Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 9 décembre 2021, n° 19/01975

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 9 déc. 2021, n° 19/01975
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 19/01975
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Le Havre, 18 avril 2019
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 19/01975 – N° Portalis DBV2-V-B7D-IFUB

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 09 DECEMBRE 2021

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DU HAVRE du 19 Avril 2019

APPELANTE :

SARL LUXANT SECURITY GRAND OUEST

[…]

[…]

représentée par Me Mohammed GOUAL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS substitué par Me Mickaël RUBINSOHN, avocat au barreau de PARIS

Intervenante volontaire :

Société LUXANT GROUP

[…]

62950 NOYELLES-GODAULT

représentée par Me Mohammed GOUAL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS substitué par Me Mickaël RUBINSOHN, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur Y X

[…]

[…]

représenté par Me Paguy NGYESE KISOKA, avocat au barreau du HAVRE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/007973 du 06/12/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Rouen)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 28 Octobre 2021 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 28 Octobre 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 09 Décembre 2021

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 09 Décembre 2021, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. Y X a été engagé le 27 février 2014 par la société Luxant Security Grand Ouest en qualité d’agent de sécurité par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité privée.

Le licenciement pour faute grave en raison d’absences répétées injustifiées a été notifiée à M. X le 6 avril 2017.

Par requête du 23 octobre 2017, M. X a saisi le conseil de prud’hommes du Havre en contestation de son licenciement et paiement de rappels de salaires et indemnités.

Par jugement du 19 avril 2019, le conseil de prud’hommes a mis hors de cause la SARL Luxant Security Industry, dit que la société Luxant Security Grand Ouest a bien été saisie régulièrement, dit que le licenciement pour faute grave de M. X n’est pas justifié et qu’il est dépourvu de cause réelle et sérieuse, fixé la rémunération mensuelle du salarié à 1 590,78 euros bruts, condamné la société Luxant Security Grand Ouest à payer à M. X les sommes suivantes :

• 954,46 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

• 3 181,56 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés sur préavis,

• 9 544,68 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

• 1 500 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

— dit que les intérêts au taux légal commenceront à courir à compter de15 jours après la mise à disposition de ce jugement, que l’exécution provisoire, hors éléments de droit, n’est pas étendue,

débouté la société Luxant Security Grand Ouest de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné cette dernière aux dépens.

La société Luxant Security Grand Ouest a fait appel de cette décision en toutes ses dispositions le 2 mai 2019.

Par conclusions remises le 30 juillet 2019, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société Luxant Security Grand Ouest et la société Luxant Group, intervenant volontairement à l’instance, demandent à la cour 'd’infirmer le jugement entrepris, débouter M. X de toutes ses demandes et en conséquence, à titre liminaire et principal, statuer sur le défaut de saisine du conseil de prud’hommes dirigées contre la société Luxant Security Grand Ouest, déclarer irrecevable la requête de M. X, à titre subsidiaire juger que le licenciement pour faute grave de M. X est justifié, débouter M. X de sa demande de dommages et intérêts et le condamner au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.'

Par conclusions remises le 28 octobre 2019, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens, M. X demande à la cour de confirmer le jugement entrepris à l’exception des montants fixés au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des frais irrépétibles et statuant à nouveau, condamner la société Luxant Security Grand Ouest à lui payer la somme de 15 906,80 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2 500 euros TVA compris (2 083 euros hors taxes) sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, cette condamnation valant renonciation au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

En tout état de cause, M. X demande de :

- 'condamner la société Luxant Security Grand Ouest au versement de la somme de 3 000 euros TVA compris (2 083 euros hors taxes) sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, cette condamnation valant renonciation au bénéfice de l’aide juridictionnelle,

- condamner la société Luxant Group solidairement avec la société Luxant Security Grand Ouest au paiement des sommes suivantes:

- 954, 46 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

- 3 499, 71 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis,

- 15 906, 80 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 500 euros TVA compris (2 083 euros hors taxes) sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, cette condamnation valant renonciation au bénéfice de l’aide juridictionnelle,

- 3 000 euros TVA compris (2 083 euros hors taxes) sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, cette condamnation valant renonciation au bénéfice de l’aide juridictionnelle,

- dire que les intérêts légaux commenceront à courir à compter de la mise en demeure du 27 septembre 2017.'

