Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 juin 2018, 17-86.732, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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www.hiridjee-avocat.com · 1er février 2019

Le paiement de la pension alimentaire passe avant le remboursement d'un crédit immobilier Cass. crim. 20 juin 2018, n° 17-86732 A la suite d'une ordonnance de non conciliation, le père est condamné à payer une pension alimentaire à son épouse (devoir de secours) et à leur enfant commun (contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant). Celui-ci ne s'exécutant pas, la mère dépose plainte pour abandon de famille. Devant la cour d'appel, le père, qui a reconnu ne s'être acquitté qu'imparfaitement de ses obligations, faisait valoir que ses revenus avaient chuté et que ses charges, …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 20 juin 2018, n° 17-86.732
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 17-86.732
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Bordeaux, 27 septembre 2017
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000037135815
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:CR01532
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Sur les parties

Texte intégral

N° A 17-86.732 F-D

N° 1532

CG10

20 JUIN 2018

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— 

M. Gérard Z… ,

contre l’arrêt de la cour d’appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 28 septembre 2017, qui, pour abandon de famille, l’a condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 24 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M.de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller de LAROSIÈRE de CHAMPFEU, les observations de la société civile professionnelle COUTARD et MUNIER-APAIRE et de la société civile professionnelle LE BRET-DESACHÉ avocats en la cour, et les conclusions de M. l’avocat général WALLON ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 122-2, 132-1, 227-3 et 227-29 du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. Gérard Z… coupable du délit d’abandon de famille, l’a condamné à une peine de deux mois d’emprisonnement avec sursis et, sur l’action civile, l’a déclaré responsable du préjudice subi par Mme Anne Y… et l’a condamné à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages -intérêts en réparation de son préjudice, ainsi que celles de 800 euros et 1 200 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

« aux motifs propres qu’il ressort de la procédure que, selon ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 12 mars 2015, M. Z… a été condamné à payer à son épouse une pension alimentaire mensuelle de 3 000 euros à son profit ainsi qu’une pension alimentaire mensuelle de 1 000 euros à titre de contribution à l’éducation de leur enfant commun A…, née le […] ; que par arrêt de la cour de céans en date du 1er décembre 2015, statuant en matière familiale, ces pensions étaient réduites, à compter du 12 mars 2015, respectivement à 2 000 euros par mois pour l’épouse et à 600 euros par mois pour l’enfant ; qu’entendu le 22 mars 2016, suite à la plainte pour abandon de famille déposée le 26 février précédent par son épouse, le prévenu reconnaissait que sur la période courue du mois d’août 2015 au mois de février 2016 il n’avait versé que 2 200 euros pour son épouse ; qu’il précisait qu’il ne pouvait pas s’acquitter de la pension due au titre du devoir de secours du fait de charges devenues disproportionnées par rapport à ses revenus actuels, ayant chuté de manière importante ; que devant la cour, le prévenu maintient cette argumentation en précisant que ses charges d’investissement contractées durant les années 2007 à 2009, antérieurement au divorce, ne lui permettent pas de s’acquitter de telles obligations alimentaires ; que l’élément matériel de l’infraction se trouve donc incontestablement caractérisé, le défaut de paiement du montant intégral de la pension due au titre du devoir de secours à l’épouse durant plus de deux mois étant reconnu par le prévenu ; que, s’agissant de l’élément moral de l’infraction, il convient de rappeler tel que noté par le jugement déféré, par erreur matérielle dans le dispositif et non dans la motivation de la décision, que le délit d’abandon de famille constitue un délit intentionnel, nécessitant que soient démontrées chez le prévenu la conscience et la volonté de refuser de s’acquitter pendant plus de deux mois de l’obligation alimentaire lui incombant ; que, cependant, aux termes d’une jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation, seule une impossibilité absolue de payer s’avère admise comme pouvant seule constituer une contrainte, cause d’irresponsabilité pénale ; qu’en l’espèce, si le fait que le prévenu se soit acquitté prioritairement de la pension destinée à l’enfant ne permet pas d’en déduire automatiquement un refus intentionnel de sa part de s’acquitter de la pension destinée à son épouse, il ressort néanmoins des décisions judiciaires ayant statué sur le montant de ces pensions pour la période concernée par la prévention que les charges financières, certes importantes, mais aussi les revenus de son activité de médecin spécialiste, certes en diminution mais toujours relativement importants, ont été précisément étudiés et que, de par l’existence de ces revenus, loin d’être négligeables, le prévenu ne rapporte pas la preuve lui incombant d’une impossibilité absolue de s’acquitter de ces pensions ; qu’il peut, au surplus, être notamment relevé que la dernière décision du 27 septembre 2016 notait que selon un bail établi le 5 janvier 2016 le prévenu avait augmenté ses charges et que même s’il démontre avoir procédé à des renégociations de prêts immobiliers afférents à un patrimoine foncier conséquent, il n’en demeure pas moins qu’il avait également la possibilité de vendre des biens immobiliers acquis depuis l’année 1993, dont il est toujours propriétaire et dont les emprunts ne sont plus que minimes ; que l’ensemble de ces éléments ne peut donc permettre de considérer que le prévenu ait apporté la preuve d’une impossibilité absolue de payer les pensions lui incombant ; qu’en conséquence, l’infraction étant caractérisée en tous ses éléments, le jugement déféré sera confirmé sur la culpabilité ; que la peine prononcée de deux mois d’emprisonnement assortis en totalité du sursis, adaptée aux faits et à la personnalité du prévenu, doit également être confirmée ;

