Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 6 février 2020, n° 17/04750

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 6e ch., 6 févr. 2020, n° 17/04750
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/04750
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, 17 septembre 2014, N° 11/02085
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 074

CONTRADICTOIRE

DU 06 FÉVRIER 2020

N° RG 17/04750

N° Portalis :

DBV3-V-B7B-R3RI

AFFAIRE :

C X

C/

SA BNP PARIBAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Septembre 2014 par le conseil de prud’hommes – Formation paritaire de Boulogne- Billancourt

Section : Encadrement

N° RG : 11/02085

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 7 Février 2020 à :

- Me Karine MARTIN- STAUDOHAR

- Me Christophe FERREIRA SANTOS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX FÉVRIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame C X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

37600 SAINT-JEAN SAINT-GERMAIN

Comparante en personne, assistée de Me Adèle GRELLET, avocate au barreau des HAUTS-DE-SEINE ; substituant Me Karine MARTIN- STAUDOHAR, avocate au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 256

APPELANTE

****************

La SA BNP PARIBAS

N° SIRET : 662 042 449

[…]

[…]

Représentée par Me Julie DURAND, avocate au barreau de PARIS, substituant Me Christophe FERREIRA SANTOS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0575

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Décembre 2019, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Rappel des faits constants

La SA BNP Paribas est spécialisée dans le secteur de la banque. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective de la banque.

Par lettre du 11 décembre 2003, Mme C X, née le […], a été engagée par cette société à compter du 12 janvier 2004, comme responsable de bureau, statut cadre, moyennant

une rémunération annuelle brute de base de 35 000 euros.

Mme X a été promue le 1er octobre 2008 et s’est vu confier la responsabilité du point de vente du Plessis-Robinson, avec une rémunération annuelle portée à 41 988,05 euros.

À compter du 1er avril 2009, Mme X a été affectée comme directrice d’agence à Antony.

Mme X a été en arrêt de travail à compter du 13 septembre 2011, lequel a été renouvelé jusqu’au 13 mars 2012.

Au cours de cette période, le 15 décembre 2011, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, invoquant être victime d’un harcèlement moral.

Après une convocation à un entretien préalable auquel elle ne s’est pas rendue, Mme X a été licenciée pour insuffisance professionnelle, le 16 juillet 2012.

Indiquant avoir appris postérieurement à l’envoi de la lettre de licenciement que la salariée était enceinte, la SA BNP Paribas a proposé à Mme X sa réintégration. La salariée a interrogé son employeur sur les modalités de cette réintégration. La situation est restée en l’état.

Le congé maternité de Mme X a débuté le 26 septembre 2012 et s’est terminé le 15 janvier 2013.

Après un entretien préalable prévu le 12 avril 2013, Mme X s’est vu notifier son licenciement pour faute grave le 26 avril 2013, motif pris de son absence injustifiée depuis la fin de son congé maternité.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 18 septembre 2014, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée au paiement des dépens.

La procédure d’appel

Mme X a interjeté appel du jugement par déclaration n° 17/04750 du 30 septembre 2014.

L’affaire a fait l’objet d’une radiation par ordonnance du 6 octobre 2015, faute pour l’appelante d’avoir conclu, puis a été réinscrite suite au dépôt par la salariée de conclusions aux fins de réintroduction le 5 octobre 2017.

Prétentions de Mme X, appelante

Par conclusions remises à l’audience et visées par le greffier, Mme X demande à la cour de :

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes et statuant à nouveau,

— avant toute défense au fond, se déclarer compétente pour juger du préjudice lié à la gestion des incidents bancaires,

— à titre principal, requalifier la résiliation du contrat de travail en licenciement nul et en conséquence condamner la SA BNP Paribas à lui verser les sommes suivantes :

' 74 570,40 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement,

' 12 428,40 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 1 242,84 euros au titre des congés payés afférents,

' 14 085,52 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

— à titre subsidiaire, requalifier la résiliation du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la SA BNP Paribas à lui verser les sommes suivantes :

' 74 570,40 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 12 428,40 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 1 242,84 euros au titre des congés payés afférents,

' 14 085,52 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

— à titre très subsidiaire, dire et juger le licenciement du 16 juillet 2012 nul et en conséquence condamner la SA BNP Paribas à lui verser les sommes suivantes :

' 74 570,40 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 12 428,40 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 1 242,84 euros au titre des congés payés afférents,

' 14 085,52 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

— condamner la SA BNP Paribas à lui verser la somme de 35 207 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de l’article L. 1225-71 du code du travail, outre 3 520,70 euros de congés payés afférents,

— à titre infiniment subsidiaire, dire et juger le licenciement du 16 juillet 2012 sans cause réelle et sérieuse et en conséquence, condamner la SA BNP Paribas à lui verser les sommes suivantes :

' 74 570,40 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 12 428,40 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 1 242,84 euros au titre des congés payés afférents,

' 14 085,52 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

— à titre infiniment subsidiaire, dire et juger le licenciement du 26 avril 2013 sans cause réelle et sérieuse et en conséquence, condamner la SA BNP Paribas à lui verser les sommes suivantes :

' 74 570,40 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 12 428,40 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 1 242,84 euros au titre des congés payés afférents,

' 14 085,52 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

en tout état de cause,

— condamner la SA BNP Paribas à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de la violation des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail,

— condamner la SA BNP Paribas à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de la violation des articles L. 4122-1, L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail,

— condamner la SA BNP Paribas à lui verser la somme de 1 000 euros net de CSG/CRDS et charges sociales à titre de dommages-intérêts pour fourniture tardive des attestations de salaire maladie,

— condamner la SA BNP Paribas à lui verser la somme de 2 000 euros net de CSG/CRDS et charges sociales à titre de dommages-intérêts pour fourniture tardive des documents afférents à la rupture de son contrat,

— condamner la SA BNP Paribas à lui verser la somme de 22 892,89 euros net de CSG/CRDS et charges sociales à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice lié à la gestion des incidents bancaires.

