Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 11 octobre 2018, n° 17/05241

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 6e ch., 11 oct. 2018, n° 17/05241
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/05241
Sur renvoi de : Cour de cassation, 6 septembre 2017
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 82E

6e chambre

Renvoi après cassation

ARRÊT N° 00548

CONTRADICTOIRE

DU 11 OCTOBRE 2018

N° RG 17/05241

N° Portalis DBV3-V-B7B-R5U3

AFFAIRE :

SAS DXC TECHNOLOGY FRANCE anciennement CSC COMPUTER SC

C/

C X

A Y

[…]

FÉDÉRATION DES EMPLOYÉS ET CADRES FORCE OUVRIÈRE

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 10 Décembre 2015 par le Cour d’Appel de VERSAILLES

Chambre : 6e

N° RG : 15/00465

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 15 Octobre 2018 à :

— 

— 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant, fixé au 21 juin 2018 puis prorogé au 11 octobre 2018, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

DEMANDERESSE ayant saisi la cour d’appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 07 novembre 2017 en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 07 septembre 2017 cassant et annulant l’arrêt rendu le 1er décembre 2015 par la cour d’appel de Versailles

La SAS DXC TECHNOLOGY FRANCE

anciennement CSC COMPUTER SC

[…]

[…]

Représentée par Me Laurent GUARDELLI, plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0053 ; et par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, , vestiaire : 52

****************

DÉFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI

Madame C X

née le […] à […]

[…]

[…]

représentée par Me Claude-laurence GOLTZMANN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R117, Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20170485 substitué par Me Juliette RENAULT, avocat au barreau de PARIS – N° du dossier 20170485

Monsieur A Y

né le […] à […]

[…]

[…]

représenté par Me Claude-laurence GOLTZMANN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R117, Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20170485 substitué par Me Juliette RENAULT, avocat au barreau de PARIS – N° du dossier 20170485

Le […]

[…]

[…]

représentée par Me Claude-laurence GOLTZMANN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R117,

Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20170485 substitué par Me Juliette RENAULT, avocat au barreau de PARIS – N° du dossier 20170485

La FÉDÉRATION DES EMPLOYÉS ET CADRES FORCE OUVRIÈRE

[…]

[…]

représentée par Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20170485 substitué par Me Juliette RENAULT, avocat au barreau de PARIS – N° du dossier 20170485

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience solennelle du 20 Mars 2018, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Monsieur Olivier GUICHAOUA, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,

Greffier, lors des débats : Monsieur E F

****************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société DXC technology France (la société ) vient aux droits de la société CSC computer Sciences SAS. La société exerce une activité de conseil, d’intégration de systèmes d’information et d’externalisation. La convention collective applicable est celle du Syntec.

Dans le cadre de l’aménagement du temps de travail, la société fait application de la convention collective et d’un accord d’entreprise, entré en vigueur le 1er octobre 2000. Aux termes de cet accord, pour les salariés concernés réalisant des missions, les appointements ont un caractère forfaitaire. Ils incluent les heures supplémentaires occasionnelles éventuellement accomplies dans une limite de 38 heures 30 minutes par semaine. Ces dépassements sont enregistrés en suractivité sur un compte de temps disponible qui enregistre ces suractivités et ont vocation à être compensés par des récupérations dans le mois suivant la suractivité. Dans le cadre de cette organisation le nombre de jours travaillés maximum est de 214 jours dans l’année (219 jours dans la convention collective) sans préjudice des jours d’ancienneté conventionnelle et de la possibilité de récupérer effectivement la suractivité.

En conséquence, sur les 3h30 supplémentaires accomplies par semaine, 2h20 sont compensées par l’octroi de jours de repos (Jours RTT) et 1h10 est compensée par une rémunération majorée conformément à la législation. Les salariés bénéficient d’une rémunération forfaitaire identique chaque mois correspondant à ce forfait de 38 heures 30.

La loi TEPA du 21 août 2007 a mis en place une exonération de charges sociales et fiscales sur les

heures supplémentaires (applicable entre le 1er octobre 2007 et le 1er septembre 2012).

La société admet avoir omis de faire application de ces dispositions de la loi TEPA pour les salariés accomplissant des heures supplémentaires dans le cadre du forfait de 38 heures 30.

La société a tenté de régulariser auprès de l’URSSAF, puis auprès du TASS la situation. Ces recours ont été rejetés.

