Cour de cassation, Chambre sociale, 27 novembre 2013, 12-19.584, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 27 nov. 2013, n° 12-19.584
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 12-19.584
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 20 mars 2012
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000028263047
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2013:SO02077
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Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, recruté par la société France 3 le 14 avril 1995 et exerçant les fonctions de technicien de spécialité, a été élu en 2001 délégué du personnel sur une liste présentée par le syndicat CFDT ; qu’il a également été élu membre du comité d’entreprise et désigné en qualité de délégué syndical ; que l’intéressé et le syndicat national des médias CFDT (le syndicat) ont saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la discrimination dont il soutient avoir été l’objet, l’arrêt retient, d’une part, que de 2001 au 21 mars 2012, l’intéressé ne peut sérieusement arguer avoir fait l’objet d’une discrimination syndicale dès lors que la progression de sa carrière a été linéaire de 2001 à 2005, qu’il n’avait pas un droit automatique à obtenir la position B15 en 2006, que cette position lui a été accordée sans contestation en 2008 et que la décision de la cour d’appel de lui accorder la position B20 à compter du 29 septembre 2009 résulte d’un examen de la situation de fait qui a pu échapper à l’employeur dans le cadre d’une restructuration d’organigramme qui était en cours à l’époque et, d’autre part, qu’il ne justifie pas de discrimination syndicale pour la période postérieure à l’audience de départage tenue le 22 juin 2010 ;

Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs dont l’un était dubitatif, alors que le salarié, qui n’est tenu que d’apporter des éléments qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination syndicale, présentait d’autres éléments que ceux relatifs à son déroulement de carrière à l’appui de sa demande, tant pour la période comprise entre 2001 et l’audience de départage que pour celle courant à compter de cette date, et qu’il lui appartenait d’apprécier si l’ensemble de ces éléments laissaient supposer l’existence d’une discrimination, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant à voir constater un harcèlement moral imputable à l’employeur, l’arrêt retient que l’intéressé faisait un amalgame entre la discrimination syndicale et le harcèlement, que ni la surcharge de travail dont le salarié avait été victime périodiquement, ni l’impossibilité à deux reprises d’exercer son mandat ne constituent des faits de harcèlement et que l’attestation, selon laquelle il aurait été demandé à des salariés employés sous contrat à durée déterminée de rechercher des éléments à sa charge, n’était pas pertinente dès lors qu’il avait la qualité de salarié protégé ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans examiner l’intégralité des éléments invoqués par le salarié, lesquels peuvent être identiques à ceux présentés à l’appui de la demande au titre de la discrimination syndicale, et notamment le fait que l’intéressé aurait été privé de travail postérieurement à l’audience de départage, ni, ensuite, rechercher si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le troisième moyen :

Vu l’article 1134 du code civil ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant à voir constater un manquement de son employeur à ses obligations contractuelles, l’arrêt retient que le retard de paiement des heures supplémentaires est insuffisant pour justifier l’allégation de l’intéressé dans un contexte de restructuration ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans examiner l’intégralité des éléments invoqués par le salarié, et notamment ceux se rapportant à la période postérieure à l’audience de départage, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le quatrième moyen :

Vu l’article 624 du code de procédure civile ;

Attendu qu’en application de ce texte, la cassation prononcée pour les dispositions de l’arrêt rejetant les demandes du salarié relatives à la discrimination syndicale entraîne, par voie de conséquence, celle des dispositions de l’arrêt sur la demande indemnitaire du syndicat, qui se rapportent aux faits de harcèlement ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 21 mars 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société France télévisions aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X… et au syndicat national des médias CFDT la somme globale de 3 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X… et le syndicat national des médias CFDT.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté les demandes de Monsieur X… tendant à voir dire et juger qu’il avait été victime de discrimination et obtenir le paiement de dommages et intérêts à ce titre ;

