 30 mai 2017 sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Jiena anciennement dénommée Jienarol Architecture ;

A titre principal,

— constater que les opérations envisagées étaient infaisables financièrement, que les contrats d’architecte des 14 et 22 décembre 2011 ont été légitimement résiliés par le maître d’ouvrage en application de l’article 6.4 dudit contrat d’architecte, et en conséquence juger que les honoraires de l’architecte sont plafonnés dans ce cas à la somme de 10.000 € ;

— constater que la société Jiena anciennement dénommée Jienarol Architecture n’a pas informé la SCCV Sainte Marie des Champs que le contrat d’architecte ratifié avec la SCI 49°Nord Hotel était suspendu, et que si cette information avait été délivrée à la SCCV Sainte Marie des Champs, cette dernière n’aurait pas contracté l’avenant n°1 du 12 mai 2014 ;

— dire que le consentement de la SCCV Sainte Marie des Champs lors de la ratification de l’avenant n°1 du 12 mai 2014 a été vicié par les manoeuvres dolosives de la société Jiena anciennement

dénommée Jienarol Architecture ;

— en conséquence, prononcer la nullité dudit contrat et remettre les parties en l’état ;

— condamner la société Jiena anciennement dénommée Jienarol Architecture à verser à la SCCV Sainte Marie des Champs la somme de 54.000 € TTC ;

A titre subsidiaire, si la cour juge que l’avenant n°1 du 12 mai 2014 au contrat d’architecte n’est pas nul,

— constater que la SCCV Sainte Marie des Champs a réglé la somme de 45.000 € HT en date du 8 janvier 2014 et que la société Jiena anciennement dénommée Jienarol Architecture a trop perçu la somme de 35.000 € HT, soit 42.000€ TTC ;

— en conséquence, condamner la société Jiena anciennement dénommée Jienarol Architecture à régler à la SCCV Sainte Marie des Champs la somme de 42.000 TTC ;

En tout état de cause,

— constater que l’acte de dénonciation du 20 juin 2016 ne comporte pas les mentions prescrites par les règles applicables, et que la société Jiena anciennement dénommée Jienarol Architecture n’a pas saisi le tribunal de grande instance de Rouen dans le mois suivant l’inscription de son hypothèque judiciaire provisoire ;

— en conséquence, dire que l’inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire effectuée par la société Jiena anciennement dénommée Jienarol Architecture, les 27 mai et 4 août 2016 auprès du service de la publicité foncière d’Yvetot est caduque;

— condamner la société Jiena anciennement dénommée Jienarol Architecture au remboursement de la somme de 134.043,54 € à la société Sainte Marie des Champs ;

— condamner la société Jiena anciennement dénommée Jienarol Architecture au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

— débouter la société Jiena anciennement dénommée Jienarol Architecture de l’ensemble de ses demandes.

***

La SAS Jiena, venant aux droits de la SARL Jienarol Architecture, aux termes de ses dernières écritures en date du 28 mai 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour, au visa des articles 1315, 1134, 1147, 1154 et 1354 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et de l’article 564 du code de procédure civile, de :

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Rouen le 30 mai 2017 sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier ;

— condamner la SARL Sainte Marie des Champs à lui régler la somme de

35 000€ à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice financier ;

— débouter la SARL Sainte Marie des Champs de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

— condamner la SARL Sainte Marie des Champs à lui régler la somme de 17 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la SARL Sainte Marie des Champs aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

DISCUSSION

Le contrat d’architecte a été signé le 27 décembre 2011 par la SCI 49°Nord Groupe, le premier avenant a été signé par la SCCV Sainte Marie des Champs, le 12 mai 2014, ayant pour objet désigné 'la prise en compte de la nouvelle dénomination sociale et forme juridique du maître d’ouvrage et la modification de la rémunération des honoraires de l’architecte fixés à un forfait de 225 000 €'.

