Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 9 décembre 2019, n° 17/08304

  • Sociétés·
  • Laine·
  • Décompte général·
  • Contrat de sous-traitance·
  • Jugement·
  • Paiement·
  • Demande·
  • Intérêt·
  • Travaux supplémentaires·
  • Retard

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Juliette Mel · Lexbase · 5 octobre 2021
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 4e ch., 9 déc. 2019, n° 17/08304
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/08304
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 24 octobre 2017, N° 2016F00259
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

4e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 9 DECEMBRE 2019

N° RG 17/08304 – N° Portalis DBV3-V-B7B-R7KW

AFFAIRE :

Société CENTRAL SANIT OUEST CSO

C/

Société PETIT venant aux droits de la société LAINE DELAU

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Octobre 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 1ère

N° RG : 2016F00259

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Mélina PEDROLETTI

Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF DECEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Société CENTRAL SANIT OUEST CSO

N° Siret : 395 107 485 R.C.S. Brest

Ayant son siège [Adresse 4]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Société TEMPEOL venant aux droits de la société COGEEF INDUSTRIE

N° SIRET : 452 405 509 R.C.S. Bobigny

Ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Mélina PEDROLETTI, avocat postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626

Représentant : Maître Rémi PRADES de la SELEURL PH AVOCATS, avocat plaidant, au barreau de PARIS, vestiaire : P0025

APPELANTES

****************

Société PETIT venant aux droits de la société LAINE DELAU

Ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant, au barreau de VERSAILLES, N° du dossier 1758775 – vestiaire : 625

Représentant : Maître Jean-philippe SORBA de la SELAS SORBA PAYRAU SOCIETE d’AVOCATS, avocat plaidant, au barreau de PARIS, vestiaire : P0468

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 9 Septembre 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna Manes, président et Madame Isabelle DE MERSSEMAN, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Président,

Madame Isabelle DE MERSSEMAN, Conseiller,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

FAITS ET PROCEDURE

En 2013, la société Hôtel [1] a confié au groupement d’entreprises constitué par les sociétés GTM Bâtiment et Laine Delau des travaux de rénovation et d’extension de son établissement situé [Adresse 1].

Par un contrat de sous-traitance signé le 30 septembre 2013, la société Laine Delau, aux droits de laquelle vient la société Petit, a confié au groupement d’entreprises formé par la société CSO et la société Cogeef Industrie l’exécution des lots chauffage, ventilation, climatisation, désenfumage et plomberie pour un prix global et forfaitaire de 6 500 000 euros HT. La date d’achèvement des travaux était fixée au 31 mai 2014.

Par un accord transactionnel signé le 10 juin 2014, la société Laine Delau s’est engagée à verser au groupement CSO-Cogeef une somme de 1 300 000 euros à titre d’indemnité pour les surcoûts supportés par ce dernier du fait de la «désorganisation générale du chantier», de ses conditions d’intervention pour l’achèvement des travaux, et du paiement de certains travaux supplémentaires.

La société Laine Delau a renoncé à appliquer des pénalités de retard au groupement CSO-Cogeef pour des motifs antérieurs à la signature de ce protocole d’accord transactionnel.

La réception des travaux a eu lieu le 31 juillet 2014 pour les bâtiments A, B, C, et le 8 septembre pour le bâtiment D. Les procès-verbaux de réception ont été assortis de réserves dont plusieurs concernent les travaux réalisés par le groupement CSO-Cogeef.

Le 3 novembre 2014, le groupement CSO-Cogeef a informé la société Laine Delau qu’il avait levé l’intégralité des réserves imputables à la société Cogeef, et qu’il n’en restait que deux concernant la société CSO.

Par courrier du 25 novembre 2014, le groupement CSO-Cogeef a transmis à la société Laine Delau un projet de décompte général et définitif d’un montant de 1 178 878,33 euros TTC.

Le 23 décembre 2014, la société Cogeef Industrie a été dissoute, avec transmission universelle de patrimoine à la société Tempeol.

Le 13 février 2015, la société Laine Delau a versé au groupement CSO-Cogeef la somme de

432 597,49 euros.