AUX MOTIFS QUE, sur la discrimination syndicale : Monsieur X… allègue avoir fait l’objet d’une discrimination syndicale depuis 2001 date à laquelle il a été élu délégué du personnel ; mais force est de constater que de 2001 à 2005 sa progression de carrière a été linéaire comme cela a été rappelé en entête de la présente décision et qu’il ne peut arguer, en conséquence, de la moindre discrimination, quelle qu’elle soit durant cette période ; le passage en B15, comme sollicité à compter de 2004, n’était pas automatique comme cela est également rappelé ci-dessus, Monsieur X… ayant lui-même demandé à bénéficier courant 2006 d’une validation d’acquis qu’il estimait posséder, ce dont il résulte qu’il admettait le caractère non automatique de la qualification à cette date ; l’employeur lui a accordé la position B 15 en 2008 sans contestation ; la décision de la cour de lui accorder, à compter de septembre 2009, le positionnement B20 résulte d’un examen de la situation de fait qui a pu échapper à l’employeur dans le cadre d’une restructuration d’organigramme qui était en cours à l’époque ; il s’ensuit que pour la période considérée et ce, jusqu’à aujourd’hui, Monsieur X… ne peut donc sérieusement arguer avoir fait l’objet d’une discrimination syndicale ; il sera débouté de sa demande à ce titre et de ses prétentions financières afférentes ; – sur le harcèlement et la discrimination syndicale postérieurement à l’audience de départage : Monsieur X… ne justifie pas plus de discrimination syndicale que de faits de harcèlement postérieurement à l’audience de départage ;