La SARL Sainte Marie des Champs demande que soit prononcée la nullité de cet avenant sur le fondement du dol, de sorte qu’elle ne serait plus engagée, faisant grief à la société Jiena d’avoir caché à M. X son gérant lors de la signature de l’avenant, que le contrat d’architecte était suspendu, alors que si ce dernier en avait été informé, il aurait eu le choix de son architecte et du projet immobilier. Elle se réfère à un courriel du conseil de la SCI 49° Nord Groupe daté du 21 décembre 2011, dans lequel il était demandé de supprimer dans la clause page 22 du contrat à l’état de projet le cas exceptionnel de résiliation relative à la non obtention du financement de l’opération, en contrepartie de quoi la mission de la société Jiena serait évidemment suspendue dans l’attente de l’obtention ferme et définitive du financement de l’opération par la SCI, qui lui serait notifiée par lettre recommandée ; que cette modification a été acceptée et de ce fait le contrat suspendu, et que la SCI n’a jamais obtenu son financement.

Mais la SCCV Sainte Marie des Champs, en la personne de son gérant M. X, a acquis en décembre 2013, non pas le terrain constructible situé rue des Renards à Sainte-Marie-Des-Champs, mais la totalité des parts constituant le capital de la SCI 49° Nord Groupe propriétaire de ce terrain et engagée dans le projet de construction d’un hôtel sur celui-ci. Ce faisant, elle vient aux droits et obligations de la SCI, non pas par l’effet de la signature de l’avenant du 12 mai 2014 avec la société Jienarol, qui, outre une modification des honoraires, n’a fait que prendre en compte la nouvelle dénomination sociale et forme juridique du maître d’ouvrage, mais en conséquence du rachat de la SCI 49° Nord Groupe en décembre 2013.

Il est rappelé dans le contrat signé le 27 décembre 2011, que la SCI 49° Nord Groupe a approuvé les études d’avant projet, donné à la société Jienarol Architecture autorisation de déposer le dossier de permis de construire et lui a demandé d’engager une pré-consultation des entreprises sur la base du dossier de permis de construire afin d’identifier les solutions techniques permettant la réalisation du projet dans le respect de l’enveloppe budgétaire travaux du maître d’ouvrage, la consultation a été achevée en février 2012, et le permis de construire accordé le 4 juin 2012.

Compte tenu de sa spécialité, la SCCV Sainte Marie des Champs appartenant au groupe MGH, prise en la personne de son gérant, ne peut sérieusement faire croire avoir pu reprendre une opération immobilière en phase de démarrage et racheter la SCI engagée dans celle-ci sans avoir une connaissance exacte des contrats en cours et de l’état d’avancement de la mission de l’architecte, et si une information particulière devait lui être donnée d’une suspension du contrat d’architecte, elle devait l’être par les cédants des parts sociales de la SCI, et non par l’architecte qui n’était pas partie au contrat de cession.

La SARL Sainte Marie des Champs venant aux droits et obligations de la SCCV du même nom ne peut légitimement prétendre que cette dernière avait ignoré que le contrat signé le 27 décembre 2011 était suspendu, alors qu’à la date de son acquisition de la SCI signataire de ce contrat, en décembre 2013, les dernières diligences de société Jiena dont il est fait état et dont il est justifié, de fin de préconsultation en février 2012 et obtention du permis de construire en juin 2012, remontaient à plus

de 18 mois.

La SCCV Sainte Marie des Champs a repris la poursuite de l’opération immobilière et la collaboration avec la société Jienarol sur la base du contrat du 27 décembre 2011, et à partir des chefs de mission déjà exécutés, dès le début de l’année 2014, plusieurs mois avant la signature de l’avenant du 12 mai 2014, et la preuve n’est nullement rapportée de que cette décision aurait pu être prise en conséquence d’une quelconque manoeuvre de la part de société Jiena.

La SARL Sainte Marie des Champs sera en conséquence déboutée de sa demande de nullité de l’avenant du 12 mai 2014, le jugement étant confirmé de ce chef.

***

Au soutien de son appel, la SARL Sainte Marie des Champs, évoquant notamment l’évolution des coûts annoncés, fait valoir que la dernière estimation de la SAS Jiena est déconnectée des prix pratiqués et que l’opération s’est révélée financièrement infaisable elle soutient que comme le prévoit l’article 6.4 du contrat d’architecte, le contrat a été résilié et seul est due au titre des honoraires la somme de 10 000 €.

