Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre commerciale, 12 juin 2019, n° 19/01308

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 12 juin 2019, n° 19/01308
Juridiction : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Numéro(s) : 19/01308
Décision précédente : Tribunal de commerce de Saint-Denis de la Réunion, 26 janvier 2016, N° 15/00069
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°19/

FK

N° RG 19/01308 – N° Portalis DBWB-V-B7D-FF2U

SA ELECTRICITE DE FRANCE

C/

SNC TABLE D’HOTE DU MUSEE 02

Société EQUITIS GESTION SAS

RG 1ÈRE INSTANCE :

[…]

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 12 JUIN 2019

Chambre commerciale

Appel d’une décision rendue par le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion en date du 27 janvier 2016 RG n°[…] suivant déclaration d’appel en date du 26 février 2016.

APPELANTE :

SA ELECTRICITE DE FRANCE

14 rue Sainte-Anne BP 7082

97708 SAINT-DENIS CEDEX

R e p r é s e n t a n t : M e E r i c D U G O U J O N , p o s t u l a n t , a v o c a t a u b a r r e a u d e SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION, Me Cyril DELCOMBEL de la SELAS ADAMAS, plaidant, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

SNC TABLE D’HOTE DU MUSEE 02

[…]

[…]

Représentant : Me Vanessa RODRIGUEZ de la SELARL LAWCEAN, postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION, Me Julien TURCZYNSKI et Me Jean-Francis CHEUNG AH SEUNG du cabinet DTA, plaidants, avocats au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE

Société EQUITIS GESTION SAS

[…]

[…]

Représentant : Me Vanessa RODRIGUEZ de la SELARL LAWCEAN, postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION, Me Julien TURCZYNSKI et Me Jean-Francis CHEUNG AH SEUNG du cabinet DTA, plaidants, avocats au barreau de PARIS

CLOTURE LE : 18 octobre 2018

DÉBATS : En application des dispositions de l’article 785 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 5 décembre 2018 devant la cour composée de :

Président : Madame Fabienne KARROUZ, conseillère

Conseiller : Madame Fabienne ROUGE, conseillère

Conseiller : Madame Catherine VANNIER, vice-présidente placée affectée à la cour d’appel par ordonnance de Monsieur le premier président

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l’issue des débats, la présidente a indiqué que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 12 juin 2019.

Greffier lors des débats et de la mise à disposition : Nathalie BEBEAU, greffière.

ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 12 juin 2019.

* * *

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

La société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 ( le producteur SNC d’exploitation ) a été constituée en vue de produire de l’électricité en utilisant des énergies renouvelables dans le cadre d’un montage initié par la société SFER dont le mécanisme impliquait, la société SFER en sa qualité d’initiateur et maître d''uvre du montage mais également de fournisseur des centrales, des SNC de défiscalisation constituées d’investisseurs souhaitant bénéficier d’une réduction d’impôts, et des SNC d’exploitation constituées par des particuliers.

La société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 a adressé à EDF par le biais de sa direction EDF SEI une demande de raccordement pour une installation photovoltaïque d’une puissance de 12 kVA située à SAINT GILLES LES HAUTS.

Le décret n° 2010-1510 du 09 décembre 2010 entré en vigueur le 10 décembre 2010 a suspendu l’obligation d’achat de l’électricité produite à partir d’installations d’une puissance installée inférieure ou égale à 12 mégawatts utilisant l’énergie radiative du soleil pendant une période de trois mois à compter de son entrée en vigueur. De nouvelles demandes devaient être présentées à l’issue du moratoire. Les nouvelles conditions d’achat ont été fixées par arrêté du 04 mars 2011 et il s’est avéré que le tarif d’achat était moins avantageux que celui fixé par les anciens arrêtés.

Reprochant à la société EDF de ne pas avoir instruit dans les délais sa demande de raccordement et

de l’avoir ainsi empêché de bénéficier des tarifs antérieurs, le producteur ainsi que 296 autres sociétés productrices, a assigné le 07 janvier 2015 la société EDF devant le tribunal mixte de commerce de Saint Denis.

Par jugement du 27 janvier 2016 le tribunal a':

— rejeté la demande présentée par la société EDF et tendant à ce qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne ;

— rejeté ses demandes de communication de pièces ;

— dit que la suspension de l’obligation d’achat d’électricité d’une durée de trois mois prévue par le décret du 9 décembre 2010 s’applique à compter de la date de son entrée en vigueur, soit le 10 décembre 2010 à 0 heure, aux centrales d’une puissance inférieure ou égale à 36 KVA, y compris celles donnant lieu à une convention de raccordement ;

— dit que ces dernières devaient renouveler leurs demandes à l’issue de la période de suspension de l’obligation d’achat ;

— dit que les directives de la documentation technique éditée par la société EDF s’appliquent à elle ;

— dit qu’en application de la documentation technique qui lui est opposable la société EDF devait proposer un contrat de raccordement dans un délai de trois mois à compter de la réception du dossier, y compris aux installations d’une puissance inférieure ou égale à 36 KVA ne nécessitant pas de travaux d’extension ;

— dit que les SNC ayant déposé leur dossier après le 9 décembre 2010 ne subissent pas de préjudice résultant de la faute de la société EDF;

— débouté en conséquence 120 SNC de l’intégralité de leurs demandes, y compris celles fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

— dit que les sociétés ayant déposé leur dossier 'après’ le 9 septembre 2010 subissent un préjudice constitutif d’une perte de chance de 20 % pour les sociétés ayant déposé leur dossier entre le 27 août et le 9 septembre 2010, de 50% pour les sociétés ayant déposé leur dossier entre le 10 et le 27 août 2010 et de 80 % pour les sociétés ayant déposé leur dossier avant le 10 août 2010 ;