Par actes d’huissier de justice délivrés les 31 juillet et 8 septembre 2015, l’hôtel [1] a saisi le tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir la levée des réserves et la mise en 'uvre de la garantie de parfait achèvement relatives aux travaux de rénovation de son établissement.

Par courriers des 13 mai, 30 septembre et 16 décembre 2015, les sociétés CSO et Tempeol ont relancé puis mis en demeure la société Laine Delau pour obtenir le règlement du solde du décompte général et définitif, soit la somme de 746 280,84 euros.

Ces démarches sont restées vaines.

Par acte d’huissier de justice du 8 janvier 2016, les sociétés Tempeol et CSO ont saisi le tribunal de commerce de Nanterre pour voir condamner la société Petit à leur verser la somme de 746 280,84 euros TTC avec intérêts de retard au titre du solde du décompte général et définitif, outre la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par actes d’huissier de justice des 22 et 29 juillet 2016, la société Petit a saisi le tribunal de commerce de Nanterre pour voir condamner les sociétés Tempeol et CSO à la garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcés à son encontre par le tribunal de grande instance de Paris dans l’instance diligentée à l’initiative de l’hôtel [1] au titre de la levée des réserves prononcées à la réception et de la reprise des désordres de parfait achèvement.

Par jugement contradictoire du 25 octobre 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a :

— Débouté la société Petit, venant aux droits de la société Laine Delau, de sa demande de sursis à statuer,

— ondamné la société Petit, venant aux droits de la société Laine Delau, à payer à la société CSO et à la société Tempeol, venant aux droits de la société Cogeef Industrie, ensembles, la somme de 238 357,59 majorée des intérêts calculés à un taux égal à trois fois le taux légal à compter du 15 janvier 2015,

— Débouté la société CSO et la société Tempeol de leur demande en dommages-intérêts pour résistance abusive,

— Condamné la société Petit à payer à la société CSO la somme de 5 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

— Ordonné l’exécution provisoire du jugement avec constitution de garantie sous forme de caution bancaire à hauteur de 100 000 euros, à fournir par la société CSO, mandataire du groupement CSO-Tempeol, anciennement CSO-Cogeef.

Par déclaration reçue au greffe le 24 novembre 2017, la société Central Sanit Ouest CSO et la société Tempeol ont interjeté appel de ce jugement à l’encontre de la société Petit.

Par ses dernières conclusions signifiées le 16 août 2018, la société CSO (SAS) et la société Tempeol (SAS) demandent à la cour au visa des dispositions des articles 901 et 562 du code de procédure civile, des articles 1134 et 1382 du code civil de :

— Les recevoir en leur appel et les y déclarer bien fondées,

— Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Petit de sa demande de sursis à statuer,

— Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

*limité leurs demandes à la somme de 238 357,59 euros,

*rejeté leur demande de dommages-intérêts,

— Acter de sa saisine pour leur demande tendant à voir dire et juger que le décompte adressé à l’entreprise principale le 25 novembre 2014 est réputé général et définitif,

Et, statuant à nouveau :

A titre principal,

— Dire et juger qu’il y a forclusion de la contestation par la société Petit du décompte général et définitif,

Par conséquent,

— Dire la société Petit mal fondée en son appel incident,

— Débouter la société Petit de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— Dire et juger que le décompte qu’elles ont communiqué le 25 novembre 2014 est réputé général et définitif,

— Condamner la société Petit à leur payer la somme de 746 80,84 euros TTC avec intérêts aux taux de trois fois le taux de l’intérêt légal à compter du 15 janvier 2015, date limite du paiement du décompte général et définitif, conformément à l’article 6.2.1 des conditions particulières du contrat de sous-traitance.

A titre subsidiaire,

— Dire et juger que les sociétés appelantes sont bien fondées à réclamer le paiement de leur décompte général et définitif à hauteur de 746 280,84 euros TTC,

Par conséquent,

— Condamner la société Petit à leur payer la somme de 746 280,84 euros TTC avec intérêts au taux trois fois le taux d’intérêt légal à compter du 15 janvier 2015, date limite du paiement du décompte général et définit, conformément à l’article 6.2.1 des conditions particulières du contrat de sous-traitance,

En tout état de cause,

— Condamner la société Petit à leur payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

