Cour de cassation, Chambre sociale, 15 mai 2019, 17-20.615, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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CMS Bureau Francis Lefebvre · 29 juillet 2022

Tout employeur a tendance à attendre de la part de ses salariés, surtout lorsqu'ils occupent des fonctions de direction, une certaine réserve ainsi qu'une pleine adhésion à la politique de l'entreprise. Il est en effet légitime de considérer que l'équipe de direction doit adhérer à la même stratégie, sauf à risquer de porter atteinte à la bonne marche de l'entreprise. Aussi, un salarié ayant manifesté une vive opposition ou une profonde divergence de point de vue, ou ayant proféré d'importantes critiques à l'égard de son employeur devrait pouvoir faire l'objet d'une mesure de …

 

CMS · 29 juillet 2022

Tout employeur a tendance à attendre de la part de ses salariés, surtout lorsqu'ils occupent des fonctions de direction, une certaine réserve ainsi qu'une pleine adhésion à la politique de l'entreprise. Il est en effet légitime de considérer que l'équipe de direction doit adhérer à la même stratégie, sauf à risquer de porter atteinte à la bonne marche de l'entreprise. Aussi, un salarié ayant manifesté une vive opposition ou une profonde divergence de point de vue, ou ayant proféré d'importantes critiques à l'égard de son employeur devrait pouvoir faire l'objet d'une mesure de licenciement. …

 

www.sancy-avocats.com · 1er mai 2021

Les objectifs d'un salarié, conditionnant une partie de sa rémunération, peuvent être définis unilatéralement par l'employeur. Lorsque les objectifs sont ainsi fixés, l'employeur ne dispose pas d'une latitude totale. La Cour de cassation vient de le rappeler. 1/ Le principe : l'employeur peut fixer les objectifs de manière unilatérale Selon une jurisprudence classique de la Cour de cassation, les objectifs d'un salarié peuvent être définis par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction (Cass. soc. 22-5-2001 n° 99-41.838). Cependant, si le contrat prévoit que la fixation des …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 15 mai 2019, n° 17-20.615
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 17-20.615
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Lyon, 4 mai 2017, N° 16/00252
Textes appliqués :
Articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, ce dernier texte dans sa rédaction alors applicable.

Articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000038508148
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:SO00763
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

CH.B

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 15 mai 2019

Cassation partielle

M. CHAUVET, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 763 F-D

Pourvoi n° J 17-20.615

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. MQ… W…, domicilié […],

contre l’arrêt rendu le 5 mai 2017 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l’opposant à la société Eurocave, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

La société Eurocave a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 2 avril 2019, où étaient présents : M. Chauvet, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. W…, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Eurocave, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. W… a été engagé le 1er octobre 2010 par la société Eurocave en qualité de directeur général ; qu’il a été licencié pour faute grave le 6 décembre 2011 ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l’employeur :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié :

Vu les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l’arrêt retient qu’à compter du mois de mars 2011, il apparaît que le salarié a, lors des comités de direction et des comités exécutifs auxquels il participait, affiché une divergence fréquente avec les enjeux stratégiques, que cette position affichée de divergence est ainsi exprimée dans un document de travail que le salarié a remis au consultant désigné par la direction pour mener un séminaire de réflexion stratégique et qui a, dans ce cadre, interviewé les cadres de la société, que l’attestation du consultant confirme que ce document, remis par le salarié spontanément, expose de manière très nette la position négative de ce dernier sur la stratégie menée, qu’il devait pourtant soutenir de par ses fonctions, ainsi que les termes excessifs tenus à l’encontre du PDG en ces termes « Un PDG en mode panique », « une équipe de direction qui ne comprend plus son PDG », qu’il importe peu que le consultant ait été ou non tenu à la confidentialité, qu’il n’en reste pas moins qu’en lui remettant ce document de travail, le salarié a exprimé publiquement et de manière excessive ses divergences avec son PDG alors qu’il était pourtant tenu à son endroit à une obligation de loyauté, que si les autres documents retrouvés dans son ordinateur et allégués par l’employeur à l’appui de la mesure de licenciement n’ont pas fait l’objet de diffusion publique, tel le projet de mail à un actionnaire de la société Eurocave (société Qualis) ou la lettre anonyme dans laquelle le salarié, se présentant comme un employé de la société, critique les décisions prises par la direction, indiquant en outre qu’elles sont contraires à l’opinion de « plusieurs personnes de la direction » ou encore le courriel adressé à Mme G…, dans laquelle il indique que le PDG « est visiblement reparti sur une paranoïa aigüe », il n’en reste pas moins que ces écrits, dont le salarié ne nie pas être l’auteur, confirment clairement sa divergence profonde envers sa direction, que sur ce point, les attestations produites par le salarié et émanant de plusieurs collègues, membres ou non du comité exécutif ne permettent pas de retenir que les divergences exprimées n’avaient pas de caractère excessif, que s’agissant des propos dénigrants envers le PDG, l’employeur produit la seule attestation du consultant qui rapporte que le salarié a tenu des propos virulents à l’encontre du PDG fin novembre 2011, que toutefois ces propos dont la teneur exacte n’est pas rapportée ont été tenus alors que la procédure de licenciement avait été lancée et ne peuvent donc être invoqués comme cause de celui-ci, qu’il résulte des éléments produits aux débats que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement était bien fondé sur une faute grave ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le document remis par le salarié au consultant, qui était chargé de mener une réflexion sur la stratégie du groupe et d’interroger les cadres, ne comportait pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, et que les autres documents retrouvés dans l’ordinateur n’avaient pas fait l’objet d’une diffusion publique, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen du pourvoi principal du salarié :

Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, ce dernier texte dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que pour condamner la société à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation contractuelle de fixer les objectifs permettant le calcul de la rémunération variable pour 2011, l’arrêt retient que début janvier 2011, l’employeur a fait connaître à l’ensemble des cadres des objectifs à atteindre à laquelle était annexé un tableau reprenant les objectifs individuels et indiquant qu’il convenait d’en discuter afin d’affiner les chiffres, que si aucun document ne permet de confirmer que le salarié a validé ces chiffres, il n’apparaît pas qu’il les ait contestés, qu’ayant été licencié début décembre 2011 il aurait donc dû à cette date connaître les éléments chiffrés concernant l’EBIT comme les objectifs atteints aux fins que soit calculée la prime d’objectifs à laquelle il a contractuellement droit, qu’en ne le faisant pas, et sans pouvoir lui reprocher sa carence dans l’administration de la preuve alors qu’il s’agit d’éléments comptables qu’elle seule détient, la société a manqué à son obligation contractuellement prévue et a privé le salarié d’une chance d’améliorer sa rémunération, lui causant ainsi un préjudice certain qui sera réparé par l’allocation d’une somme de 17 500 euros à titre de dommages-intérêts ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’en l’absence de fixation des objectifs, il lui appartenait de fixer le montant de la rémunération variable pour l’exercice 2011 en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes, et, à défaut, des données de la cause, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare irrecevable la demande de la société Eurocave tendant à faire juger non fondée l’ordonnance rendue le 29 mai 2012 par le bureau de conciliation présidé par le juge départiteur, l’arrêt rendu le 5 mai 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société Eurocave aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. W… ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. W….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait dit et jugé que le licenciement de M. W… était fondé sur une faute grave et d’avoir en conséquence écarté ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; que l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; que la lettre de licenciement adressée à Monsieur W… est la suivante :

« Monsieur,

Malheureusement, nous sommes au regret d’avoir constaté à votre encontre de graves agissements dans l’accomplissement de votre mission. Cette situation nous a contraints à envisager la rupture de votre contrat de travail et nous vous avons reçu en entretien préalable le 28 novembre 2011 afin d’entendre vos explications sur les faits qui vous sont reprochés.

Eu égard à l’importance de vos responsabilités, nous avons été dans l’obligation de vous placer en mise à pied à titre conservatoire durant la procédure.

En effet, vous avez été embauché le 5 octobre 2010 en tant que Directeur général de l’activité Eurocave Professionnel. Votre contrat de travail vous plaçait directement sous le lien de subordination du président.

En ayant la responsabilité de ce réseau vous aviez comme principale fonction d’être le relais et le premier soutien du président dans le pilotage du groupe Eurocave.

Malgré l’impérieuse nécessité de loyauté qu’impose votre fonction de direction générale, vous avez par vos actions porté gravement atteinte à l’autorité et à la crédibilité de votre employeur.

Votre liberté de comportement est d’autant plus grave au regard de votre faible ancienneté dans l’entreprise.

À compter du mois de mars votre collaboration avec la Présidence du groupe Eurocave est devenu difficile avec des enjeux stratégiques non partagés. Cette situation s’est dégradée au cours de ces derniers mois avec des dénigrements publics et répétés envers le président et une diffusion d’informations contradictoires à votre entourage professionnel.

À titre d’exemples nous avons notamment relevé les faits suivants :

— Divergence fréquente et affichée sur les enjeux stratégiques : le transfert de la production du site d’Albon sur le site de Fourmies, la fabrication du Sowine en Chine, le lancement de la gamme EcoCave, la stratégie de la marque ARTEVINO.

— Dénigrement public de la direction : « Le Président fonctionne en mode panique », « Le Président déstabilise en permanence l’organisation », « Le Président est en mode l’engeance » [sic]

— Retranscription constante par vos soins de ce qui était dit par le Président en comité de direction.

Le document remis par vos soins à notre consultant en charge de préparer le séminaire stratégique de la société Eurocave, est venu très nettement confirmer ces faits. Déloyauté, perte de confiance, intention de nuire.

Au regard de l’importance du poste que vous occupiez votre comportement caractérise une violation grave de votre obligation de loyauté envers votre employeur.

Nous avons été informés de l’existence d’un projet de lettre anonyme fomenté par vos soins.

Ce qui corrobore votre volonté affichée et délibérée, depuis plusieurs semaines de nuire à l’entreprise.

À aucun moment vous n’avez alerté la présidence des craintes d’une partie des membres du comité de direction. Vous avez délibérément opté pour une attitude d’omission, de mensonge voire de sabotage envers la présidence.

Vous avec sciemment déstabilisé les membres du comité de direction, pour augmenter leurs inquiétudes afin de faire entrave aux pouvoirs de la présidence.

L’enquête nous a amenés à confirmer notre sentiment et nos doutes croissant à votre égard.

Les nombreuses preuves et témoignages recueillies que nous avons fait constater par voie d’huissier font clairement apparaître une intention manifeste de nuire au Président.

L’ensemble de ces fautes a été de nature à nous faire perdre définitivement toute la confiance que nous avions pu vous accorder.

Au cours de l’entretien nous avons précisément écouté votre sentiment sur les faits reprochés.

Malheureusement vos arguments n’ont pas été de nature à remettre en cause la réalité de vos fautes.

Compte tenu de ce qui précède le maintien de votre contrat de travail s’avère impossible même pendant le préavis. Ce qui nous oblige à rompre notre collaboration pour faute grave.

Votre licenciement prend donc effet par la présente lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement. Cependant, cette rupture ne fait pas obstacle eu bénéficie de vos droits auprès du Pôle emploi.

La mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l’objet depuis le 18 novembre 2011 à 18h50 ne pourra pas vous être rémunérée.

Malgré la qualification atténuée que nous avons souhaité retenir, les faits reprochés caractérisent une faute lourde de nature à engager votre responsabilité personnelle.

Nous nous réservons ainsi le droit d’envisager toute poursuite judiciaire supplémentaire en indemnisation du préjudice subi, si nous devions découvrir d’autres éléments de nature à l’aggraver.

Enfin, nous vous informons que votre contrat de travail comporte une clause de non concurrence à laquelle nous entendons expressément renoncer. À ce titre, vous serez donc libre de tout engagement.

Néanmoins, nous vous rappelons qu’il vous est interdit de communiquer à qui que ce soit les procédés de réalisation ou les méthodes commerciales ou toutes autres informations ou documents quel que soit leurs natures qui seraient en votre possession ou dont vous auriez eu connaissance et à plus forte raison d’en faire l’emploi pour votre compte personnel ou pour le compte d’une autre entreprise. Nous vous demandons de bien vouloir vous présenter au bureau de Madame L…, le 15 décembre 2011 à 19H afin de :

— percevoir votre dernière paie, votre certificat de travail et votre attestation Pôle Emploi,

— restituer les biens de la société en votre possession : véhicule de fonction, papiers et clefs du véhicule, carte totale, (phone, carte 3G+, badge du parking, badge d’entrée, cane totale, dernières notes de frais, ainsi que tous documents appartenant à la société

— de nous remettre tous documents, fichiers informatiques en votre possession concernant des informations relatives au Groupe EuroCave » ;

