Cour de cassation, Chambre criminelle, 6 décembre 2016, 16-84.350, Inédit

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 6 déc. 2016, n° 16-84.350
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-84.350
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 14 juin 2016
Dispositif : Irrecevabilité
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000033574404
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2016:CR05588
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Texte intégral

N° R 16-84.350 F-D

N° 5588

JS3

6 DÉCEMBRE 2016

IRRECEVABILITE

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— 

La Communauté d’agglomération de Melun-Val-de-Seine,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, 4e section, en date du 15 juin 2016, qui, statuant sur renvoi après cassation (Crim., 1er octobre 2013, n° 12-82.985) dans l’information suivie contre elle des chefs de poursuite d’exploitation d’une installation classée non conforme et mise en danger d’autrui, l’a renvoyée devant le tribunal correctionnel ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 8 novembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, Mme Dreifuss-Netter, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller BELLENGER, les observations de Me BOUTHORS, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général référendaire CABY ;

Vu les mémoires et les observations complémentaires produits en demande et en défense ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la Communauté d’agglomération Melun-Val-de-Seine CAMVS qui a été substituée le 1er janvier 2002 au Syndicat Intercommunal de Groupement d’Urbanisme de l’agglomération Melunaise, a été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour avoir entre le 12 mars 2002 et le 15 juin 2002 exploité ou poursuivi l’exploitation d’une usine d’incinération d’ordures ménagères de [Localité 3], installation classée, sans se conformer aux arrêtés préfectoraux de mise en demeure des 5 septembre et 11 décembre 2001 et pour avoir, entre le 14 janvier 1999 et le 15 juin 2002, mis en danger les habitants des communes de [Localité 2] et [Localité 3] par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par les arrêtés préfectoraux des 14 janvier 1999, 5 septembre et 11 décembre 2001 ; que la CAMVS a relevé appel de cette décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 173-1, L. 173-8, L. 511-1, L. 511-2, L. 514-7, L. 514-9, L. 514-10, L. 514-11 du code de l’environnement, des articles 121-2, 131-37 et suivants, 223-1, 223-2, 223-18, 223-20 du code pénal, de l’article préliminaire et des articles 2, 10, 175, 179, 186, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt attaqué, statuant sur renvoi de cassation, a déclaré recevable les constitutions de parties civiles du chef de mise en danger d’autrui des personnes « présentes à la procédure » et de la commune de [Localité 2], outre, pour cette dernière, du chef d’infraction à la réglementation des installations classées ;