— Condamner la société Petit à leur verser la somme de 10 000 euros, chacune, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamner la société Petit aux entiers dépens dont distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions signifiées le 9 mai 2019, la société Petit (SAS) demande à la cour au visa des dispositions des articles 1134, 1147, 1152 et 1792 du code civile, des articles 561, 562 et suivants et 901 du code de procédure civile, de :

— Dire et juger que l’effet dévolutif de la déclaration d’appel régularisée par les appelants ne s’est pas produit,

— Dire et juger que la cour n’a donc pas été valablement saisie de l’appel diligenté par les appelants,

— Dire et juger que les appelants sont ainsi réputés avoir acquiescé au jugement entrepris en ce qu’il les a déboutés de leur demande de paiement de travaux supplémentaires et de dommages-intérêts, et les débouter de leurs demandes à ce titre,

Et, en tout état de cause, de :

— Dire et juger qu’elle n’est redevable d’aucune somme au groupement CSO-Tempeol au titre des travaux qui leur ont été confiés par le contrat de sous-traitance conclu le 30 septembre 2013,

En conséquence,

— Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté les sociétés CSO et Tempeol de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

— Infirmer le jugement déféré en toutes ses autres dispositions et notamment en ce qu’il a condamné la société Petit au paiement :

*de la somme de 238 357,59 euros majorée des intérêts calculés à un taux trois fois égal au taux d’intérêt légal à compter du 15 janvier 2015, au titre du solde du marché de la société CSO et Tempeol,

*de la somme de 5 000 euros à chacune des demanderesses au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

— Débouter les sociétés CSO et Tempeol de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

En tout état de cause :

— Condamner les sociétés CSO et Tempeol au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées le 24 juin 2019, la société CSO (SAS) et la société Tempeol (SAS) ont conclu au fond la veille de la clôture de la mise en état.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 25 juin 2019.

La société Petit a fait signifier le 1er août 2019 des conclusions afin de révocation d’ordonnance de clôture ou de rejet des conclusions adverses signifiées tardivement. Elle a également fait signifier des conclusions au fond en réplique le 7 août 2019.

Les 4 et 6 septembre 2019, les parties ont échangé de nouvelles conclusions au fond.

Le jour de l’audience, le 9 septembre 2019, les conclusions signifiées la veille de la clôture de la mise en état par les appelantes ont été jugées tardives sur le fondement de l’article 16 du code de procédure civile qui impose au juge de faire respecter le principe du contradictoire. En effet, le conseiller de la mise en état avait annoncé aux parties une clôture le 14 mai 2019 qui avait déjà été reportée à la demande des appelantes au 25 juin 2019 pour répliquer aux conclusions de l’intimé du 9 mai 2019. La signification de conclusions par les appelantes le 24 juin 2019 a été jugée tardive puisqu’elle ne permettait pas à l’intimé d’y répliquer avant la clôture.

La demande de révocation de l’ordonnance de clôture présentée par la société Petit qui ne se justifiait que pour répliquer aux conclusions du 24 juin 2019, a été également écartée. Les conclusions échangées postérieurement à l’ordonnance de clôture du 25 juin 2019 sont donc irrecevables. La cour statuera au vu des conclusions des sociétés CSO et Tempeol signifiées le 16 août 2018 et de la société Petit signifiées le 9 mai 2019.

SUR CE,

Le litige entre les parties porte sur le montant restant dû par la société Petit aux sociétés CSO et Tempéol, sous-traitantes, au titre d’un projet de décompte général définitif (ci-après DGD) dressé le 25 novembre 2014.

Le jugement déféré a fixé ce montant à la somme de 238 357,59 euros, majorée des intérêts calculés à un taux égal à trois fois le taux légal à compter du 15 janvier 2015. Cette somme a été retenue par le tribunal après déduction du solde restant dû au titre du DGD de 746 280,84 euros, des pénalités de retard de 194 239,89 euros et le montant des travaux supplémentaires non prouvés de 313 683,59 euros.

Sur les limites de l’appel,

Le jugement n’est pas critiqué par les parties en ce qu’il a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la société Petit dans l’attente du jugement du tribunal de grande instance de Paris. Cette disposition est donc irrévocable.

