Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 septembre 2020, 19-10.184, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 16 sept. 2020, n° 19-10.184
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-10.184
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Toulouse, 6 novembre 2018
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042372213
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:CO00433
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

CF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 16 septembre 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 433 F-D

Pourvoi n° N 19-10.184

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 SEPTEMBRE 2020

La société Bureau d’étude ingénierie du bâtiment et de l’industrie (BEIBI), société à responsabilité limitée, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° N 19-10.184 contre l’arrêt rendu le 7 novembre 2018 par la cour d’appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l’opposant à la société Enedis, anciennement dénommée ERDF, société anonyme, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Bureau d’étude ingénierie du bâtiment et de l’industrie, complétées par les observations du 5 juin 2020, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Enedis, et l’avis de Mme Pénichon, avocat général, après débats en l’audience publique du 9 juin 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1.Selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 7 novembre 2018), la société Bureau d’étude ingénierie du bâtiment et de l’industrie (la société Beibi), a, postérieurement à l’entrée en vigueur de l’arrêté du 12 janvier 2010 fixant les tarifs d’achat d’électricité, présenté une demande de raccordement au réseau de son installation de production photovoltaïque à la société la société Electricité de France (la société ERDF), devenue la société Enedis, gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité, en vue de la vente d’électricité à la société Electricité de France (la société EDF), dans le cadre de l’obligation d’achat de cette dernière.

2.Cette dernière, n’ayant pas envoyé au producteur de proposition technique et financière (PTF) de raccordement de l’installation considérée au réseau, n’a pas respecté le délai de trois mois, qui lui était imparti pour ce faire, à compter de la date à laquelle la demande était complète.

3.Le décret, dit moratoire, n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 a suspendu, pour trois mois, l’obligation d’achat d’électricité d’origine photovoltaïque à la charge de la société EDF, sauf pour les installations pour lesquelles le producteur aurait notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la PTF de raccordement au réseau, tout en précisant qu’à l’issue de la période de suspension, des demandes nouvelles de raccordement au réseau devraient être présentées.

4.Le 4 mars 2011, un arrêté a fixé les nouveaux tarifs d’achat par la société EDF de l’électricité d’origine photovoltaïque à des conditions moins avantageuses pour les producteurs.

5.Soutenant que la société ERDF avait commis une faute en s’abstenant de lui transmettre la PTF dans le délai imparti et en méconnaissant son obligation d’instruire les dossiers de demande de raccordement au réseau de manière non discriminatoire, la société Beibi l’a assignée en réparation de ses préjudices sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240, du code civil.

6.La société Enedis a soutenu que le préjudice allégué n’était pas réparable dès lors que le tarif fixé par l’arrêté du 12 janvier 2010 constituait, au regard du droit de l’Union européenne, une aide d’État illégale pour n’avoir pas été notifiée à la Commission européenne avant sa mise à exécution.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La société Beibi fait grief à l’arrêt du rejet de ses demandes, alors :

« 1°/ qu’une mesure ne peut être qualifiée d’aide d’État que si elle est susceptible d’affecter les échanges entre Etats membres, accorde à son bénéficiaire un avantage sélectif et fausse ou menace de fausser la concurrence grâce à une intervention de l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat ; qu’en ce qui concerne la condition relative à la sélectivité de l’avantage, la notion d’aide d’État ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises et donc, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent ; que l’appréciation de cette condition impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d’autres qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de « discriminatoire » (cf. CJUE 26 avril 2018, Anged c/ Generalitat de Catalunya, C233/16) ; que la détermination de l’ensemble des entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable dépend de la définition préalable du régime juridique au regard de l’objectif duquel doit, le cas échéant, être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des entreprises favorisées par la mesure en cause et de celles qui ne le sont pas ; qu’en l’espèce, en se bornant à affirmer qu’un avantage sélectif est accordé au bénéficiaire puisqu’il bénéficie d’une rémunération supérieure à celle qu’il aurait obtenue sur le marché, sans définir au préalable le régime juridique au regard de l’objectif duquel devait être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des producteurs d’électricité photovoltaïque et des autres producteurs d’électricité, et ce bien qu’elle ait constaté que cet avantage était accordé en fonction du respect ou non des règles fixées par l’État, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé le caractère sélectif de l’avantage dont elle a constaté l’existence, ni justifié par suite la qualification d’aide d’État qu’elle a cependant retenue, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