que la société EUROCAVE reproche donc à Monsieur W… des divergences fréquentes et affichées sur les enjeux stratégiques, un dénigrement public de la direction, une déloyauté, une perte de confiance et une intention de nuire ; qu’il est constant que si le salarié jouit eu sein de l’entreprise et en dehors de celle-ci d’une liberté d’expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées eu but recherché, il ne peut abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; qu’il est également constant que l’examen du caractère excessif des propos tenus par un salarié dépend non seulement des propos en eux-mêmes mais également du poids qui peut leur être accordé en raison de la position du salarié dans l’entreprise ; qu’ainsi, un cadre dirigeant est tenu à une obligation de réserve et de loyauté renforcée par rapport à un simple employé ; que Monsieur W… occupait au sein de la société EUROCAVE PROFESSIONNAL, les fonctions de Directeur Général rattaché directement au PDG du GROUPE EUROCAVE, Monsieur D… ; qu’il devait, en collaboration directe avec lui, développer le marché des applications à usage professionnel et définir, ajuster et mettre en oeuvre la stratégie générale pour développer cette activité ; qu’il s’engageait par ailleurs, pour l’exécution de sa fonction, à respecter les directives qui lui seront données et qui concernent la direction de la société ; qu’il était également membre du comité de direction du Groupe EUROCAVE ; qu’à compter du mois de mars 2011, il apparaît cependant, comme le démontre la société EUROCAVE, que Monsieur W… a, lors des comités de direction et des comités exécutifs auxquels il participait, affiché une divergence fréquente avec les enjeux stratégiques ; que cette position affichée de divergence est ainsi exprimée dans un document de travail que Monsieur W… a remis à Monsieur S…, consultant désigné par la direction pour mener un séminaire de réflexion stratégique et qui a, dans ce cadre, interviewé les cadres de la société et notamment Monsieur W… ; que l’attestation de Monsieur S… confirme que ce document remis par Monsieur W… spontanément, expose de manière très nette la position négative de ce dernier sur la stratégie menée, qu’il devait pourtant soutenir de par ses fonctions, ainsi que les termes excessifs tenus à l’encontre du PDG Monsieur D… en ces termes : « Un PDG en mode panique », « une équipe de direction qui ne comprend plus son PDG » ; qu’il importe peu que Monsieur S… ait été ou non tenu à la confidentialité ; qu’il n’en reste pas moins qu’en lui remettant ce document de travail, Monsieur W… a exprimé publiquement et de manière excessive ses divergences avec son PDG, alors qu’il était pourtant tenu à son endroit à une obligation de loyauté ; que si les autres documents retrouvés dans son ordinateur et allégués par l’employeur à l’appui de la mesure de licenciement, n’ont pas fait l’objet de diffusion publique, tel le projet de mail à un actionnaire de la société EUROCAVE (société QUALIS) ou la lettre anonyme dans laquelle Monsieur W…, se présentant comme un employé de la société, critique les décisions prises par la direction, indiquant en outre qu’elles sont contraires à l’opinion de « plusieurs personnes de la direction » ou encore le courriel adressé à Mme G…, dans laquelle il indique que RB… D… « est visiblement reparti sur une paranoïa aiguë », il n’en reste pas moins que ces écrits, dont Monsieur W… ne nie pas être l’auteur, confirment clairement sa divergence profonde envers sa direction ; que, sur ce point, les attestations produites par Monsieur W… et émanant de plusieurs collègues, membres ou non du comité exécutif ne permettent pas de retenir que les divergences exprimées n’avaient pas de caractère excessif ; que s’agissant des propos dénigrants envers Monsieur D…, l’employeur produit la seule attestation de Monsieur S… qui rapporte que Monsieur W… a tenu des propos virulents à l’encontre de Monsieur D… fin novembre 2011 ; que toutefois, ces propos dont la teneur exacte n’est pas rapportée ont été tenus alors que la procédure de licenciement avait été lancée et ne peuvent donc être invoqués comme cause de celui-ci ; que sur le manquement de Monsieur W… de manière générale à son obligation de loyauté, la société EUROCAVE établit cependant par la production de l’attestation de Monsieur K… manager d’EUROCAVE GROUPE sur le secteur ASIE PACIFIQUE, que Monsieur W…, par la diffusion d’informations erronées et de sous-entendus appuyés sur un comportement prétendument inapproprié de Monsieur D… envers la DRH du GROUPE EUROCAVE, a cherché à nuire à la réputation et à la crédibilité de ce dernier ; que dans ce contexte, les informations émanant de Monsieur F…, de Mme M… ainsi que la décision judiciaire concernant les liens que Monsieur W… a eu avec un ancien directeur commercial de la société EUROCAVE, licencié pour faute lourde, ne sont pas pertinentes pour établir un manquement à l’obligation de loyauté de Monsieur W… dans le cadre de ses fonctions au sein de cette société ; qu’il résulte toutefois des éléments produits aux débats que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement de Monsieur W… était bien fondé sur une faute grave ; que Monsieur W… sera donc débouté, par confirmation de ce jugement, de toutes demandes indemnitaires découlant d’un licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; que la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l’employeur ; que Monsieur W… occupait les fonctions de Directeur Général Eurocave Professionnel, statut Cadre dirigeant, reportait directement au Président de la Société EUROCAVE Monsieur D…, était membre du Comité de Direction et avait pour mission principale, en collaboration étroite avec le PDG d’EUROCAVE, de développer le marché des applications à usages professionnels destinées à la conservation, la mise en température, le service et le rangement du vin (contrat de travail non régularisé pièce 2 du salarié et mail du 20 décembre 2010 du salarié reprenant le contenu de ses fonctions pièce 1 document 1 de l’employeur) ; que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, reproche au salarié les fautes suivantes : Divergence fréquente et affichée sur les enjeux stratégiques ; que, pour illustrer ce grief l’employeur retient quatre exemples qu’il convient d’examiner successivement ; que s’agissant du transfert de la production du site d’Albon sur le site de Fourmies, l’employeur expose sans être contredit que le projet de transfert a été longuement mûri et mis en place avant même la nomination de Monsieur D… au poste de président lequel à son arrivée a poursuivi la mise en oeuvre du projet « Rebond » avec l’équipe déjà en place (Messieurs Y…, XK… , T…, B… et R… et Madame U…) mais aussi avec des recrutements externes (Madame L…, Messieurs X…, Q…), l’intervention du cabinet ACFOR Conseil chargé de la réussite du transfert de la production en la personne de Messieurs P… et A… (pièces 32 et 33) mais aussi l’intervention de Monsieur W… en qualité de Consultant de la société ADVINEO du 1er juin au 30 septembre 2010 avant d’intégrer la société le 1er octobre 2010 en qualité de Directeur Général de l’activité professionnelle (pièces 8) ; que le comité de pilotage du projet « Rebond » auquel participait Monsieur W… n’a jamais émis la moindre réserve sur la faisabilité de ce transfert ni émis de critiques sur les modalités de mise en oeuvre ainsi que cela ressort du compte-rendu du 17 décembre 2010 et des échanges antérieurs de mails (pièces 11), que c’est parce que des difficultés sont apparues lors du transfert sur le site de FOURMIES que Monsieur W… a par courriel du 22 avril 2011 proposé de rallonger les délais de livraison des clients (pièce 20 du salarié) alors qu’au même moment Monsieur Y… Directeur du site indiquait que tout allait rentrer dans l’ordre dans un délai de 3 à 4 semaines (pièce 11 bis mail du 20 avril de Monsieur Y…) ; que c’est dans ce contexte de double langage et en particulier d’un mail très alarmiste de Monsieur W… du 21 avril qualifiant la situation de FOURMIES de « très kafkaïenne et probablement caractéristique de la façon dont les 2 sites se sont parlés pendant le transfert – avis personnel » (sic) que le président en voyage d’affaires en Chine a fait connaître son mécontentement en relevant que « le pilotage du projet n’est pas assuré, des doubles communications, des décisions non partagées » (mail du 22 avril pièce 11 bis) ; qu’il faut retenir que Monsieur W… a fait savoir a posteriori et dans des termes de nature à remettre en cause la décision prise par la société son opposition alors même qu’il n’avait précédemment émis aucune critique ; que s’agissant de la fabrication du Sowine en Chine, il n’est pas contesté que ce projet, présenté par Monsieur Q… Directeur Marketing & Communication, a été validé en Comité de Direction ; qu’au lieu de faire connaître ses réticences et arguments en temps et heures auprès de la présidence, Monsieur W… a attendu la mise en oeuvre de ce projet pour informer fin juillet 2011 Monsieur BI… C…, un des actionnaires, de difficultés rencontrées par la société ainsi que cela ressort des termes du projet de mail que le salarié se proposait d’envoyer à cet actionnaire (pièce 1 document n° 9, projet du 26 août et n° 15, projet du 29 août) ; que, s’agissant du lancement de la gamme EcoCave ; il n’est pas contesté que ce lancement a été validé par le Comité de Direction auquel Monsieur W… participait, or ce dernier a fin août 2011 adopté une position différente en proposant de « repousser les lancements des gammes meubles et Ecocave pour prendre le temps d’une phase d’industrialisation du nouveau coffre EcoCave réellement complète et éprouvée » (document n° 21 pièce 1) ; que s’agissant de la stratégie de la marque ARTEVINO ; alors que Monsieur W… conclut en page 17 avoir « pu faire état de ses réserves mais uniquement dans l’intérêt de la société », l’intéressé écrivait le 29 août 2011 que « la marque Arte Vino est en danger sur ses référencements, alors qu’en avait été bien redynamisée par MQ… V… et son équipe » (document n° 21 pièce 1) ; qu’alors que le salarié explique « avoir fait part de ses doutes en amont des décisions mais avoir respecté celles-ci une fois adoptées » (conclusions page 17), les exemples sus-visés établissent qu’en réalité Monsieur W… a marqué son opposition ou émis des critiques une fois les décisions prises et, non content d’exprimer un avis divergent auprès des membres du Comité de direction, il n’a pas hésité à le faire savoir à l’extérieur en contactant un actionnaire important, Monsieur C…, de la société QUALIS ; que sur le dénigrement public de la direction, l’employeur illustre ce grief par les propos suivants imputés au salarié : « le Président fonctionne en mode panique », « le Président déstabilise en permanence l’organisation », « le Président est en mode vengeance » et reproche aussi la retranscription constante de ce qui était dit par le Président en comité de direction ; que, dans le projet de mail du 29 août 2011 à l’attention Monsieur BI… C…, Monsieur W… écrit « une équipe de direction qui a perdu le sens et ne comprend plus son PDG qui paraît en mode panique (de nombreuses actions personnelles incompréhensibles et en contradiction avec ce que nous validons en comex) » (pièce 1 document n° 15) et qu’il reprend cette même expression dans le document d’août 2011 remis à Monsieur S… et qui sera retrouvé dans son ordinateur professionnel (pièce 1 document n° 25) ; que, dans un échange de mail avec Madame G…, fournisseur de la Société Monsieur W… écrit le 17 octobre 2011 « il [le président] est visiblement reparti sur une paranoïa aigue » (pièce 1 document n° 17) ; que Monsieur S…, consultant au sein de la société SENSEO CONSEIL en charge de l’animation d’un séminaire de réflexion stratégique et qui le 20 septembre 2011 a conduit un entretien avec Monsieur W… atteste que ce dernier lui a remis à la fin de l’entretien et sans donner aucune consigne de confidentialité – confidentialité que Monsieur W… lui-même ancien consultant n’aurait pas manqué de rappeler à son interlocuteur si tel avait été le sens de sa démarche – un document daté d’août 2011 rédigé par ses soins et qui comportait des termes dénigrants à l’égard du président (pièce 6) ; que cette attestation qui n’a fait l’objet d’aucune procédure pour faux a donc bien une valeur probante ; que Monsieur W… explique ne pas avoir tenu publiquement les propos incriminés, précise que la version finale qu’il a diffusée dans le cadre restreint du comité de direction ne comportait plus ces propos et conteste avoir tenu le propos « le président est en mode vengeance » ; que la publicité des termes dénigrants est établie par la remise du document les comportant à un tiers Monsieur S… ; que, par ailleurs, les termes employés de nature à porter atteinte à la crédibilité et aux compétences professionnelles du président revêtent un caractère excessif ce qui ne permet pas au salarié de se prévaloir de son droit à la liberté d’expression ; que, sur la déloyauté, perte de confiance, intention de nuire, dans l’ordinateur professionnel de Monsieur W… l’employeur a découvert un projet de lettre « anonyme » (pièce 1 document n° 24) ; que Monsieur W… reconnaît avoir écrit ce document mais rappelle qu’il n’a jamais diffusé ou évoqué ce texte ; que le sentiment le salarié dans cet écrit est celui d’une totale défiance à l’égard du président mais aussi un questionnement sur les compétences du dirigeant « qui a mis plusieurs semaines à comprendre et qui nie maintenant les problèmes. C’est devenu un sujet de plaisanterie dans les couloirs, y compris parmi les membres de la direction, qui semblent ne plus savoir comment réagir face à la négation des sujets par Monsieur D…. Par exemple, ils mettent des dates sur les projets juste pour éviter un retour de bâton, peu importe que ce soit réaliste ou pas » et enfin la remise en cause des choix stratégiques décidés pourtant en comité de direction puisque Monsieur W… conclut que « début 2012, des décisions de réduction de coûts et de suppression d’emploi vont vous être annoncées et si c’était juste les conséquences des décisions de Monsieur D… qui n’a pas écouté ? » ; que ce document illustre la volonté de Monsieur W… de ne pas soutenir le président dans la mise en oeuvre des choix arrêtés par ce dernier après examen en comité de direction manifestant par ce document son intention cachée et persistante de se désolidariser de la présidence contrairement à la mission de faire le relais que lui conférait son statut de cadre dirigeant placé sous la seule autorité du PDG ; que Monsieur W… est à l’origine de la rupture du lien de confiance étant rappelé que ce comportement a dépassé le cercle du comité de direction puisqu’il était aussi connu de collaborateurs de la société travaillant en Chine ; qu’en effet Monsieur K… atteste avoir été informé « par les membres de la direction sur l’avenir professionnel de Monsieur D… au sein de l’entreprise ainsi que sa possible éviction en qualité de directeur général » ; que Madame H… déclare « avoir été surprise des remontés d’information voire dénigrement car je reconnais en rien les qualités et compétences de P. D… » [sic] ; que Monsieur I… qui a eu « vent de certaines informations rapportant le climat difficile au sein d’EUROCAVE. À mon grand étonnement, certaines personnes avaient une opinion toute différente de la mienne, mettant en cause les compétences, les qualités humaines et managériales de RB… (D…) » (pièces 12, 22 et 13) ; qu’en conséquence les fautes commises par Monsieur W… interdisaient la poursuite de la relation de travail même pendant la durée limitée du préavis et le licenciement intervenu reposant bien sur une faute grave, le salarié sera débouté de ses demandes afférentes au licenciement ;