« aux motifs qu’il convient de donner acte à la commune de [Localité 3] de ce qu’elle se désiste de sa constitution de partie civile ; qu’au soutien de son appel contre l’ordonnance du 29 novembre 2011, le conseil de la communauté d’agglomération Melun-Val-de-Seine CAMVS fait valoir que les parties civiles personnes physiques sont manifestement irrecevables sur le terrain d’incriminations protégeant exclusivement un intérêt public et que les communes de [Localité 2] et [Localité 3] sont irrecevables à se prévaloir d’incriminations protégeant seulement l’intérêt privé ; qu’en application des articles 2 et 85 du code de procédure pénale, l’action civile n’est ouverte qu’à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ; qu’en application de ce texte, pour qu’une constitution de partie civile soit recevable, il doit être justifié que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’admettre comme possible l’existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; que la simple possibilité d’un préjudice direct suffit ; que, par arrêts définitifs de la chambre de l’instruction, en date des 6 janvier 2006, les constitutions de parties civiles de Mme [X] [Q], épouse [A], Mme [E] [A], épouse [N], Mme [K] [O] ont été déclarées recevables ; que, s’agissant des autres personnes s’étant constituées partie civile ; qu’il ressort de l’information que l’usine d’incinération de [Localité 3] située dans le département de Seine-et-Marne a cessé ses activités le 15 juin 2002 après des analyses pratiquées sur ses rejets atmosphériques ; que les investigations ont établi que cette usine avait fonctionné plusieurs années hors normes réglementaires en termes d’équipements et de rejet polluants ; que selon un document intitulé « dispositions prises et recommandations sanitaires » de la direction départementale des services sanitaires de Seine-et-Marne daté du 26 mai 2003, les pollutions engendrées par cette usine ont conduit l’administration à éliminer de tout circuit de consommation un élevage bovin situé dans un périmètre de quatre kilomètres de celle-ci et à recommander le lavage soigneux des légumes cultivés dans cette zone, à déconseiller la culture des cucurbitacées qui ont tendance à concentrer les dioxines, dans les communes de [Localité 3], [Localité 2], Melun, Rubéfies et l’ouest de Sivry-Courtry et à déconseiller par mesure de précaution la consommation d’oeufs et de volailles élevées en plein air dans la zone dite sensible, c’est-à-dire exposée sous les vents dominants dans les mêmes communes que celles déjà citées ainsi que dans celles de Sivry-Courtry, Moisenay, Saint-Germain Laxis, Voisenon et la moitié sud de Montereau-sur-le-Jard ; qu’ainsi, la pollution dénoncée concernait un périmètre de sept communes représentant 50 000 habitants ; que, selon M. [G], l’expert, désigné par le magistrat instructeur, les habitants de [Localité 2] ayant résidé pendant une période supérieure à dix ans à proximité de l’usine d’incinération polluante avaient été fortement surexposés aux dioxines avec une surcharge corporelle au moins double à celle exposée dans la population générale pour la même classe d’âge, précisant que cette surexposition provenait de la consommation d’aliments d’origine animale (particulièrement les oeufs) produits dans les fermes exposées aux retombées de poussières fortement contaminées et non filtrées ; que l’expert estime que cette surexposition équivalait à un facteur trois par rapport à la population générale et que cette situation ne garantissait plus l’innocuité pour les populations exposées et entraînait un dépassement du seuil acceptable de risque théorique de cancérogénèse ; que l’expert ajoute encore que la surexposition de la commune de [Localité 2] pouvait être, avec une forte probabilité, à l’origine d’effets métaboliques voire d’effets immunitaires, l’induction de certains cancers ne pouvant être exclue chez certains individus à génotype sensible et qu’il était probable que la surexposition constatée ait induit des effets chez les enfants de mères riveraines ; que les études réalisées par l’institut de veille sanitaire établissent un lien significatif entre l’incidence de certains cancers et l’exposition au rejet des incinérateurs, le lieu de résidence proche d’un incinérateur augmentant assurément le risque de certains cancers ; que l’ensemble des personnes physiques qui se sont constituées parties civiles dans le cadre de la présente procédure justifient avoir résidé ou travaillé de nombreuses années dans le périmètre des rejets atmosphériques de l’incinérateur de [Localité 3] et/ou avoir été consommateurs de produits locaux ; que ce faisant, elles justifient de l’existence d’un risque d’atteinte à leur intégrité physique rendant recevable leur constitution de partie civile des chefs de mise en danger d’autrui et de faits de fonctionnement non conforme d’une installation classée ; que l’avocat de la CAMVS indique dans son mémoire déposé le 7 avril 2016 que « ne paraissent plus figurer dans la procédure » un certain nombre de personnes qui ne sont pas représentées par un avocat ou qui ne comparaissent pas ; que cependant la représentation par un avocat ne constitue pas une cause de recevabilité de la constitution de partie civile ; que, par ailleurs, le simple fait de ne pas déposer de mémoire en réponse au recours exercé par la personne mise en examen n’entraîne pas l’irrecevabilité de la constitution de partie civile dès lors que celle-ci a justifié, comme c’est le cas pour les personnes désignées, de l’éventualité de leur préjudice dans le cadre de l’information judiciaire et que l’appelante ne fait valoir aucun argument utile permettant de rejeter lesdites constitutions de parties civiles ; que l’article L. 541-6 du code de l’environnement permet aux personnes morales de droit public de se constituer parties civiles devant les juridictions pénales saisies de poursuites consécutives à un accident ou à un incident relatif à la législation sur les opérations d’élimination des déchets ; qu’il ne peut être contesté que la commune de Maincy qui se situe dans le secteur des infractions dénoncées est recevable à se constituer partie civile du chef du délit de fonctionnement non conforme d’une installation classée au titre du préjudice notamment moral éventuellement subi constitué de l’atteinte à sa notoriété ; que cette commune est encore recevable à se constituer partie civile du chef de l’infraction de mise en danger, pour solliciter la réparation de son préjudice matériel subi correspondant aux frais de défense ou d’études scientifiques engagés dans l’intérêt de ses habitants ; que, de plus, la commune de Maincy qui invoque l’existence d’un préjudice écologique est fondée à se constituer partie civile pour solliciter l’indemnisation de tout préjudice subi du fait des infractions portant atteinte à l’intérêt collectif environnemental de son territoire ; que la CAMVS est dès lors mal fondée à contester la recevabilité de la constitution de partie civile de la commune de [Localité 2] ;