— déclaré que la société EDF a commis une faute en ne proposant pas à 171 SNC une convention de raccordement dans le délai de trois mois qui s’imposait à elle ;

— dit que cette faute est la cause de la perte de chance subie par ces 171 SNC dont la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02;

— condamné en conséquence la société EDF à régler aux 171 SNC la somme globale de 13.706.844,00 € en réparation de la perte de chance, une somme de 73.700€ étant attribuée à la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 outre 300 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— dit que la SNC VBC 28, la SNC ELIOT 1964, la SNC ERIKA 11, la SNC IRIS 22, la SNC RENETTE 01 et la SNC COMMERSON 25 ne justifient pas du préjudice qu’elles invoquent et les a déboutées de l’intégralité de leurs demandes y compris celles présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les SNC de leurs réclamations formulées au titre de l’augmentation des loyers et de la

rémunération des gérants ;

— les a déboutées de leurs X amples réclamations ;

— ordonné l’exécution provisoire de la décision à hauteur de la moitié des sommes allouées ;

— condamné la société EDF aux dépens de l’instance.

Par déclaration au greffe formulée par voie électronique le 26 février 2016 la société EDF a relevé appel de cette décision.

Parallèlement l’administration fiscale ayant refusé d’inclure les centrales photovoltaïques en projet ou construites dans le processus de défiscalisation «' Girardin industriel'», la société SFER a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde suivant jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis du 14 novembre 2012.

La société SFER a par ordonnance du 16 mai 2013 été autorisée à acquérir les parts des sociétés d’exploitation.

Par jugement du tribunal mixte de commerce de Saint Denis du 20 août 2014 un plan de sauvegarde et de règlement du passif a été adopté, lequel prévoyait la signature d’un contrat de fiducie sûreté et gestion. Un contrat de fiducie a été signé entre les sociétés d’exploitation et la société SAS EQUITIS GESTION ( EQUITIS) en qualité de fiduciaire au profit des créanciers de la société SFER.

Par ordonnance du 10 mai 2017 le conseiller chargé de la mise en état a déclaré les conclusions des SNC intimées irrecevables.

La société EQUITIS Gestion est intervenue volontairement à l’instance.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 03 octobre 2018 la société EDF demande à la cour de':

A TITRE PRINCIPAL, sur la nullité de l’assignation et du jugement,

Vu les articles 117 et suivants du Code de procédure civile,

Vu le contrat de fiducie conclu entre les SNC intimées et la société EQUITIS GESTION,

— prononcer la nullité de l’acte introductif d’instance ainsi que celle du jugement ;

— constater l’extinction de l’instance ;

— renvoyer, en conséquence, les parties à mieux se pourvoir sans évoquer le fond ;

SUBSIDIAIREMENT, sur l’irrecevabilité des demandes,

Vu les articles 122 et suivants du Code de procédure civile,

— constater le défaut de qualité et d’intérêt à agir des SNC appelantes à l’encontre de la société EDF ;

En conséquence,

— infirmer le jugement entrepris ;

— déclarer irrecevables les demandes des 171 SNC intimées dont la SNC TABLE D’HOTE DU MUSEE 02;

A TITRE EGALEMENT PRINCIPAL sur l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de la société EQUITIS GESTION

Vu l’article 329 du code de procédure civile

Vu l’article 2224 du code civil

— dire et juger que l’intervention volontaire et les demandes de la société EQUITIS GESTION sont frappées de prescription ;

En conséquence,

— déclarer irrecevables l’intervention volontaire et les demandes de la société EQUITIS GESTION ;

X SUBSIDIAIREMENT, sur l’absence de faute de la société EDF,

Vu la procédure de traitement des demandes de raccordement,

Vu le décret n°2010-1510 du 9 décembre 2010,

— dire et juger que la société EDF dispose d’un délai de trois mois pour transmettre des contrats de raccordement à compter de la date de réception des demandes complètes de raccordement (date de « complétude » ou « T0 ») ;

— dire et juger que les SNC intimées ne démontrent pas avoir adressé à la société EDF l’intégralité des éléments nécessaires à la complétude de leurs dossiers de raccordement (certificats de non-opposition à travaux et extraits K-Bis) ;

En conséquence,

— dire et juger qu’aucun délai n’a commencé à courir à l’encontre de la société EDF ;

— dire et juger que la société EDF n’a commis aucune faute en ne dialoguant pas avec les SNC intimées et leur mandataire ;

— dire et juger que la société EDF n’a commis aucune faute en n’adressant pas de contrats de raccordement aux SNC intimées avant l’entrée en vigueur du décret moratoire du 9 décembre 2010;

— infirmer le jugement entrepris;

— débouter l’ensemble des 171 SNC dont le société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 de l’intégralité de leurs demandes;

— débouter l’ensemble des 171 SNC susvisées de leur appel incident;

— débouter la société EQUITIS GESTION de l’intégralité de ses demandes;

ENCORE X SUBSIDIAIREMENT, sur le caractère non réparable des préjudices allégués,

Vu les articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Vu la décision de la CJUE du 15 mars 2017 ;

— dire et juger que l’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans les conditions définies par l’arrêté du 12 janvier 2010, a le caractère d’une aide d’Etat ;

— dire et juger pareillement que l’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans les conditions définies par l’arrêté du 31 août 2010, a le caractère d’une aide d’Etat ;