« et aux motifs partiellement adoptés qu’il résulte des éléments du dossier que les faits reprochés à M. Z… sont établis ; qu’il convient de l’en déclarer coupable et d’entrer en voie de condamnation ; M. Z… n’a pas été condamné au cours des cinq années précédant les faits pour crime ou délit de droit commun aux peines prévues par les articles 132-30, 132-31 et 132-33 du code pénal ; qu’il peut, en conséquence, bénéficier du sursis simple dans les conditions prévues par les articles 132-29 à 132-34 de ce même code ; [

] que l’élément intentionnel du délit d’abandon de famille ne saurait être déduit du seul défaut de paiement ; qu’en l’espèce, cet élément intentionnel résulte du paiement intégral de la pension alimentaire due au titre de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant et de la carence totale dans la pension due au titre du devoir de secours ; qu’en considération des revenus mensuels du prévenu, qui perçoit des ressources mensuelles de l’ordre de 7 000 euros uniquement au titre de ses revenus professionnels, il est établi qu’en réalité M. Z… s’abstient délibérément de payer la pension due au titre du devoir de secours que ses revenus lui permettent de régler ;

« 1°) alors que le juge ne peut motiver sa décision par référence à d’autres décisions de justice ; qu’ainsi, l’élément intentionnel du délit d’abandon de famille ne peut se déduire de l’existence préalable d’une décision civile ayant apprécié les capacités financières du débiteur de la pension alimentaire ; qu’il incombe au juge pénal de rechercher lui-même si le débiteur établit qu’il est dans l’impossibilité absolue de payer la pension alimentaire fixée par cette décision civile ; qu’ainsi, la cour d’appel ne pouvait affirmer que M. Z… n’apportait pas la preuve d’une impossibilité absolue de payer les pensions lui incombant en se bornant à énoncer qu’il disposait de « revenus, certes en diminution, mais toujours relativement importants » et de charges « certes importantes », ce qui ne met pas la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et en se bornant à se référer aux décisions judiciaires ayant statué sur le montant de ces pensions au prétexte qu’elles avaient précisément étudié ses revenus et ses charges, d’une part, sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il justifiait de ressources et de charges mensuelles réellement acquittées, dont notamment le remboursement personnel et mensuel de 1 438 euros au titre du prêt contracté par la société Capeyron Jeunesse auprès du Crédit Maritime du Littoral pour financer la construction du domicile conjugal, ni vérifier s’il en résultait que les charges de M. Z… excédaient ses revenus et si, enfin, ce déficit était compensé chaque mois par les parents du demandeur, ce qui démontrait qu’il était dans l’impossibilité absolue de payer les pensions mises à sa charge ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision ;

« 2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter en lui-même les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu’en énonçant, pour retenir que M. Z… n’apportait pas la preuve d’une impossibilité absolue de payer les pensions lui incombant, au prétexte qu’il avait la possibilité de vendre des biens immobiliers acquis depuis l’année 1993, dont il était toujours propriétaire et dont les emprunts n’étaient plus que minimes, sans répondre aux conclusions par lesquelles le demandeur faisait valoir qu’il s’agissait de biens indivis avec ses parents, d’une part, que leur valeur était inférieure au solde restant dû sur le prêt contracté pour son acquisition, d’autre part, et qu’enfin, il constituait en partie son domicile personnel, la cour d’appel qui n’a ni répondu ni tenu compte de ses obstacles, juridiques, financiers et personnels, a entaché sa décision d’un défaut de motifs ;