Et AUX MOTIFS partiellement adoptés QU’aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d’intéressement, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de promotion professionnelle ou de mutation en raison, notamment, de ses activités syndicales ou mutualistes ; selon l’article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; M. X… considère que le rejet des demandes de changement de qualification présentées à plusieurs reprises en son nom par M. Y…, délégué syndical central CFDT Médias France Télévisions, les retards dans le paiement des heures supplémentaires, les durées de travail excessives, des insultes et menaces de la part du collègue B…, ni dissuadé ni poursuivi par le directeur suspecté au contraire d’aller dans son sens, et contre lequel M. X… a porté plainte en cours d’instance le 29 mai 2009, sont autant de faits laissant présumer un comportement discriminatoire à son encontre ; une discrimination syndicale ne saurait se déduire de la seule concomitance entre un engagement syndical, d’une part, et des revendications non satisfaites, de l’autre, sans que soit au moins évoqué un élément de différenciation entre salariés, non syndiqués ou syndiqués ailleurs ; en l’espèce, le dossier ne fait pas ressortir une discrimination dans le déroulement de carrière en raison de l’engagement syndical et s’abstient de toute comparaison avec tel ou tel collègue ou panel de collègues de M. X… dont la progression aurait été plus rapide ; il reproche en vain à l’employeur de l’avoir « exclu » de l’application de l’accord de méthode du 11 juin 2002, alors que la mise en oeuvre des dispositions de cet accord dépend des informations communiquées par les organisations syndicales elles-mêmes et qu’au surplus, la comparaison des situations est effectuée au 30 juin 2002 et le premier mandat de M. X… en date de juin 2001 ; M. X… considère aussi que les refus opposés aux demandes de classement à un niveau supérieur sont discriminatoires mais qu’il ressort de ce qui précède que la position de l’employeur est objectivement justifiée par l’absence de tout diplôme ou formation qualifiante de M. X… et le nécessaire recours à une validation préalable des acquis de l’expérience sur le tas ; la demande d’une classification en B20 est apparue tardivement en cours d’instance, sans avoir été présentée directement à l’employeur et elle n’apparaît pas justifiée ; il n’établit ni même n’allègue que d’autres salariés, placés dans une situation semblable de formation uniquement de terrain, bénéficieraient d’un meilleur positionnement ou de promotion d’indice plus rapide et/ou plus substantielle ; s’agissant des conditions de travail propres à l’ensemble des salariés de son équipe depuis la réorganisation de 2005 ayant réduit le nombre de ses membres, il apparaît que cette division a rendu plus délicate la gestion des absences de toute nature et que le recours à la sous-traitance n’a offert qu’un palliatif imparfait ; ces déboires, certes au détriment des conditions de travail du service « distribution d’images », sont le résultat de choix de gestion peut-être discutables mais objectivement établis, sans rapport avec quelque intention ou processus discriminatoire à rencontre de M. X… ; c’est le rôle du syndicat, en particulier dans les services publics, de soutenir les demandes d’augmentation de salaire, notamment de ses adhérents, et d’embauches supplémentaires sur des postes permanents, tout en stigmatisant le palliatif du recours à la sous-traitance ou à l’emploi précaire, mais les refus opposés par la direction de l’entreprise, qui traduisent des choix de gestion en fonction de données budgétaires objectives, ne caractérisent pas en eux-mêmes un fait de discrimination syndicale ; le dossier révèle une relation tendue sinon conflictuelle entre le responsable du service M. Z…, soutenu par M. X…, et la direction, avec des reproches réciproques de mauvaise gestion ; en toute hypothèse, il apparaît que M. Z… n’est pas parvenu à tirer le meilleur parti des moyens en personnel alloués, notamment après le départ de l’unique projectionniste qualifié se plaignant d’être victime d’un harcèlement de sa part et lors de l’arrivée de nouveaux embauchés plus ou moins mal accueillis dans l’équipe, ce qui a eu un impact négatif sur les conditions de travail ; ainsi les reproches de manque de compétence, notamment en projection, de MM. A… et B…, qui auraient entraîné un surcroît de travail pour M. X…, ne sont pas vérifiés par des éléments objectifs du dossier ; en revanche, les pièces produites font ressortir des accusations réciproques, M. X… se plaignant directement auprès de M. C… de refus d’exécuter ses consignes par M. B…, et celui-ci étant « surpris » par un collègue en train de se plaindre du comportement de MM. Z… et X… à son égard en termes apparemment grossiers (attestation D…) ; pour autant, ces éléments apparaissent dénués de lien avec la discrimination syndicale invoquée ; le préavis de grève déposé le 14 septembre 2009 par M. X… lui-même, apparemment sans suite, ne laisse pas présumer une discrimination à son encontre et ne saurait pas davantage valoir preuve à lui seul de la pertinence des revendications qui y sont rappelées et qui sont semblables aux demandes individuelles soumises dans la présente instance à la juridiction prud’homale ; avant la période de surcharge liée à l’absence de M. Z… fin 2009- début 2010, qui constitue un impondérable sans rapport avec le fait syndical, M. X… ne présente pas d’éléments laissant présumer une difficulté d’exercer ses différents mandats en raison de carence dans l’organisation du travail ou le manque de moyens du service ; il est ensuite seulement fait état de deux coïncidences (15 décembre 2009 et 17 février 2010) entre une projection à assurer et une réunion CE ou CCE, mais, outre qu’il s’agit de cas fortuits non susceptibles de révéler une intention d’entrave à l’exercice de son mandat par M. X…, vu notamment le nombre des représentants du personnel concernés, il convient de relever que, bien que convoqué plusieurs jours à l’avance, M. X… attend systématiquement le jour de l’événement pour alerter sa hiérarchie sur la coïncidence gênante, lorsqu’il est trop tard pour organiser un remplacement, ce qui n’est pas de bonne pratique ; enfin, le comportement insultant reproché à M. B… ne porte pas trace de mention relative à l’engagement syndical de M. X… ; dès lors, M. X… sera débouté de sa demande en dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que pour rejeter les demandes du salarié, la Cour d’appel a procédé, par des motifs propres et adoptés des premiers juges, à une appréciation séparée de certains éléments qu’il invoquait ; qu’en se déterminant comme elle l’a fait, sans rechercher si les éléments invoqués par le salarié, pris dans leur ensemble, ne laissaient pas supposer l’existence d’une discrimination, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L 1132-1, L 1134-1 et L 2141-5 du Code du Travail ;

Et ALORS QUE la Cour d’appel, en se prononçant sur d’autres chefs de demandes, a également constaté d’autres éléments de fait, tels que l’absence de règlement d’un certain nombre d’heures supplémentaires, le paiement avec retard d’heures supplémentaires, la privation de plusieurs jours de récupération, l’obligation de travailler selon de fortes amplitudes et l’impossibilité pour le salarié de prendre ses congés selon ses convenances ; qu’il appartenait à la Cour d’appel de rechercher si ces faits, ainsi que ceux qu’elle avait examinés en se prononçant sur la discrimination, pris dans leur ensemble, ne laissaient pas supposer l’existence d’une discrimination ; qu’en ne procédant pas à cette recherche, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1132-1, L 1134-1 et L 2141-5 du Code du Travail ;