— constater que ces arrêtés n’ont pas été notifiés préalablement à la Commission européenne en violation de l’article 108 paragraphe 3 du TFUE ;

— dire et juger que ces arrêtés sont illégaux et que leur application doit, en tout état de cause, être écartée ;

— rejeter, en conséquence, les demandes des SNC appelantes et de la société EQUITIS GESTION fondées sur une cause illicite ;

ENCORE X SUBSIDIAIREMENT, sur l’absence de lien de causalité,

Si, par extraordinaire, une faute de la société EDF ainsi qu’un préjudice réparable étaient retenus

— dire et juger que ne pourrait être retenue, comme première date de complétude possible des demandes de raccordement que la date d’immatriculation au RCS des sociétés intimées

En conséquence pour 112 SNC dont la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 infirmer le jugement en ce qu’il a reconnu un lien de causalité entre les faits reprochés à la société EDF et le prejudice allégué par la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 et la société EQUITIS GESTION

Débouter les 112 SNC intimées dont la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 de l’intégralité de leurs demandes

Débouter les 112 SNC intimées dont la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 de leur appel incident;

Débouter la société EQUITIS GESTION de l’intégralité de ses demandes relatives aux 112 SNC intimées dont la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02

A TITRE ENCORE X SUBSIDIAIRE, sur la perte de chance inexistante,

— dire et juger que le préjudice allégué par les SNC intimées ne peut s’analyser qu’en une perte de chance et non en un gain manqué ;

— dire et juger que la perte de chance ne peut s’entendre qu’à compter de la matérialisation du dépassement du délai de trois mois par EDF ;

— dire et juger que la perte de chance de bénéficier des anciens tarifs d’achat d’électricité doit s’analyser par rapport à la date du 2 décembre 2010 et non du 10 décembre 2010 ;

— à titre subsidiaire, sur ce point, si la Cour estime que la question de l’interprétation du décret n°2010-1510 du 9 décembre 2010 pour les contrats de raccordement directs acceptés avant l’entrée

en vigueur dudit décret soulève une difficulté sérieuse qui met en jeu la séparation des ordres de juridiction, renvoyer au Tribunal des Conflits le soin de décider sur cette question de compétence en vertu de l’article 35 du décret n°2015-233 du 27 février 2015 ;

— dire et juger que cette perte de chance doit être examinée par rapport aux capacités et à la diligence du mandataire des SNC intimées, la société SFER ;

— dire et juger que, pour les SNC ayant abandonné leurs projets, la perte de chance doit être encore X réduite à néant du fait de leur incapacité à mener leur projet à leur terme et de bénéficier de contrats d’achat d’électricité avec EDF ;

— constater le caractère manifestement injustifié de la méthodologie et des paramètres de calcul présentés par les 171 SNC intimées pour évaluer l’assiette de préjudice ;

En conséquence,

— dire et juger que les pertes de chance alléguées par les SNC intimées étaient inexistantes ou au mieux infimes

— infirmer le jugement en ce qu’il a retenu des pourcentages non représentatifs du caractère inexistant ou infime des partes de chances des SNC intimées;

— débouter les SNC intimées dont la chance alléguée était inexistante

— débouter la société EQUITIS GESTION de ses demandes relatives aux SNC dont la perte de chance alléguée était inexistante,

— retenir pour les SNC intimées dont la perte de chance était infime un pourcentage infime de réparation,

— infirmer le jugement en ce qu’il a retenu l’assiette proposée par les SNC intimées pour appliquer les pourcentages de perte de chance,

— rejeter faute de justification la methode et les paramètres de calcul proposés par les SNC intimées et la société EQUITIS GESTION

A titre infiniment subsidiaire, désigner un expert judiciaire avec la mission suivante :

— décrire et expliquer le schéma dans lequel se sont placées les SNC initmées afin de bénéficier du mécanisme légal d’obligation d’achat d’électricité,

— donner son avis sur l’évaluation de l’assiette de la perte de chance des SNC appelantes selon la base suivante : la différence entre :

' la somme des flux financiers actualisés générés après impôts par l’exploitation sur 20 ans des centrales photovoltaïques sur la base des tarifs d’achat de 40 cts€/kWh ou de 35,2 cts€/kWh qui leurs auraient été applicables et tels que déterminés préalablement par la Cour,

' et, si elle est positive, la somme de ces mêmes flux actualisés calculés sur la base du tarif de 12 cts€/kWh issu de l’arrêté du 4 mars 2011,

— se faire communiquer tous documents utiles à l’accomplissement de sa mission,

— s’expliquer techniquement dans le cadre des chefs de mission ci-dessus énoncés sur les dires et

observations des parties qu’il aura recueillis après avoir, sauf s’il en est dispensé par les parties, établi un pré-rapport ou organisé une réunion de synthèse pour informer les parties sur l’état de ses investigations avant le dépôt de son rapport; le cas échéant, compléter celles-ci.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

— rejeter l’appel incident des 171 SNC intimées susvisées dont la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02

— rejeter les demandes de la société EQUITIS GESTION

— rejeter toutes autres prétentions contraires ;

— condamner in solidum les SNC intimées et la société EQUITIS GESTION au paiement:

— de la somme de 40 000 € à EDF au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile;

— des entiers dépens de l’instance, dont ceux d’appel distraits au profit de Me Eric DUGOUJON ;

* * * *

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 04 octobre 2018 la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 et la société EQUITIS demandent à la cour de':

— dire et juger recevable et bien fondée l’intervention volontaire à titre principal de la société EQUITIS GESTION ;

— rejeter l’ensemble des exceptions et moyens soulevés par EDF ;