La déclaration d’appel des sociétés CSO et Tempeol indique critiquer le jugement «d’une part, en ce qu’il a limité les demandes des requérantes à la somme de 238 357,59 euros et d’autre part, en ce qu’il a rejeté leur demande de dommages et intérêts».

Se fondant sur les articles 561, 562 et 901 du code de procédure civile, la société Petit soutient que l’effet dévolutif de la déclaration d’appel régularisée par les appelants ne s’est pas produit, que la cour n’a pas été valablement saisie de l’appel diligenté par les appelants, et qu’ils sont ainsi réputés avoir acquiescé au jugement entrepris qui a considéré que le décompte n’était pas définitif et qui les a déboutés de leur demande de paiement de travaux supplémentaires et de dommages-intérêts.

La société Petit sollicite également l’infirmation du jugement afin d’obtenir le rejet de l’ensemble des demandes des sous-traitantes.

Les appelantes principales font valoir qu’elles ont visé dans leur déclaration d’appel les chefs du dispositif du jugement attaqués en application de l’article 901 du code de procédure civile dans sa rédaction résultant du décret du 6 mai 2017 entré en vigueur le 1er septembre 2017. Elles soutiennent que par «chef de jugement expressément critiquées», cet article fait référence aux éléments du dispositif du jugement que l’appelant entend déférer à la censure de la cour et non à l’intégralité des éléments des motifs du jugement sujets à contestation. Elles appuient cette interprétation sur l’article 562 du code de procédure civile et soutiennent que la sanction encourue en cas d’omission est une irrégularité de forme régularisable et non une fin de non-recevoir, et qu’en l’espèce, la nullité de forme n’est pas encourue puisqu’aucun grief n’est démontré.

***

L’article 901 du code de procédure civile impose à l’appelant de mentionner dans la déclaration d’appel, à peine de nullité, «les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible». Cette disposition prévoit les conditions de validité de la déclaration d’appel. En l’espèce, l’intimé ne sollicite pas l’annulation de la déclaration d’appel mais la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté les sociétés CSO et Tempéol. La société Petit présente donc une demande au fond au visa de cette disposition relative à une nullité de forme. Le moyen présenté sur ce fondement est donc inopérant.

L’article 562 du code de procédure civile prévoit que l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. De plus, l’article 954 dudit code prévoit que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

En l’espèce, les sociétés CSO et Tempeol critiquent le jugement notamment en ce qu’il a limité les demandes des requérantes à la somme de 238 357,59 euros. La critique du montant de la créance retenue par le jugement implique implicitement la critique du raisonnement qui a conduit le tribunal à écarter le caractère définitif du décompte avant de retenir ce montant, inférieur au montant réclamé.

Le rejet du moyen tiré du caractère définitif du décompte général avancé par les sociétés CSO et Tempéol ne figure pas dans le dispositif du jugement mais il constitue un des éléments des motifs de la décision permettant aux premiers juges d’examiner les moyens soulevés par la société Petit tenant à l’existence de réserves non levées et de travaux facturés mais non commandés. En effet, si le tribunal avait retenu que le projet de décompte était devenu définitif faute de contestation dans le délai de 15 jours ainsi que le soutenaient les sous-traitantes, il n’aurait pas été en mesure d’examiner le bien fondé des moyens opposés par la société Petit pour faire les comptes entre les parties.

La cour est donc saisie par l’appel principal des sociétés CSO et Tempéol tant de la question du caractère définitif du projet de décompte que, si le décompte n’est pas jugé définitif, de celle du montant de la créance qui implique l’examen des moyens relatifs aux pénalités de retard et à l’absence de commande des travaux supplémentaires facturés que la société Petit entend voir imputer sur le montant réclamé par les sous-traitantes.

Sur l’appel principal des sous-traitants :

La société CSO et la société Tempéol sollicitent l’infirmation du jugement en ce qu’il les a partiellement déboutées de leur demande en paiement du solde du montant des travaux d’un montant de 746 280,84 euros en ne retenant que 238 357,59 euros et en ce qu’il a rejeté leur demande en paiement de dommages et intérêts pourrésistance abusive.