1° ALORS QUE sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; qu’en retenant que les termes « un PDG en mode panique » et « une équipe de direction qui ne comprend plus son PDG » employés par M. W… dans une note adressée à un consultant désigné par la direction pour recueillir la réflexion des cadres dirigeants sur les orientations stratégiques de l’entreprise étaient excessifs, quand de tels termes n’étaient pas de nature à caractériser un abus, par le salarié, de sa liberté d’expression, la cour d’appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2° ALORS QU’en toute hypothèse, sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; qu’en retenant que M. W…, dans une note adressée à un consultant désigné par la direction pour recueillir la réflexion des cadres dirigeants sur les orientations stratégiques de l’entreprise, avait exprimé publiquement et de manière excessive ses divergences avec son supérieur hiérarchique, peu important que le destinataire de ce document ait été ou non tenu à la confidentialité (arrêt, p. 6, pénultième al.), sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si le contexte dans lequel ce document avait été rédigé, la qualité de son destinataire et la confidentialité à laquelle celui-ci était tenu n’étaient pas de nature à exclure tout abus de la part du salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3° ALORS QUE sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; qu’en se bornant à constater que l’exposant avait fréquemment fait part de sa divergence avec son supérieur hiérarchique sur des questions stratégiques lors de comités de direction, sans caractériser l’existence, par l’emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, d’un abus dans l’exercice de la liberté d’expression dont jouit tout salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