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 14 octobre 2021.

Suivant note en délibéré du 18 novembre 2021 dûment autorisée lors de l’audience de plaidoiries, M. X a indiqué qu’il s’en rapportait à justice sur la fin de non-recevoir soulevée d’office par la cour concernant l’irrecevabilité des demandes présentées à l’encontre de la société Luxant Security Grand Ouest.

La société Luxant Group n’a pas déposé de note en délibéré avant la date butoir fixée lors de l’audience de plaidoiries au 20 novembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes présentées contre la société Luxant Security Grand Ouest

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut du droit d’agir, tel la qualité à agir.

Et selon l’article 125 du même code, le juge peut soulever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir.

En l’espèce, la société Luxant Security Grand Ouest et la société Luxant Group produisent, pour justifier de l’intervention volontaire de cette dernière, la déclaration de dissolution sans liquidation de la société Luxant Security Grand Ouest à la suite de la transmission de son patrimoine à son associé unique, l’EURL Luxant Group (immatriculée au RCS d’Arras sous le numéro B 511 792 699) publiée le 10 octobre 2018 ainsi qu’un extrait Kbis de la société Luxant Security Grand Ouest sur lequel il est indiqué que la société a été dissoute et radiée du RCS le 16 novembre 2018 à effet au 9 novembre 2018, conformément aux dispositions de l’article 1844-5 du code civil.

Il s’en suit que depuis le 9 novembre 2018, la société Luxant Security Grand Ouest n’a plus la personnalité morale, étant précisé que s’agissant d’une dissolution sans liquidation, il n’y pas de survivance de la personnalité morale de la société dissoute le temps nécessaire à la liquidation notamment des droits sociaux.

En conséquence, les demandes présentées par M. X contre la société Luxant Security Grand Ouest sont irrecevables, étant précisé que si lorsque la société Luxant Security Grand Ouest a interjeté appel le 2 mai 2019, elle n’avait plus de personnalité morale, l’intervention volontaire de la société Luxant Group aux termes des conclusions remises le 30 juillet 2019 a régularisé la déclaration d’appel, cette régularisation étant intervenue conformément aux dispositions des articles 121 du code de procédure civile et 2241 du code civil.

Le jugement de première instance ayant été rendu contre une société qui n’avait plus d’existence juridique, il convient d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Sur le défaut de saisine du conseil de prud’hommes

La société Luxant Group fait valoir que la société Luxant Security Grand Ouest n’a pas été destinataire de la requête présentée par M. X devant le conseil de prud’hommes du Havre, de sorte qu’elle est irrecevable en application de l’article R. 1452-1 du code du travail.

Aux termes de l’article R. 1452-1 du code du travail, la demande en justice est formée soit par une requête, soit par la présentation volontaire des parties devant le bureau de conciliation et d’orientation.

En l’espèce, il résulte des faits constants repris par le jugement de première instance et non contestés par la société Luxant Group que si M. X a initialement présenté sa requête à l’encontre de la société Luxant Security Industry, dès la conciliation du 22 novembre 2017, la difficulté a été soulevée sur la personnalité morale de l’employeur de M. X et le conseil de prud’hommes a alors à nouveau convoqué M. X et la société Luxant Security Grand Ouest à une nouvelle conciliation le 31 janvier 2018 à laquelle la société Luxant Security Grand Ouest a comparu.

Il s’en suit que la procédure est parfaitement régulière et ce d’autant que ni la société Luxant Security Grand Ouest ni la société Luxant Group venant aux droits de cette dernière n’ont jamais contesté être l’employeur de M. X.

Sur le licenciement

Conformément aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu’elle soit objective, établie, exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.

