Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 1er juillet 2021, n° 21/00122

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 14e ch., 1er juill. 2021, n° 21/00122
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 21/00122
Décision précédente : Tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt, 15 décembre 2020, N° 12-19-0002
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

14e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 70C

DU 01 JUILLET 2021

N° RG 21/00122

N° Portalis DBV3-V-B7F-UH3O

AFFAIRE :

SARL MAJORELLA

C/

Y D E F G X

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 16 Décembre 2020 par le Tribunal de proximité de BOULOGNE BILLANCOURT

N° RG : 12-19-0002

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 01.07.2021

à :

— Me Anne-laure DUMEAU,

— Me Danielle B- C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE UN JUILLET DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SARL MAJORELLA

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 515 067 791

[…]

[…]

représentée par Me Anne-laure DUMEAU, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 42862

assistée de Me Cécile AUBRY substituant Me Audrey BENOIS, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : G0020

APPELANTE

****************

Madame Y D E F G X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représentée par Me Danielle B-C, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 01

Assistée de Me Anne -Sarah HOZÉ substituant Me Jacques ZAZZO de la SELASU CABINET JACQUES ZAZZO, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : L0222

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 Mai 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame F LE BRAS, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nicolette GUILLAUME, Présidente,

Madame F LE BRAS, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 28 avril 2011, la SARL Majorella a donné à bail à Mme Y X un logement à usage d’habitation de 55 m2 composé de 2 pièces sis 17, rue Pau Casals à Boulogne-Billancourt (92100).

A la suite d’une première série d’incidents de paiement, les discussions entre les parties ont abouti à la signature d’un protocole d’accord en 2016 au terme duquel :

— la société Majorella a accepté de renoncer à poursuivre l’exécution du commandement de payer délivré à sa locataire en octobre 2015 et s’est engagée à lui proposer au titre de son relogement, 3 appartements 'présentant les meilleurs caractéristiques de standing, de qualité et de surface pour la capacité financière de Mme X, soit un loyer mensuel de 700 euros hors charges'

— Mme X s’est quant à elle engagée à accepter un des 3 logements proposés et à quitter les lieux au plus tard le 30 septembre 2016.

L’intéressée n’a finalement pas accepté les propositions de relogement que lui a présentées la société Majorella et à la suite de nouveaux incidents de paiement, Mme X a été condamnée par jugement du tribunal d’instance de Boulogne-Billancourt en date du 20 novembre 2018 à payer à la bailleresse une somme de 23 688,79 euros au titre de sa dette locative. Le juge a cependant rejeté la demande de cette dernière tendant à l’expulsion de Mme X.

Celle-ci payant irrégulièrement et partiellement son loyer, la société Majorella a fait délivrer à sa locataire par acte en date du 1er février 2019, un nouveau commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur la somme de 4 873,33 euros au titre des loyers et charges impayés échus au 31 janvier 2019.

Par actes délivrés les 25 juillet 2019 et 26 novembre 2019, la société Majorella a fait assigner en référé Mme X afin de faire constater la résiliation de plein droit du bail par l’acquisition de la clause résolutoire, et d’obtenir son expulsion, la séquestration du mobilier garnissant les locaux ainsi que sa condamnation à lui payer une somme provisionnelle de 16 011,20 euros au titre des loyers et charges impayés et une indemnité d’occupation mensuelle.

Par ordonnance contradictoire rendue le 16 décembre 2020, le juge des référés du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt a notamment :

— au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent et par provision,

— déclaré irrecevables les demandes formées par la société Majorella à l’encontre de Mme X aux fins de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire ainsi que celle visant au prononcé de la résiliation du bail sur le fondement d’une dette locative,

— dit que sera déduite de la dette locative de la défenderesse la somme de 796,41 euros au titre du trop perçu en matière de charges provisionnelles pour la période du 1er septembre 2018 au 31 décembre 2019,

— condamné la société Majorella aux dépens, lesquels comprendront notamment les frais de payer,

— rejeté le surplus des demandes,

— rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Par déclaration reçue au greffe le 8 janvier 2021, la société Majorella a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

En cours de procédure, un versement de 48 493 euros a été effectué en mars 2021 à la suite de la vente d’un bien immobilier appartenant à Mme X affecté d’une hypothèque provisoire. La société Majorella a également perçu une somme de 1 984 euros en janvier 2021 à la suite d’une saisie-attribution sur les comptes bancaires de l’intéressée.