Le syndicat CFTC et deux de ses élus ont saisi le le 4 juin 2014 le tribunal de Grande instance de Nanterre pour voir :

' condamner la société à établir la liste des salariés concernés par le remboursement de cotisations relevant de la loi TEPA,

' condamner la société à remettre aux syndicats la liste des salariés concernés, sous astreinte de 1 000 euros par jour,

' subsidiairement, condamner la société à remettre au syndicat une copie anonyme de la liste des salariés concernés, avec catégories, grade coefficient, étendue des droits par année, certifiés conformes par huissier à partir de la liste complète qui lui sera remise par l’employeur dans le délai de 15 jours, avec astreinte,

' condamner la société à remettre dans le mois de la décision à chaque salarié concerné un décompte individuel des heures supplémentaires effectuées durant la période d’application de la loi TEPA et un décompte précis des sommes dues,

' condamner la société à procéder au remboursement des sommes auprès des salariés, correspondant aux cotisations indûment prélevées sur la période comprise entre le 1er octobre 2007 et le 1er septembre 2012, sous astreinte,

' condamner la société à en justifier auprès du syndicat,

' dire que le tribunal se réservera la liquidation éventuelle des astreintes,

' ordonner l’exécution provisoire et condamner la société à une indemnité de procédure.

La société a soulevé l’irrecevabilité des demandes pour défaut d’intérêt à agir du syndicat CFTC et des élus, subsidiairement a soulevé la prescription des demandes de remboursement des cotisations au-delà du 11 juillet 2010 et demandé la limitation de la demande de remboursement de cotisations à hauteur d'1h10 pour les salariés soumis à la modalité 2 au forfait horaire de 38 heures 30 ; plus subsidiairement, a demandé que soit ordonnée la communication au syndicat de la liste des salariés concernés dans des conditions garantissant l’anonymat de ceux-ci outre la condamnation du syndicat CFTC des élus à lui payer une indemnité de procédure.

Par jugement du 8 janvier 2015 le tribunal a constaté que les demandes de remboursement de cotisations antérieures au 11 juillet 2010 étaient prescrites et a donc limité la demande de remboursement à la période du 11 juillet 2010 au 1er septembre 2012 ; constatant la violation par la société des dispositions de la loi TEPA sur la période du 1er octobre 2007 au 1er septembre 2012, l’exonération s’appliquant sur la période de 3h30 ; a enjoint à la société de régulariser les cotisations relatives aux heures supplémentaires sur la période du 11 juillet 2010 au 1er septembre 2012 avec remise pour chaque salarié d’un décompte des heures supplémentaires effectuées et des sommes dues ; a condamné la société à procéder au remboursement des sommes correspondant aux cotisations indûment prélevées car relevant de la loi TEPA sur la période du 11 juillet 2010 au 1er septembre 2012 et a condamné la société à une indemnité de procédure.

Par arrêt du 1er décembre 2015, la cour a confirmé le jugement en ce qu’il a jugé recevable l’action des intimés, constaté que la société n’avait pas appliqué les dispositions de la loi TEPA s’appliquant sur 3h30 et débouté des intimés de leurs demandes de remise de la liste des salariés concernés même anonymisée.

Elle a infirmé pour le surplus et a :

' déclaré irrecevable l’action du syndicat CFTC, des élus et de Force ouvrière, tendant au remboursement des sommes dues aux salariés,

' constaté que l’action des salariés n’était pas prescrite,

' enjoint à la société de remettre au salarié un décompte individuel précis des heures supplémentaires et du montant des sommes dues, année par année, sous astreinte avec faculté de la liquider.

Y ajoutant, la cour a déclaré recevable l’intervention volontaire de Force ouvrière, a condamné la société à payer au syndicat CFTC, les élus et Force ouvrière les sommes suivantes : 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et 4 000 euros à titre d’indemnité de procédure.

Après pourvoi, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 7 septembre 2017 qui a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel mais seulement en ce qu’il a :

' constaté que l’action des salariés n’était pas prescrite,

' constaté que la société n’avait pas appliqué les dispositions de la loi TEPA relative à l’exonération de cotisations pour les salariés soumis au forfait de 38 heures 30 et s’appliquant sur 3h30,

' enjoint à la société de remettre aux salariés un décompte individuel des heures supplémentaires avec le montant des sommes dues sous astreinte,

' condamné la société a payé au syndicat CFTC aux élus et à la fédération Force ouvrière la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

La Cour de cassation a renvoyé devant la cour autrement composée.