2°/ qu’en ne caractérisant pas en quoi les producteurs d’électricité d’origine photovoltaïque seraient dans une situation factuelle et juridique identique aux autres entreprises produisant de l’électricité notamment à partir d’énergie non renouvelable, compte tenu de l’objectif poursuivi par le régime juridique dans lequel s’inscrit l’arrêté du 12 janvier 2010, de sorte que l’allocation à leur profit d’un tarif supérieur à celui qu’ils auraient pu obtenir sur le marché de l’électricité constituerait une discrimination à l’égard de ces autres entreprises, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé la sélectivité de l’avantage dont elle a constaté l’existence, ni justifié par suite la qualification d’aide d’État qu’elle a cependant retenue, a derechef privé sa décision de base légale au regard de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

3°/ que selon l’article 3 du règlement n° 1407/2013 du 18 décembre 2013, sont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l’article 107, paragraphe 1 du traité et comme n’étant pas soumises de ce fait à l’obligation de notification prévue à l’article 108 § 3 du Traité les aides dont le montant total octroyées par État membre à une entreprise unique n’excède pas 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux ; qu’en ne répondant pas aux conclusions d’appel de la société Beibi, qui soutenait que l’aide prétendue, correspondant à la différence entre le tarif réglementé et le tarif d’achat bonifié, était inférieure à ce montant de 200 000 euros par tranche de trois ans de sorte que par application du règlement de la Commission sur les aides de minimis, elle ne pouvait être qualifiée d’aide d’État, la cour d’appel a privé sa décision de motif et violé l’article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que par règlement n° 800/2008 du 6 août 2008, la Commission européenne a posé en principe à son article 23 que les aides environnementales à l’investissement dans la promotion de l’énergie produite à partir de sources d’énergie renouvelables sont compatibles avec le marché commun au sens de l’article 87, devenu 107, paragraphe 3 du Traité et sont exemptées de l’obligation de notification prévue à l’article 88, devenue 108, paragraphe 3, du Traité ; que dans ses conclusions d’appel, la société Beibi exposait que la France avait notifié à la Commission un régime d’aides s’inscrivant dans le cadre de cette disposition, qui concernaient particulièrement la production d’électricité d’origine photovoltaïque ; qu’elle faisait valoir, pour conclure au rejet de l’exception d’illégalité de l’arrêté du 12 janvier 2010, que les mesures prévues par les autorités françaises pour la mise en oeuvre de centrales photovoltaïques avaient été jugées conformes à la section 3.1.6 des lignes directrices par la Commission qui avait indiqué en outre dans sa décision que les autorités françaises avaient respecté leurs obligations en vertu de l’article 108 § 3 du Traité ; qu’en retenant l’illégalité de l’arrêté du 12 janvier 2010, faute d’avoir été notifié à la Commission, sans répondre à ces conclusions dont il résultait que l’arrêté du 12 janvier 2010 s’inscrivait dans le cadre des aides exemptées de l’obligation de notification à la Commission européenne, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que les juridictions nationales n’ont pas compétence pour interdire l’exécution d’une aide existante, qui doit être considérée comme légale aussi longtemps que la Commission européenne n’a pas constaté son incompatibilité au marché intérieur (CJUE, 18 juillet 2013, c-6/12) ; qu’est une aide existante toute aide réputée existante conformément à l’article 15 du règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999, c’est-à-dire toute aide à l’égard de laquelle le délai de prescription de dix ans imparti à la Commission pour la récupérer a expiré ; qu’en affirmant que l’exception d’illégalité au regard du droit communautaire n’est pas soumise à la prescription édictée en matière de récupération de l’aide par la commission qui est une autre procédure consécutive à la constatation de l’illégalité d’un texte, pour débouter la société Beibi de sa demande d’indemnisation fondée subsidiairement sur l’arrêté du 10 juillet 2006, cependant que l’expiration du délai de prescription de 10 ans a pour conséquence que le tarif fixé par l’arrêté de 2006 était réputé être une aide existante et légale dont elle ne pouvait interdire l’exécution, la cour d’appel a violé les articles 1-b, iv et 15 du règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999, ensemble l’article 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, après avoir rappelé que l’arrêté du 12 janvier 2010 permettant aux producteurs de vendre à la société EDF l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative solaire à un prix supérieur à sa valeur de marché avait été mis en place afin de développer la production d’électricité par des installations radiatives solaires, l’arrêt retient que les producteurs de ce type d’énergie opèrent sur un marché de l’électricité libéralisé, où sont habituellement pratiqués des échanges entre Etats membres et qu’ils reçoivent une rémunération supérieure à celle qu’ils auraient obtenue sur le marché. Ayant ainsi suffisamment caractérisé l’existence d’un avantage au bénéfice des seuls producteurs d’électricité d’origine photovoltaïque et, partant, l’avantage sélectif dont ils avaient profité, dans le cadre de référence du marché libéralisé de l’électricité au sein de l’Union européenne, la cour d’appel a légalement justifié sa décision.