Dans ses dernières conclusions déposées le 11 mai 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Majorella demande à la cour, au visa de la loi du 6 juillet 1989, des articles 16, 699 et 700 du code de procédure civile et 1224 du code civil, de :

— la recevoir dans ses écritures et l’y déclarer bien fondée ;

— réformer l’ordonnance rendue le 16 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau :

— débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en ce compris les demandes formées au titre de son appel incident ;

sur la fin du bail,

à titre principal :

— constater que la clause résolutoire insérée au contrat de bail du 28 avril 2011 conclu entre elle et Mme X, et complété par avenant résultant d’un protocole transactionnel régularisé en 2016 est acquise et, en conséquence, constater que le bail et son avenant sont résiliés de plein droit par le jeu de la clause résolutoire ;

à titre subsidiaire :

— constater les manquements graves commis par Mme X dans l’exécution du contrat de bail du 28 avril 2011 qu’elle a conclu avec Mme X et complété par avenant résultant d’un protocole transactionnel régularisé en 2016,

— ordonner en conséquence la résiliation du bail du 28 avril 2011 qu’elle a conclu avec Mme X, et complété par avenant résultant d’un protocole transactionnel régularisé en 2016 ;

sur l’expulsion du bien loué :

— ordonner, sans délai, l’expulsion de Mme X, et de tout occupant de son chef dans les lieux sis […], 92100 Boulogne-Billancourt, au besoin avec l’assistance de la force publique, et, si nécessaire, d’un serrurier ;

— ordonner la séquestration des meubles et objets garnissant les lieux et qui pourraient appartenir au locataire dans un garde meuble du choix du bailleur et aux frais du locataire, ainsi qu’à ses risques et périls ;

— ordonner que soit assortie à l’obligation de quitter les lieux une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir et ce jusqu’au jour de complète libération

des lieux et de remise des clés ;

sur les sommes impayées :

— condamner Mme X à lui régler à titre de provision la somme à parfaire de 17 291,48 euros au titre des loyers, indemnités d’occupation et charges impayés, selon le décompte arrêté au 11 mai 2021, outre les intérêts au taux légal à compter la signification du commandement de payer ;

— fixer le montant de l’indemnité d’occupation au montant des loyers et charges, l’indemnité variant dans les mêmes conditions que le loyer et ceci jusqu’à complète libération des lieux et restitution des clés ;

— condamner Mme X à lui régler à titre de provision les sommes exigibles au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation entre la date de délivrance de l’assignation et la complète libération des lieux, outre les intérêts au taux légal à compter la signification des commandements de payer ;

en tout état de cause :

— condamner Mme X au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Mme X à tous les dépens, dans lesquels seront inclus les frais de signification du commandement de payer du 1er février 2019, de l’assignation ainsi que les frais de la procédure éventuelle d’expulsion si nécessaire.

Dans ses dernières conclusions déposées le 5 mai 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme X demande à la cour, au visa de l’article 1343-5 du code civil, de la loi du 6 juillet 1989 et de la loi du 24 mars 2014, de :

à titre principal :

— confirmer l’ordonnance rendue par le tribunal de proximité en toutes ses dispositions ;

— débouter la société Majorella de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

à titre subsidiaire :

— débouter la société Majorella de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire pour une durée de 24 mois courant à compter de la date de signification de l’arrêt à intervenir pour lui permettre d’apurer le passif locatif tel que fixé par la décision à venir ;

— l’accueillir en son appel incident et y faisant droit ;

— la condamner à la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société Majorella à tous les dépens de première instance et d’appel et pour les seconds admettre Maître B-C au bénéfice des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 mai 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de 'dire et juger’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques.

- sur la résiliation du bail :

La société Majorella reproche au premier juge d’avoir, en violation de l’article 16 du code de procédure civile, soulevé d’office l’irrecevabilité de sa demande tendant à constater la résiliation de plein droit du bail après avoir retenu qu’elle n’aurait pas saisi la CCAPEX avant de faire délivrer l’assignation à Mme X alors qu’elle dit justifier de cette saisine et de la notification du commandement de payer à la CCAPEX à la date du 5 février 2019.