Par conclusions d’appelante devant la cour d’appel de renvoi après cassation, visées par le greffe le 7 mars 2018, la société prie la cour d’infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a dit que le syndicat CFTC ainsi que ses élus (Mme X et M. Y) et la Fédération FO ont un intérêt à agir pour demander devant le tribunal de grande instance la régularisation de situations individuelles de salariés ; de dire et juger que le syndicat CFTC ses élus et la Fédération FO n’ont pas d’intérêt à agir à cette fin ; que seul le conseil de prud’hommes est compétent pour connaître des demandes de remboursement de rappel de salaire, correspondant aux cotisations indûment prélevées et de remise des décomptes individuels des heures supplémentaires ; que les intimés ne rapportent pas la preuve du préjudice prétendument subi au titre de l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession ; en conséquence, déclarer les intimés irrecevables en leurs demandes de régularisation de situation individuelle de salarié, en application de l’article 122 du code de procédure civile ; voir la cour se déclarer incompétente au profit du conseil de prud’hommes de Nanterre ; débouter les intimés de leurs demandes respectives de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession ; subsidiairement, infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a déclaré les demandes de remboursement au-delà du 11 juillet 2010 prescrites ; dire et juger que la prescription court à partir du 28 mai 2011 ; constater que les demandes de remboursement de cotisations au-delà du 11 juillet 2010 sont prescrites et limiter par conséquent la demande de remboursement sur la période du 11 juillet 2010 au 1er septembre 2012 ; infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a jugé que l’exonération de cotisations de la loi TEPA devait

s’appliquer sur 3h30 ; dire et juger que l’exonération pour les salariés de la modalité de soumis à forfait horaire de 38 heures 30 s’applique sur 1h10 et par conséquent limiter la demande de remboursement de cotisations à hauteur d'1h10 ; à titre infiniment subsidiaire, constater que les demandes de remboursement de cotisations au-delà du 11 juillet 2010 sont prescrites et limitées par conséquent la demande de remboursement sur la période du 11 juillet 2010 au 1er septembre 2012 ; confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a rejeté la demande du syndicat de communication de la liste des salariés concernés par les régularisations de cotisations sociales et du justificatif des régularisations opérées, y compris dans des conditions garantissant l’anonymat des salariés concernés ; rejeter la demande de communication de la liste des salariés concernés par les régularisations de cotisations sociales et du justificatif des régularisations opérées, y compris dans des conditions garantissant l’anonymat des salariés concernés ; dans tous les cas, condamner le syndicat CFTC et ses élus à une indemnité de procédure de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamner la Fédération FO au paiement de la même somme et au même titre.

Par conclusion d’intimés sur renvoi après cassation, visées par le greffe le 15 mars 2018, le syndicat CFTC et ses élus (Mme X, M. Y) sollicitent de la cour d’infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a dit que les demandes de remboursement étaient limitées à la période du 11 juillet 2010 au 1er septembre 2012 ; de dire que le point relatif à la prescription de la demande de paiement de l’arriéré de cotisations relève de la compétence du conseil de prud’hommes dans le cadre de la procédure individuelle des salariés ; de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a considéré que la violation de la loi TEPA par la société, au titre de l’exonération des cotisations sociales et d’impôt sur le revenu pour les salariés de modalités 2 portait sur 3h30 minutes hebdomadaires ; de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société à remettre à chaque salarié concerné sur l’ensemble de la période d’application de la loi TEPA du 1er octobre 2007 au 1er septembre 2012, dans les deux mois de la décision, un décompte individuel précis des heures supplémentaires effectuées, un décompte précis des sommes dues, et y ajoutant, le décompte du net fiscal trop déclaré ; de débouter le syndicat CFTC et ses élus de leurs demandes dommages-intérêts ; et, statuant à nouveau, de condamner la société à leur payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la profession, en application des articles L.2132-3 (manque du code du travail non ''' ou le L est en trop) et 1382 du code civil ; de condamner la société à payer au syndicat CFTC et ses élus une somme de 4 000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions d’intimée, sur renvoi après cassation, notifiées au greffe le 19 février 2018, la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière (la « Fédération FO ») prie la cour d’infirmer le jugement du tribunal de grande instance du 8 janvier 2015 en ce qu’il a constaté les demandes de remboursement de cotisations antérieures au 11 juillet 2010 prescrites et a limité, par conséquent, la demande de remboursement à la période du 11 juillet 2010 au 1er septembre 2012 ; dire et juger qu’elle ne peut se prononcer sur la question de la prescription de l’action des salariés ; rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la société à son encontre concernant la fixation des bases et modalités des droits des salariés ; de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté que la société n’a pas appliqué les dispositions de la loi TEPA sur la période du 1er octobre 2007 au 1er septembre 2012, l’exonération de cotisations relatives au salarié de modalités 2 soumis aux forfaits horaires de 38 heures 30 devant s’appliquer sur 3h30 et, statuant à nouveau, de condamner la société à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages intérêts au titre du préjudice subi par l’intérêt collectif de la profession ; de condamner la société à lui verser la somme de 4 110 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En cas de renvoi après cassation, l’affaire est à nouveau jugée, en fait et en droit, par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation.

La portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

En l’espèce, sont seuls atteints par la cassation, les éléments du dispositif de l’arrêt, cassé partiellement, suivants :

' la prescription de l’action des salariés,

' l’application de la loi TEPA relative à l’exonération de cotisations pour les salariés de modalités 2 soumises aux forfaits horaires de 38 heures 30 et s’appliquant sur 3h30,

' l’injonction à la société de remettre au salarié concerné en faisant la demande, un décompte individuel précis des heures supplémentaires, avec le montant des sommes dues au titre des cotisations indûment prélevées, année par année, et ce sous astreintes de 100 euros par jour de retard et par salarié, commençant à courir un mois après la notification de l’arrêt, la cour se réservant le droit de liquider le cas échéant cette astreinte,

' la condamnation de la société à payer au syndicat CFTC et ses élus, d’une part, et à la fédération FO, d’autre part, une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Les prétentions des parties portant sur d’autres points que ceux mentionnés ci-dessus seront déclarées irrecevables, en application des dispositions de l’article 638 du code de procédure civile.

Sur la prescription

La société, pour l’essentiel, fait valoir, au visa de l’article L.243-6 du code de la sécurité sociale, qu’une demande de remboursement de cotisations se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdits cotisations ont été acquittées, la prescription de droit commun étend pas applicable en matière de remboursement de cotisations ; que la période de prescription ne peut être calculée qu’à la date de la réclamation du syndicat soit le 28 mai 2014 et que les demandes de remboursement ne peuvent dès lors concerner que la période du 29 mai 2011 au 1er septembre 2012 ; qu’à titre très subsidiaire, la prescription pourrait être décomptée à partir de la date de réclamation portée par la société auprès de l’URSSAF soit le 11 juillet 2013, que dès lors les demandes de remboursement de cotisations ne pourraient concerner que la période du 11 juillet 2010 au 1er septembre 2012.

Le syndicat CFTC et les élus, pour l’essentiel, soutiennent que la prescription doit être jugée dans le cadre des procédures individuelles des salariés devant le conseil de prud’hommes et sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a estimé que les demandes de remboursement de cotisations antérieures au 11 juillet 2010 étaient prescrites et, en conséquence a limité la demande de remboursement à la période du 11 juillet 2010 au 1er septembre 2012.

La Fédération FO sollicite l’infirmation sur ce point du jugement entrepris et prie la cour de dire et juger qu’elle ne peut se prononcer sur la question de la prescription de l’action des salariés.

En l’espèce, le tribunal n’était pas saisi d’une action par un ou des salariés, en remboursement des cotisations, de sorte qu’il ne pouvait statuer sur la prescription sans enfreindre les dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile.

Il appartiendra au juge éventuellement saisi d’une réclamation à cette fin de statuer, le cas échéant, sur la prescription éventuelle de cette réclamation.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l’application de la loi TEPA conduisant à l’exonération de cotisations pour les salariés soumis au forfait horaire de 38 heures 30 et s’appliquant sur 3h30

Un protocole d’accord relatif à la réduction du temps de travail a été signé en décembre 2000 entre l’employeur et les organisations syndicales à la suite des lois du 13 juin 1998 et 19 janvier 2000.