« 1°) alors que l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction n’appartient qu’à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par cette infraction ; qu’une commune, collectivité territoriale, n’a ni qualité ni intérêt pour exercer l’action civile du chef de mise en danger d’autrui, incrimination protégeant la personne physique ; qu’en décidant le contraire, à la faveur de motifs inopérants relatifs aux frais d’étude et de défense engagés par la commune dans l’intérêt de ses habitants, la cour a violé les textes cités au moyen ;

« 2°) alors qu’en l’état les objections circonstanciées de la CAMVS faisant valoir en substance que la « classe » des parties civiles initialement constituée quinze ans auparavant du chef de mise en danger délibérée d’autrui était incertaine et que les qualités individuelles desdites parties civiles n’avaient fait l’objet d’aucune vérification durant l’instruction (état civil, domicile, profession, durée d’exposition au risque, etc.) la chambre de l’instruction ne pouvait se borner à déclarer en principe recevables les parties civiles « présentes dans la procédure » sans autre vérification ; qu’en se déterminant comme elle l’a fait, la cour a privé son arrêt de motifs sur la question de l’existence desdites parties civiles avant de régler le dossier ;

« 3°) alors qu’il appartenait en tout état de cause à la chambre de l’instruction de s’assurer de l’intérêt pour agir de la commune du Maincy du chef d’atteinte à l’intérêt collectif environnemental de son territoire contre un établissement public dont elle était membre » ;

Attendu que le moyen revient à critiquer les énonciations de l’arrêt relatives à la recevabilité de la constitution de partie civile et à l’intérêt à agir de ladite partie civile ; que ces énonciations ne présentant aucune disposition que le tribunal saisi de la poursuite n’aurait pas le pouvoir de modifier, le moyen est irrecevable en application de l’article 574 du code de procédure pénale ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, L 5216-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, L. 173-1, L. 173-8, L. 511-1 et suivants, L. 514-7 et suivants du code de l’environnement, de l’arrêté préfectoral du 14 janvier 1999 pris pour l’application de l’arrêté ministériel relatif aux installations d’incinération, de résidus urbains du 25 juillet 1991, des arrêtés préfectoraux des 5 septembre et 11 décembre 2001 portant mise en demeure du SIGUAM de respecter les termes de l’arrêté ministériel du 25 janvier 1991, des articles 121-2 et 223-1 du code pénal, préliminaire, 211, 574-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que la chambre de l’instruction a ordonné le renvoi correctionnel de l’établissement public de coopération intercommunale, la communauté d’agglomération Melun-Val-de-Seine CAMVS, créée en janvier 2002, d’une part, et pour la période écoulée entre le 12 mars 2002 et le 15 juin 2002, à raison d’un défaut de mise en conformité avec les arrêtés préfectoraux de mise en demeure des 5 septembre 2001 et du 11 décembre 2001 délivrés au syndicat intercommunal, le SIGUAM, dont la CAMVS avait repris les droits et obligations ; que, d’autre part, et pour la période écoulée entre le 14 janvier 1999 et le 15 juin 2002, du chef d’exposition des habitants à un risque immédiat de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation, une infirmité permanente, par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l’espèce l’arrêté préfectoral du 14 janvier 1999 pris pour l’application de l’arrêté ministériel relatif aux installations d’incinération de résidus urbains du 25 juillet 1991, ensemble les arrêtés préfectoraux des 5 septembre et 11 décembre 2001 mettant le SIGUAM en demeure de respecter les termes de l’arrêté ministériel du 25 janvier 1991 ;