Contrairement aux allégations de la SARL Sainte Marie des Champs et comme l’a justement relevé le tribunal, le seul contrat applicable est celui en date du 22 décembre 2011 signé des deux parties le 27 décembre 2011, le contrat en date du 14 décembre 2011 n’ayant pas été signé, faisant partie de la négociation avant signature.

Le contrat signé le 27 décembre 2011 stipule en son article 6.4 intitulé 'résiliation’ que

'le contrat est résilié de plein droit par la partie qui n’est ni défaillante, ni en infraction avec ses propres obligations, un mois après mise en demeure restée sans effet, notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception et contenant déclaration d’user du bénéfice de la présente clause, dans tous les cas d’inexécution ou d’infraction par l’autre partie aux dispositions du présent contrat'.

Résiliation sur l’initiative du maître d’ouvrage :

en cas de résiliation à l’initiative du maître d’ouvrage que ne justifierait pas le comportement fautif de l’architecte, ce dernrier a droit au paiement

— des honoraires et frais liquidés au jour de cette résiliation, conformément à l’article 'valeur des droits acquis’ du présent contrat y compris pour la phase en cours,

— des intérêts moratoires visés à l’article 'intérêts moratoires'

— une indemnité de résiliation égale à 20% de la partie des honoraires qui lui auraient été versés si sa mission n’avait pas été prématurément interrompue

lorsque la résiliation est motivée par le comportement fautif de l’architecte, l’indemnité de résiliation de 20% n’est pas due.

Cas exceptionnel de résiliation sur l’initiative du maître d’ouvrage

en cas d’appel d’offre 'travaux’ infructueux rendant l’opération infaisable financièrement, le contrat est rompu sans dédommagement mutuel. Les honoraires de l’architecte seront alors plafonnés à 10 000 € HT.'

Alors que la SCCV Sainte Marie des Champs avait eu connaissance de l’estimatif du coût des travaux daté du 26 août 2014, qu’elle avait déjà en sa possession la proposition technico financière du 9 octobre 2014 de la société Sogea Nord Ouest, et avait reçu un avertissement quant à l’augmentation du coût de l’opération résultant de son choix de modifier le projet, elle a tout de même signé l’avenant n°2 au contrat d’architecte en date du 16 octobre 2014, témoignant ainsi de sa volonté de poursuivre les relations contractuelles.

Il n’est pas possible de vérifier dans le détail les prestations incluses dans le projet chiffré de la SAS Jiena et l’estimation de la Sogea Nord Ouest et ainsi de les comparer, mais il peut être observé que l’état estimatif de la SAS Jiena comporte une rubrique 'cuisine’ ainsi qu’une rubrique 'mobilier', alors que la proposition technico financière du 9 octobre 2014 de Sogea n’incluait notamment pas la décoration, l’équipement de cuisine, le mobilier non fixe, les placards.

La SCCV Sainte Marie des Champs a dans un premier temps suspendu l’opération immobilière puis a confirmé ne pas donner suite au projet pour des raisons de coût, sans pour autant alors prétendre que celui-ci était financièrement irréalisable ni opposer le moindre grief à a société Jienarol.

Cet abandon constitue de fait une résiliation unilatérale de son chef du contrat d’architecte, même si elle n’a pas été notifiée dans les formes prévues par l’article 6.4 du contrat ; elle est postérieure aux diligences ayant donné lieu la dernière des factures dont la société Jiena demande paiement, faisant état de la procédure d’appel d’offres et des retours de celle-ci, à la suite desquels une dernière actualisation du coût de l’opération a été établie et communiquée en considération des prix annoncés par les entreprises ayant répondu.

La condition de résiliation du contrat telle que prévue à l’article 6.4 permettant de prétendre à la réduction des honoraires de société Jiena à la seule somme de 10 000 €, à savoir 'l’appel d’offres infructueux rendant l’opération infaisable financièrement’ n’est pas remplie.