Aux termes de l’article 3 de cet accord, il était stipulé :

«La durée de travail qui était de 39 heures par semaine passe à 35 heures hebdomadaires en moyenne annuelle, soit 1 800 heures annuelles, ce qui représente 42,8 semaines de travail à 37 heures 20 minutes, soit encore 214 jours de travail de 7 heures et 28 minutes, après prise en compte de la réduction du temps de travail. Il s’agit du temps de travail effectif.

«Cette réduction du temps de travail entraînera une redéfinition de horaires de travail précisés dans le règlement intérieur applicable aux services ou sites concernés».

Cet accord précisait, en son article 4-2 relatif au contrat de mission avec référence horaire dite «modalité 2» applicable en l’espèce :

«Dans ce type de contrat les appointements ont un caractère forfaitaire et englobant les heures supplémentaires occasionnelles éventuellement accomplies dans une limite de 38 heures et 30 minutes par semaine. Les dépassements du temps de travail au-delà de cette limite sont enregistrés en suractivité. Le compte de temps disponible est utilisé pour enregistrer exceptionnellement ces suractivités qui ont vocation à être compensées par des récupérations dans le mois suivant la suractivité. (…)

«Au nombre des contreparties dont bénéficie le salarié pour ce mode d’organisation de travail incluant une notion forfaitaire avec référence horaire, figure la disposition limitant le nombre de jours travaillés maximum dans l’année à 214 jours, sans préjudice des jours d’ancienneté conventionnels, ainsi que la possibilité de récupérer effectivement la suractivité. (…)

«La rémunération forfaitaire est indépendante du nombre d’heures de travail effectivement accomplies durant la période de paie considérée».

Le tribunal a considéré que les dispositions de la loi TEPA devaient s’appliquer aux heures supplémentaires entre 35 heures et 38 heures 30.

La société sollicite l’infirmation de la décision entreprise sur ce point, et fait valoir, notamment, qu’il ne peut y avoir prélèvement de cotisations sur la totalité de ces 3h30 ; que si les 3h30 accomplies dans le cadre du forfait au-delà de 35 heures doivent bien être considérées comme des heures supplémentaires, ces heures ont été compensées pour partie c’est-à-dire à hauteur de 2h20, par des jours de repos supplémentaires, le surplus, soit 1h10 étant payé au taux majoré ainsi que cela résulte de l’accord d’entreprise ; que la circulaire du 27 novembre 2007 prévoit l’exonération pour les heures supplémentaires réalisées entre la 36e et la 39e heure, sous condition que l’entreprise n’accorde pas de jours de réduction du temps de travail ; que prétendre à une exonération au titre de jours non travaillés et non rémunérés en argent reviendrait à réclamer l’exonération sur des salaires qui n’ont pas été payés, que seule 1h10 est payée et par conséquent cotisée ; que les heures supplémentaires accomplies entre 35 et 37 heures 20 sont compensées par des jours de repos de sorte que ces heures ne sont pas soumises aux cotisations sociales et ne sont donc pas visés par les exonérations de la loi

TEPA.

Le syndicat CFTC et les élus, rappelant les dispositions de la loi TEPA et celles de l’accord relatif à la réduction du temps de travail applicable à l’entreprise, soutenant que l’interprétation faite par la Cour de cassation est erronée, font, notamment, valoir que les heures supplémentaires incluses au forfait en heures, sont dites « structurelles » et donnent lieu à l’application de l’exonération sur l’ensemble des heures au-delà de 35 heures car elles ne peuvent être compensées par des jours de réduction du temps de travail (JRTT) ; que cette interprétation résulte, en particulier, des dispositions de la circulaire ministérielle ACOSS du 27 novembre 2007, du Bulletin Officiel des Impôts du 30 mai 2008, et du "mémento social SYNTEC"ainsi que de la rédaction des contrats travail et des bulletins de paie; en conséquence, qu’il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a considéré que la violation de la loi TEPA portait sur 3h30 hebdomadaires.