« aux motifs que les articles L. 511-1 et suivants du code de l’environnement définissent les installations classées pour la protection de l’environnement au rang desquelles figure l’usine d’incinération de [Localité 3] ; que l’article L. 514-7 dispose que lorsqu’une installation classée présente pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1, des dangers ou des inconvénients qui n’étaient pas connus lors de son autorisation, de son enregistrement ou de sa déclaration, il peut être ordonné la suspension de son exploitation pendant le délai nécessaire à la mise en oeuvre des mesures propres à faire disparaître ces dangers ou inconvénients ; que l’article L. 514-11 dudit code précise que le fait d’exploiter une telle installation sans se conformer à l’arrêté préfectoral de mise en demeure est puni de six mois d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ; que l’ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement abroge notamment en son article 13 les dispositions prévues par les articles L. 514-1, L. 514-10 à L. 514-15 du code de l’environnement ; que, cependant, les dispositions de l’ancien article L. 514-11 sont transposées dans l’article L. 173-1 du code de l’environnement, les peines applicables à ladite infraction étant inchangées ; que, par arrêté préfectoral du 14 janvier 1999, le préfet de Seine-et-Marne a rendu applicable à l’usine de [Localité 3] les règles fixées par l’arrêté ministériel du 25 janvier 1991 entraînant la nécessité pour le SIGUAM puis la CAMVS de mettre en conformité l’usine alors par ailleurs que dès l’année 1996 la DRIRE remettait au préfet un rapport indiquant que l’incinérateur était exploité dans des conditions épouvantables notamment au regard de l’émission de poussières dans les communes environnantes ; que, par arrêté du 5 septembre 2001, le préfet mettait en demeure le SIGUAM de respecter dans un délai de trois mois l’ensemble des dispositions de l’arrêté ministériel du 25 janvier 1991 relatifs aux installations d’incinération de résidus urbains pour l’exploitation de son usine d’incinération d’ordures ménagères de [Localité 3] à la suite d’un rapport du 6 décembre 2000, de l’inspection des installations classées qui mentionnait qu’en dépit des travaux (séparation, stockage et élimination des cendres et des mâchefers, mise en place d’une auto surveillance des rejets gazeux, amélioration des conditions de postcombustion et du système de refroidissement des fumées), les valeurs de concentration limites n’étaient pas respectées pour l’année 2000 ; que, par arrêté préfectoral du 11 décembre 2001 et par suite de travaux de mise en conformité réalisés par le SIGUAM et « notamment la mise en place à titre expérimental d’un diffuseur de lait de chaux pour traiter les fumées afin de diminuer les monoxydes de carbone et Hcl » ainsi que « les difficultés particulières de mise en oeuvre des obligations prescrites », un nouveau délai de trois mois à compter du 11 décembre 2001 était accordé pour la mise aux normes de l’usine ; que les nouveaux rapports de la DRIRE des 7 janvier, 27 février et 12 mars 2002 faisaient état du fait que les normes n’étaient toujours pas respectées, la plupart des analyses faisant état d’un dépassement notable des émissions autorisées ; qu’ainsi à l’expiration du délai de trois mois fixé par l’arrêté préfectoral du 11 décembre 2001, la poursuite de l’exploitation de l’usine de [Localité 3] n’était pas conforme à l’arrêté ministériel du 25 janvier 1991 ; que, par suite, et au vu des résultats des dernières analyses de la DRIRE, le président de la CAMVS prenait la décision de fermer l’usine qui cessait toute activité le 15 juin 2002 ;