L’article L. 1235-1 du même code précise qu’à défaut d’accord, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il appartient à l’employeur qui l’invoque d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, la lettre de licenciement pour faute grave du 6 avril 2017, qui fixe les limites du litige, fait état des manquements suivants :

'Nous constatons que vous n’avez pas pris les postes, ne respectant pas la planification établie par les service exploitation de Luxant Security. Vos plannings de travail vous ayant été transmis par emails et par le biais de noter outil extranet, conformément à l’article 7 de votre contrat de travail.

En effet, sur les mois de février 2017 et mars 2017, vous avez commis de nombreux retards, abandons de postes et absences injustifiées.

- le 22 février 2017 alors que vous étiez planifié de 14h à 19h45 sur le site de SIMPLY MARKET notre DAME DE GRAVENCHON, vous êtes arrivé à 14h15 soit 15 minutes de retard. Vous n’avez ni prévenu, ni justifié votre retard.

- le 24 février 2017 alors que vous étiez planifié de 9h30 à 13h00 et de 15h00 à 19h45 sur le site de SIMPLY MARKET NOTRE DAME DE GRAVENCHON, vous êtes arrivé à 11h30, soit 2 heures de retard et avez quitté le site à 14h10 alors que vous finissiez à 19H45. Vous n’avez ni prévenu, ni justifié de votre retard et vous avez commis un abandon de poste à 14h10.

-le 28 février 2017 alors que vous étiez planifié de 15h00 à 19h45 sur le site de SIMPLY MARKET NOTRE DAME de GRAVENCHON. Or, il a été constaté que vous n’étiez plus en poste à partir de 19h10 alors que votre vacation prenait fin à 19h45, vous avez donc commis de nouveau un abandon de poste.

- le 1er mars 2017 alors que vous étiez planifié de 14h00 à 19h45 sur le site de SIMPLY MARKET NOTRE DAME DE GRAVENCHON, vous êtes arrivé à 14H10 soit 10 minutes de retard. Vous n’avez ni prévenu, ni justifié de votre retard.

- le 6 mars 2017 alors que vous étiez planifié de 15h00 à 19h45 sur le site de SIMPLY MARKET NOTRE DAME DE GRAVENCHON, il a été constaté que vous n’étiez plus en poste à partir de 19h10 alors que votre vacation prenait fin à 19h45.

- le 14 mars 2017, vous étiez absent alors que vous étiez planifié de 15h00 à 19h45 sur le site de SIMPLY MARKET NOTRE DAME DE GRAVENCHON.

- le 15 mars 2017, vous étiez absent alors que vous étiez planifié de 14h00 à 19h45 sur le site de SIMPLY MARKET

NOTRE DAME DE GRAVENCHON.

- le 18 mars 2017 alors que vous étiez planifié de 10h00 à 13h00 sur le site de SIMPLY MARKET NOTRE DAME DE GRAVENCHON, vous êtes arrivé à 12h30, soit 2h30 de retard.

- le 19 mars 2017 alors que vous étiez planifié de 9h30 à 12h45 sur le site de SIMPLY MARKET NOTRE DAME DE GRAVENCHON, vous êtes arrivé à 9h38 soit huit minutes de retard.

Pourtant il vous a été envoyé par lettre recommandée n°1A 134 179 6655 R en date du 8 mars 2017 une demande de justification concernant vos abandons de postes et vos retard des mois Février 2017 et Mars 2017, qui reste à ce jour infructueuse.

Nous avons donc été contraints de vous convoquer, par lettre recommandée n° 1A 125 819 1990 9 à un entretien préalable le 27 mars 2017 à 14h00 afin de recueillir des explications sur vos absences.

Malheureusement, vous n’avez pas jugé utile de vous présenter et nous n’avons pas pu recueillir vos motifs. […]

Vous n’avez pas conscience des conséquences de vos multiples retard et abandon de poste et absences injustifiées.

Votre comportement contrevient à vos engagements contractuels et entrainent un préjudice réel et objectif pour l’entreprise. Vous comportement ayant engagé sérieusement notre responsabilité à l’égard de nos clients.