9. En deuxième lieu, en l’état des conclusions de la société Beibi, qui se bornaient à invoquer le règlement (UE) n° 1998/2006 de la Commission concernant les aides de minimis, aux termes duquel ne sont pas soumises à l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) les aides octroyées à une entreprise unique dont le montant n’excède pas la somme de 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux, en soutenant, au prix d’une inversion de la charge de la preuve, qu’il appartenait au groupe EDF de démontrer que le projet du producteur aboutissait à une aide supérieure à ladite somme, sans que la société Beibi n’établisse ni même n’offre de prouver que le montant des aides dont elle aurait ainsi bénéficié était inférieur à la somme précitée, la cour d’appel n’était pas tenue de répondre à ces conclusions, qui étaient inopérantes.

10. En troisième lieu, la série de mesures d’aides pour la protection de l’environnement, qui concernait notamment les aides en faveur des investissements dans la promotion de l’énergie produite à partir de sources d’énergie renouvelables et, plus particulièrement encore, l’énergie photovoltaïque, qui était exemptée de l’obligation de notification préalable à la Commission européenne en application du règlement n° 800/2008 adopté par celle-ci le 6 août 2008 et dont la mise en oeuvre avait été portée à la connaissance de la Commission, par les autorités françaises, le 23 décembre 2008, avait pour objet d’encourager les collectivités territoriales à mettre en place, sous la forme de subventions, de prêts ou de garanties, des aides à l’investissement en matière environnementale et ne visait donc pas la mesure litigieuse, prise, en dernier lieu, par l’arrêté du 12 janvier 2010 des ministres chargés de l’écologie et de l’économie, de fixer un tarif d’achat de l’électricité photovoltaïque à un prix supérieur à sa valeur de marché. La décision de la Commission européenne du 21 décembre 2009 de ne pas soulever d’objection à l’encontre des mesures d’aides à l’investissement qui lui avaient été soumises et de dire que les autorités françaises avaient respecté leurs obligations résultant de l’article 108, paragraphe 3, du TFUE était donc sans emport sur la légalité, au regard du droit de l’Union européenne, du mécanisme d’aide par les tarifs de vente à la société EDF de l’électricité d’origine photovoltaïque. Il peut être répondu par ce motif de pur droit aux conclusions invoquées par la quatrième branche.

11. Enfin, à la date à laquelle la société Beibi a présenté ses demandes de raccordement au gestionnaire de réseau, l’arrêté du 12 janvier 2010 était entré en vigueur et avait abrogé l’arrêté du 10 juillet 2006, auquel il s’était substitué. L’illégalité éventuelle de l’arrêté du 12 janvier 2010 pour défaut de notification préalable à la Commission européenne ne pourrait avoir pour effet de remettre en vigueur les tarifs fixés par l’arrêté précédent du 10 juillet 2006. La cinquième branche, qui revendique l’application de ce dernier arrêté, n’est donc pas fondée.