ALORS encore QUE les juges doivent se prononcer sur l’intégralité des faits invoqués par le salarié ; que Monsieur X… avait également fait valoir qu’il n’avait bénéficié d’aucune formation qualifiante, que l’employeur n’avait répondu ni à ses courriers ni aux courriers du syndicat CFDT tendant à obtenir des explications et des rendez-vous, que l’employeur avait nié de façon réitérée ses compétences de projectionniste alors pourtant qu’il a exercé ces fonctions à compter de 2001, que l’employeur a refusé, sans justification, sa candidature à un poste d’opérateur prise de vue (OPV), et ne lui a pas permis d’accéder à la formation d’OPV alors qu’un syndicaliste CGT moins qualifié que lui a bénéficié d’une formation d’OPV et, immédiatement, d’un poste d’OPV, que l’employeur avait tenté de le muter et avait modifié la durée de son travail ; que la Cour d’appel, qui ne s’est pas prononcée sur ces différents éléments et n’a pas recherché s’ils laissaient supposer, avec ceux qu’elle avait constatés, l’existence d’une discrimination, a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1132-1, L 1134-1 et L 2141-5 du Code du Travail ;

ALORS en outre QUE le salarié devant simplement soumettre aux juges des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, les juges ne peuvent rejeter la demande aux seuls motifs que le salarié ne justifie pas de discrimination syndicale ; alors que le salarié s’est prévalu de nombreux faits postérieurs à l’audience de départage, la Cour d’appel a rejeté la demande aux seuls motifs que « Monsieur X… ne justifie pas plus de discrimination syndicale que de faits de harcèlement postérieurement à l’audience de départage » ; qu’en statuant ainsi, sans se prononcer sur les nombreux éléments de fait dont le salarié se prévalait, telle que, notamment, l’absence de fourniture de travail, le refus d’exécuter le jugement du conseil des prud’hommes, le retrait de sommes du salaire de Monsieur X…, le maintien du salarié dans l’incertitude concernant une nouvelle affectation, les refus d’affectation non motivés, l’absence de mesures spécifiques pour faire cesser la dégradation de l’état de santé du salarié, la Cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L 1132-1, L 1134-1 et L 2141-5 du Code du Travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté les demandes de Monsieur X… tendant à voir dire et juger qu’il avait été victime de harcèlement et obtenir le paiement de dommages et intérêts à ce titre ;

AUX MOTIFS QUE l’article L 1152-1 du Code du travail énonce que « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; dans la présente procédure, Monsieur X… fait un amalgame entre la discrimination syndicale (non retenue par le premier juge ni par la cour) et le harcèlement ; la surcharge de travail dont Monsieur X… a été victime périodiquement, notamment lors de l’absence de Monsieur Z… de septembre 2009 à février 2010 ne constitue pas un fait de harcèlement ; l’on ne saurait déduire de deux coïncidences (15 décembre 2009 et 17 février 2010 dates auxquelles Monsieur X… assurait l’intérim de M. Z… absent pour raison de maladie) l’impossibilité pour Monsieur X… d’exercer son mandat syndical, l’existence d’un harcèlement moral ; l’attestation A… qui relate que M. C… aurait demandé à des salariés en CDD (A… et B…) de rechercher des éléments à charge contre Monsieur X…, ce pour quoi ils recevraient une contrepartie, n’est pas pertinente dès lors qu’en sa qualité de salarié protégé Monsieur X… ne pouvait, en tout état de cause, fait l’objet d’un licenciement sans la procédure adaptée ; que ce grief, non démontré et assimilable à un ragot, sera également rejeté ; ¿/ ¿ sur le harcèlement et la discrimination syndicale postérieurement à l’audience de départage : Monsieur X… ne justifie pas plus de discrimination syndicale que de faits de harcèlement postérieurement à l’audience de départage ;