Si le contrat est bien résilié ce qui n’est pas discuté, la conséquence en est l’application du paragraphe du contrat prévoyant que l’architecte a droit au paiement des honoraires et frais liquidés au jour de cette résiliation, conformément à l’article 'valeur des droits acquis’ du présent contrat y compris pour la phase en cours, des intérêts moratoires visés à l’article 'intérêts moratoires', et d’une indemnité de résiliation égale à 20% de la partie des honoraires qui lui auraient été versés si sa mission n’avait pas été prématurément interrompue.

La SARL Sainte Marie des Champs est en conséquence mal fondée à prétendre s’opposer, au motif de la résiliation du contrat, au paiement des honoraires facturés par société Jiena au titre des prestations antérieurement réalisées.

***

La société Jienarol Architecture verse au dossier quatre factures impayées pour un montant total de 117 300 € TTC, à savoir :

— note 6 n° L1 lb-6 (14-07-006) du 24/07/2014 de 27 000 € TTC :

'phase en cours : PRO DCE clos couvert terminé ; appel d’offre clos couvert en cours, PRO DCE aménagement intérieur en cours et modification du projet en cours pour extension et passage en hôtel 4*'

'Honoraires de 22 500 € HT correspondant à la phase PRO DCE clos couvert sur base avenant n°1"

— note 7 n° L1 lb-6 (14-07-006) du 24/09/2014 de 27 000 € TTC :

'phase en cours PRO DCE terminé appel d’offre en cours et modification du projet pour extension et passage en hotel 4*'

'Honoraires de 22 500 € HT correspondant à la phase PRO DCE 'lots secondaires’ sur base avenant n°1"

— note 8 n° L1 lb-8 (14-11-001) du 06/11/2014 de 33 000 € TTC :

'phase en cours : PRO DCE terminé, analyse des offres en cours, modification du projet pour ajout d’un sous-sol; dossier PC mod remis au MOA le 5 /11/2014 pour signature puis déposé en mairie le 5/11/2014 pour instruction'

'Honoraires de 27 500 € HT correspondant au 'PC modificatif déposé''

— note 9 n° L1 lb-9 (15-06-003) du 03/06/2015 de 30 300 € TTC :

'phase en cours : PRO DCE AO 2014 et analyse des offres 2014 terminés ; modification du projet pour ajout d’un sous sol avec SPA ; fait dossier PC mod2 (avec SPA) terminé, instruit, arrêté obtenu ; PRO DCE 2014 'avec SPA’ fait ; appel d’offres 2015 en cours'

'Honoraires de 25 250 € HT correspondant à ' selon l’avancement en date du 2 juin 2015 soir, date du mail reçu annonçant la suspension momentanée de l’affaire''

Les deux premières factures, en date des 24 juillet 2014 et du 24 septembre 2014, sont relatives à la phase de l’exécution de la mission PRO/DCE, prévue à l’article 2.5 du contrat d’architecte. La troisième facture du 06 novembre 2014 a trait au permis de construire modificatif et la quatrième en date du 03 juin 2015 a pour objet de solder les prestations effectuées par l’architecte et précise que l’analyse des offres 2014 ainsi que le permis de construire modificatif sont terminés et que l’appel d’offres pour l’année 2015 est en cours.

Ces factures sont établies selon les modalités prévues par le contrat signé le 27 décembre 2011 et ses deux avenants, ce qui n’est pas discuté.

La SCCV Sainte Marie des Champs a donné son accord par l’ordre de service n°01 (pièce 16 de l’intimée) pour la mise en route de l’étape de 'Projet et dossier de consultation des entreprises’ (PRO/DCE) comme prévu au contrat en son article 2.5.1. Cette phase consiste à préciser le projet et établir le dossier de consultation des entreprises en amont de la phase d’appel d’offre (prévue à l’article 2.6 du contrat).