12. Le moyen n’est, dès lors, fondé en aucune de ses branches.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

13. La société Beibi fait le même grief à l’arrêt, alors :

« 1°/ que la Cour de Justice de l’Union Européenne a dit pour droit, dans son arrêt CELF du 12 février 2008 (C-199/06) que l’article 88, devenu 108, paragraphe 3, dernière phrase, du Traité doit être interprété en ce sens que le juge national n’est pas tenu d’ordonner la récupération d’une aide mise à exécution en méconnaissance de cette disposition, lorsque la Commission des Communautés européennes a adopté une décision finale constatant la compatibilité de ladite aide avec le marché commun au sens de l’article 87, devenu 107, du Traité mais seulement d’ordonner au bénéficiaire de l’aide le paiement d’intérêts au titre de la période d’illégalité ; que ce n’est qu’en cas de déclaration d’incompatibilité que l’aide doit être intégralement récupérée, avec les intérêts ; que l’illégalité d’une aide d’État, pour absence de notification à la Commission européenne ne suffit donc pas à elle seule à rendre irréparable le préjudice constitué par la privation d’une telle aide, ce qui ne pourrait résulter que d’une déclaration d’incompatibilité par la Commission européenne ; qu’en l’espèce, en déduisant l’absence de préjudice réparable de la société Beibi de l’absence de notification à la Commission de l’arrêté du 12 janvier 2010, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé l’article 108, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne, ensemble l’article 11 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 et l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°/ que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit ; qu’en l’espèce, la société Beibi faisait valoir, sans être démentie, que sans la faute de la société ERDF, elle aurait eu une chance de conclure un contrat d’achat d’électricité au tarif fixé par l’arrêté du 12 janvier 2010, lequel contrat serait toujours en cours comme le sont actuellement tous les contrats qui ont été effectivement conclus sous l’empire de cet arrêté et de celui de 2006, et ne pourrait être remis en cause en l’absence de toute action en annulation de ces arrêtés fondée sur leur absence de notification à la commission européenne, désormais impossible du fait de leur abrogation ; qu’en rejetant l’action en responsabilité formée par la société Beibi à l’encontre de la société ERDF, sans rechercher quelle serait sa situation sans la faute du gestionnaire du réseau ni s’expliquer sur le sort des contrats en cours d’exécution, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;

3°/ que la perte d’une chance est toujours indemnisable, quand bien même elle ne résulterait pas de la lésion d’un droit dont l’exécution aurait pu être réclamée, en l’absence de toute négligence fautive de la part de la victime ; que la société Beibi, qui ne demande pas la conclusion d’un contrat d’achat d’électricité au tarif fixé par l’arrêté du 12 janvier 2010 mais la réparation d’un préjudice, n’étant en rien responsable de l’absence de notification de cet arrêté à la Commission européenne qui résulte de la seule négligence des autorités françaises, ne pouvait se voir opposer cette illégalité pour refuser d’indemniser le préjudice certain qu’elle subit du fait de la perte d’une chance de conclure un contrat d’achat d’électricité au tarif en vigueur à la date à laquelle son dommage s’est réalisé par la faute de la société Erdf ; qu’en affirmant toutefois que le préjudice subi par la société Beibi n’est pas réparable parce que l’arrêté fixant ce tarif serait illégal faute de notification à la Commission, la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4°/ que la réparation du préjudice constitué par une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et est égale à une fraction de l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée, déterminée en fonction des risques susceptibles d’affecter sa réalisation ; que tenue d’évaluer le préjudice consistant en une perte de chance de conclure un contrat d’achat d’électricité au tarif fixé par l’arrêté du 12 janvier 2010, la cour d’appel, qui a constaté que la Commission européenne ne serait jamais saisie de cet arrêté et ne pourrait donc pas le déclarer incompatible au marché intérieur, n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations, excluant tout risque à venir d’une quelconque obligation générale de remboursement des aides perçues par tous les producteurs ayant conclu un contrat d’achat à ce tarif, en refusant d’indemniser la société Beibi, et a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour :

14. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (la CJUE) qu’une mesure d’aide au sens de l’article 107, paragraphe 3, du TFUE, mise à exécution en méconnaissance des obligations découlant de l’article 108, paragraphe 3, du TFUE, est illégale et qu’une décision de la Commission européenne déclarant une aide d’État non notifiée compatible avec le marché intérieur n’a pas pour conséquence de régulariser, a posteriori, les actes d’exécution qui sont invalides du fait qu’ils ont été pris en méconnaissance de l’interdiction visée à l’article 108, paragraphe 3, du TFUE (CJCE, 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon contre République française, C-354/90, CJCE, 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich, C-368/04, point 41 ; CJUE, 23 janvier 2019, Presidenza del Consiglio dei Ministri contre Fallimento Traghetti del Mediterraneo SpA, C387/17, point 59).

15. Ainsi que l’a précisé la CJUE, il incombe aux juridictions nationales de sauvegarder les droits que les particuliers tirent de l’effet direct de l’article précité, en examinant si les projets tendant à instituer ou à modifier ces aides n’auraient pas dû être notifiés à la Commission européenne avant d’être mis à exécution, et de tirer toutes les conséquences de la méconnaissance par les autorités nationales de cette obligation de notification .

16. Ayant retenu que le mécanisme d‘obligation d’achat par la société EDF de l’électricité d’origine photovoltaïque à un prix supérieur à celui du marché et mis à exécution par l’arrêté du 12 janvier 2010 constitue une aide d’État illégale en ce qu’il n’a pas été notifié à la Commission, c’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit que la société Beibi n’était pas fondé à invoquer un préjudice constitué de la perte de la chance de bénéficier d’un tarif procédant d’une aide d’Etat illégale, un tel préjudice n’étant pas réparable.