4° ALORS QUE les opinions et idées personnelles d’un salarié ne peuvent lui être imputées à faute ; qu’en se fondant, pour retenir l’existence d’un manquement de M. W… à son obligation de loyauté, sur des documents personnels découverts dans son ordinateur, dont elle a considéré qu’ils révélaient une divergence du salarié avec sa hiérarchie, quand elle constatait pourtant qu’ils n’avaient jamais été diffusés et qu’ils ne reflétaient par conséquent qu’une simple opinion de M. W… à un moment ponctuel, qui ne s’était traduite par aucun acte concret, la cour d’appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l’article 9 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

5° ALORS QU’en retenant qu’il résulterait de l’attestation de M. K…, salarié de la société Eurocave, que M. W… aurait manqué à son obligation de loyauté « par la diffusion d’informations erronées et de sous-entendus appuyés sur un comportement prétendument inapproprié de Monsieur D… envers la DRH du Groupe Eurocave », cherchant ainsi « à nuire à la réputation et à la crédibilité de ce dernier » (arrêt, p. 7, al. 2), quand cette attestation, qui ne mentionnait pas M. W…, ne lui imputait aucune des rumeurs mentionnées, la cour d’appel en a dénaturé les termes, en violation de l’interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR écarté la demande de M. W… tendant à la condamnation de la société Eurocave à lui payer la somme de 35 000 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l’année 2011 et d’AVOIR limité la condamnation de la société Eurocave à la somme de 17 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son manquement à son obligation contractuelle de fixer les objectifs permettant le calcul de la rémunération variable pour l’année 2011 ;

AUX MOTIFS QUE conformément à l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi ; qu’il convient de rappeler que la rémunération variable ne saurait être fixée en fonction d’objectifs définis pas le seul employeur sans transparence et sur des éléments qu’il est le seul à détenir ; que le contrat de travail de Monsieur W…, certes non formalisé mais qui a fait la loi des parties est rédigé comme suit sur la rémunération : « Article 7 Rémunération forfaitaire – Clause d’autonomie :

Compte tenu des responsabilités qui lui sont confiées et en contrepartie de son forfait sans référence horaire, Monsieur MQ… W… percevra une rémunération annuelle de base brute forfaitaire de 152 880 euros payable en douze mensualités égales de 12 740 euros. Une rémunération brute variable sur objectif, de 0 à 35 000 euros pourra s’y ajouter. Cette rémunération complémentaire est conditionnée à l’atteinte du niveau d’EBIT de la société Eurocave, fixé chaque année par Direction Générale d’EuroCave, et à la réalisation des objectifs personnels fixés en début de chaque année par sa hiérarchie.

Les modalités d’attributions sont définies chaque année et validées par le comité de direction. Le montant sera versé au plus tard en février de l’année n+1.

Compte tenu de la nature de ses fonctions de ses responsabilités et de son indépendance, Monsieur MQ… W… aura l’initiative d’organiser et d’adapter son emploi du temps dans le respect des intérêts de sa mission et en fonction des nécessités de service.

Les parties conviennent expressément que la rémunération de Monsieur MQ… W… est fixée pour tenir compte de l’ensemble des sujétions, notamment de disponibilité et de déplacement, liée au bon accomplissement de sa mission » ; que, début janvier 2011, Monsieur D… a fait connaître à l’ensemble des cadres une proposition des objectifs à atteindre à laquelle était annexé un tableau reprenant les objectifs individuels et indiquant qu’il convenait d’en discuter afin d’affiner les chiffres ; que si aucun document ne permet de confirmer que Monsieur W… a validé ces chiffres, il n’apparaît pas qu’il les ait contestés comme en atteste son courriel du 4 mars 2011 et la réponse de Monsieur D… qui indique : « rien que tu n’aies pas mérité en regard du super boulot de déploiement réalisé en si peu de temps par toi et ton équipe plus ta contribution à des projets parallèles » ; que Monsieur W… a été licencié début décembre 2011 ; qu’il aurait donc dû, à cette date, connaître les éléments chiffrés concernant l’EBIT comme les objectifs atteints, aux fins que soit calculée la prime d’objectifs à laquelle il a contractuellement droit ; qu’en ne le faisant pas, et sans pouvoir lui reprocher sa carence dans l’administration de la preuve alors qu’il s’agit d’éléments comptables qu’elle seule détient, la société EUROCAVE a manqué à son obligation contractuellement prévue et a privé Monsieur W… d’une chance d’améliorer sa rémunération, lui causant ainsi un préjudice certain qui sera réparé par l’allocation d’une somme de 17 500 euros à titre de dommages et intérêts ; qu’il convient donc de reformer la décision entreprise sur le montant de dommages et intérêts alloués de ce chef ; que Monsieur W… sera toutefois débouté de sa demande tendant à ce que lui soit allouée la somme de 35 000 euros ainsi que les congés payés afférents, la somme allouée étant en effet non un rappel de rémunération variable mais l’indemnisation d’une perte de chance ;