L’appelante sollicite en outre la capitalisation des intérêts, la remise des documents afférents à la rupture du contrat – certificat de travail, attestation destinée à Pôle emploi – conformes à ce qui sera ordonné par la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de dix jours suivant la notification de l’arrêt et une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de la SA BNP Paribas, intimée

Par conclusions remises à l’audience et visées par le greffier, la SA BNP Paribas demande à la cour de :

— se déclarer incompétente pour connaître de la demande de Mme X de 22 892,89 euros au titre du préjudice spécifique lié à la gestion des incidents bancaires et la renvoyer à se pourvoir devant le tribunal de grande instance de Paris,

— dire et juger Mme X mal fondée en son appel,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme X de toutes ses demandes, fins et prétentions en conséquence, l’en débouter purement et simplement.

L’intimée sollicite en outre une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions respectives, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

En application des dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Aux termes de l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 […], le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »

Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il y a lieu d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il y a lieu d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l’appui de son allégation de harcèlement moral, Mme X fait état de plusieurs faits qui l’ont conduite à solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail le 15 décembre 2011.

Elle invoque, en premier lieu, une absence de soutien au quotidien. Elle fait valoir qu’elle a dû gérer seule des événements particulièrement stressants liés à un probable repérage en vue d’un braquage et qu’elle n’a reçu aucun soutien de la BNP, ni de M. Y, son supérieur hiérarchique, qu’elle a dû se débrouiller seule pour prendre les mesures nécessaires.

Elle produit une attestation de M. Z, fonctionnaire de police (pièce 18 de la salariée) qui confirme l’implication personnelle de Mme X auprès de la police, laquelle a signalé en juin 2011 le comportement suspect d’un individu manifestement en repérage auprès de l’agence BNP d’Antony, soulignant le fait que Mme X, quand elle était responsable de l’agence du Plessis-Robinson, avait déjà subi un repérage dans un contexte de multiples braquages essuyés par des agences de la BNP Paribas. Il indique : « Nous connaissons les situations de stress et de peur que peuvent vivre les employés bancaires lorsque ce genre d’événement survient », « D’autant que la dernière fois en 2008, Mlle X s’était rapprochée de nous pour l’agence du Plessis-Robinson, il s’est avéré qu’il y avait bien eu un repérage. Heureusement, notre collaboration a permis de mettre fin à cette série de hold-up. ». Il conclut : « Je souhaiterais apporter ici mon témoignage en faveur de Mlle X sur ces faits de 2011, car à ses dires elle n’avait aucun moyen d’être soutenue par BNP-Paribas à ce moment-là, et qu’on l’a laissée gérer cela seule. A noter aussi qu’en 2008, elle nous avait demandé de faire venir avec nous un psychologue du SASU 92 pour ses collaborateurs qui subissaient ces hold-up à répétition ; parce que selon elle, BNP-Paribas n’apportait aucune assistance médicale en la matière. Heureusement pour ce type d’événements qui reste un choc pour les victimes, la plupart des enseignes bancaires prévoit le soutien psychologique nécessaire en amont, ce qui n’est a priori pas le cas de BNP-Paribas. »

Elle établit ainsi la matérialité de l’absence de soutien qu’elle reproche à son employeur.

Mme X invoque, en deuxième lieu, la déstabilisation de M. Y. Elle explique qu’à compter du 1er avril, nouvellement affectée à Antony, son supérieur hiérarchique, M. F Y, n’a pas hésité à confondre sphère privée et sphère professionnelle, s’arrogeant des prérogatives qui n’entraient pas dans le cadre de ses fonctions. Alors en procédure de divorce, celui-ci a domicilié son courrier chez elle, ce qu’elle a accepté à contrec’ur, espérant qu’en cédant à cette demande, l’agence soit moins impactée par les problèmes personnels de M. Y, mais aussi parce que la personnalité très particulière de M. Y pouvait laisser craindre qu’un refus ne dégrade les relations de travail. Elle fait aussi valoir que M. Y a adopté des comportements puérils et harcelants indignes d’un directeur d’entité.

Elle produit comme justificatif de la domiciliation de M. Y chez elle, un courrier adressé à « Monsieur F Y chez Mlle C X ». Elle produit également une attestation de M. A, collègue de travail, qui indique : « Au-delà du service que cela pouvait rendre à cette personne, qui était en phase de séparation dans son couple, elle (Mme X) me répondit que la façon dont cela a été demandé, allait au-delà du service et que dès lors, elle ne voyait pas comment refuser. D’abord parce qu’elle ne souhaitait pas que son agence soit (impactée) par cette histoire très personnelle et qu’ensuite parce qu’elle pensait aussi que les relations avec son N+1 aurait pu se dégrader en cas de refus de sa part ensuite ».

Elle produit ensuite des courriels qu’elle a échangés avec M. Y avec comme objet « prout », « blablablablablabla », « blibliblibli », « blublublublu » et « blobloblobloblo » et la réponse qu’elle a adressée « Arrêtez de m’inonder de mails ». Elle produit un autre courriel (pièce 11 de la salariée) : « C : tout le monde croit à l’agence que nous vivons ensemble ! (') Votre réput de croqueuse de DE ne va pas s’arranger ! Moi qui vous croyais plus ambitieuse, je suis déçu… d’ici à ce qu’on interprète la modif de vos évals à mon initiative comme une juste contrepartie aux largesses que vous m’accordez le soir dans «notre chez nous » il n’y a qu’un pas !!!! Je pense à la pauvre Geneviève qui, dimanche dernier, a dû entendre de son mari « J’ai vu F avec Noura au supermarché » et le mardi d’Anthony « M. H. vit chez C… »' et tout ça avec la disparition de mon alliance !!! Bon, cela fait un contre-feu vous me direz… !!! Rigolo non '! Non ' Ah bon… »

Ce fait de déstabilisation de la part de son supérieur hiérarchique est matériellement établi.