La Fédération FO, contestant l’interprétation donnée par la Cour de cassation, soutient que l’article 4-2 de l’accord relatif à la réduction du temps de travail est indépendant de l’article 3 du même accord, ce dernier définissant le principe du passage aux 35 heures alors que l’article 4 précise les différentes hypothèses d’organisation (article 4-1 pour les salariés en forfait jours ; article 4-2 pour les salariés en forfait heures hebdomadaire ; article 4-3 pour les salariés soumis à l’horaire collectif) ; que l’article 4-2 applicable aux salariés en forfait heures hebdomadaire est une modalité d’organisation du temps de travail distincte de la modulation ; que les 2h20 hebdomadaires effectuées entre 35 heures et 37 heures 20 ne sont pas compensées par des jours de réduction du temps de travail ; qu’il n’est fait nullement référence à des jours de RTT dans le cadre de cet article 4-2 contrairement aux dispositions de l’article 4-3 ; que l’accord ne prévoit pas la possibilité de compenser une partie des 3h30 supplémentaires par l’octroi de RTT et de n’en rémunérer qu’une partie au taux majoré.

En l’espèce, l’accord collectif, qui avait pour objet la réduction du temps de travail prévoyait une durée de travail de hebdomadaire de 37h20 minutes sur 42,8 semaines, et une moyenne annuelle de 1 600 heures grâce à la garantie d’un plafond de 214 jours de travail consécutif à l’octroi de la réduction du temps de travail.

L’accord collectif prévoyait ensuite, dans le cadre du forfait horaire du contrat de mission avec référence horaire, une durée hebdomadaire de 38h30. En pratique, l’octroi de jours de réduction de travail permet tait de conserver un horaire hebdomadaire de travail supérieur à 35 heures, et pouvant aller jusqu’à 39 heures et de compenser ainsi ce dépassement des 35 heures sans déclencher le compteur des heures supplémentaires. Le seuil des heures supplémentaires était alors fixé, soit à 1 607 heures sur l’année en cas de décompte sur l’année, soit à 39 heures ou au seuil conventionnel inférieur fixé par l’accord.

Ainsi, aux termes de l’accord sur les 3h30 supplémentaires accomplies par semaine, 2h20 sont compensées par l’octroi de jours de repos (JRTT) et 1h10 est compensée par une rémunération majorée, en conséquence, seules les heures accomplies au-delà du seuil de 37h20 fixé par l’accord d’entreprise de réduction du temps de travail constituent des heures supplémentaires.

Le seuil de déclenchement des heures supplémentaires doit donc être placé à 37h30, l’exonération de charges issue de la TEPA dépendant de cette qualification.

Les dispositions de la loi TEPA n’ont vocation à s’appliquer que sur les seules heures supplémentaires en l’espèce sur 1h20.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la remise aux salariés concernés, en faisant la demande, d’un décompte individuel précis des heures supplémentaires, avec le montant des sommes dues au titre des cotisations indûment prélevées, année par année, sous astreinte

La société ne conclut pas sur le point de la remise d’un décompte individuel précis des heures supplémentaires, avec le montant des sommes dues au titre des cotisations, mais fait valoir, au visa des articles 9 du code civil et L.1121-1 du code du travail, que la remise de la liste des salariés concernés par les régularisations de cotisations et par les justificatifs de celles-ci, porte atteinte au respect de la vie privée et n’est ni justifiée, ni proportionnée au but recherché ; que cette remise suppose la constitution d’un fichier, contenant des données à caractère personnel, soumis à certaines conditions prévues par la loi, imposant l’autorisation des personnes concernées ainsi qu’à une déclaration à la CNIL ; que la décision de rejet par le tribunal de cette remise de liste, même anonymisée, doit être confirmée.

Le syndicat CFTC et ses élus font valoir, au visa de l’article L.2132-3 du code du travail que l’intérêt collectif peut se superposer à l’intérêt individuel directement atteint ; qu’ainsi la recevabilité de la demande visant à obtenir la remise de document et des décomptes permettant de quantifier des sommes revenant aux salariés se justifie ; que la violation non contestée de la loi TEPA cause nécessairement préjudice à l’intérêt collectif de la profession même si sont en cause des droits individuels de salarié non parties à l’instance ; en conséquence il convient de confirmer la décision du tribunal sur ce point avec précision, en tant que de besoin, d’enjoindre à la société de remettre à chaque salarié concerné pour la période comprise entre le 1er octobre 2007 et le 1er septembre 2012, un décompte individuel précis des heures supplémentaires effectuées relevant de la loi TEPA, un décompte précis des sommes dues au titre des cotisations indûment prélevées comportant le détail de calcul opéré, un décompte précis du net fiscal trop déclaré en résultant.

La Fédération FO ne conclut pas sur ce point.