— dire recevable et bien fondée la société EQUITIS GESTION, es qualités de fiduciaire, en ses demandes incidentes ;

— réformer partiellement la décision dont appel ;

Et statuant à nouveau,

— dire et juger qu’EDF devait, immédiatement et sans délai, envoyer aux SNC une Proposition De Raccordement (PDR) et un Contrat de Raccordement, d’Accès et d’Exploitation (CRAE), à compter de la réception par EDF de leurs dossiers de demande de raccordement;

— fixer le préjudice résultant de la perte de chance à la différence de tarif de l’achat d’énergie pratiqué par EDF avant le 10 décembre 2010 et celui applicable après ;

— fixer le pourcentage d’indemnisation à 100% dudit préjudice pour l’ensemble des SNC soit la somme totale de 24.545.846 € ;

— fixer le préjudice résultant de l’augmentation des charges de loyer à 50% du différentiel de loyers que les SNC doivent verser aux propriétaires des toits sur lesquels sont implantées les centrales photovoltaïques, soit la somme totale de 1.985.180 €;

Subsidiairement, si la Cour retenait l’obligation pour EDF d’envoyer les conventions de raccordement dans un délai de 6 semaines à compter de la réception des demandes de raccordement des SNC,

— fixer le préjudice résultant de la perte de chance à la différence de tarif de l’achat d’énergie pratiqué par EDF avant le 10 décembre 2010 et celui applicable après ;

— fixer le pourcentage d’indemnisation à 99% dudit préjudice pour l’ensemble des SNC soit la somme totale de 24.300.388 €;

— fixer le préjudice résultant de l’augmentation des charges de loyer à 50% du différentiel de loyers que les SNC doivent verser aux propriétaires des toits sur lesquels sont implantées les centrales photovoltaïques, soit la somme totale de 1.985.180 €;

X subsidiairement si la cour retenait l’obligation pour EDF d’envoyer les conventions de raccordement dans un délai de trois mois à compter de la réception des demandes de raccordement des SNC

— fixer le préjudice résultant de la perte de chance à la différence de tarif de l’achat d’énergie pratiqué par EDF avant le 10 décembre 2010 et celui applicable après;

— fixer le pourcentage d’indemnisation du dit préjudice de la manière suivante soit la somme totale de 16 774.792 à concurrence de:

° 80 % pour les SNC ayant déposé leur dossier avant le 10 août 2010;

° 50 % pour les SNC ayant déposé leur dossier entre le 10 août 2010 et le 27 août 2010;

° 50 % pour les SNC ayant déposé leur dossier entre le 27 août 2010 et le 09 septembre 2010;

— dire et juger que les dommages et intérêts dus aux SNC seront répartis entre elles conformément aux tableaux communiqués par EQUITIS GESTION ;

— condamner EDF à payer ces dommages et intérêts aux SNC intimées conformément aux tableaux communiqués par EQUITIS GESTION;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

— dire et juger qu’EDF devra se libérer des montants auxquels elle sera condamnée directement entre les mains de la société EQUITIS GESTION, en sa qualité de fiduciaire des SNC demanderesses ;

— condamner EDF à payer à la société EQUITIS GESTION, es qualités de fiduciaire, la somme de 80.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit de la SELARL LAWCEAN, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

* * * *

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 octobre 2018.

Pour X ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

La disjonction

Vu les dispositions de l’article 367 du code de procédure civile

Une procédure unique a été initiée par les 171 SNC intimées à l’égard d’EDF alors même que la situation de chaque SNC est particulière et nécessite un examen au cas par cas.

Il y a lieu par conséquent de prononcer la disjonction de l’instance à l’égard de la SNC TABLE D’HOTE DU MUSEE 02, laquelle sera suivie sous le RG n°19/1308 ;

Les conclusions et l’appel incident de la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02

Les conclusions de la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02, contenant appel incident ont été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 mai 2017 laquelle n’a pas été déférée à la cour. Par conséquent la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 est réputée ne pas avoir conclu et s’être appropriée les motifs du jugement qui ont accueilli sa demande. La cour n’est cependant pas saisie de l’ appel incident formé par la société.

Le contrat de fiducie

Les SNC d’exploitation, dont la totalité des titres a été acquise par la société SFER directement ou pas le biais de ses substitués les société FACTDOM et SFER LIGHT ont conclu avec la société AQUITIS Gestion le 08 juillet 2014 dans le cadre du plan de sauvegarde de la société SFER un contrat de fiducie sûreté.

En application de l’article 2011 du Code civil, la fiducie est l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens de droits ou de sûretés présents ou futurs à un ou plusieurs fiduciaires. L’article 2012 du même code précise que la fiducie est établie par la loi ou par contrat. Enfin l’article 2018 prévoit que le contrat de fiducie détermine, à peine de nullité, les biens, droits et sûretés transférés.

Il appartient dès lors aux parties de déterminer dans le contrat de fiducie les biens droits et sûretés qu’elles entendent transférer.

En l’espèce, le contrat de fiducie indique en son article 2.1 les droits transférés constituant le patrimoine fiduciaire et précise en 4) que ce patrimoine est constitué du bénéfice des droits résultant des contentieux engagés ou à engager contre la société EDF les constituants s’engageant': «'à faire verser par leur conseil, immédiatement sur le compte qui leur sera indiqué par le fiduciaire, toute somme qu’ils seront amenés à percevoir au titre de ces contentieux'».

Les parties au contrat de fiducie n’ont par conséquent pas entendu transférer au fiduciaire le droit d’action résultant du contentieux les opposant à EDF lié à l’application du moratoire sur le photovoltaïque, mais seulement les créances résultant de ces actions.