Et AUX MOTIFS partiellement adoptés QU’aux termes des articles L. 1152-1 à 1152-3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; selon l’article L. 1154-1 du même code, il appartient au salarié qui invoque un harcèlement d’établir des faits qui permettent de présumer son existence et il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; en l’espèce, M. X… invoque à l’appui de sa demande en dommages et intérêts pour harcèlement moral, en cumul avec les dommages et intérêts pour discrimination syndicale, les mêmes faits que ceux examinés ci-dessus ; M. X… y ajoute que son directeur aurait « orchestré une cabale » contre lui, en demandant à deux salariés en situation précaire (période d’essai ou cdd) de recueillir des informations à charge pour l’aider à « monter un dossier » d’exclusion de son service ; l’employeur le dément, tout en faisant pertinemment remarquer que M. X…, en sa qualité de salarié protégé, ne peut pas être muté sans son accord ; s’agissant d’accusations particulièrement graves, M. X… allant jusqu’à évoquer une « subornation de témoin », elles ne sauraient être validées par les seules attestations de M. A…, d’autant qu’il ressort du dossier que celui-ci s’était d’abord plaint auprès de direction du comportement de MM. Z… et X… à son égard et qu’il a fort bien pu ensuite se méprendre sur le sens d’une demande en retour visant à recueillir des éléments de preuve du comportement dénoncé ; à défaut de tout autre élément de nature à corroborer les seuls dires de M. A…, ceux-ci ne seront pas retenus comme établissant un agissement propre à caractériser un harcèlement moral ; il a été constaté ci-dessus que les refus de promotion sont objectivement justifiés par l’absence de diplôme ou de validation des acquis de l’expérience ; le surcroît ponctuel de travail est inhérent à l’activité de l’audiovisuel public, soumis à des impératifs d’actualité, politique, sportive, artistique, événementielle, au demeurant cités en exemple par M. X… et qu’il ne saurait être tenu pour un harcèlement, fut-ce de gestion, dès lors qu’il est commun à un ensemble de services et lié à une actualité indépendante de toute volonté de l’employeur ; pour autant, celui-ci est en mesure de justifier objectivement que les moyens permanents mis en oeuvre ne peuvent pas être calibrés en fonction de pics d’activité limités et relevant du recours à la sous-traitance ; les retards de paiement d’heures supplémentaires sont en l’espèce justifiés par les nécessaires vérifications de relevés d’heures, parfois tardivement produits par l’intéressé ; ainsi, il a pu arriver à M. X…, qui le reconnaît quand la preuve lui est apportée, de comptabiliser des heures de travail pour des jours où il était absent ; il sera rappelé que l’argument relatif au retard de paiement d’heures supplémentaires est lui-même apparu tardivement dans le cours de la procédure, après l’audience devant le bureau de jugement même s’il concerne des périodes antérieures ; les refus de dates de congés pour nécessités de service sont le fait de M. Z…, non accusé de harcèlement moral par M. X…, et concernent des demandes de dernière minute de M. X…, légitimant la position de la hiérarchie invoquant une désorganisation ; on observe aussi que celui-ci n’est pas d’une parfaite bonne foi, quand il invoque sans distinction des refus effectifs de dates, au demeurant pour une partie du congé seulement et suivis de reports, et des refus par M. Z… non suivis d’effet, après que toutes les autorisations, y compris la sienne, ont été données ; M. B… n’a pas insulté ou menacé M. X…, mais un autre salarié (M. D…) rapporte avoir « surpris » une tierce conversation où M. B… aurait tenu des propos désobligeants en des termes grossiers ; il est difficile d’accorder foi à des colportages et M. X… ne saurait reprocher à la direction de ne pas l’avoir soutenu dans un dépôt de plainte à rencontre de M. B… pour des faits aussi incertains ; le même caractère de « colportage » de propos « surpris » affecte la force probante des attestations de Mmes F… et E…, au demeurant copie conforme entre elles… ; il ressort de cette analyse que M. X… n’a pas été victime d’un harcèlement moral de la part de son employeur et il sera donc débouté de sa demande en dommages et intérêts sur ce point ;

ALORS QUE des faits peuvent constituer un harcèlement, même s’ils ont été accomplis indépendamment de toute prise en compte de l’activité syndicale, s’ils revêtent les caractères définis par l’article L 1152-1 du Code du travail ; qu’inversement des faits de harcèlement pris en considération de l’appartenance ou de l’activité syndicale peuvent constituer également des faits de discrimination ; qu’en déboutant Monsieur X… de sa demande au motif qu’il ferait un amalgame entre discrimination et harcèlement, la Cour d’appel a violé les articles L 1152-1 et L. 1132-1, L. 1134-1 et L 2141-5 du code du travail