Ainsi et pour l’ensemble des raisons indiquées ci-avant, nous avons décidé de prononcer votre licenciement pour faute grave.'

Au vu du relevé d’heures établis par la société Simply Market et de la main courante contre-signée par le salarié sur laquelle sont indiqués ses horaires d’arrivée et de départ produits par l’employeur, les retards reprochés à M. X les 22 février et 19 mars 2017 ne sont pas établis. Sur la journée du 24 février 2017, s’il est avéré que M. X est arrivé à 11h26 pour une prise de poste prévue à 9h30, en revanche, il n’est pas établi qu’il a quitté son poste à 14h10, le relevé d’heures et la main-courante mentionnant de façon concordante que le salarié a été présent sur site de 11h26 à 13h05 et de 14h05 à 19h10. Les quatre autres retards de prise de poste ou abandons de poste en raison d’un départ anticipé sont valablement justifiés. De même, il n’est pas contesté que M. X a été absent à son poste de travail les 14 et 15 mars 2017.

Sur cette absence des 14 et 15 mars 2017, M. X explique qu’initialement ses congés étaient prévus du 14 au 28 mars 2017, que dans cette perspective, il avait réservé un vol pour le Maroc avec son épouse, que son employeur lui a demandé de reporter ses congés, ce qu’il a fait en sollicitant des congés pour la période du 25 avril au 5 mai 2017, mais qu’il a dû s’absenter les 14 et 15 mars 2017 pour accompagner son épouse au Maroc, cette dernière étant enceinte de 7 mois et ne pouvant, selon les règles imposées par la compagnie aérienne, voyager seule, prévenant par téléphone son responsable qui lui aurait indiqué qu’il acceptait son absence et qu’il trouverait une solution pour le remplacer. Il s’est aperçu à son retour le 17 mars qu’il n’avait pas été remplacé.

Si M. X justifie avoir effectivement présenté une demande officielle de congés pour la période du 25 avril au 5 mai, en revanche, il n’est pas établi que celui-ci a présenté une telle demande pour la période du 14 au 28 mars 2017 ni a fortiori qu’elle a été acceptée par l’employeur. Le courriel du 20 mars 2017 versé par M. X montre que si ce projet de congés a été évoqué oralement auprès de son responsable, il a été tout de suite refusé, compte tenu de sa tardiveté qui ne permettait pas de changer les plannings. Au demeurant, dans son mail adressé le 5 avril 2017, M. X reconnaît avoir réservé ses billets d’avion avant même d’évoquer la question de ses congés avec son responsable. Il n’est pas non plus justifié de l’accord verbal donné par le responsable de M. X pour s’absenter les 14 et 15 mars 2017, étant surabondamment fait observer que M. X est défaillant à rapporter la preuve de la nécessité de ce voyage, puisqu’il n’est produit aucun justificatif

des exigences de la compagnie aérienne et qu’en tout état de cause, sa fille étant née le […], son épouse ne pouvait être enceinte de 7 mois à la date du 15 mars 2017.

Ces deux jours d’absence constituent donc des abandons de poste fautifs.

Quant aux retards reprochés à M. X, celui-ci ne les conteste pas. Toutefois il soutient qu’ils ne constituent pas une faute au motif que cette situation est imputable à son employeur, qui, bien que sollicité en ce sens à plusieurs reprises par des courriels des 30 novembre 2016, 4 janvier, 23 janvier, 20 février 2017, ne lui a pas versé d’indemnités de transport lui permettant de faire face au coût onéreux (de l’ordre de 200 euros par mois) engendré par les trajets en voiture entre son domicile et le site de Notre Dame de Gravenchon qu’il ne pouvait assumer seul, le contraignant ainsi à prendre les transports en commun, mode de transport qui lui a imposé des retards importants lorsqu’il manquait son bus ou des départs anticipés pour prendre le dernier bus de la journée qui passait avant la fin de son horaire de travail.