L’examen des pièces versées aux débats, notamment les permis de construire, l’ordre de service donné par la SCCV Sainte Marie des Champs le 17 juin 2014, un compte rendu de réunion du 23 juillet 2014 et des envois de courriers électroniques de l’architecte au maître d’ouvrage en date des 14 et 15 octobre 2014, montre que la SAS Jiena a réalisé ces étapes :

elle a constitué le dossier de permis de construire modificatif puisqu’est versé au dossier l’arrêté de permis de construire modificatif délivré le 27 mai 2015 ;

il est justifié de l’envoi de plusieurs devis concernant le gros 'uvre ( mail du 8 août 2014 pièce 37), les cloisons mobiles, plomberie-chauffage, faux plafond, plâtrerie, chape (mail du 12 septembre 2014 pièce 38), plomberie et électricité (mail du 18 septembre 2014 pièce 40) et un mail en date du 11 octobre 2014 d’envoi d’un récapitulatif complet des offres (pièce 49) ;

Il ressort enfin du compte rendu de la réunion du 16 juillet 2014 que le dossier d’appel d’offres a été remis en copie au maître d’ouvrage et que ce dernier comprenait des devis : ' dossier AO remis en

copie comprenant = RPAO/CCAP/CCTP et DPGF VRD et GO/ plans pro / étude thermique’ (DPGF ' pièce 42).

La SCCV Sainte Marie des Champs a reçu les factures au fur et à mesure de leur édition et s’est bornée à ne pas les régler, mais il n’est ni prétendu ni à plus forte raison démontré qu’elle en aurait alors contesté le bien fondé au regard de leur intitulé et de la réalité des prestations effectuées dont elle avait connaissance.

Accusant réception de la mise en demeure du 23 février 2016 lui réclamant le paiement de la somme de 117 300 €, la SCCV Sainte Marie des Champs par courrier du 26 février 2016, en la personne du gérant du groupe MGH, confirmant l’abandon du projet pour des raisons de coût, sans aucune critique que ce soit quant au principe de la facturation ou à l’effectivité des prestations facturées, et en conséquence l’existence et le montant de la créance de cette dernière.

Elle a au contraire annoncé les modalités de son règlement indiquant qu’un crédit important de TVA et un remboursement de la taxe locale d’équipement permettront de rembourser ses deux uniques fournisseurs Wor et Jienarol, et proposant après perception des sommes correspondantes, le paiement des factures de la société Jiena.

Pour l’ensemble de ces raisons la SARL Sainte Marie des Champs venant aux droits de la SCCV du même nom, est mal fondée en sa contestation des factures de la société Jiena, et le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 117 300 € outres intérêts au taux légal avec capitalisation.

***

La SARL Sainte Marie des Champs demande à la cour de prononcer la mainlevée de la mesure conservatoire autorisée par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris.

Aux termes des articles L.213-6 du code de l’organisation judiciaire, R.512-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, les contestations des mesures conservatoires sont de la compétence du juge de l’exécution ; sa compétence est exclusive.

Par conséquent, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande de mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire, telle que présentée devant lui au motif d’une prétendue caducité, étant observé que le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris a été saisi le 7 avril 2017 par la SARL Sainte Marie des Champs d’une demande de caducité de cette inscription d’hypothèque judiciaire provisoire, et a sursis à statuer en l’attente de la présente procédure d’appel.

***

La SAS Jiena sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de condamnation de la SARL Sainte Marie des Champs à lui verser la somme de 35 000 € au titre du préjudice financier, arguant des conséquences financières néfastes pour la société et son personnel, de la mauvaise foi de la SARL Sainte Marie des Champs et de ce qu’elle devait initialement percevoir des honoraires d’un montant total de 275 000 €.

Le tribunal a rejeté cette demande au motif que la société Jiena n’établit pas l’existence d’un préjudice financier distinct de celui du non-paiement des factures et du retard dans le paiement réparé par la condamnation en principal et intérêts.

Le préjudice résultant du retard dans le paiement des factures, est certes déjà réparé par le cours des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du

10 novembre 2015.

Mais le préjudice dont la SAS Jiena demande réparation résulte également de l’arrêt de sa mission telle qu’initialement prévue, pour laquelle elle avait nécessairement programmé une affectation de personnel, cet arrêt ayant pour conséquence une désorganisation et une perte de ressources.