17. Le moyen n’est donc pas fondé .

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Bureau d’étude ingénierie du bâtiment et de l’industrie aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Bureau d’étude ingénierie du bâtiment et de l’industrie

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement rendu entre les parties le 7 mai 2015 par le Tribunal de commerce de Toulouse qui avait débouté la société Beibi de ses demandes indemnitaires ;

Aux motifs que en manquant à son obligation d’adresser une PTF à la société Beibi dans le délai de trois mois prévu par les textes, soit le mardi 30 novembre 2010 minuit au plus tard, la société Erdf a commis une faute.

(arrêt, p. 9, § 6)

La faute d’Erdf est constituée par son absence de réponse dans le délai de trois mois ; en l’absence de réponse, le pétitionnaire ne pouvait pas notifier son acceptation dans le délai imparti ; il lui faut encore démontrer que du fait de cette absence de réponse, il a perdu une chance qui ne soit pas qu’hypothétique de réaliser son projet et de réaliser pendant vingt ans une marge du fait de son exploitation (arrêt, p. 10, § 6).

(

)

Il devait être répondu à une demande dont la complétude était reconnue au 31 août 2010 avant le 30 novembre 2010 et le pétitionnaire devait, si Erdf avait satisfait à son obligation, répondre dans le cas admissible le plus défavorable avant le 1er décembre à minuit en déposant, ce qu’il pouvait être en mesure de faire puisqu’il savait devoir répondre au plus vite à la PTF pour pouvoir bénéficier des avantages tarifaires qu’il espérait en déposant sa demande avant le 1er (décembre). L’existence d’un lien de causalité direct entre la faute commise par Erdf et le préjudice résultant de l’impossibilité de répondre à la PTF avant le 2 décembre 2010 est ainsi établi (arrêt attaqué, p. 10, in fine et 11 in limine).

(

)

Par ordonnance du 15 mars 2017, la Cour de Justice de l’Union Européenne, saisie sur question préjudicielle sur l’interprétation des articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) à l’occasion d’une procédure concernant un autre producteur par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 20 septembre 2016 a répondu que :

— l’article 107, § 1 du TFUE, doit être interprété en ce sens qu’un mécanisme, tel que celui instauré par la réglementation nationale en cause au principal, d’obligation d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d’électricité doit être considéré comme une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État ;

— l’article 108 §3 du TFUE doit être interprété en ce sens qu’en cas de défaut de notification préalable à la Commission européenne d’une mesure nationale constituant une aide d’État, au sens de l’article 107 § 1 du TFUE, il incombe aux juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de cette illégalité, notamment en ce qui concerne la validité des actes d’exécution de cette mesure.

Cette cour a sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne, sans prendre position sur les autres questions.

(

)

a) incidences d’une illégalité sur le caractère réparable du préjudice : Le juge doit appliquer le droit de l’Union, par principe d’application directe, et laisser inappliquée toute disposition contraire du droit national, qu’elle soit antérieure ou postérieure à la norme de l’Union puisque cette dernière le prime ; le mécanisme des tarifs d’achat doit donc être écarté en droit interne s’il est incompatible avec elle et le fait que l’arrêté fixant ces tarifs n’ait pas été critiqué par voie d’action est inopérant. En raison du principe de primauté de la règle européenne sur le droit interne des Etats membres, l’argument tiré de la validation législative de l’arrêté du 12 janvier 2010 par la loi du 12 juillet 2010, dite Grenelle II, est aussi sans portée. L’exception d’illégalité au regard du droit communautaire est donc recevable et n’est pas soumise à la prescription édictée en matière de récupération de l’aide par la commission qui est une autre procédure consécutive à la constatation de l’illégalité d’un texte. Pour qu’un préjudice soit réparable, il convient qu’il soit non seulement certain, direct et actuel, mais aussi de surcroît qu’il soit licite.