Elle précise avoir également régulièrement dénoncé l’assignation du 26 novembre 2019 aux services de la Préfecture le 28 novembre 2019 conformément aux exigences légales.

A titre subsidiaire, la société Majorella demande à la cour de prononcer la résiliation du bail en raison des manquements de Mme X à son obligation contractuelle de payer régulièrement son loyer, rappelant que celle-ci est encore redevable d’une somme de 17 291,48 euros au titre de sa dette locative impayée depuis octobre 2019.

En réponse, Mme X se limite à conclure à la confirmation de l’ordonnance.

Sur ce,

Il sera d’abord relevé que dans le cadre du protocole transactionnel signé par les parties en 2016, celles-ci sont convenues que le bail est soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 concernant les logements non meublés, et non à celles relatives aux logements meublés comme indiqué dans le contrat initial.

L’article 24 I de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version applicable à l’affaire dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

L’article 24 II prévoit que les bailleurs personnes morales autres qu’une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus ne peuvent faire délivrer, sous peine d’irrecevabilité de la demande, une assignation aux fins de constat de résiliation du bail avant l’expiration d’un délai de deux mois suivant la saisine de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives.

Aux termes de l’article 24 III, à peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l’huissier de justice au représentant de l’Etat dans le département au moins deux mois avant l’audience.

En sa pièce 40, la société Majorella justifie de la notification faite par lettre recommandée en date du 5 février 2019 à la CCAPEX des Hauts-de-Seine du commandement de payer délivré à Mme X le 1er février 2019. Elle justifie également de la dénonciation le 27 novembre 2019 aux services de la préfecture des Hauts-de-seine de l’assignation délivrée à Mme X le 26 novembre 2019 en vue de l’audience fixée au 18 mars 2020.

La CCAPEX et les services de la Préfecture ayant donc été avisés dans les délais impartis par les dispositions précitées, il convient d’infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré la bailleresse

irrecevable en sa demande tendant à faire constater la résiliation du bail.

Il sera par ailleurs relevé que Mme X ne prétend pas avoir payé les causes du commandement de payer qui lui a été signifié le 1er février 2019, à savoir la somme en principal de 4 873,33 euros correspondant aux loyers et charges demeurés impayés des mois de septembre 2018 à janvier 2019.

Dès lors, la société Majorella justifie de manière non sérieusement contestable de la résiliation de plein droit du bail au 1er avril 2019 par l’effet de la clause résolutoire insérée en l’article 9 du contrat dont la régularité n’est par ailleurs pas discutée par l’intimée.

Devenue occupante sans droit, ni titre depuis le 1er avril 2019, il convient de faire droit à la demande de la société Majorella tendant à condamner provisoirement Mme X à payer une indemnité d’occupation à compter de cette date d’un montant correspondant aux loyer et charges qu’elle aurait dû payer si le bail s’était poursuivi.

Pour ces mêmes raisons, la mesure d’expulsion sollicitée par la société Majorella apparaissant être la seule de nature à la restaurer dans ses droits de propriétaire, il convient de l’ordonner à défaut pour Mme X de libérer volontairement les lieux dans un délai de 2 mois après la signification par le bailleur d’un commandement de quitter les lieux conformément aux articles L. 411-1, L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution.

- sur la demande de provision au titre de la dette locative :

Faisant observer que le premier juge a procédé à la déduction d’une somme de 796,41 euros de sa créance locative sans pour autant condamner Mme X à lui régler le surplus des sommes réclamées, la société Majorella sollicite à hauteur d’appel une provision d’un montant de 17 291,48 euros au titre des loyers et charges demeurés impayés entre le 1er septembre 2018 et le 11 mai 2021. Elle produit un décompte actualisé pour en justifier.

Elle explique ne pas réclamer l’arriéré locatif antérieur au 1er septembre 2018 dès lors que par jugement définitif du 20 novembre 2018 ayant autorité de la chose jugée, le tribunal d’instance de Boulogne-Billancourt a déjà condamné Mme X à lui payer à ce titre une somme de 23 688,79 euros.