Elles prétendent que le tribunal de commerce a considéré à tort dans le jugement déféré que le contrat de sous-traitance signé le 30 septembre 2013 ne prévoyait pas de délai de réponse à réception du projet de DGD par la société Laine Delau alors que le contrat renvoyait au contrat type du BTP 2005 qui mentionne un délai d’acceptation ou de refus du projet de DGD de 15 jours. Elles soutiennent plus précisément que la société Laine Delau doit être présumée avoir accepté le projet de décompte général définitif mentionnant un solde dû de 746 280,84 euros toutes taxes comprises, en application de l’article 6.2.1 des conditions spéciales du contrat de sous-traitance et de l’article 6.24 du contrat de sous-traitance du BTP édition 2005 auxquelles les conditions générales contrat renvoient qui prévoit un paiement dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la facture.

La société Petit, qui vient aux droits de la société Laine Delau, soutient que le contrat ne prévoyait aucun délai pour accepter le projet de décompte général définitif adressé par les sous-traitantes et conteste avoir tacitement accepté le projet de DGD. Elle soutient qu’elle ne doit plus aucune somme aux sociétés sous-traitantes du fait de l’importance des pénalités de retard qu’elles lui doivent en raison du retard de réception des travaux, de l’absence de levée de l’ensemble des réserves et de l’absence de justification des commandes écrites des travaux supplémentaires dont le paiement est réclamé contrairement à ce que prévoit l’article 3.6.2 des conditions particulières.

***

Sur le caractère définitif du décompte et le montant de la créance :

Les relations entre les parties sont régies par le contrat de sous-traitance signé le 30 septembre 2013 qui comporte des conditions spéciales et des conditions particulières. Ces pièces constituent le contrat qui fait la loi des parties en application de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige.

L’article 3 des conditions spéciales du contrat de sous-traitance prévoit que le contrat est formé des documents particuliers ainsi que des documents généraux parmi lesquels figurent les conditions générales du contrat de sous-traitance du BTP édition de 2005 (annexé aux conditions particulières dans le dossier CSO-Tempeol). Ce dernier contrat mentionne un article 6-24 qui impose à l’entrepreneur principal de revêtir de son acceptation, après vérification dans les 15 jours de leur réception des pièces que doit produire le sous-traitant à l’appui de sa demande de paiement ou de faire connaitre les motifs de rejet ou de modification des pièces communiquées.

L’article 6.2.a. des conditions spéciales du contrat mentionne que le paiement doit intervenir à la fin du mois civil de la date d’émission de la facture plus 45 jours calendaires.

Il résulte de la combinaison des conditions générales et des conditions spéciales que l’entreprise générale avait un délai maximum de 15 jours pour examiner le projet de décompte général définitif adressé par le sous-traitant et pour faire connaitre les motifs du rejet ou de modification des pièces communiquées et qu’en l’absence de contestation, elle devait régler le DGD à la fin du mois civil suivant le délai de 45 jours suivant sa réception.

En l’espèce, le groupement CSO Cogeef a adressé son projet de décompte définitif mentionnant une créance de 1 178 878,33 euros TTC le 25 novembre 2014 par lettre recommandée avec avis de réception, à la société Laine Delau, entrepreneur principal.

Aucune réponse n’a été apportée par l’entrepreneur principal dans les 15 jours de la réception du projet de DGD et des pièces justificatives. Il est donc réputé avoir tacitement accepté le projet de décompte à l’issue de ce délai, si bien que le décompte est devenu un décompte général définitif qui ne peut plus faire l’objet de contestation par la société Petit qui vient aux droits de la société Laine Delau. La société Petit ne peut donc compenser la créance de travaux avec celle résultant des pénalités de retard et de l’absence de levée intégrale de réserves.

Un paiement partiel de 432 597,49 euros TTC a été effectué par la société Laine Delau le 13 février 2015 au groupement CSO-Cogeef, au-delà du délai contractuel qui exigeait un paiement au 31 janvier 2015 au plus tard (fin du mois civil suivant le délai de 15 jours d’examen du DGD et les 45 jours de paiement). La créance des sociétés CSO Cogeef s’élève donc à la somme de 746 280,84 euros TTC en principal.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté les sociétés CSO et Tempeol de leur demande en paiement du solde des travaux et la société Petit condamnée à leur payer la somme de 746 280,84 euros TTC avec intérêts aux taux de trois fois le taux de l’intérêt légal à compter du 31 janvier 2015, date limite du paiement du décompte général et définitif.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :

Les sociétés CSO et Tempeol sollicitent l’infirmation du jugement qui a écarté leur demande de condamnation de la société Petit sur le fondement de l’article 1382 du code civil, à leur verser 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de sa résistance abusive, faisant valoir que ce défaut de paiement est particulièrement grave pour ces deux sociétés sous-traitantes qui comptent chacune moins de 100 salariés et qu’il a mis en péril la poursuite de leur activité.