La SARL Sainte Marie des Champs ne peut utilement prétendre qu’il appartient à l’architecte de gérer l’aléa d’une résiliation par le maître d’ouvrage qui est fréquent dans ce type d’opération, alors que le contrat signé le 27 décembre 2011 prévoit en son article 6.4 l’indemnisation du préjudice résultant pour l’architecte de la résiliation unilatérale par le maître d’ouvrage.

Aux termes du contrat et de ses avenants, la société Jienarol devait percevoir des honoraires pour un montant total de 275 000 € HT ; en exécution du présent arrêt elle doit recevoir la somme de 117 300 € TTC soit 97 750 € HT au titre de factures impayées, et elle a reçu paiement de ses premières factures pour un montant total de 78 750 € HT ; il en résulte un différentiel de [275 000 – (97750 + 78750)] 98 500 € qui justifie conformément au contrat, une indemnisation à concurrence de 20% de cette somme.

La SARL Sainte Marie des Champs sera en conséquence condamnée à payer à la société Jiena la somme de 19 700 € à titre d’indemnité, le jugement étant réformé en ce sens.

***

La SARL Sainte Marie des Champs, exposant avoir versé à la société Jiena une somme de 54 000 € TTC, sollicite la condamnation de la SAS Jiena à lui payer, à titre principal la somme de 54 000 € en conséquence de la nullité de l’avenant du 12 mai 2014, et subsidiairement, de la somme de 42 000 TTC (35 000 € HT) au titre du trop perçu sur les seuls honoraires dûs par application de l’article 6.4 du contrat.

La société Jiena soutient que ces demandes sont irrecevables comme nouvelles en cause d’appel.

La simple lecture du jugement démontre que ces demandes avaient été présentées en première instance, elles sont en conséquence recevables en cause d’appel.

Mais elles sont toutes deux mal fondées dès lors qu’il n’est fait droit ni à la demande de nullité de l’avenant du 12 mai 2014, ni aux prétentions de la SARL Sainte Marie des Champs sous le visa de l’article 6.4 du contrat du 27 décembre 2011.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté ces chefs de demande.

La SARL Sainte Marie des Champs demande également condamnation de la société Jiena au remboursement de la somme de 134 043,54 € en conséquence de la caducité de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire ; la société Jiena prétend que cette demande est irrecevable comme nouvelle en cause d’appel.

La caducité de l’inscription d’hypothèque était déjà demandée en première instance.

La nouveauté en appel de la demande en remboursement de la somme de

134 043,54€ tient seulement au fait que, en cours de procédure d’appel et par acte en date du 29 octobre 2018, la SARL Sainte Marie des Champs a vendu l’immeuble grevé par cette inscription, dont la société Jiena n’a accepté la mainlevée que contre paiement, reçu le 1er novembre 2018, de la somme de 134.043,54 € selon décompte arrêté au 15 octobre 2018, le surplus du prix étant séquestrée en l’attente de l’issue de la présente procédure d’appel; la demande de remboursement est

ainsi la conséquence et le complément de la demande de caducité de l’inscription d’hypotèque.

Cette demande est de ce fait recevable, par application des dispositions de l’article 566 du code de procédure civile.

Elle est en revanche mal fondée, dès lors qu’il n’est pas en l’état fait droit à la demande de caducité de l’inscription d’hypothèque provisoire ; la SARL Sainte Marie des Champs sera déboutée de ce chef.

***

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux indemnités de procédure et dépens de première instance ; en cause d’appel la SARL Sainte Marie des Champs supportera les dépens et devra verser à la SAS Jiena une indemnité de procédure que l’équité commande de fixer à la somme de 5 000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu’il a débouté la société Jiena de sa demande en paiement d’indemnité en raison de la résiliation du contrat;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et, y ajoutant,

Déclare recevable mais mal fondée la demande de la SARL Sainte Marie des Champs en remboursement de la somme de 134 043,54 € ;

Condamne la SARL Sainte Marie des Champs à payer à la société Jiena la somme de 19 700 € à titre d’indemnité au titre de la résiliation du contrat ;

Condamne la SARL Sainte Marie des Champs à payer à la société Jiena la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne la SARL Sainte Marie des Champs aux dépens d’appel, dont recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 17 octobre 2019, n° 17/02971