ALORS QU’en l’absence de fixation, par l’employeur, des objectifs permettant de calculer la rémunération variable du salarié, prévue par son contrat de travail, celui-ci est fondé à obtenir un rappel de rémunération variable qu’il incombe au juge de déterminer en fonction des critères visés au contrat et, à défaut, des données de la cause ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la société Eurocave n’avait pas fixé les objectifs de M. W…, de sorte que celui-ci n’avait pu percevoir la prime d’objectifs prévue par son contrat ; qu’en limitant la condamnation de la société Eurocave à l’indemnisation d’une simple perte de chance d’obtenir une telle prime, quand il lui appartenait d’allouer au salarié, à titre de rappel de salaire, le montant de la prime qu’il aurait dû percevoir, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Eurocave.

Il est fait grief à la décision attaquée d’AVOIR condamné la société Eurocave aux dépens et à payer à M. MQ… W… la somme de 17 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation contractuelle de fixer les objectifs permettant le calcul de la rémunération variable pour 2011 ;

AUX MOTIFS QUE « Conformément à l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. En l’espèce, M. W… estime que dès lors que son employeur a manqué à son obligation contractuelle en ne fixant pas les éléments permettant le calcul de sa rémunération variable, il lui doit la totalité de la rémunération soit 35 000 euros, étant rappelé qu’il lui a versé une prime égale à 100 % en 2010. Il demande également la somme de 3500 euros correspondant aux congés payés afférents à ce rappel de rémunération variable. L’employeur considère que même si M. W… a eu droit à une prime de 100 % en 2010, il n’a aucun droit acquis à cette somme en 2011, que la rémunération 2011 était conditionnée cumulativement à l’attente des objectifs personnels et à celle de l’EBIT, de sorte qu’il s’agit en réalité d’une perte de chance d’obtenir la rémunération variable et que M. W… ne démontrant pas le préjudice allégué doit en être débouté. Il convient de rappeler que la rémunération variable ne saurait être fixée en fonction d’objectifs définis pas le seul employeur sans transparence et sur des éléments qu’il est le seul à détenir. Le contrat de travail de M. W…, certes non formalisé, mais qui a fait la loi des parties est rédigé comme suit sur la rémunération : "Article 7 Rémunération forfaitaire – Clause d’autonomie : Compte tenu des responsabilités qui lui sont confiées et en contrepartie de son forfait sans référence horaire, M. MQ… W… percevra une rémunération annuelle de base brute forfaitaire de 152 880 euros payable en douze mensualités égales de 12 740 euros. Une rémunération brute variable sur objectif, de 0 à 35 000 euros pourra s’y ajouter. Cette rémunération complémentaire est conditionnée à l’atteinte du niveau d’EBIT de la société Eurocave, fixé chaque année par Direction Générale d’EuroCave, et à la réalisation des objectifs personnels fixés en début de chaque année par sa hiérarchie. Les modalités d’attributions sont définies chaque année et validées par le comité de direction. Le montant sera versé au plus tard en février de l’année n+1. Compte tenu de la nature de ses fonctions de ses responsabilités et de son indépendance, M. MQ… W… aura l’initiative d’organiser et d’adapter son emploi du temps dans le respect des intérêts de sa mission et en fonction des nécessités de service. Les parties conviennent expressément que la rémunération de M. MQ… W… est fixée pour tenir compte de l’ensemble des sujétions, notamment de disponibilité et de déplacement, liée au bon accomplissement de sa mission« . Début janvier 2011, M. D… a fait connaître à l’ensemble des cadres une proposition des objectifs à atteindre à laquelle était annexé un tableau reprenant les objectifs individuels et indiquant qu’il convenait d’en discuter afin d’affiner les chiffres. Si aucun document ne permet de confirmer que M. W… a validé ces chiffres, il n’apparaît pas qu’il les ait contestés comme en atteste son courriel du 4 mars 2011 et la réponse de M. D… qui indique : »rien que tu n’aies pas mérité en regard du super boulot de déploiement réalisé en si peu de temps par toi et ton équipe plus ta contribution à des projets parallèles". M. W… a été licencié début décembre 2011. Il aurait donc dû, à cette date, connaître les éléments chiffrés concernant l’EBIT comme les objectifs atteints, aux fins que soit calculée la prime d’objectifs à laquelle il a contractuellement droit. En ne le faisant pas, et sans pouvoir lui reprocher sa carence dans l’administration de la preuve alors qu’il s’agit d’éléments comptables qu’elle seule détient, la société Eurocave a manqué à son obligation contractuellement prévue et a privé M. W… d’une chance d’améliorer sa rémunération, lui causant ainsi un préjudice certain qui sera réparé par l’allocation d’une somme de 17 500 euros à titre de dommages et intérêts. Il convient donc de reformer la décision entreprise sur le montant de dommages et intérêts alloués de ce chef. M. W… sera toutefois débouté de sa demande tendant à ce que lui soit allouée la somme de 35 000 euros ainsi que les congés payés afférents, la somme allouée étant en effet non un rappel de rémunération variable, mais l’indemnisation d’une perte de chance » ;