Mme X invoque, en troisième lieu, des demandes de justification exagérées pour des demandes de congé, des relances pour des travaux déjà réalisés et une intrusion dans sa vie personnelle.

Pour justifier de ce fait, elle produit un échange de courriels avec M. Y (pièce 16 de la salariée), duquel il résulte qu’elle a sollicité une journée de congés le 12 mars 2011, qui lui a été refusée dans un premier temps pour ensuite être acceptée après qu’elle ait été obligée de faire connaître qu’elle devait accompagner sa mère malade à l’hôpital. Elle produit également un autre échange de courriels de mars 2011 (pièce 17 de la salariée) dans lequel M. Y lui réclame un document qu’elle indique avoir déposé sur son bureau, pour enfin conclure « Yes, retrouvé. »

Ce fait est matériellement établi.

Mme X invoque, en quatrième lieu, un isolement. Elle fait état d’un déplacement de la RGRH à l’agence d’Antony, faisant suite à « l’insatisfaction des collaborateurs de l’agence d’Antony concernant ses valeurs managériales ». Elle souligne que le compte-rendu de cette visite conclut qu’elle n’était pas à sa place et qu’il était nécessaire avant la fin du semestre 2011 de lui proposer une autre affectation si possible hors du groupe. Elle souligne l’absence de loyauté dans la procédure. Elle reproche à son employeur d’avoir voulu la rétrograder et de l’avoir remplacée par une autre personne dans certaines de ses attributions.

Elle produit le compte-rendu de visite RGRH des 19 et 21 mai 2011 (pièce 19 de la salariée) duquel il résulte en effet un isolement, puisqu’il est rapporté que le signalement a été initié de façon informelle par certains collaborateurs de l’agence insatisfaits du management de Mme X. Il est constaté un malaise latent entre l’équipe et la directrice d’agence. Il est souligné une tension manifeste à l’égard de la directrice d’agence. Mme X a été entendue : « elle n’était pas à l’aise », « elle ne le dit pas avec des mots clairs, mais elle sait placer comme à son habitude son interlocuteur dans ses évidences avec un soin très prudent de ne pas dire un mot précis », « dans la réserve, dans le déni », « Elle laisse par ailleurs sous entendre d’autres constats que, sciemment elle ne veut pas clairement dire afin de laisser penser, qu’il pourrait y avoir des événements beaucoup plus importants à connaître, on retrouve à cet égard, un type de comportement bien personnel d’C où à d’autres occasions connues de la direction, elle croyait être dans la vérité alors que c’était tout le contraire ». Les termes employés démontrent que Mme X a été perçue négativement et qu’elle était isolée, seule face à l’ensemble de l’équipe.

Elle produit également un courriel de M. Y l’informant qu’elle serait remplacée et qu’elle ne

participerait plus au comité risques de Massy (pièce 40 de la salariée).

Elle produit encore un courriel dans lequel elle se plaint d’avoir été écartée d’un moment de convivialité organisé par M. Y pour l’ensemble de l’équipe (pièce 41 de la salariée) : « M. Y G de sa position. Ce jour, à l’initiative de ce dernier, tout le dispositif a été convié à déjeuner avec (') sans que je puisse m’y joindre ».

Au regard de ces éléments, l’isolement de la salariée apparaît matériellement établi.

Mme X invoque, en cinquième lieu, l’audition à charge de l’ensemble de ses collaborateurs menée par les équipes RH.

Elle se réfère de nouveau au compte-rendu d’enquête RH qui, en effet, révèle une audition plutôt bienveillante des collaborateurs de l’agence en opposition avec ce qui est retenu contre Mme X, comme rappelé précédemment, manifestant un parti-pris certain des rédacteurs du compte-rendu.

Ce fait est matériellement établi.

Mme X invoque, en sixième lieu, des questionnements déplacés sur les raisons de ses arrêts maladie.

Elle s’appuie de nouveau sur le compte-rendu RH qui mentionne : « 4°) la maladie de la directrice d’agence. Tous imaginent que leur responsable est sans doute atteinte d’une maladie qu’ils qualifient de grave. Ils s’en inquiètent car ils ne mesurent pas l’exactitude de la rumeur qui au demeurant semble bien entretenue par l’intéressée qui ne veut rien dire de sa vie privée. Pour autant, la conduite du manager par la pratique du non-dit suscite le malaise, car ils ne savent plus quelle est la meilleure conduite à avoir ».

Le reproche fait à la salariée de ne pas s’expliquer sur son état de santé auprès des collaborateurs apparaît infondé de sorte que le fait est matériellement établi.

Mme X invoque, en septième lieu, l’absence de célérité dans la production des attestations de salaire pendant ses arrêts maladie et dans la gestion des sinistres bancaires dans le but de l’asphyxier financièrement.

Concernant les attestations de salaire à adresser à l’assurance maladie, elle produit plusieurs courriers de la CPAM lui réclamant ce document, 13 mai 2011, 30 mai 2011, 20 juin 2011, 23 juin 2011, 5 août 2011, 9 août 2011 et 4 octobre 2011. Elle a écrit à son employeur le 19 octobre 2011 en ces termes : « Je me permets de vous adresser cette nouvelle correspondance car depuis le mail du 9 septembre dernier émis par ('), je n’ai toujours pas reçu les attestations de salaire conformes pour les périodes en référence, ce qui m’empêche encore aujourd’hui de prétendre aux indemnisations CPAM que je suis en droit de percevoir ».

Ce fait est matériellement établi.

Concernant la gestion des sinistres bancaires, Mme X explique qu’à compter de la fin d’année 2011, elle a connu des problèmes avec la BNP en tant que cliente de la banque, puisque le retard dans la production de ses attestations de salaire et la réduction de sa rémunération liée à sa maladie ont engendré des difficultés financières.