« 3°) alors qu’en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l’infraction, de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu’en condamnant M. Z… , en répression du délit d’abandon de famille dont il a été déclaré coupable, à une peine d’emprisonnement de deux mois avec sursis en se bornant à énoncer, de façon abstraite et générale, que cette peine était « adaptée aux faits et à la personnalité du prévenu » et sans s’expliquer sur la situation personnelle de ce dernier, qui ne pouvait se déduire de la seule circonstance qu’il n’avait jamais été condamné, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision" ;

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que, par arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, du 1er décembre 2015, M. Z… a été condamné à verser deux pensions alimentaires mensuelles, l’une, de 2 000 euros, au profit de son épouse, au titre du devoir de secours, l’autre, de 600 euros, pour contribuer à l’entretien de l’enfant commun ; que, pour déclarer le prévenu coupable du délit d’abandon de famille, la cour d’appel retient qu’entre août 2015 et février 2016, s’il a payé prioritairement la pension fixée pour l’entretien de l’enfant, il n’a versé que la somme totale de 2 200 euros à son épouse au titre du devoir de secours ; que l’arrêt énonce que, si le prévenu soutient que les charges de remboursement d’emprunts qu’il a contractés pour financer des investissements l’empêchent de s’acquitter de toutes ses obligations alimentaires, ses ressources et ses charges ont été étudiées de manière précise par les juridictions qui ont fixé le montant des pensions dont il est redevable ; que l’arrêt attaqué ajoute qu’en raison de ses revenus, le prévenu ne rapporte pas la preuve qu’il se soit trouvé dans l’impossibilité absolue de payer les pensions mises à sa charge ;

Attendu qu’en cet état, si c’est à tort que la cour d’appel a inversé la charge de la preuve de l’insolvabilité du prévenu, sa décision n’encourt pas la censure, dès lors qu’il résulte des pièces de procédure que M. Z… percevait des revenus mensuels d’un montant total de 8 632 euros au cours de la période visée par la prévention et qu’il s’en déduit qu’il pouvait faire face à l’ensemble de ses obligations alimentaires, en affectant, de manière prioritaire, ses ressources au paiement des pensions alimentaires mises à sa charge, plutôt qu’au remboursement d’emprunts destinés à financer des investissements immobiliers ;

Qu’ainsi, les griefs, abstraction faite d’une énonciation surabondante critiquée par la deuxième branche du moyen, ne peuvent être admis ;

Sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu que, pour confirmer la peine de deux mois d’emprisonnement avec sursis prononcée par les premiers juges, la cour d’appel énonce que M. Z… est chirurgien, qu’il n’a jamais été condamné, et que la peine appliquée en première instance est adaptée aux faits et à la personnalité du prévenu ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, de l’inventaire du patrimoine et de l’analyse des ressources et des charges du prévenu à laquelle elle a procédé, ce dont il résulte qu’elle a fondé son appréciation en considération de la situation familiale, matérielle et sociale du requérant, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation , pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, 1240 du code civil, défaut de motifs ;

« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a, sur l’action civile, déclaré M. Z… responsable du préjudice subi par Mme Y… et l’a condamné à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, ainsi que celles de 800 euros et 1 200 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

« aux motifs propres que sur l’action civile, le tribunal a justement pris en compte tous les éléments de la procédure pour déterminer le préjudice de la partie civile et sa réparation ; qu’en conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ses dispositions civiles ;

« et aux motifs adoptés qu’il y a lieu de déclarer recevable en la forme la constitution de partie civile de Mme Y… ; Mme Y…, partie civile, sollicite la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 euros) en réparation du préjudice qu’elle a subi ; qu’au vu des éléments du dossier, il convient de faire droit partiellement à cette demande et de lui allouer la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) pour tous les faits commis à son encontre »

« alors que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que l’insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; que, saisie de la constitution de partie civile de Mme Y…, qui ne produisait aucune pièce pour justifier de l’existence et du montant de son prétendu préjudice, la cour d’appel, pour faire droit à sa demande d’indemnisation et lui allouer une indemnité de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts, s’est bornée à affirmer que le tribunal – dont la motivation se limitait pourtant au seul visa « des éléments du dossier » – avait « justement pris en compte tous les éléments de la procédure pour déterminer le préjudice de la partie civile et sa réparation » ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et a entaché sa décision d’un défaut de motifs" ;

Attendu qu’en évaluant, comme elle l’a fait, la réparation du préjudice résultant, pour la partie civile, de l’infraction, la cour d’appel n’a fait qu’user de son pouvoir d’apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l’indemnité propre à réparer le dommage né de l’infraction ;

Qu’ainsi, le moyen ne peut qu’être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. Z… devra payer à Mme Anne Y… en application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt juin deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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