ET AUX MOTIFS EVETUELLEMENT ADOPTES QUE « M. W… explique que son contrat de travail prévoit une rémunération brute variable sur objectifs lesquels devaient être fixés chaque année. Or, en l’absence de fixation des objectifs pour l’année 2011 il sollicite le montant total de la prime dont il a été privé soit 35 000 € à titre de dommages et intérêts. Par mail du 5 janvier 2011 le Président de la société a adressé aux membres du comité de direction une proposition d’objectifs pour 2011 en fixant trois objectifs à M. W… ainsi ventilés : -objectif 1 représentant 25 % de l’objectif total et EBIT Groupe Eurocave 1 M€, -objectif 2 représentant 55 % de l’objectif total et E… Eurocave Pro non défini, -objectif 3 (export) représentant 20 % de l’objectif total, tout en précisant que ces propositions, devant être affinées pour les chiffres, seraient discutées rapidement. Par mail du 6 janvier 2011 M. W… a dans un premier temps indiqué que les pourcentages « déjà validés » pour ses trois objectifs étaient de 20 %, 50 % et 30 % tout en acceptant de « rééquilibrer autour des 25/50/25 ». L’employeur n’a jamais donné suite à la ventilation entre les pourcentages proposée en dernier lieu par le salarié (pièces 28 et 29 de la société). Il n’existait pas d’accord des parties sur le pourcentage attribué à chacun des trois objectifs et la valeur de l’EBIT (Groupe Eurocave et Eurocave Pro) n’a pas non plus été précisée. La société Eurocave qui n’a jamais fixé les objectifs individuels du salarié a privé ce dernier d’une chance d’obtenir la part de la sa rémunération et, en réparation de ce préjudice, la somme de 7500 € sera allouée à titre de dommages et intérêts » ;

1) ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motivation ; que, dans ses motifs, la cour d’appel a retenu que les objectifs avaient été fixés par le PDG en janvier 2005 et elle reprochait seulement à l’employeur de n’avoir pas communiqué au salarié, lors de la rupture de son contrat de travail, « les éléments chiffrés concernant l’EBIT comme les objectifs atteints, aux fins que soit calculée la prime d’objectifs à laquelle il a contractuellement droit » ; qu’à lire les motifs donc, la cour d’appel ne reprochait pas à l’employeur l’absence de fixation des objectifs pour 2011, mais l’absence de fourniture au salarié des éléments permettant de déterminer ses droits au jour de la rupture ; qu’en retenant dans son dispositif que des dommages et intérêts étaient alloués « au titre du manquement à l’obligation contractuelle de fixer les objectifs permettant le calcul de la rémunération variable pour 2011 », la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2) ALORS en tout état de cause QUE les objectifs servant de base au calcul de la rémunération variable peuvent être fixés unilatéralement par l’employeur ; qu’en se fondant en l’espèce sur la circonstance que M. W… n’avait pas validé les chiffres des objectifs à atteindre proposés par l’employeur début janvier 2011, quand elle avait elle-même constaté qu’il était contractuellement spécifié, à l’article 7 du contrat de travail, que les objectifs seraient fixés unilatéralement par l’employeur, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil dans sa version applicable au litige ;

3) ALORS QUE lorsque la rupture est imputable au salarié qui quitte l’entreprise avant la fin de la période de référence servant de base au calcul de sa rémunération variable, qui est fonction des résultats de l’entreprise, il ne peut prétendre au versement de cette rémunération ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que M. W… avait quitté l’entreprise avant la fin de l’année 2011 et que son licenciement pour faute grave était fondé ; qu’elle a encore relevé que le droit à une rémunération variable était contractuellement fonction de l’atteinte d’un niveau d’EBIT (« Earnings Before Interest and Taxes », soit le chiffre d’affaires net duquel sont déduites les charges d’exploitation) fixé chaque année ; qu’il s’en évinçait que M. W… ne pouvait avoir aucun droit à une rémunération variable pour 2011 et n’avait donc pu perdre une chance d’en percevoir une, faute de communication par l’employeur des « éléments chiffrés concernant l’EBIT comme les objectifs atteints, aux fins que soit calculée la prime d’objectifs à laquelle il a contractuellement droit » ; qu’en accordant cependant au salarié 17 500 euros de dommages et intérêts au titre d’une perte de chance d’améliorer sa rémunération, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur version applicable au litige.

4) ALORS QUE l’indemnisation d’un préjudice suppose l’existence d’un lien de causalité entre ce préjudice et le fait générateur de responsabilité retenu ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que M. W… avait perdu une chance d’améliorer sa rémunération, ce préjudice devant être réparé par l’allocation d’une somme de 17 500 euros à titre de dommages et intérêts, au prétexte qu’à la date du licenciement il ne connaissant pas les éléments chiffrés concernant l’EBIT comme les objectifs atteints, aux fins que soit calculée la prime d’objectifs à laquelle il a contractuellement droit ; qu’en statuant par des motifs ne caractérisant pas l’existence d’un lien de causalité entre le défaut d’information reproché à l’employeur et une perte de chance de percevoir une rémunération variable pour l’année 2011, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

5) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu’en l’espèce l’employeur faisait valoir que le salarié n’avait pu perdre aucune chance de percevoir une rémunération variable pour 2011 dès lors que pour cette année le seuil d’EBIT au-delà duquel une rémunération variable pouvait être payée, soit 500 000 euros, n’avait pas été atteint ; qu’en omettant de répondre à ces conclusions, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 15 mai 2019, 17-20.615, Inédit