Elle ne produit cependant aucune pièce de nature à démontrer que sa situation bancaire aurait été traitée différemment de celle d’un client non-salarié de la banque de sorte que ce dernier fait n’est pas matériellement établi.

Mme X invoque, en huitième lieu, la rétrogradation par mise à l’écart de ses missions de directrice d’agence à son retour d’arrêt maladie au profit d’une autre salariée.

Elle produit un courrier que lui a adressé sa direction le 13 avril 2012 dans lequel, après avoir rappelé ses mauvaises évaluations professionnelles avec plusieurs points en retrait et des comportements professionnels avec des rubriques inférieures aux attentes, les performances commerciales de l’agence d’Antony très en deçà des attentes, l’employeur lui propose : « Dans ce contexte et suite à nos entretiens, nous acceptons de vous donner l’opportunité d’améliorer vos prestations, dans le cadre d’une seconde chance, en vous confiant, avec votre accord, le poste de directeur d’agence d’Igny (') Vous aurez ainsi la possibilité, compte tenu de votre expérience acquise et de votre formation au sein de BNP Paribas d’améliorer notablement vos prestations et de nous démontrer que vous avez bien les qualités nécessaires pour exercer une fonction managériale (') Nous attirons votre attention sur le fait que ce changement d’agence et de direction d’entité constitue une ultime chance pour vous ressaisir. Si malgré votre nouvelle affectation, vos prestations devaient se révéler insuffisantes, nous serions dans l’obligation de reconsidérer votre collaboration au sein du groupe BNP Paribas ('). Nous sommes néanmoins convaincus que vous saurez saisir cette opportunité et ne manquerez pas de fournir les efforts nécessaires pour parvenir à des prestations conformes à nos attentes. Dans ce cadre, vous n’hésiterez pas à faire part à votre responsable des éventuelles difficultés que vous pourriez rencontrer ».

Le poste proposé étant un poste inférieur à celui qu’elle occupait à l’agence du Plessis-Robinson, elle a répondu le 11 mai 2012 qu’elle ne pouvait pas accepter cette mutation qui constituait une rétrogradation et qui de surcroît restait rattachée à la même hiérarchie.

Le fait est matériellement établi.

Mme X invoque, en neuvième lieu, des évaluations professionnelles soudainement négatives sans plan d’accompagnement.

Elle produit les pièces 12 et 14 à comparer avec les pièces 2 à 6.

Les évaluations antérieures à son arrivée comme directrice de l’agence d’Antony, apparaissent très bonnes. Sa fiche d’appréciation de période d’essai indique qu’elle est en conformité avec les attentes de la BNP voire au-delà des attentes sur deux items de comportements professionnels (pièce 2 de la salariée). L’évaluation de l’année 2004 lui reconnaît des comportements managériaux en conformité avec les attentes de la banque dans tous les domaines (responsabilité, confiance, transversalité, autonomie). L’évaluation de l’année 2005 n’indique aucun élément devant être amélioré ou insuffisant en dépit d’un contexte reconnu difficile au cours de l’année, Mme X ayant su s’adapter. L’évaluateur reconnaît un investissement important et un management de qualité et considère la mission réussie. Pour l’année 2007, Mme X est évaluée « supérieure aux attentes » par la BNP sur plusieurs items de la grille d’évaluation. Il est souligné l’implication de la salariée, sa capacité à animer une équipe, sa réactivité, le sens de l’intérêt général et l’esprit d’équipe. Il est indiqué : « c’est une collaboratrice sérieuse, réactive. Son implication et sa présence auprès de ses équipes sont bien réelles (') Cette collaboratrice compte tenu de ses qualités professionnelles, de l’expérience qu’elle a acquise et de ses bons résultats, peut à notre sens ambitionner de prendre la responsabilité d’un siège encore plus dimensionné. Nous la félicitons pour ses très bons résultats et lui apportons tous nos v’ux de réussite pour 2008 ». L’évaluation de 2008 mentionne : « Cette collaboratrice sérieuse, réactive et très impliquée, a su malgré une année difficile à plus d’un titre maintenir une bonne cohésion de son équipe et des résultats honorables. (') Nous notons également son exemplarité, ses compétences techniques et un sens et une bonne gestion des risques. (') Nous lui apportons tous nos encouragements et la remercions pour la ténacité dont elle a fait preuve pendant cette année difficile ».

L’évaluation littérale au titre de l’année 2009 mentionne : « C X réalise son premier exercice plein en qualité de directrice de l’agence d’Antony. Au titre de cet exercice, la performance commerciale est décevante sur le marché des particuliers ce qui n’est pas le cas sur le marché des professionnels où l’équipe en place est plus autonome. Ce constat s’explique par un manque d’adhésion de l’équipe face à l’approche managériale d’C, dû en partie à un manque de souplesse dans sa communication et un déficit d’empathie. Par ailleurs, après un premier semestre de relative écoute de sa hiérarchie de proximité, C aura pris de la distance avec le modèle prôné, accroissant ainsi encore les difficultés rencontrées sur l’agence. Cette collaboratrice perfectionniste doit prendre du recul sur son quotidien pour mieux déterminer ses priorités, et prendre le temps d’échanger oralement avec son équipe de manière informelle ('). Il est impératif qu’C X prenne la juste mesure de nos préconisations, c’est à ce prix que l’agence d’Antony pourra retrouver son niveau de performance sans tensions durables ».

L’évaluation suivante est plus mauvaise encore : « Concernant le management des équipes, C X a volontairement pris le parti de ne pas programmer ses entretiens d’accompagnement, privilégiant l’intervention au fil de l’eau et au gré des sujets du moment. Au final, le nombre des entretiens réalisés est faible, et le contenu manque de substance malgré les conseils donnés. C ne parvient pas à maintenir une organisation et une communication au sein de son agence permettant de placer le collaborateur au c’ur de ses préoccupations. Trop peu disponible, elle n’obtient pas l’adhésion de son dispositif, qu’elle ne semble d’ailleurs plus rechercher. En synthèse, C X n’a pas suffisamment pris en compte nos préconisations rappelées lors de différents entretiens menés par sa direction de groupe et son gestionnaire de carrière. Les tensions avec son équipe ne se sont pas apaisées et les résultats commerciaux restent notablement décevants. Enfin, nous ne remarquons aucune évolution dans ses pratiques managériales, ni une réelle envie de modifier son comportement ».