La nullité de l’assignation

Vu l’article 472 du code de procédure civile

En application de l’article 117 du code de procédure civile constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte notamment le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.

La société EDF soutient qu’aux termes du contrat de fiducie annexé au plan de sauvegarde de la société SFER, les SNC ont transféré à la société EQUITIS Gestion, fiduciaire, l’ensemble des droits relatifs aux contentieux engagés contre EDF.

Elle estime que la dépossession a pris effet à compter de la date de signature du contrat, la dépossession immédiate étant l’essence même du contrat de fiducie.

Elle en déduit que les SNC n’étant X propriétaires des créances générées par le contentieux qui les oppose à la société EDF ne pouvaient agir en leur nom propre pour voir ces créances reconnues en justice. Dès lors l’assignation délivrée par des parties privées du droit d’agir et ne justifiant pas d’un mandat du fiduciaire, est entachée d’une nullité de fond ce qui entraîne la nullité du jugement prononcé et prive l’appel de son effet dévolutif.

Compte tenu des termes du contrat de fiducie tels qu’examinés ci avant les parties n’ont pas entendu transférer au fiduciaire le droit d’action résultant des contentieux les opposant à EDF lié à l’application du moratoire sur le photovoltaïque, mais seulement les créances résultant de ces actions.

Par conséquent, les SNC avaient le pouvoir de faire assigner la société EDF pour obtenir réparation du préjudice qu’elles estimaient avoir subi à la suite des carences invoquées.

L’assignation n’est pas entachée de nullité.

La fin de non recevoir

En application de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir le défaut du droit d’agir tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt.

La société EDF, suivant le même raisonnement, estime que les sociétés intimées n’avaient X aucun droit sur les créances qu’elles alléguaient et qu’elles n’avaient dès lors X qualité ni intérêt à agir.

Par les motifs ci dessus énoncés, il a été indiqué que les sociétés intimées n’avaient pas transféré leur droit d’action à l’encontre d’EDF, elles avaient donc qualité pour agir. Elles y avaient intérêt puisque les créances, une fois judiciairement constatées, devaient être transférées au fiduciaire, venant ainsi accroître le patrimoine de la société SFER qui a acquis directement ou par le biais de ses substituées, la société SFER LIGHT et la société FACTDOM, l’ensemble des titres des SNC appelantes.

Il n’y a dès lors pas lieu d’accueillir cette fin de non recevoir.

L’intervention volontaire de la société EQUITIS

En application de l’article 554 du code de procédure civile peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité

La société EDF relève qu’afin d’échapper aux conséquences de la nullité de l’assignation, la société EQUITIS intervient pour la première fois en cause d’appel et s’approprie, pour son propre compte les prétentions des SNC et demande précisément que les sommes allouées lui soient versées directement. Elle estime que cette intervention est irrecevable.

A l’instar des SNC, le fiduciaire lui reproche de ne pas avoir traité les demandes de raccordement en temps utile, cette carence générant un préjudice. La société EDF soutient que faute d’avoir agi dans les cinq ans de la matérialisation de son préjudice c’est à dire à compter du décret moratoire du 09 décembre 2010 ou a maxima à compter du nouvel arrêté tarifaire intervenu le 04 mars 2011 , la prescription est acquise depuis le 05 mars 2016, la société EQUITIS n’étant intervenue volontairement qu’en cause d’appel que le 19 juillet 2016.

La société EQUITIS soutient que son intervention volontaire est recevable puisqu’elle a la qualité de tiers, n’étant ni partie ni représentée à la procédure de première instance et qu’elle a un intérêt

personnel dans la mesure où en sa qualité de fiduciaire elle bénéficie des droits résultant du contentieux . Son intervention est d’autant X recevable qu’elle répond parfaitement à son obligation de conservation du patrimoine fiduciaire dans la mesure où elle sollicite une aggravation des condamnations de première instance et que les dommages et intérêts lui soient directement versés . Ses prétentions ont en lien suffisant avec celles des parties originaires , puisqu’elle peut sécuriser et conforter les SNC et que les sommes réclamées sont bien les mêmes que celles sollicitées par les SNC dans le cadre de leur action.

Par ailleurs la société EQUITIS peut également intervenir aux fins de régularisation pour répondre à l’exception de nullité de l’assignation et du jugement soulevée par la société EDF .

Enfin son intervention n’est pas prescrite, puisque ses droits sur le fruit du présent litige sont nés de la conclusion du contrat de fiducie le 19 novembre 2014 et que le dommage n’a été porté à sa connaissance qu’à cette date . En outre le délai de prescription quinquennale de l’action des SNC a été interrompu le 07 janvier 2015 date de la citation en première instance. Or cette interruption profite à l’ayant droit.

La société EQUITIS n’était ni partie ni représentée en première instance. Elle a un intérêt à agir puisqu’en application du contrat de fiducie, les créances résultant des actions engagées par les SNC doivent lui être transférées et qu’elle peut par conséquent demander que ce transfert s’effectue, dès la reconnaissance des créances des SNC. Cette intervention se rattache dès lors avec un lien suffisant avec les demandes indemnitaires formulées.

L’intérêt de la société EQUITIS réside dans la conservation des droits des SNC, cette conservation sauvegardant ses propres intérêts , les sommes éventuellement allouées ayant vocation à accroire le patrimoine fiduciaire.

L’intervention découle de la mise en 'uvre du contrat de fiducie lequel a été signé le 19 novembre 2014 . L’assignation n’est pas entachée de nullité et a interrompu la prescription de l’action des SNC et par suite celle courant à l’égard d’EQUITIS;

Par conséquent l’intervention volontaire de la société EQUITIS sera déclarée recevable.