Elle précise également avoir tenu compte de la régularisation des charges pour les années 2018 et 2019 dont il résulte des trop perçus de 199,10 euros pour 2018 et de 938,54 euros en 2019 qui ont bien été déduits de la dette locative de Mme X pour aboutir au montant actualisé de 17 291,48 euros.

Enfin, la société Majorella fait valoir en réponse à l’argumentation adverse que l’augmentation de 25 euros du montant de l’indemnité d’occupation résulte simplement de l’application de l’indexation du loyer.

En réponse, Mme X conclut à la confirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a déduit la somme de 796,41 euros correspondant à un trop perçu en matière de charges provisionnelles.

Dans son argumentation pour obtenir des délais de paiement, elle exprime également des réserves quant au décompte produit par la société Majorella arrêté au 31 mars 2021, s’interrogeant sur les raisons de l’augmentation selon elle injustifiée de son loyer ou indemnité d’occupation à compter d’avril 2020 à hauteur de 25 euros par mois, soit 1 699 euros réclamé au lieu de 1 674,08 euros antérieurement.

Sur ce,

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, statuant en référé, peut, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

Il impose au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Il sera retenu qu’une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

À l’inverse, sera écartée une contestation qui serait à l’évidence superficielle ou artificielle et la cour est tenue d’appliquer les termes clairs du contrat qui lui est soumis, si aucune interprétation n’en est nécessaire. Le montant de la provision allouée n’a alors d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Aux termes de l’article 1353 du code civil, c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il convient d’abord de relever que si le premier juge a dit qu’un trop perçu de 796,41 euros au titre des charges provisionnelles devait être déduit pour la période comprise entre le 1er septembre 2018 et le 31 décembre 2019 (199,10 euros pour 2018 et 597,31 euros pour 2019), il a en revanche omis de statuer sur la demande de provision présentée par la société Majorella au titre de sa créance locative.

Il sera également observé que l’appelante ne conteste pas l’existence de ces trop perçus qui apparaissent bien sur son décompte arrêté au 11 mai 2021, la déduction opérée au bénéfice de Mme X au titre de la régularisation des charges de l’année 2019 étant même supérieure à celle retenue par le premier juge (938,54 euros au lieu de 597,31 euros).

En outre, ce décompte distingue bien l’arriéré locatif courant depuis le 1er septembre 2018, objet du présent litige, de la dette antérieure de Mme X, et tient aussi compte des versements effectués par celle-ci, le dernier versement datant du 1er octobre 2019, ainsi que du produit de la saisie intervenue le 18 janvier 2021 et du virement effectué par le notaire de l’intimée en exécution de l’hypothèque provisoire affectant un bien immobilier vendu à Saint-Malo en mars 2021.

S’agissant du montant de l’indemnité d’occupation, charges comprises, qui figure sur le décompte à hauteur d’un montant de 1 699 euros à compter du 1er avril 2020, au lieu de 1674,08 euros au 1er mars 2020, force est en revanche de constater que la société Majorella ne produit aucune pièce pour justifier de cette prétendue augmentation de loyer en application de la clause d’indexation prévue au bail et de la notification qui est censée en avoir été faite à Mme X en avril 2020.

La bailleresse ne verse notamment pas l’avis d’échéance d’avril 2020 portant mention du nouveau montant du loyer après indexation.

Cette augmentation de loyer de 24,92 euros par mois n’étant pas établie avec l’évidence requise en référé, il conviendra de la déduire pour les mois d’avril 2020 à mai 2021 (348,88 euros), de la provision allouée à la société Majorella au titre de sa créance locative, le surplus des sommes demandées n’étant en revanche pas sérieusement contestable au vu de ce qui précède.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de condamner Mme X à payer à la société

Majorella à titre de provision à valoir sur sa créance locative arrêtée au 11 mai 2021, en ce compris l’échéance du mois de mai 2021, une somme non sérieusement contestable de 16 942,60 euros.

- sur les délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire :

Mme X renouvelle sa demande formée devant le premier juge tendant à obtenir 'la suspension de la clause résolutoire pendant 24 mois'.