Alors que l’imprimé support de l’évaluation prévoit la possibilité de renseigner des mesures d’accompagnement, aucune mention n’y figure.

L’absence de plan d’accompagnement malgré cette soudaine chute d’évaluation est matériellement établie.

Mme X invoque, en dixième lieu, la mise en doute de ses compétences. Elle se réfère au compte-rendu RGRH. Il y est en effet fait état d’un manque d’accompagnement des collaborateurs, d’un manque de disponibilité et d’un management qui ne reçoit pas l’adhésion de l’équipe.

Ce fait est matériellement établi.

Mme X invoque, en onzième lieu, le fait qu’elle a reçu des propositions de rétrogradation répétées.

Elle justifie que la direction lui a proposé le 17 juin 2011 un poste de chargé d’affaires entrepreneurs (CAER) à Châteauroux. Elle explique avoir refusé ce poste qui contenait une rémunération variable, ce qu’elle n’avait jamais connu, et ce qui impliquait un risque de perte de rémunération significative, également en raison du refus du directeur de groupe de Tours pour qu’elle réside en dehors du secteur.

Elle a bénéficié d’une deuxième proposition sur un poste de CAER basé à Rungis en septembre 2011. Elle explique qu’elle a refusé ce poste car il ne répondait à aucun des critères qu’elle avait exprimés auprès de son gestionnaire de carrière.

Il lui a été proposé en avril 2012 le poste de directeur d’agence d’Igny qu’elle a refusé, s’agissant d’un poste très inférieur.

Le fait de propositions de poste en rétrogradation est établi.

Mme X, invoque, en douzième lieu, l’absence de réponse à ses courriers notamment s’agissant de la proposition de réintégration dans les effectifs de la banque la plaçant dans une impasse professionnelle.

Elle rappelle la chronologie des faits. Le 16 juillet, la BNP lui notifie son licenciement pour insuffisance professionnelle. Le 27 juillet 2012, elle rappelle qu’elle est enceinte, ce dont elle a informé M. Y et demande à recevoir rapidement ses documents de rupture. Le 9 août 2012, la BNP lui propose une réintégration dans les effectifs de la banque. Le 28 août 2012, elle sollicite que la BNP précise par écrit les conditions de reprise de poste, souhaitant s’assurer d’une réintégration à un poste de niveau équivalent (DIA 3, directeur d’agence niveau 3).

Elle a indiqué clairement dans ce courrier que si elle n’était pas rétablie dans ses fonctions elle n’entendait pas poursuivre sa relation contractuelle avec BNP Paribas : « Dans la mesure où je suis quelque peu perplexe sur vos intentions et où vous n’entendriez pas me rétablir véritablement dans mes fonctions, je vous indique clairement que je n’entends pas poursuivre notre relation, laquelle ne pourrait qu’aggraver un peu plus un état de santé déjà largement dégradé ».

Elle soutient que la BNP n’ a pas répondu de sorte que trois semaines plus tard, par courrier du 19 septembre 2012, elle a demandé de nouveau que lui soit adressé rapidement l’ensemble des documents de rupture, précisant qu’elle considérait le contrat de travail rompu.

Ce fait apparaît matériellement établi.

Les faits matériellement établis, appréciés dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L, 1152-1 du code du travail dès lors qu’ils sont de nature à entraîner une dégradation des conditions de travail de la salariée susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité et de compromettre son avenir professionnel.

La SA BNP Paribas conteste les faits allégués par la salariée qu’elle estime non établis. Elle conteste les attestations produites, dénuées de valeur probante selon elle car ne faisant que reproduire les dires de Mme X.

Elle rappelle que, de façon générale, elle est particulièrement attentive aux obligations qui lui incombent au sujet de la santé et de la sécurité de ses salariés et elle consacre un budget important aux actions de formation et de prévention afin de prévenir les situations de souffrance au travail. Elle a mis en place en 2008 un dispositif d’évaluation et de mesure du stress (OMSAD) conçu avec l’appui de l’institut français d’action sur le stress (IFAS) spécialisé dans les programmes de mesures et de gestion du stress en entreprise. Ce dispositif permet une collaboration avec la médecine du travail, les différents acteurs de l’entreprise et des partenaires externes. Elle bénéficie également du dispositif CARE qui offre une écoute et un soutien psychologique anonyme à tout collaborateur en situation d’urgence psychologique. Elle rappelle que les salariés de la banque peuvent faire appel aux représentants du personnel et aux assistantes sociales.

Elle ne justifie toutefois pas avoir mis en 'uvre ces dispositifs au profit de Mme X.

La SA BNP Paribas souligne que Mme X n’a jamais alerté personne pour évoquer sa situation, même dans le cadre des visites médicales de reprise qu’elle a passées le 26 juillet 2011 et le 13 mars 2012.

Elle reconnaît toutefois avoir été alertée par le courrier adressé par la salariée le 27 septembre 2011 et il ressort clairement du compte-rendu de visite RGRH des 19 et 21 mai 2011 que Mme X, qui se plaignait déjà d’être victime des agissements de son supérieur hiérarchique, était manifestement en grande difficulté professionnelle.

Importe au premier chef l’alerte faite auprès de l’employeur, lequel est tenu d’une obligation de sécurité, à charge pour lui de saisir d’autres instances.