Sur les fautes de la société EDF

L’application du décret moratoire

La société EDF gestionnaire du réseau public de transport et de distribution de l’électricité réalise à ce titre le raccordement des installations photovoltaïques au réseau de distribution.

La loi 2000-108 du 10 février 2000 qui a transposé en droit interne les dispositions de directives européennes, institue pour les producteurs d’énergies renouvelables un droit d’accès au réseau public de transport et de distribution d’électricité.

L’article L 314-1 du code de l’énergie dispose désormais:

«' sous réserve de la nécessité de préserver le fonctionnement des réseaux, Électricité de France et les entreprises locales de distribution chargées de la fourniture sont tenues de conclure, lorsque les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l’achat d’électricité».

Le décret n°2010-1510 du 10 décembre 2010 a suspendu l’obligation d’achat de l’énergie produite à partir d’installations d’une puissance installée inférieure ou égale à 12 mégawatts utilisant l’énergie radiative du soleil pendant une période de trois mois à compter de son entrée en vigueur.

La société EQUITIS soutient que ce décret n’a pas suspendu la procédure de raccordement et que les SNC n’étaient pas tenues de déposer un nouveau dossier. Elle en déduit que le tarif d’achat applicable devait être celui en vigueur le jour de la réception par EDF de la demande initiale de raccordement.

La société EDF soutient que le processus relatif aux contrats de raccordement n’a aucun effet juridique sur le processus de contractualisation des contrats d’achat et qu’en tout état de cause la perte de chance de bénéficier des tarifs d’achat applicables antérieurement au décret moratoire doit s’analyser par rapport à la date du 02 décembre 2010 et non par rapport à la date du 10 décembre 2010.

La situation des installations de petite puissance est traitée par l’article 4.12 intitulé « cas particulier des installations de petite puissance » qui prévoit pour les installations de puissance inférieure ou égale à 36 kVA : « ces installations sont raccordées en BT ne sont pas concernées par les files d’attente relatives aux ouvrages HTB , poste HTB/HTA réseaux HTA. Elles restent toutefois soumises aux conséquences des contraintes qu’elles pourraient générer sur les réseaux BT et poste HTA/BT. L’instruction des demandes de raccordement de ces installations donne lieu à l’établissement d’un contrat de raccordement d’accès et d’exploitation (CRAE) dés fourniture des éléments techniques et fourniture des éléments administratifs prévus au paragraphe 4.9 »

L’article 1 du décret n° 2010-1510 du 09 décembre 2010 entré en application le 10 décembre 2010 dispose :

« l’obligation de conclure un contrat d’achat d’électricité produite pour les installations mentionnées au 3° de l’article 2 du décret du 06 décembre 2000 susvisé est suspendue pour une durée de trois mois courant à compter de l’entrée en vigueur du présent décret . Aucune nouvelle demande ne peut être déposée durant la période de suspension ».

Le 3° de l’article 2 du décret du 06 décembre 2000 concerne les installations d’une puissance inférieure ou égale à 12 mégawatts utilisant l’énergie radiative du soleil.

L’article 3 du décret du 09 décembre 2010 prévoit que les dispositions de l’article 1er ne s’appliquent pas aux installations de production d 'électricité issue de l’énergie radiative du soleil dont la producteur a notifié au gestionnaire du réseau avant le 02 décembre 2010 son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement.

Conformément à la procédure de traitement article 4.12 (nomenclature ERDF-PRO-RES -21E et SEI REF 07) eu égard à la puissance de l’installation envisagée ( 12kVa) la procédure particulière aux petites puissances devait s’appliquer et l’installation n’était pas soumise à l’étape de la Proposition Technique et Financière ( PTF), EDF devant adresser un contrat de raccordement d’accès et d’exploitation dés fourniture des éléments techniques et fourniture des éléments administratifs prévus au paragraphe 4.9. Un tel contrat est un document définitif qui n’a pas la même nature ni les mêmes effets qu’une PTF qui n’est qu’un document préparatoire. Par conséquent le décret du 09 décembre 2010 ne trouvait à s’appliquer dans les rapports entre les parties qu’au jour de son entrée en vigueur soit le 10 décembre 2010.

Le délai d’instruction des demandes:

La société EDF explique que le traitement d’une demande complète de raccordement nécessite une étude pour préciser les coûts et les délais de réalisation et vérifier que le raccordement sollicité ne génère pas de contraintes sur le réseau . L’établissement d’une PDR et d’un contrat de raccordement implique une étude humaine concrète en fonction de la situation du réseau existant et du nombre de demandes de raccordement. Elle devait donc pouvoir bénéficier d’un délai raisonnable pour adresser un PDR et le contrat de raccordement, lequel doit être fixé à trois mois et a minima à six semaines.

La société EQUITIS soutient pour sa part que pour les centrales de petite puissance comprise entre 12 et 25 kVA une fois rendue destinataire d’un dossier de demande de raccordement, EDF a l’obligation d’envoyer au producteur une proposition de raccordement (PDR) ainsi qu’un contrat de raccordement d’accès et d’exploitation ( CRAE), la proposition technique et financière ( PTF) ne concernant que les centrales de puissance supérieure à 250 kVA. Elle relève que dans la procédure simplifiée, l’instruction du dossier est dispensée du circuit normal et notamment de ce qui est dénommé « file d’attente » et ce en application du référentiel Technique ERDF PRO RES -21E tel que modifié par l’avenant SEI REF 07. L’instruction des dossiers est des X simplifiée puisque la documentation contractuelle d’EDF consiste en un document unique « contrat de raccordement d’accès et d’exploitation ( CRAE) ». En réalité EDF était dans l’obligation absolue de répondre immédiatement aux demandes de raccordement des centrales de petite puissance et le délai de 3 mois invoqué est inapplicable.