« aux motifs qu’aux termes de l’article 223-1 du code pénal, le délit de mise en danger d’autrui exige pour être constitué que soit méconnue une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ; que l’obligation violée doit être suffisamment précise et imposer un mode de conduite circonstancié ; que la violation d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité ne suffit pas à caractériser l’élément matériel du délit prévu par l’article 223-1 du code pénal ; que ce texte exige que cette violation ait directement exposé autrui à un risque immédiat de mort, de mutilation ou d’infirmité permanente ; que, cependant, il n’est pas nécessaire de constater la réalisation du dommage pour que soit constituée l’infraction, le simple constat de l’existence d’un risque anormal se suffisant à lui-même ; que l’article 223-1 du code pénal n’exige pas que les fautes reprochées soient la cause exclusive du danger ; que l’élément intentionnel de cette infraction résulte du caractère manifestement délibéré de la violation d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, que l’on sait de nature à causer un risque immédiat de mort ou de blessures graves pour autrui ; qu’en l’espèce, l’émission de polluants était régie au moment des faits visés par les plaintes, par l’arrêté ministériel du 25 janvier 1991 relatif aux installations d’incinération de résidus urbains, transposant en droit interne français les directives européennes CEE 89-369 et CEE 89-429 des 8 et 21 juin 1989 relatives à la mise en conformité des usines d’incinération des ordures ménagères ; que cet arrêté qui fixe les normes applicables aux incinérateurs des ordures ménagères est un acte réglementaire à caractère général et absolu applicable aux usines d’incinération de capacité inférieure à six tonnes par heure, exploitée depuis une date antérieure au 8 mars 1991 ; qu’il est constant que l’usine d’incinération de [Localité 3] relevait de cette catégorie, l’arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 14 janvier 1999 ayant à ce titre imposé à l’UIOM de [Localité 3] de respecter les règles de l’arrêté ministériel du 25 janvier 1991, celles-ci étant édictées pour préserver la santé publique des conséquences néfastes des rejets de polluants ; qu’il résulte de l’information que l’UIOM de [Localité 3] ne respectait pas les dispositions de cet arrêté ministériel et qu’elle dépassait très largement les valeurs maximales d’émissions notamment de poussières autorisées et prescrites par voie réglementaire ; que le non-respect de ces normes s’est poursuivi malgré les deux mises en demeure successives adressées au SIGUAM le 5 septembre 2001 puis le 11 décembre 2001 par le préfet de Seine-et-Marne lui donnant injonction de respecter les normes de l’arrêté ministériel du 25 janvier 1991 ; que ces arrêtés de mise en demeure faisaient suite à des enquêtes réalisées par la DRIRE et notamment celle du 6 décembre 2000 qui concluait que l’installation de [Localité 3] a fait l’objet de travaux pour la rendre conforme aux conditions imposées par l’arrêté ministériel du 25 janvier 1991 mais que pour ce qui concerne les dispositions applicables au 1er décembre 2000 relatives aux normes d’émission des rejets gazeux d’incinération, les valeurs de concentrations limites en polluants imposées ne sont pas respectées pour le monoxyde de carbone : 370 mg/Nm3 en moyenne sur l’année 2000 pour une limite de 100, les poussières : 65 mg/Nm3 en moyenne sur l’année 2000 pour une limite de 30, l’acide chlorhydrique : 463 mg/Nm3 en 1999 pour une limite de 50 ; que les personnes responsables de l’usine d’incinération de [Localité 3] au sens de l’article 121-2 du code pénal avaient connaissance que l’incinérateur dépassait largement les limites des rejets autorisés compte tenu des nombreuses alertes qui leur ont été transmises tant par la préfecture que par les maires des communes ou les associations de riverains ; que, de plus, une réunion concernant la mise en conformité de l’usine d’incinération de [Localité 3] avec l’arrêté ministériel du 25 janvier 1991 relatif aux installations d’incinération de résidus urbains avait été organisée le 13 novembre 2000 à la préfecture de la Seine-et-Marne à laquelle participait M. [R] [L], vice-président du SIGUAM, M. [B] [D], directeur du SIGUAM, et M. [J] [T] représentant également le SIGUAM et dont le compte rendu indiquait que les tableaux produits par M. [D] montrent que la qualité des fumées s’est sensiblement améliorée sans toutefois respecter la totalité des critères établis par la réglementation" ; qu’ainsi l’exploitation de l’usine d’incinération s’est poursuivie de manière délibérée, pendant la période visée à la prévention, sans que soient respectées les prescriptions de l’arrêté ministériel du 25 janvier 1991 ; que l’UIOM de [Localité 3] a dégagé des poussières sur lesquelles se fixent dioxines, furannes et autres polluants pendant plusieurs années et que les recherches et études réalisées sur les dioxines et furannes démontrent que la dioxine TCDD 2-3-7-8 accroît très fortement le risque de cancer et donc, le risque de mort ; que les dioxines sont des substances dangereuses dont les effets touchent pratiquement toutes les fonctions, l’immunité, le développement, le système nerveux, la thyroïde, la reproduction et le métabolisme ; que les expertises et études figurant au dossier, notamment celle du professeur [G] et les études de l’INVS sur l’incidence des cancers retiennent l’existence d’un risque pour l’être humain ; que les études menées par M. [M], professeur, publiées en 2000, ont établi le risque de cancer pour la population vivant à proximité de l’incinérateur de [Localité 1] ; que ce risque a été confirmé par l’étude de veille sanitaire pour les populations vivant à proximité d’un incinérateur ; qu’il ressort des éléments de la procédure que des cancers sont survenus parmi les habitants de [Localité 2] dans une proportion supérieure à celle habituellement observée dans le reste de la population ; que l’analyse des données réalisée par le professeur [G] montre que le groupe de [Localité 2] ayant résidé pendant une période supérieure à dix ans à proximité d’une UIOM polluante a été fortement surexposé aux dioxines, avec une surcharge corporelle au moins double de celle observée dans la population générale pour la même classe d’âge, l’expert ajoutant que cette situation ne garantissait plus l’innocuité pour les populations ; qu’il est ainsi établi que les populations environnantes de l’usine d’incinération de [Localité 3] ont été exposées à un risque d’une particulière gravité lié à la surexposition au dioxines à l’origine de lymphomes non-hodgkiniens, de sarcomes des tissus mous, de cancers primaires du foie, d’atrophies du thymus et de chloracné, la plupart de ces pathologies étant mortelles ou invalidantes ;