Dans la mesure où le contrat de travail de M. X contient une clause de mobilité aux termes de laquelle 'les lieux de travail du salarié seront les sites clients de la société tels qu’ils résultant du planning prévisionnel ou modifié, [que] ces sites pourront être ceux d’un ou plusieurs clients et le salarié pourra être affecté indifféremment, successivement ou alternativement sur plusieurs de ces sites en fonction des nécessités, urgences et priorités du service et d’organisation justifiées par la vocation et la nature des prestations de la société', cet argument est inopérant en ce qu’elle implique que le salarié avait connaissance des éventuelles incidences sur ses déplacements et leur coût.

Au regard de l’ensemble de ces éléments qui établissent cinq jours de présence avec retard et/ou départ anticipé ainsi que deux jours d’absences injustifiées entre le 22 février et le 18 mars 2017, soit sur une période d’un mois, les motifs du licenciement de M. X, tels que figurant dans la lettre du 6 avril 2017 ne sont que partiellement établis, de telle sorte que l’intensité des fautes reprochées s’en trouve atténuée. En outre, il ne peut être fait abstraction de l’ancienneté de M. X au sein de la société (3 ans) ainsi que de l’absence de tout antécédent disciplinaire le concernant au cours de cette période ni même de tout reproche sur un défaut de ponctualité ou des absences injustifiées.

Les manquements du salarié tels qu’établis au vu des développements qui précèdent ne revêtent pas un caractère de gravité en ce qu’ils ne rendent pas impossible son maintien dans l’entreprise, ce qui est corroboré par l’absence de mise à pied conservatoire, mais constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Sur les conséquences financières

Les parties ne contestent pas le salaire mensuel moyen retenu par les premiers juges à concurrence de la somme de 1 590,78 euros.

— Sur l’indemnité de préavis :

Aux termes de l’article L.1234-1 du code du travail, le salarié qui justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans a droit à un préavis de deux mois. La convention collective applicable ne comporte pas de dispositions plus favorables en la matière.

En l’espèce, au regard de son ancienneté supérieure à deux ans, il revient à ce titre à M. X la somme de 3 181,56 euros, outre 318,15 euros au titre des congés payés y afférents, soit une somme totale de 3 499,71 conformément à la demande du salarié.

— Sur l’indemnité de licenciement :

En application des dispositions des articles L.1234-9 et R.1234-2 du code du travail dans leur

rédaction applicable au présent litige, le salarié licencié qui compte au moins une année d’ancienneté au service de l’entreprise a droit à une indemnité de licenciement dont le montant ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel s’ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d’ancienneté.

En l’espèce, au regard de l’ancienneté de M. X et en l’absence de dispositions conventionnelles plus favorables, les premiers juges ont justement alloué à ce titre la somme de 954,46 euros.

Conformément à la demande présentée en ce sens par M. X, il sera rappelé que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et d’orientation et les sommes à caractère indemnitaire à compter de la signification de la présente décision.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante , il y a lieu de condamner la société Luxant Group aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 régissant l’aide juridictionnelle pour les frais générés tant en première instance qu’en appel et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes présentées par M. Y X à l’encontre de la société Luxant Security Grand Ouest, pour défaut de qualité à agir,

Rejette la fin de non-recevoir fondée sur les dispositions de l’article R. 1452-1 du code du travail soulevée par la société Luxant Groupe ;

Requalifie le licenciement pour faute grave de M. Y X en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Luxant Groupe à payer à M. Y X les sommes suivantes :

• 3 181,56 euros au titre de l’indemnité de préavis,

• 318,15 euros au titre des congés payés y afférents,

• 954,46 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

Rappelle que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et d’orientation et les sommes à caractère indemnitaire à compter de la signification de la présente décision ;

Déboute la société Luxant Group de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Luxant Group à payer à M. Y X la somme de 3 000 euros au

titre des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 régissant l’aide juridictionnelle ;

Condamne la société Luxant Group aux dépens de la présente instance.

La greffière La présidente

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