Les parties s’accordent pour indiquer que la procédure applicable à la demande de traitement correspond à la procédure de traitement des demandes de raccordement ERDF-PRO-RES-21E telle que modifiée par l’avenant SEI REF 07.

En application de ces procédures, la situation des installations de petite puissance est traitée par l’article 4.12 intitulé « cas particulier des installations de petite puissance » qui prévoit pour les installations de puissance inférieure ou égale à 36 kVA : « ces installations sont raccordées en BT ne sont pas concernées par les files d’attente relatives aux ouvrages HTB , poste HTB/HTA réseaux HTA. Elles restent toutefois soumises aux conséquences des contraintes qu’elles pourraient générer sur les réseaux BT et poste HTA/BT. L’instruction des demandes de raccordement de ces installations donne lieu à l’établissement d’un contrat de raccordement d’accès et d’exploitation (CRAE) dés fourniture des éléments techniques et fourniture des éléments administratifs prévus au paragraphe 4.9 »

Le CRAE est défini comme un document contractuel unique regroupant la convention de raccordement, le contrat d’accès au réseau de distribution et la convention d’exploitation.

Par conséquent dès la réception du dossier complet émanant du producteur la société EDF était tenue d’instruire la demande et d’établir le contrat de raccordement et d’exploitation, et ce dans un délai de traitement raisonnable, sans que le délai de trois mois relatif aux projets d’une puissance supérieure ne puisse être utilement invoqué.

La défaillance de la société EDF dans le traitement de la demande de raccordement

Le décret n° 2003-588 du 27 juin 2003 oblige EDF à mener l’étude des dossiers de raccordement des producteurs selon un document technique de référence détaillant la procédure';

Le décret n° 2008-386 du 23 avril 2008 impose aux gestionnaires de réseau d’établir une documentation technique de référence.

Conformément aux délibérations de la commission de régulation de l’énergie, pour assurer le traitement objectif, non discriminatoire et transparent de l’accès des tiers aux réseaux la documentation technique de référence doit notamment détailler la procédure de raccordement dont la description du processus de demande de raccordement, la description de la procédure à suivre pour l’utilisateur pour son raccordement, le calendrier et les délais maximaux pour le gestionnaire et pour l’utilisateur.

La documentation technique ainsi élaborée a un caractère contraignant pour la société EDF.

La société EDF soutient que la procédure de traitement applicable à la demande de raccordement était la procédure intitulée ERDF-PRO-RES -21E ( version 6) amendée au mois de décembre 2009

par un avenant «' référentiel technique SEI REF 07'» suite au décret du 19 novembre 2009 ( pièce 4 EDF) . Elle estime que celui qui n’envoie pas un dossier complet n’a aucun droit à obtenir un contrat de raccordement et qu’aucun délai ne lui est opposable.

Elle relève qu’en l’espèce la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 ne lui a jamais adressé les autorisations d’urbanisme nécessaires, puisque le certificat de non opposition n’était pas joint à la demande et ce en violation de l’article 4.9. Pareillement le K bis qui devait accompagner la fiche de collecte n’était pas joint, cette société immatriculée après le 1er décembre 2010 n’avait en tout état de cause aucune capacité juridique pour conclure un mandat avec la société SFER ni pour conclure un contrat de raccordement.

Elle explique que le fait que deux sociétés aient pu bénéficier par erreur d’un traitement X clément est parfaitement inopérant puisque cette erreur ne peut octroyer aucun droit à la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02.

Enfin s’agissant de l’obligation pour EDF de «'dialoguer'» elle indique que contrairement à ce qu’a retenu le tribunal la procédure de traitement des demandes de raccordement ne prévoit aucune obligation pour la société EDF de relancer les producteurs en cas d’incomplétude de leurs dossiers. Faire peser sur la société EDF une telle obligation aboutit à une inversion de la charge de la preuve puisqu’il appartient aux SNC de démontrer la complétude de leurs dossiers.

Sur ce point la société EQUITIS soutient que la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 a déposé un dossier complet auprès de ERDF le 27 avril 2010, puisque s’agissant d’une installation de petite puissance le seul document d’urbanisme à joindre à la demande était le récépissé de dépôt de la déclaration de travaux et non le certificat de non opposition comme cela ressort de la pièce EDF n° 3 ( p 7/8) et du mode d’emploi produit pour les installations de moins de 36 Kva ( pièce 1) .

S’agissant de l’extrait K bis, étant en formation, il était impossible à la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 de le fournir eu égard au délai de traitement du RCS de la Réunion qui était à l’époque entre six mois et un an au minimum, EDF ayant accepté au demeurant de traiter en l’état de nombreux dossiers.

Enfin en réalité la société EDF a renoncé elle même à la complétude des dossiers puisqu’il ressort du mode d’emploi produit et élaboré par EDF ( pièce 1 p 13) que le certificat de non opposition peut être fourni postérieurement à la proposition de raccordement et le contrat de raccordement d’accès et d’exploitation (CRAE) signés.