« aux motifs que vainement la CAMVS fait valoir dans son mémoire qu’elle n’existe que depuis le 1er janvier 2002 et qu’elle ne peut donc pas être poursuivie pour des faits antérieurs à cette date ; qu’en application de l’article 121-2 du code pénal, les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants ; que, toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de délégations de service public ; que la communauté d’agglomération a été créée par la loi du 13 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération communale ; qu’aux termes de l’article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales, la communauté d’agglomération est un établissement public de coopération intercommunale ; que l’article L. 5216-5, II, 4°, du même code indique qu’elle a compétence de plein droit aux lieu et place de la commune en matière d’élimination et de valorisation des déchets ménagers et l’article L. 5216-6 du code précité précise qu’elle est substituée de plein droit au syndicat de communes préexistant, pour la totalité des compétences qu’il exerce dont le périmètre est identique au sien ; qu’en conséquence, la responsabilité pénale de la CAMVS peut être recherchée par application de l’article 121-2, alinéa 2, du code pénal ; qu’il ressort de l’information que l’usine d’incinération de [Localité 3] a fonctionné de 1965 au 15 juin 2002 ; que le titulaire de l’autorisation d’exploitation a été le syndicat intercommunal de groupement d’urbanisme de l’agglomération Melanaise (SIGUAM) puis la communauté d’agglomération Melun-Val-de-Seine (CAMVS) à compter du 1er janvier 2002 ; que la disparition du sigle SIGUAM au profit de la CAMVS ne résulte que d’un changement de dénomination conformément aux termes du code général des collectivités territoriales et de l’article 2 de l’arrêté préfectoral du 5 décembre 2001 créant la CAMVS ; que l’arrêté préfectoral du 5 décembre 2001 créant la CAMVS prévoit d’ailleurs expressément que la CAMVS assure la continuité juridique du SIGUAM, l’article 5 dudit arrêté étant ainsi rédigé : "la communauté d’agglomération Melun-Val-de-Seine est substituée de plein droit au syndicat intercommunal de groupement d’urbanisme de l’agglomération melunaise, dans les conditions prévues à l’article L. 5216-6 du code général des collectivités territoriales ; que l’ensemble des biens, droits et obligations et personnels dudit syndicat sont transférés à la communauté d’agglomération de Melun-Val-de-Seine" ; que, s’agissant de l’argumentation développée au mémoire de la CAMVS, selon laquelle c’est le syndicat des eaux de Melun qui exploitait et non cette dernière, il sera rappelé que le contrat d’exploitation de l’installation considérée, aux termes duquel la société des eaux de Melun était prestataire de service depuis 1968, a fait l’objet d’un avenant, suivant délibération du SIGUAM du 19 décembre 2001, prévoyant la reconduction du marché pour une année supplémentaire, dans l’attente de la mise en exploitation de la nouvelle usine, cet avenant ayant pris effet au 1er janvier 2002, date du changement de dénomination du SIGUAM, toutes choses restant égales par ailleurs ; qu’ainsi la personne morale ayant continué à exister elle ne peut soutenir que les arrêtés préfectoraux visés à la prévention n’étaient pas connus de la CAMVS et elle ne peut valablement s’affranchir des obligations dont elle avait pleine connaissance pour lui avoir été notifiées, et qui s’imposaient à elle, en sa qualité de propriétaire exploitante de l’installation, et restant à ce titre, responsable de la mise en conformité réglementaire au regard des risques qu’elle savait encourus par la population ; qu’il existe dès lors des charges suffisantes à l’encontre de la communauté d’agglomération Melun-Val-de-Seine d’avoir, entre le 12 mars 2002 et le 15 juin 2002, commis l’infraction de poursuite d’une installation classée sans se conformer aux arrêtés préfectoraux, et celle de mise en danger de la personne d’autrui pour la période comprise entre le 14 janvier 1999 et le 15 juin 2002 » ;