La SA BNP Paribas considère que les critiques sur la compétence, le comportement incongru ou les méthodes de vente de M. Y ne sont pas de nature à justifier un harcèlement moral. Elle soutient que, si la demande faite par M. Y à Mme X de pouvoir se domicilier chez elle pour les besoins d’une procédure à caractère purement privé est révélatrice d’une certaine confusion entre la sphère privée et la sphère professionnelle, Mme X a accepté cette demande sans pour autant en faire part à son employeur. Elle ajoute que cette demande caractérise un lien de confiance entre Mme X et M. Y, plus qu’un comportement agressif de harcèlement.

Le comportement de M. Y, supérieur hiérarchique de la salariée, tel qu’il a été décrit précédemment, a incontestablement contribué à la situation de harcèlement dont a été victime Mme X.

La SA BNP Paribas soutient que ni l’enquête RH, ni les nombreux entretiens qui ont suivi avec Mme X n’ont attiré son attention sur un quelconque harcèlement moral, qu’à l’inverse, cette enquête a mis en évidence des comportements déplacés de la part de Mme X vis-à-vis de ses subordonnés, qui l’ont conduite à envisager, dans un souci d’apaisement, de lui proposer d’autres postes.

Il résulte cependant des éléments développés précédemment que l’enquête RH n’a pas été menée de manière objective et que l’employeur a toujours considéré qu’il devait faire des « mises au point » et non instruire loyalement les plaintes de la salariée.

La SA BNP-Paribas produit un échange de courriels ayant comme objet « Alerte C X – coll sensible – risque RH » dans lequel il est indiqué : « Le seul élément concret et critiquable concerne la domiciliation du courrier du DIE chez elle (Mme X). Début 2010, le directeur d’entité a vécu un divorce. Il a commis la faute de domicilier provisoirement (1 mois) son adresse chez C. Lorsque je l’ai appris, je l’ai sévèrement réprimandé et en ai informé le réseau. L’information étant connue de l’équipe d’Antony, le DIE a également pris l’initiative d’expliquer sa situation lors d’une réunion à l’ensemble de l’équipe, en vue de clore le sujet. Je pense que la marche était trop haute pour cette collaboratrice dont les compétences managériales sur son poste précédent (agence de 4 personnes) ont souvent été relativisées d’un contexte (postes vacants, nombreux vols à main armée). Nous avons essayé d’accompagner C, de l’encourager comme par exemple dans les évaluations de fin 2009. Force est de constater qu’elle a une vision très personnelle du management et de l’autorité peu compatible avec les valeurs de notre entreprise. Ses méthodes brutales, sa communication cinglante et souvent par mail, son souhait de ne suivre que les « bons éléments » ont progressivement généré des tensions trop importantes au sein de l’équipe qu’il convient également d’écouter. Il s’agit en synthèse d’une collaboratrice habile, pouvant s’appuyer sur des faits avérés pour les interpréter à sa façon, puis les communiquer dans un discours masquant les précisions, ce qui lui permet de réorienter le sens des faits et d’influencer ainsi son interlocuteur. Son discours finit en général par s’étioler face à de la rationalité et du factuel » (Pièce 36 de l’employeur).

Elle produit encore un compte-rendu d’entretien de Mme X établi par M. Y dans un courriel du 30 mai 2012 : « En synthèse, j’ai le sentiment qu’C souhaitait utiliser le prétexte du refus de poste DIA d’Igny pour mener deux actions :

1. Se nourrir d’une éventuelle polémique,

2. M’utiliser pour passer quelques messages dont celui de sa détermination à aller au bout de sa démarche ».

Mme X a été décrite dès l’enquête RH et dans les évaluations comme une personnalité manipulatrice qui ne suivait pas les consignes données pour rétablir la situation, ce qui traduisait un parti-pris clair contre la salariée conduisant l’employeur à ne prendre aucune mesure pour prévenir un éventuel harcèlement.

Enfin, la SA BNP Paribas, pour expliquer le fait d’avoir fait travailler Mme X avec Mme D, écrit dans un courrier du 1er juin 2012 : « Le médecin du travail vous ayant déclarée apte à votre poste, nous avions convenu, afin d’assurer une reprise de votre activité dans les meilleures conditions, de maintenir pendant quelques jours à vos côtés, Mme D, chargée de renfort commercial qui vous avait remplacée pendant votre absence. Vous avez donc travaillé en binôme avec Mme D et nous ne voyons rien de dégradant dans les tâches que vous avez été amenée à accomplir à cette occasion et qui relèvent de l’exercice normal de votre fonction (…) Le jour même de votre retour, vous avez été reçue par le responsable des ressources humaines du groupe d’agences pour faire un point sur vos souhaits dans le cadre d’une évolution de carrière ».

La concomitance de ces deux démarches montre que la SA BNP Paribas a entendu maintenir Mme D dans les fonctions de Mme X et envisager immédiatement la mutation de Mme X. Elle ne traduit pas, comme le soutient pourtant la banque, sa volonté d’accompagner de façon bienveillante le retour de la salariée.

Il convient par ailleurs de relever que l’employeur ne donne pas d’explications sur certains faits mis en avant par Mme X, comme par exemple, l’accompagnement de la salariée dans le cadre des braquages de 2008 et 2011 ou l’absence de plan d’accompagnement formalisé à la suite de la chute des évaluations professionnelles.

Ainsi, l’employeur ne prouve pas que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L’existence d’un harcèlement moral doit être retenu.

Mme X formule une demande spécifique au titre du harcèlement moral et du manquement à l’obligation de sécurité, tendant à la condamnation de la SA BNP Paribas à lui verser une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Elle invoque des manquements de l’employeur à l’obligation de sécurité mais fait état des mêmes préjudices que ceux en relation avec le harcèlement moral. Elle écrit en effet, page 48 de ses conclusions, « Comme précédemment développé, la cour pourra constater que l’employeur a manqué gravement à son obligation de résultat en matière de sécurité et santé au travail. En effet, il a été largement démontré les nombreux manquements dont a été l’objet Mme X, caractéristiques d’un harcèlement moral ».