La société Petit conclut au rejet de cette demande et à la confirmation du jugement qui a écarté cette demande au motif que la preuve du préjudice subi et du lien de causalité entre les difficultés financières rencontrées et le refus de paiement n’était pas rapportée.

***

La défense à une demande ou une action en justice ne peut constituer, en soi, un abus de droit. Le juge doit, pour condamner le défendeur au titre d’une résistance abusive, justifier de circonstances particulières caractérisant un abus, et d’un préjudice en résultant pour la partie qui sollicite des dommages et intérêts, indépendant du simple retard de paiement déjà indemnisé par les intérêts de retard.

Les appelantes principales soutiennent que leur activité a été mise en péril par ce retard de

paiement mais elles ne présentent au dossier de la cour que les états financiers de la société CSO au 30 septembre 2016 et au 30 septembre 2017. Aucun document n’est présenté par la société Tempéol. Le groupement ne démontre par la nécessité dans laquelle il s’est trouvé de refuser ou différer le paiement de certaines de ses dettes ou de licencier du personnel en raison de cet impayé important. Elles n’établissent donc pas de préjudice financier particulier non réparé par les intérêts de retard déjà alloués, de sorte que cette demande ne saurait être accueillie.

En outre, le premier juge a accueilli partiellement les moyens de la société Petit qui refusait de régler les montants réclamés par les appelantes de sorte que la résistance abusive aux prétentions des demanderesses n’est pas démontrée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l’appel incident de la société Petit :

L’acceptation tacite du projet de décompte général étant retenue, les demandes au titre des comptes à faire entre les parties (pénalités de retard, travaux pour défaut de levée de toutes les réserves formulées à la réception), que la société entendait compenser avec les sommes dues au groupement à la suite de l’exécution des travaux, sont sans portée.

Sur les autres demandes

Le sens de la décision conduit à confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Petit à verser aux sociétés CSO et Tempeol la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance.

L’équité commande de condamner la société Petit à verser la somme complémentaire de 5 000 euros aux sociétés CSO et Tempeol pour les frais engagés en appel.

La société Petit sera en outre condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant contradictoirement, dans les limites de l’appel,

Rejette la demande de révocation de l’ordonnance de clôture présentée par la société Petit ;

Ecarte des débats les conclusions des sociétés CSO et Tempeol signifiées le 24 juin 2019 ;

Déclare irrecevables les conclusions au fond signifiées par les parties postérieurement à l’ordonnance de clôture, les 1er, 7 août, 4 et 6 septembre 2019 ;

Infirme le jugement en ce qu’il a condamné la société Petit, venant aux droits de la société Laine Delau, à payer à la société CSO et à la société Tempeol, venant aux droits de la société Cogeef Industrie, ensembles, la somme de 238 357,59 majorée des intérêts calculés à un taux égal à trois fois le taux légal à compter du 15 janvier 2015 ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Dit que le décompte communiqué le 25 novembre 2014 par les sociétés CSO et Tempeol a été accepté tacitement par la société Laine Delau, faute d’avoir fait connaître son refus ou ses observations dans le délai de 15 jours prévu par l’article 6-24 du contrat de sous-traitance du BTP édition de 2005 auxquelles les conditions générales du contrat conclu par les parties le 30 septembre 2013 renvoient ;

Condamne la société Petit à payer aux sociétés CSO et Tempeol la somme de 746 280,84 euros TTC avec intérêts aux taux de trois fois le taux de l’intérêt légal à compter du 31 janvier 2015 ;

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la société Petit à verser aux sociétés CSO et Tempeol la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société Petit aux dépens d’appel.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Anna MANES, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 9 décembre 2019, n° 17/08304