Ainsi, si le préjudice allégué trouve sa source dans une situation illégale ou s’il se fonde sur un texte illégal, le préjudice n’est pas réparable. L’action n’est pas fondée sur l’application d’une convention et la notion de cause illicite n’a pas vocation à s’y appliquer, mais repose sur ce que personne ne conteste être un avantage, prévu par l’État, et dont l’appelante aurait été privée par le fait fautif d’Enedis mais qui lui aurait sinon été accordé par un arrêté dont il est demandé de constater l’illégalité.

b) Les tarifs fixés par l’arrêté du 12/01/2010 sont-ils constitutifs d’une aide d’État ? L’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) fonde, dans on alinéa premier, le principe de l’interdiction des aides d’État, lesquelles doivent remplir quatre critères : – 1) une intervention de l’État ou au moyen des ressources d’État, -2) susceptible d’affecter les échanges entre états membres, -3) accordant un avantage à son bénéficiaire, -4) de nature à fausser ou menacer de fausser la concurrence. L’alinéa 2 de l’article 107 du TFUE énonce les aides compatibles avec le marché intérieur et l’alinéa 3 les exceptions formelles à ce principe d’interdiction. Plus particulièrement, en c) du troisième alinéa sont visées comme exception « les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ». L’article 108 §1 du TFUE pose le principe du contrôle de la Commission sur les aides d’État déjà autorisées, le § 3 dispose que les projets d’aide d’État doivent lui être soumis préalablement à leur mise en oeuvre ; le contrôle exercé porte sur les aides d’État existant déjà, comme sur les nouvelles, mais aussi sur celles qui ne lui ont pas été préalablement dénoncées et dont elle est saisie postérieurement à leur entrée en vigueur, et ce quelle que soit leur forme, légale ou réglementaire. Il s’ensuit que toute aide d’État qui n’a pas été soumise à la Commission est illégale jusqu’à ce qu’elle ait statué.

La Cour de Justice de l’Union Européenne a précisé dans ses motifs qu’il appartenait à la juridiction de renvoi de déterminer préalablement si la mesure nationale en cause au principale constituait ou non une aide d’État, en vérifiant si les trois autres conditions visés à l’article 107 § 1 étaient remplies dans l’affaire, et que, sous cette réserve, au regard des dispositions de l’article 108 § 3 qui institue un contrôle préventif sur les projets d’aide nouvelle, lequel vise à ce que seules les aides compatibles soient mises à exécution, il en résultait : – qu’une mesure d’aide au sens de l’article 107 §3 du TFUE mise à exécution en méconnaissance des obligations découlant de l’article 108 § 3 est illégale, – que la mise en oeuvre du contrôle préventif instauré à l’article 108 §3 revient d’une part, à la Commission chargée d’apprécier la compatibilité des mesures d’aide avec le marché intérieur et d’autre part, aux juridictions nationales, chargées de veiller à la sauvegarde jusqu’à la décision finale de la Commission, des droits des justiciables face à une méconnaissance éventuelle, par les autorités étatiques, de l’interdiction visée à l’article 108 § 3 du TFUE, – qu’il incombe aux juridictions nationales de garantir aux justiciables que toutes les conséquences d’une violation de l’article 108 § 3 seront tirées conformément à leur droit national, en ce qui concerne tant la validité des actes comportant la mise à exécution des mesures d’aide que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de cette disposition ou d’éventuelles mesures provisoires ; – qu’en cas de défaut de notification préalable à la Commission d’une mesure nationale constituant une aide d’État au sens de l’article 107 § 1 du TFUE, il incombe aux juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de cette illégalité notamment en ce qui concerne la validité des actes d’exécution de cette mesure.

1) La Cour de Justice de l’Union Européenne a considéré dans son ordonnance que l’obligation d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par le consommateur final d’électricité est une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État : il est satisfait au premier critère pour qualifier la fixation des tarifs opérées par l’arrêté du 12 janvier 2010 d’aide d’État.

2) ce mécanisme d’aide a été mis en place afin de développer la production d’électricité par des installations utilisant l’énergie radiative solaire ; les bénéficiaires opèrent sur un marché de l’électricité libéralisé où sont habituellement pratiqués des échanges entre pays membres et il est satisfait au deuxième critère, dès lors que l’aide est susceptible d’affecter ou de fausser la concurrence.

3) Un avantage sélectif est accordé au bénéficiaire, puisqu’il bénéficie, en fonction du respect ou non des règles fixées par l’État d’une rémunération supérieure à celle qu’il aurait obtenue sur le marché : il est satisfait au troisième critère.

4) La concurrence est faussée ou menacée de l’être sur le marché intérieur, ce qui est le cas dès lors que des producteurs bénéficient d’un tarif avantageux dans un marché libéralisé ; il est satisfait au quatrième critère.