ALORS QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que pour rejeter les demandes du salarié, la Cour d’appel a procédé, par des motifs propres et adoptés des premiers juges, à une appréciation séparée de certains éléments qu’il invoquait ; qu’en statuant comme elle a fait, en procédant à une appréciation séparée de certains éléments invoqués par le salarié, alors qu’il lui appartenait de rechercher si, pris dans leur ensemble, ces éléments laissaient présumer l’existence d’un harcèlement moral, la Cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Et ALORS QUE la Cour d’appel, en se prononçant sur d’autres chefs de demandes, a également constaté d’autres éléments de fait, tels que l’absence de reconnaissance, par l’employeur, de la classification à laquelle il était en droit de prétendre, l’absence de règlement par l’employeur d’un certain nombre d’heures supplémentaires, la privation de plusieurs jours de récupération, l’obligation de travailler selon de fortes amplitudes, l’impossibilité pour le salarié de prendre ses congés selon ses convenances, la soumission à des conditions de travail difficiles et le fait d’avoir été critiqué dans des termes grossiers ; qu’il appartenait à la Cour d’appel de rechercher si ces faits, ainsi que ceux qu’elle avait examinés en se prononçant sur le harcèlement, pris dans leur ensemble, ne laissaient pas supposer l’existence d’un harcèlement ; qu’en ne procédant pas à cette recherche, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

ALORS encore QUE les juges doivent se prononcer sur l’intégralité des faits invoqués par le salarié ; que Monsieur X… avait également fait valoir que l’employeur avait modifié de la durée de son travail, qu’il avait refusé d’embaucher des salariés compétents et formés pour répartir le travail, qu’il n’avait pas respecté ses promesses de revalorisation de carrière et que son état de santé avait été altéré par les conditions de travail et le harcèlement subis ; que la Cour d’appel, qui ne s’est pas prononcée sur ces différents éléments et n’a pas recherché s’ils laissaient supposer, avec ceux qu’elle avait constatés, l’existence d’un harcèlement, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

ALORS enfin QUE le salarié devant simplement soumettre aux juges des éléments de fait permettant de présumer l’existence d’un harcèlement, les juges ne peuvent rejeter la demande aux seuls motifs que le salarié ne justifie pas de faits de harcèlement ; alors que le salarié s’est prévalu de nombreux faits postérieurs à l’audience de départage, la Cour d’appel a rejeté la demande aux seuls motifs que « Monsieur X… ne justifie pas plus de discrimination syndicale que de faits de harcèlement postérieurement à l’audience de départage » ; qu’en statuant ainsi, sans se prononcer sur les nombreux éléments de fait dont le salarié se prévalait, telle que, notamment, l’absence de fourniture de travail, le refus d’exécuter le jugement du conseil des prud’hommes, le retrait de sommes du salaire de Monsieur X…, le maintien du salarié dans l’incertitude concernant une nouvelle affectation, les refus d’affectation non motivés, l’absence de mesures spécifiques pour faire cesser la dégradation de l’état de santé du salarié, la Cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté les demandes de Monsieur X… tendant à voir dire et juger qu’il a été victime du non respect des obligations contractuelles et de l’exécution déloyale de son contrat de travail et obtenir le paiement de dommages et intérêts à ce titre ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur X… ne démontre pas que la société France Télévisions aurait fait preuve de déloyauté dans l’exécution de son contrat de travail, le paiement d’heures supplémentaires parfois avec retard étant insuffisant pour justifier cette allégation dans un contexte de restructuration impliquant des va et vient de demandes et de justificatifs ;