Les parties s’accordent pour indiquer que la procédure applicable à la demande de traitement correspond à la procédure de traitement des demandes de raccordement

En application des procédures fixées par le référentiel ERDF-PRO-RES-21E telle que modifiée par l’avenant SEI REF 07 la situation des installations de petite puissance inférieure ou égale à 36 Kva, l’article 4.12 de l’avenant modificatif SEI REF 07 intitulé «' cas particulier des installations de petite puissance'» prévoit que : 'l’instruction des demandes de raccordement de ces installations donne lieu à l’établissement d’un contrat de raccordement d’accès et d’exploitation (CRAE) dès fourniture des éléments techniques et fourniture des éléments administratifs prévus au paragraphe 4.9'»

Le paragraphe 4.9 du référentiel Technique SEI REF 07 a été modifié par un avenant entré en vigueur le 1er décembre 2009 ( pièce 4 EDF). Il indique notamment : ' la fourniture par le demandeur d’un des documents suivants est nécessaire pour l’entrée en file d’attente… pour les installations soumises à la déclaration préalable, une copie du certificat de non opposition prévu par l’article R 424-13 du code de l’urbanisme ou de la mention de notification de prescriptions comme indiqué à l’article L 424-1 du même code'

Le CRAE est défini comme un document contractuel unique regroupant la convention de raccordement, le contrat d’accès au réseau de distribution et la convention d’exploitation. Il est élaboré par la société EDF et accepté par le producteur.

Le délai de traitement courait à compter de la réception par EDF de tous les éléments permettant d’instruire la demande.

Il ressort des éléments du dossier que l’installation pour laquelle la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 a déposé une demande était d’une puissance envisagée de 12 kVA . Elle devait en application des articles 4.12 et 4.9 de la procédure de traitement ERDF-PRO-RES -21E modifiée par le référentiel technique SEI REF 07 modifié (pièce 4 EDF) fournir, s’agissant d’une installation soumise à la déclaration préalable, une copie de non opposition prévue par l’article R 424-13 du code de l’urbanisme. La documentation technique évoquée par EQUITIS élaborée par EDF prévoit que le certificat de non opposition devait être joint dès la demande de raccordement si la puissance de raccordement était supérieure à 6 kVA ( pièce 1 page 5 et 10 intimée) , seules les installations inférieures à cette puissance pouvant joindre le document au moment de l’acceptation de la proposition de raccordement.

La documentation technique ne met à la charge de la société EDF aucune obligation de réclamer les pièces manquantes.

Il ressort des pièces produites par EQUITIS que la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 a déposé sa demande de raccordement le 27 avril 2010 date de réception par EDF de l’envoi recommandé. Ce dossier ne comportait pas le certificat de non opposition, le dépôt de la déclaration préalable étant en date du 16 avril 2010.

Le délai d’un mois imparti à l’administration pour apporter une réponse à la déclaration préalable n’était pas écoulé au moment du dépôt de la demande mais s’est écoulé par la suite. Il appartenait à la société de solliciter le certificat prévu par l’article R 424-13 du code de l’urbanisme auprès de l’autorité compétente, afin de compléter son dossier. Il n’est justifié d’aucune demande en ce sens ni de la production du certificat de non opposition.

Par conséquent il doit être constaté que le dossier de la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 était incomplet au moment de son dépôt et n’a pas été complété par la suite. Ainsi, aucun délai de traitement n’a commencé à courir.

La circonstance que la société EDF ait pu instruire deux dossiers incomplets ne déchargeait pas la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 de ses propres obligations.

Dès lors il ne peut être reproché à la société EDF d’avoir commis une faute en ne traitant pas la demande de raccordement avant l’entrée en vigueur du décret du 06 décembre 2010, soit le 10 décembre 2010.

La SNC sera déboutée de sa demande d’indemnisation en l’absence de traitement fautif de sa demande incomplète.

Il résulte de ces motifs que la décision entreprise sera partiellement infirmée.

En l’absence de créance de la société envers la société EDF, la demande de la société EQUITIS tendant au versement direct des indemnités sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

La société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 qui succombe sera condamnée aux dépens de l’instance

d’appel.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, en matière commerciale et en dernier ressort, par mise à disposition au Greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du Code de procédure civile,

ORDONNE la disjonction de la procédure 16/245 s’agissant de la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 et dit qu’elle sera désormais suivie sous le n°19/1308 ;

REJETTE la demande tendant à la nullité de l’assignation';

REJETTE la fin de non-recevoir fondée sur l’article 122 du code de procédure civile';

DECLARE recevable en cause d’appel l’intervention volontaire de la société EQUITIS Gestion en qualité de fiduciaire;

INFIRME la décision entreprise à l’égard de la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 :

— en ce qu’elle a dit qu’en application de la documentation technique opposable la société EDF devait proposer un contrat de raccordement dans un délai de trois mois à compter de la réception du dossier ;

— en ce qu’elle a dit que la société EDF avait commis une faute à l’égard de la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02;

— en ce qu’elle a dit qu’ayant déposé son dossier le 27 avril 2010 elle subissait un préjudice et en conséquence condamné la société EDF à verser à la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 la somme de 73.700 € et la somme de 300,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés

DIT que la société EDF devait proposer dans les dossiers complets un contrat de raccordement d’accès et d’exploitation (CRAE) dans un délai raisonnable;

DIT que la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 a déposé une demande de raccordement incomplete et qu’aucun délai de traitement n’a commencé à courir;

DÉBOUTE la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 de sa demande d’indemnisation;

DIT n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile;

CONFIRME le jugement pour le surplus;

Y ajoutant

REJETTE la demande de la société EQUITIS Gestion tendant au versement direct des indemnités;

CONDAMNE la société TABLE D’HOTE DU MUSEE 02 aux dépens ;

DIT n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Fabienne KARROUZ, conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE signe LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre commerciale, 12 juin 2019, n° 19/01308