Les circonstances décrites du harcèlement moral conduisent à arbitrer à la somme de 5 000 euros les dommages-intérêts dus sur ce fondement.

Mme X formule également une demande spécifique du même montant au titre de l’obligation de prévention de la santé et de la sécurité des salariés.

L’article L. 4121-1 du code du travail dispose : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».

La SA BNP Paribas, qui nie tout harcèlement moral, ne démontre pas avoir mis en 'uvre des mesures de prévention à l’égard de Mme X alors que celle-ci avait alerté sa hiérarchie des difficultés rencontrées. Elle n’a pris aucune mesure pour faire cesser la situation, isolant au contraire la salariée considérée comme insuffisante professionnellement sans évaluation objective des difficultés rencontrées.

Ces circonstances conduisent à arbitrer à la somme de 5 000 euros les dommages-intérêts dus sur ce fondement.

Sur la résiliation judiciaire

La résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur, en raison de faits de harcèlement moral, produit les effets d’un licenciement nul. L’article L. 1152-3 du code du travail dispose en effet : « Toute disposition ou tout acte contraire à l’interdiction de harcèlement sexuel ou moral est nul de plein droit ».

En l’espèce, il a été retenu que Mme X a été victime d’un harcèlement moral sur son lieu de travail, à l’origine de son action tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Il s’ensuit le rejet de toutes les demandes subsidiaires.

La résiliation judiciaire prend en principe effet à la date de la décision judiciaire qui la prononce, à la double condition toutefois que le contrat de travail n’ait pas été rompu entre-temps et que le salarié soit toujours au service de son employeur.

En l’espèce, la salariée s’est vu notifier un premier licenciement pour insuffisance professionnelle le 16 juillet 2012 et un deuxième licenciement pour faute grave le 26 avril 2013.

A la suite du premier licenciement, la SA BNP Paribas, par courrier du 9 août 2012, a proposé à Mme X de la réintégrer, contestant avoir été informée au préalable de sa grossesse.

Ce faisant, en proposant de la réintégrer, la banque a reconnu la nullité du licenciement de sorte que le contrat de travail n’a pas été rompu.

Mme X a continué à adresser des arrêts de travail à la banque et a continué à percevoir des salaires ou des compléments de salaire.

Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que le contrat de travail a été rompu à la date du deuxième licenciement.

En conséquence, la date d’effet de la résiliation judiciaire doit être fixée à la date du deuxième licenciement, soit le 26 avril 2013.

Sur l’indemnisation de la salariée

La résiliation judiciaire emportant les conséquences d’un licenciement nul, il est dû à Mme X, sur la base d’un salaire de 4 142,80 euros au vu des bulletins de paie versés aux débats et d’une

ancienneté de 9 ans et 3 mois, l’indemnisation suivante :

— Indemnité compensatrice de préavis

Mme X sollicite une somme de 12 428,40 euros à ce titre outre les congés payés afférents.

L’article 30 de la convention collective applicable fixe à trois mois la durée du préavis pour les cadres.

Il sera alloué à la salariée la somme demandée, soit 12 428,40 euros outre la somme de 1 242,84 euros au titre des congés payés afférents.

— Indemnité conventionnelle de licenciement

Mme X sollicite une somme de 14 914,08 euros à ce titre.

L’article 26.2 de la convention collective de la banque énonce que l’indemnité conventionnelle de licenciement est égale à 1/5 de mensualité par semestre complet d’ancienneté.

Au jour du licenciement du 26 avril 2013, Mme X comptabilisait 18 semestres complets d’ancienneté.

Son indemnité de licenciement est donc égale à la somme demandée, soit 14 914,08 euros.

— Dommages-intérêts pour nullité du licenciement

Le salarié dont la résiliation judiciaire du contrat de travail est en lien avec un harcèlement a droit à des dommages-intérêts réparant l’intégralité du préjudice qui résulte du caractère illicite du licenciement.

Mme X sollicite une somme de 74 570,40 euros à ce titre.

A la date d’effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail, elle était âgée de 36 ans et bénéficiait d’une ancienneté de plus de 8 ans. Elle percevait un salaire de 4 142,80 euros et attendait un enfant. Les difficultés rencontrées avec son employeur rendaient difficiles la recherche d’un nouvel emploi dans le secteur bancaire. Il a été retenu qu’elle a été victime d’un harcèlement moral. Elle justifie de son inscription à Pôle emploi et produit un relevé de l’allocation de retour à l’emploi mais ne donne pas d’autres justificatifs permettant de déterminer sa situation financière exacte.

Ces éléments conduisent à fixer à la somme de 50 000 euros les dommages-intérêts dus à ce titre.

Sur les incidents bancaires

La SA BNP Paribas indique que Mme X sollicite le remboursement de frais, de commissions et de pénalités qu’elle aurait prélevés entre 2011 et 2012, en sa qualité d’établissement bancaire gestionnaire des comptes de sa salariée. Elle soutient que cette demande concerne les relations de Mme X avec son banquier et non avec son employeur, que la juridiction prud’homale est donc incompétente pour en connaître. Elle fait valoir que sa qualité de salariée de la banque ne dispensait pas Mme X d’honorer ses échéances de prêts. Elle ajoute enfin que la demande, qui n’avait pas été formée en première instance, est manifestement prescrite, la salariée se référant à un préjudice lié à des frais et commissions bancaires des années 2011 et 2012, ce qui explique que l’appelante tente désormais de joindre cette demande au contentieux prud’homal.

Mme X explique que l’accumulation de problèmes administratifs avec la BNP en tant

qu’employeur et en tant que prestataire bancaire a enclenché une spirale infernale de sorte qu’elle s’est retrouvée débitrice sur son compte courant et qu’elle n’a pas pu honorer ses prêts. Elle soutient que le comportement de la banque est nécessairement en lien avec les difficultés rencontrées sur son lieu de travail, que les difficultés de gestion de ses comptes bancaires sont bien en lien avec son contrat de travail, ce qui explique que sa demande soit aujourd’hui portée devant la chambre sociale de la cour d’appel.