Et AUX MOTIFS partiellement adoptés QUE M. X… sollicite aussi des dommages et intérêts pour non respect des obligations contractuelles et exécution déloyale du contrat ; il invoque à cet égard de nouveau les retards de paiement de certaines heures supplémentaires, mais sans contredire sérieusement l’employeur qui affirme avoir reçu tardivement et en une fois une série de relevés, ce qui nécessitait des vérifications plus longues ; ce retard invoqué n’apparaît donc pas fautif, d’autant que les vérifications entreprises n’ont pas été vaines ; de même, le dépassement du contingent d’heures au cours de l’année 2009 a été rendu possible par la transmission tardive en une fois d’un certain nombre de relevés, n’ayant pas mis la DRH en mesure d’avertir sur le risque de dépassement, lequel a été « couvert » par le responsable M. Z…, lui-même en litige avec l’employeur pour les mêmes motifs que M. X… ; dans ces circonstances, la faute volontaire et a fortiori la déloyauté de l’employeur ne sont pas établies ; s’agissant des congés payés, et pour compléter ce qui a été exposé ci-dessus au titre du harcèlement moral, il apparaît au jour de la clôture des débats que M. X… n’avait pas de reliquat non utilisé ; il n’est pas établi par M. X… qu’il aurait été « contraint » de déposer un surplus de congés non pris sur son CET ; l’allégation ci-dessus de complot fomenté par M. C… ne saurait sérieusement déboucher sur la nécessité de prendre toutes mesures prévues aux articles L. 4121-1 et suivants du code du travail et le reproche adressé à l’employeur sur ce fondement est inopérant ; enfin, l’affirmation selon laquelle M. X… serait dépouillé de toute tâche depuis le 20 avril 2010 manque en fait, étant observé que la situation invoquée, liée à la réorganisation issue de la mise en place de l’entreprise unique « France Télévisions », n’était pas fixée avec certitude à la date de la clôture des débats devant le Conseil ; il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande en dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1222-1 du code du travail ;

ALORS QU’au soutien de ses demandes, Monsieur X… a fait état du non respect, par l’employeur, de ses obligations contractuelles ; que la Cour d’appel a rejeté ses demandes alors pourtant qu’elle a constaté que l’employeur n’avait pas respecté ses obligations contractuelles, notamment en ne lui attribuant pas la qualification à laquelle il pouvait prétendre, en le privant de jours de récupération, en le surchargeant de travail et en le contraignant à travailler selon de fortes amplitudes ; qu’en ne se prononçant pas sur les manquements aux obligations contractuelles qu’elle avait elle-même constatés, la Cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code Civil ;

Et ALORS QUE Monsieur X… avait démontré qu’il avait été privé de travail depuis 2010 et que la situation avait persisté après l’audience du conseil de prud’hommes et après le jugement ; que la Cour d’appel ne s’est pas prononcée sur ce point ; qu’en ne recherchant pas si l’employeur avait failli à ses obligations en privant le salarié de travail, la Cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code Civil ;

Et ALORS enfin QUE Monsieur X… s’était également prévalu d’autres faits tels que l’absence de réponse de l’employeur aux injonctions de l’inspecteur du travail, le refus de l’employeur d’exécuter le jugement du conseil de prud’hommes (non régularisation des bulletins de salaire avec la classification B15, non paiement du salaire correspondant, non fourniture de travail correspondant), le rejet injustifié de sa candidature à un poste d’opérateur prise de vue, l’utilisation, par l’employeur, de faux documents, la modification unilatérale de la durée de son travail et le fait que l’employeur avait tenté de lui imposer une mutation ; qu’en ne recherchant pas, au vu de ces faits, si l’employeur avait failli à ses obligations, la Cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code Civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté le Syndicat National des Médias CFDT de ses demandes tendant à obtenir la condamnation de la SA France Télévisions au paiement de dommages et intérêts et d’une indemnité en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

AUX MOTIFS QUE la cour n’ayant pas retenu au préjudice de Monsieur X… une discrimination syndicale le Syndicat National des Médias CFDT est infondé à solliciter une indemnisation parallèle à ce titre ; ¿/ ¿ aucun élément du dossier ne commande d’accueillir la demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile du Syndicat National des Médias CFDT ;

Et AUX MOTIFS adoptés QU’il ressort de ce qui précède que M. X… manque à établir qu’il aurait fait l’objet d’une discrimination liée à son engagement syndical ; le Syndicat national des médias CFDT sera donc débouté de sa demande en dommages et intérêts formée sur le fondement de l’article L. 2132-3 du code du travail ;

ALORS QUE la cassation à intervenir du chef de l’arrêt ayant rejeté les demandes de Monsieur X… au titre de la discrimination entraînera cassation par voie de conséquence du chef de l’arrêt ayant rejeté les demandes du Syndicat national des médias CFDT et ce, en application de l’article 624 du Code de Procédure Civile.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 27 novembre 2013, 12-19.584, Inédit