Elle explique avoir été victime d’une importante escroquerie avec un détournement de plus de 400 000 euros de patrimoine immobilier qu’elle n’est toujours pas parvenue à récupérer malgré une décision de justice du 5 décembre 2014 en sa faveur, ce qui la prive depuis lors des revenus locatifs qui venaient compléter son salaire de guide touristique.

Agée de 79 ans, Mme X précise qu’à la suite de son départ à la retraite, ses revenus ont en outre baissé, sa pension s’élevant à 1 500 euros, ce qui ne facilite pas ses recherches de logements moins onéreux dans le parc privé.

L’intimée invoque également les efforts qu’elle a fournis pour tenter d’apurer sa dette, rappelant qu’outre les versements réguliers pour un montant global de 9 100 euros entre septembre 2018 et mai 2021, elle a pris l’initiative de mettre en vente en 2019 le seul bien immobilier qui lui restait à Saint-Malo, ce qui a permis d’une part de verser en mars 2021 une somme de 48 493 euros à la société Majorella en exécution des hypothèques provisoires, et de percevoir désormais une rente viagère de 1 200 euros par mois venant compléter sa pension de retraite.

Elle considère pouvoir réussir à verser son loyer courant tout en apurant progressivement sa dette, le temps de rechercher dans le délai qui pourrait lui être octroyé un logement moins onéreux, faisant observer qu’un tel échéancier n’aurait pas de conséquence grave pour la société Majorella et ses associés qui évoluent dans le secteur de la finance et détiennent plusieurs sociétés.

En réponse, la société Majorella s’oppose à l’octroi de délais de paiement et à la suspension des effets de la clause résolutoire, rappelant l’historique des nombreux incidents de paiement auxquels elle a été confrontés depuis 2015 et le non-respect par Mme X de son engagement d’accepter une des propositions de relogement qui lui ont été faites en exécution du protocole transactionnel signé en 2016.

L’appelante souligne que pendant près de 5 ans, Mme X s’est contentée de verser la moitié du loyer, soit 700 euros par mois et qu’elle ne verse plus rien depuis octobre 2019 malgré la perception d’une pension de retraite de 18 000 euros annuels.

La société Majorella fait également valoir que même avec la rente viagère, Mme X ne pourra pas assumer à la fois le paiement du loyer courant et le remboursement de sa dette locative.

Sur ce,

Selon l’article 24 V de la loi du 6 juillet 1989, le juge peut, même d’office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Le quatrième alinéa de l’article 1343-5 s’applique lorsque la décision du juge est prise sur le fondement du présent alinéa. Le juge peut d’office vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de l’obligation prévue au premier alinéa de l’article 6 de la présente loi. Il invite les parties à lui produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.

Aux termes de l’article 24 VII qui suit, pendant le cours des délais accordés par le juge dans les conditions prévues aux V et VI du présent article, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.

Pour justifier de sa bonne foi et des agissements dont elle se prétend victime, Mme X produit le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 5 décembre 2014 condamnant un dénommé Z A auquel elle avait consenti des prêts importants, à lui payer près de 400 000 euros, ainsi que les mesures d’exécution forcée qu’elle a tentées en vain de mettre en oeuvre et la plainte déposée auprès du parquet de Nanterre à la même époque.

C’est effectivement après cette affaire que Mme X a informé son bailleur qu’elle avait des difficultés pour payer son loyer en intégralité. Il ressort du décompte de la société Majorella qu’elle s’est essentiellement limitée depuis 2015 à procéder à des versements de 700 euros pour un loyer de plus de 1 600 euros et ne règle plus rien depuis octobre 2019.

Les parties s’accordent cependant pour évaluer les revenus annuels de Mme X à un montant de 18 000 euros, soit 1 500 euros par mois, ce qui est confirmé par les différents avis d’imposition versés aux débats.

Mme X justifie également par une attestation notariale d’un complément de revenus depuis mars 2021 de 1 200 euros par mois, rente viagère devant lui être versée à la suite de la vente d’un bien immobilier.