« 1°) alors que le principe de la personnalité de la responsabilité pénale interdit de renvoyer devant le tribunal correctionnel un établissement public de coopération intercommunale à raison de faits, antérieurs à sa constitution, en janvier 2002, relatifs à l’exposition des habitants à un risque de pollution et aux suites données à des injonctions préfectorales de 2011 au seul SIGUAM, syndicat intercommunal auquel l’établissement public requérant a succédé ; que la personne morale nouvelle ayant légalement succédé à un syndicat intercommunal ne saurait être tenue de faits pénalement reprochables audit syndicat ou à la société d’exploitation de l’usine litigieuse ; qu’en décidant le contraire à la faveur de motifs erronés sur l’existence d’un simple changement de dénomination sociale, la cour a violé les textes et principes cités au moyen ;

« 2°) alors que subsidiairement, la chambre de l’instruction n’a identifié aucun organe ou représentant de la personne morale ayant commis une infraction pour le compte de cette dernière ; que de ce chef encore, le renvoi correctionnel de la personne morale heurte les règles et principes cités au moyen ;

« 3°) alors que, plus subsidiairement encore, l’article 223-1 du code pénal sanctionne le fait d’exposer délibérément et directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures par la violation d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ; que la chambre de l’instruction ne caractérise aucune « volonté délibérée » de méconnaître une obligation légale ou réglementaire et pas davantage de causalité directe et immédiate entre la violation prétendue d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité et l’existence du risque allégué au nom des parties civiles" ;

Attendu que le moyen revient à critiquer les énonciations de l’arrêt relatives aux charges que la chambre de l’instruction a retenues contre la CAMVS, collectivité publique, qui s’est substituée au SIGUAM le 1er janvier 2002 et a poursuivi elle-même l’exploitation de l’usine d’incinération jusqu’au 15 juin 2002 ; que ces énonciations ne présentant aucune disposition que le tribunal saisi de la poursuite n’aurait pas le pouvoir de modifier, le moyen est irrecevable en application de l’article 574 du code de procédure pénale ;

Par ces motifs :

DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;

Dit n‘y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six décembre deux mille seize ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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Cour de cassation, Chambre criminelle, 6 décembre 2016, 16-84.350, Inédit