Aux termes des dispositions de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont intérêt au succès ou rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Aux termes des dispositions de l’article L.2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

La demande de remise aux salariés concernés qui en feront la demande, d’un décompte individuel précis des heures supplémentaires, avec le montant des sommes dues au titre des cotisations indûment prélevées, année par année, n’a pas pour objet la défense de l’intérêt collectif de la profession mais a pour objet la satisfaction de l’intérêt de chaque salarié concerné de sorte que cette demande est irrecevable au regard des textes précités.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la condamnation de la société à payer au syndicat CFTC, à ses élus, et à la fédération Force ouvrière la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts

Le syndicat CFTC et ses élus font valoir que la recevabilité de l’action du syndicat et de ses élus à contester la violation de la loi TEPA est devenue définitive, car non visée par la cassation ; que la violation de la loi n’est pas discutée, mais que la contestation porte uniquement sur le point de savoir celle-ci porte sur 1h10 ou 2h20 ; que le syndicat est fondé à réclamer réparation du préjudice nécessairement subi par la collectivité de la profession qu’il représente du fait de l’inexécution par l’employeur de la loi TEPA, que les salariés ne sont toujours pas payés des arriérés de salaires mêmes sur la période pour le montant admis par l’employeur ; qu’ainsi le syndicat et ses élus sont

bien-fondés à réclamer la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts.

La fédération FO fait valoir au visa des articles L.2132-3 du code du travail et 1240 du code civil, qu’un syndicat a droit à versement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par l’intérêt collectif de la profession qu’il représente, causé par la faute de l’employeur ; que la société ne conteste pas devoir aux salariéx concernés les sommes qu’elle reconnaît être dues sur la base d’une heure et dix minutes; qu’au regard du nombre de salariés concernés (plus de 2000), de la durée de cette violation (plus de cinq années), sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 30 000 euros est justifiée.

La société soutient qu’aucun des intimés ne rapporte la preuve de son préjudice, que la résistance d’une partie à la demande d’une autre, même légitime, n’est pas constitutif d’une faute ; que l’octroi de dommages-intérêts ne peut résulter que de la caractérisation d’un préjudice porté à cet intérêt collectif distinct des préjudices individuels subis par les salariés concernés.

La cour a rejeté, par la présente décision, les demandes des intimés relatives à l’exonération des cotisations à hauteur de 3h30 pour les salariés soumis au forfait de 38 heures 30, ne reconnaissant qu’une application de la loi TEPA à hauteur de1h20 par semaine ; qu’il en est résulté une atteinte à l’intérêt collectif de la profession qui sera exactement indemnisée par l’allocation au syndicat CFTC de la somme de 1 000 euros et à la Fédération FO du même montant.

Les élus ne justifient pas d’un préjudice lié à l’intérêt collectif de la profession.

Sur les demandes accessoires

Le syndicat CFTC se verra confirmé la somme allouée en première instance au titre des frais irrépétibles et se verra alloué le montant de 1 000 euros au titre des frais irrépétilbes d’appel, tandis que la Fédération FO , se verra accordé la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre du second degré. Les élus seront déboutés de leur prétention de ce chef. L’équité ne commande pas de les condamner à une indemnité de procédure tant en première instance qu’en appel.

La société supportera la charge des dépens de première instance et d’appel

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 8 janvier 2015 ;

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 1er décembre 2015 ;

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 7 septembre 2017 ;

Statuant sur le jugement déféré hors la recevabilité des demandes du syndicat national CFTC, des élus, ainsi que celles, sur intervention, de la Fédération Force Ouvrière ;

INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 8 janvier 2015 sauf en ce qu’il a condamné la société à une indemnité de procédure et aux dépens ;

Statuant à nouveau,

REJETTE l’exception de prescription soulevée par la société ;

DIT que les cotisations dues par l’employeur au titre des heures supplémentaires pour chaque salarié soumis au forfait de 38 heures 30, ne s’applique qu’à hauteur de1h20 par semaine ;

DÉBOUTE le syndicat national CFTC, Mme Z et M. Y et la Fédération Force Ouvrière de leurs autres demandes ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société DXC Tech France à payer au Syndicat National CFTC, la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

CONDAMNE la société DXC Tech France à payer à la Fédération FO à la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts et celle de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

DÉBOUTE la société DXC Tech France, Mme Z et M. Y de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;

DIT que la société DXC Tech France supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, et par Monsieur E F, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 11 octobre 2018, n° 17/05241