La qualification d’aide d’État doit être retenue.

c) Le droit interne pouvait-il et a-t-il validé l’arrêté illégal ? En raison du principe d’effectivité, la loi du 12 juillet 2010, en ce qu’elle a entendu valider la tarification et ses modalités telles que l’arrêté du 12 janvier 2010 les avait fixées, contredite par la norme européenne, est sans effet sur l’illégalité de l’acte, qui ne peut être appliquée en droit interne par une juridiction nationale. Dès lors que l’acte instituant une aide d’État n’a pas fait l’objet d’une notification préalable, il est par principe incompatible avec le marché intérieur et seule la Commission, sous le contrôle de la Cour de Justice de l’Union Européenne, peut se prononcer sur la compatibilité des mesures d’aides avec les règles de l’Union européenne. La question ne lui a pas été soumise et il est acquis aux dires des parties qu’elle ne le sera jamais. Il appartient en tout état de cause aux juridictions nationales de veiller à la sauvegarde des droits des justiciables face à une méconnaissance de l’interdiction visée à l’article 108 §3 du TFUE et l’application de l’arrêté du 12 janvier 2010 ne peut servir de base au principe ou à l’assiette d’un préjudice indemnisable selon les règles du droit interne.

d) Le principe de l’aide est-il remis en cause par l’illégalité de l’arrêté ?

Il est soutenu que l’arrêté ministériel du 10 juillet 2006 serait applicable si l’acte du 12 janvier 2010 ne pouvait servir de support à la demande, mais il ne peut être sérieusement contesté que cet arrêté prévoit, de la même façon, l’octroi d’aides d’État à des producteurs, qu’il n’a pas été notifié préalablement à la Commission, qu’il est illégal pour les raisons précédemment exposées concernant l’arrêté du 12 janvier 2010 et qu’il revient à la Cour d’en écarter l’application aux demandes fondées sur la responsabilité civile d’Enedis.

Par ailleurs, le préjudice dont la société Beibi demande l’indemnisation est constituée par la perte d’une chance, appréciée par l’appelante à 100%, de bénéficier d’une marge sur la durée de 20 ans du contrat sur les bases tarifaires prévues par un texte qui n’est pas applicable, pour être nul ; la perte de marge ne peut donc pas être reconnue, pas plus que la chance de l’éviter ; l’illégalité de l’arrêté a ainsi pour conséquence de priver l’intégralité de la demande indemnitaire d’un support légal et non seulement de la limiter dans son appréciation. Il en résulte que la perte d’un avantage dont l’obtention aurait été contraire au droit ne peut caractériser un préjudice réparable.

La société Beibi, si elle démontre l’existence d’une faute de la société Erdf, devenue Enedis, de nature à engager sa responsabilité civile, ne vient pas rapporter la preuve de l’existence d’un préjudice indemnisable. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande en dommages-intérêts ;

1. ALORS QU’une mesure ne peut être qualifiée d’aide d’État que si elle est susceptible d’affecter les échanges entre Etats membres, accorde à son bénéficiaire un avantage sélectif et fausse ou menace de fausser la concurrence grâce à une intervention de l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat ; qu’en ce qui concerne la condition relative à la sélectivité de l’avantage, la notion d’aide d’État ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises et donc, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent ; que l’appréciation de cette condition impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d’autres qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de « discriminatoire » (cf. CJUE 26 avril 2018, Anged c/ Generalitat de Catalunya, C233/16); que la détermination de l’ensemble des entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable dépend de la définition préalable du régime juridique au regard de l’objectif duquel doit, le cas échéant, être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des entreprises favorisées par la mesure en cause et de celles qui ne le sont pas ; qu’en l’espèce, en se bornant à affirmer qu’un avantage sélectif est accordé au bénéficiaire puisqu’il bénéficie d’une rémunération supérieure à celle qu’il aurait obtenue sur le marché, sans définir au préalable le régime juridique au regard de l’objectif duquel devait être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des producteurs d’électricité photovoltaïque et des autres producteurs d’électricité, et ce bien qu’elle ait constaté que cet avantage était accordé en fonction du respect ou non des règles fixées par l’État, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé le caractère sélectif de l’avantage dont elle a constaté l’existence, ni justifié par suite la qualification d’aide d’État qu’elle a cependant retenue, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

2. ALORS QU’en ne caractérisant pas en quoi les producteurs d’électricité d’origine photovoltaïque seraient dans une situation factuelle et juridique identique aux autres entreprises produisant de l’électricité notamment à partir d’énergie non renouvelable, compte tenu de l’objectif poursuivi par le régime juridique dans lequel s’inscrit l’arrêté du 12 janvier 2010, de sorte que l’allocation à leur profit d’un tarif supérieur à celui qu’ils auraient pu obtenir sur le marché de l’électricité constituerait une discrimination à l’égard de ces autres entreprises, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé la sélectivité de l’avantage dont elle a constaté l’existence, ni justifié par suite la qualification d’aide d’État qu’elle a cependant retenue, a derechef privé sa décision de base légale au regard de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