Sur ce,

La plénitude de juridiction de la cour d’appel justifie qu’il soit statué sur cette demande, peu important que la juridiction prud’homale ne soit pas compétente ratione materiae pour en connaître en première instance.

Aux termes de ses conclusions, Mme X demande la condamnation de la SA BNP Paribas à lui verser la somme de 22 892,89 euros net de charges sociales à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice lié à la gestion des incidents bancaires.

Elle détaille le quantum de la demande de la façon suivante :

Frais et commissions bancaires 2011 (BNP) : 619 euros,

Frais et commissions bancaires 2012 (BNP): 344,81 euros,

Frais et commissions bancaires 2012 (SG) : 57,62 euros,

Moins-values de cession : 1 342,81 euros,

Pénalités de retard IR : 145 euros,

Préjudice défaut d’ouverture de sinistre prêt immobilier : 330 euros X 21 mois = 6 930 euros.

Préjudice défaut d’ouverture de sinistre prêt personnel : 640,65 euros X 21 mois = 13 454 euros.

Elle fonde sa demande sur le fait qu’elle considère que la SA BNP Paribas a utilisé à des fins détournées la relation client-établissement bancaire pour la faire craquer en lui imposant des difficultés financières.

Elle ne démontre toutefois pas en quoi sa situation financière aurait été traitée différemment de celle d’un autre client de la banque, dans le seul but de lui nuire.

Elle sera déboutée de cette demande.

Sur les attestations de salaire

Mme X soutient qu’elle a subi de très nombreuses carences administratives volontaires de la part de la BNP qui ont retardé le paiement des indemnités journalières de sécurité sociale pendant son arrêt de travail et l’ont laissée sans revenu. Elle souligne que certaines attestations de salaire ont été établies avec cinq mois de retard après l’intervention de son conseil. Elle sollicite une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi.

La SA BNP Paribas s’oppose à cette demande. Elle prétend que l’appelante ne démontre pas que la banque serait à l’origine d’un quelconque retard de la CPAM dans le versement des indemnités journalières de sécurité sociale et ne justifie d’aucun préjudice, dès lors qu’elle reconnaît avoir perçu le montant des indemnités qui lui était dû.

Sur ce,

Faute pour elle de démontrer l’existence de carences volontaires de la SA BNP Paribas dans le traitement de sa situation administrative et d’un préjudice financier, Mme X sera déboutée de sa demande.

Sur les documents de rupture

Mme X soutient à l’appui de sa demande, que la persistance de la BNP à considérer que sa réintégration était effective l’a conduite à ne pas lui délivrer l’attestation destinée à Pôle emploi ; que de ce fait, elle n’a pu bénéficier d’une indemnisation. Elle fait valoir que l’absence de production des documents afférents au licenciement du 16 juillet 2012 lui a donc nécessairement causé un préjudice.

La SA BNP Paribas conteste cette demande. Elle souligne l’ambiguïté volontairement entretenue par Mme X quant à sa réintégration. Elle fait encore valoir que Mme X ne justifie d’aucune démarche en vue de son inscription en tant que demandeur d’emploi avant le mois d’août 2013, pas plus qu’elle n’établit avoir subi un quelconque préjudice financier du fait de cette remise tardive.

Sur ce,

Faute pour elle de démontrer avoir subi un préjudice financier du fait de cette remise tardive, Mme X sera déboutée de sa demande.

Sur les intérêts moratoires

Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur.

Les condamnations prononcées produisent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances contractuelles, soit le 16 décembre 2011, et à compter de l’arrêt pour les créances indemnitaires.

Sur la capitalisation des intérêts

En application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, il y a lieu de préciser que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt.

Sur la remise des documents de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt

Mme X apparaît bien fondée à solliciter la remise par la SA BNP Paribas d’un certificat de travail, d’une attestation destinée à Pôle emploi et d’un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt.

Il n’y a pas lieu, en l’état des informations fournies par les parties, d’assortir cette obligation d’une astreinte comminatoire. Il n’est en effet pas démontré qu’il existe des risques que la SA BNP Paribas puisse se soustraire à ses obligations.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

La SA BNP Paribas, qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à Mme X une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique

respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 3 000 euros.

Elle sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne- Billancourt le 18 septembre 2014 ;

Statuant à nouveau,

REJETTE l’exception d’incompétence au titre de la demande relative aux incidents bancaires ;

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail liant Mme C X à la SA BNP Paribas à la date du 26 avril 2013 ;

DIT que la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur en raison de faits de harcèlement moral produit les effets d’un licenciement nul ;

CONDAMNE la SA BNP Paribas à payer à Mme C X les sommes suivantes :

' 50 000 euros au titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement ;

' 12 428,40 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 1 242,84 euros au titre des congés payés afférents ;

' 14 914,08 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

' 5 000 euros au titre du manquement à l’obligation de sécurité et au titre du harcèlement moral ;

' 5 000 euros au titre du manquement à l’obligation de prévention ;

DÉBOUTE Mme C X de ses autres demandes ;

CONDAMNE la SA BNP Paribas à payer à Mme C X les intérêts de retard au taux légal à compter du 16 décembre 2011 sur les créances contractuelles et à compter de l’arrêt sur les créances indemnitaires ;

DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt ;

ORDONNE la remise à Mme C X par la SA BNP Paribas d’un certificat de travail, d’une attestation destinée à Pôle emploi et d’un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt ;

DÉBOUTE Mme X de sa demande d’astreinte ;

CONDAMNE la SA BNP Paribas à payer à Mme C X une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la SA BNP Paribas de sa demande présentée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA BNP Paribas au paiement des entiers dépens ;

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 6 février 2020, n° 17/04750