Ce revenu mensuel de 2 700 euros peut lui permettre de désormais régler le loyer courant et une partie de sa dette locative, dans l’attente d’une part de trouver un logement mieux adapté à ses revenus et d’autre part de recouvrer les sommes qui lui sont dues en exécution du jugement de décembre 2014, sachant que la vente du bien immobilier de Mme X a permis de réduire de manière conséquente sa dette locative à la suite de la mise en oeuvre par la société Majorella des hypothèques provisoires, le solde de l’arriéré s’élevant désormais de manière non sérieusement contestable à 16 942,60 euros ainsi qu’il a été précédemment retenu.

Tenant compte également de l’âge de Mme X pour laquelle une mesure d’expulsion aurait des conséquences particulièrement graves, il convient au vu de ce qui précède de lui accorder un délai de paiement de 24 mois avec obligation de régler pendant 23 mois la somme de 500 euros en remboursement de sa dette locative, en plus du loyer et charges courants, le solde de la provision devant être réglé le 24e mois.

En application des dispositions précitées et de l’article 1343-5 du code civil, il n’y a pas lieu d’appliquer des intérêts de retard sur les sommes dues.

En vertu de l’article 24 VII précité, il convient également de constater la suspension des effets de la clause exécutoire pendant la durée de ces délais, tout en rappelant avec insistance à Mme X qu’en cas de non-respect d’une des échéances de remboursement ou de sa défaillance dans le paiement du loyer courant, la clause résolutoire reprendra tous ses effets et la société Majorella pourra mettre en oeuvre la mesure d’expulsion sans avoir à agir à nouveau en justice.

En revanche, si Mme X se libère de sa dette locative dans les délais et suivant les modalités qui viennent d’être définis, la clause résolutoire sera réputée ne jamais avoir joué.

- sur les demandes accessoires :

La société Majorella ayant été accueillie en ses principales demandes, l’ordonnance sera infirmée en ce qu’elle l’a condamnée aux dépens de première instance.

Partie perdante, Mme X ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés, s’agissant des dépens d’appel, avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

Il est en outre inéquitable de laisser à la société Majorella la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. L’intimée sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME l’ordonnance entreprise en date du 16 décembre 2020 en ses dispositions critiquées ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DÉCLARE la société Majorella recevable en sa demande tendant à constater la résiliation de plein droit du bail la liant à Mme Y X ;

CONSTATE la résiliation de plein droit du bail conclu le 28 avril 2011 avec Mme Y X à la date du 1er avril 2019, par l’acquisition de la clause résolutoire ;

CONDAMNE à titre provisoire Mme Y X à payer à la société Majorella à compter du 1er avril 2019 une indemnité d’occupation équivalente au montant du loyer et des charges dont elle aurait été redevable si le bail s’était poursuivi ;

ORDONNE l’expulsion de Mme Y X ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec, si besoin est, le concours de la force publique et l’assistance d’un serrurier, à défaut de libération volontaire des lieux dans un délai de 2 mois suivant la signification d’un commandement de quitter les lieux ;

RAPPELLE qu’en cas d’expulsion, le sort des effets personnels et meubles de Mme Y X sera régi par l’article L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;

CONDAMNE Mme Y X à payer à la société Majorella la somme de 16 942,60 euros à titre de provision à valoir sur sa dette locative arrêtée au 11 mai 2021, échéance de mai 2021 incluse ;

AUTORISE Mme Y X à s’acquitter de cette provision en 23 mensualités de 500 euros et une dernière mensualité égale au solde, la première mensualité devant être acquittée avant le 10 du mois suivant celui au cours duquel sera intervenue la signification du présent arrêt, en sus du loyer et charges courants ;

CONSTATE en conséquence la suspension des effets de la clause résolutoire insérée au bail pendant la durée de ces délais de paiement ;

DIT qu’à défaut de versement d’une seule mensualité conformément aux modalités ci-dessus définies, outre le paiement du loyer et des charges courants, la totalité des sommes restant dues redeviendra exigible et la mesure d’expulsion retrouvera son plein effet de plein droit ;

CONDAMNE Mme Y X à payer à la société Majorella une somme de 1 000 euros sur

le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que Mme Y X supportera les dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés, s’agissant des dépens d’appel, avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Nicolette GUILLAUME, Président et par Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 1er juillet 2021, n° 21/00122