3. ALORS QUE selon l’article 3 du règlement n° 1407/2013 du 18 décembre 2013, sont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l’article 107, paragraphe 1 du traité et comme n’étant pas soumises de ce fait à l’obligation de notification prévue à l’article 108 § 3 du traité les aides dont le montant total octroyées par État membre à une entreprise unique n’excède pas 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux ; qu’en ne répondant pas aux conclusions d’appel de la société Beibi (p. 46), qui soutenait que l’aide prétendue, correspondant à la différence entre le tarif réglementé et le tarif d’achat bonifié, était inférieure à ce montant de 200.000 € par tranche de trois ans de sorte que par application du règlement de la Commission sur les aides de minimis, elle ne pouvait être qualifiée d’aide d’État, la cour d’appel a privé sa décision de motif et violé l’article 455 du code de procédure civile ;

4. ALORS, subsidiairement, QUE par règlement n° 800/2008 du 6 août 2008, la Commission européenne a posé en principe à son article 23 que les aides environnementales à l’investissement dans la promotion de l’énergie produite à partir de sources d’énergie renouvelables sont compatibles avec le marché commun au sens de l’article 87, devenu 107, paragraphe 3 du Traité et sont exemptées de l’obligation de notification prévue à l’article 88, devenue 108, paragraphe 3, du Traité ; que dans ses conclusions d’appel (p. 48 et s.), la société Beibi exposait que la France avait notifié à la Commission un régime d’aides s’inscrivant dans le cadre de cette disposition, qui concernaient particulièrement la production d’électricité d’origine photovoltaïque ; qu’elle faisait valoir, pour conclure au rejet de l’exception d’illégalité de l’arrêté du 12 janvier 2010, que les mesures prévues par les autorités françaises pour la mise en oeuvre de centrales photovoltaïques avaient été jugées conformes à la section 3.1.6 des lignes directrices par la Commission qui avait indiqué en outre dans sa décision que les autorités françaises avaient respecté leurs obligations en vertu de l’article 108 § 3 du Traité ; qu’en retenant l’illégalité de l’arrêté du 12 janvier 2010, faute d’avoir été notifié à la Commission, sans répondre à ces conclusions dont il résultait que l’arrêté du 12 janvier 2010 s’inscrivait dans le cadre des aides exemptées de l’obligation de notification à la Commission européenne, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

5. ALORS QUE les juridictions nationales n’ont pas compétence pour interdire l’exécution d’une aide existante, qui doit être considérée comme légale aussi longtemps que la Commission européenne n’a pas constaté son incompatibilité au marché intérieur (CJUE, 18 juillet 2013, c-6/12) ; qu’est une aide existante toute aide réputée existante conformément à l’article 15 du règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999, c’est-à-dire toute aide à l’égard de laquelle le délai de prescription de dix ans imparti à la Commission pour la récupérer a expiré ; qu’en affirmant que l’exception d’illégalité au regard du droit communautaire n’est pas soumise à la prescription édictée en matière de récupération de l’aide par la commission qui est une autre procédure consécutive à la constatation de l’illégalité d’un texte, pour débouter la société Beibi de sa demande d’indemnisation fondée subsidiairement sur l’arrêté du 10 juillet 2006, cependant que l’expiration du délai de prescription de 10 ans a pour conséquence que le tarif fixé par l’arrêté de 2006 était réputé être une aide existante et légale dont elle ne pouvait interdire l’exécution, la cour d’appel a violé les articles 1-b, iv et 15 du règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999, ensemble l’article 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement rendu entre les parties le 7 mai 2015 par le Tribunal de commerce de Toulouse qui avait débouté la société Beibi de ses demandes indemnitaires ;

Aux motifs que en manquant à son obligation d’adresser une PTF à la société Beibi dans le délai de trois mois prévu par les textes, soit le mardi 30 novembre 2010 minuit au plus tard, la société Erdf a commis une faute.

(arrêt, p. 9, § 6)

La faute d’Erdf est constituée par son absence de réponse dans le délai de trois mois ; en l’absence de réponse, le pétitionnaire ne pouvait pas notifier son acceptation dans le délai imparti ; il lui faut encore démontrer que du fait de cette absence de réponse, il a perdu une chance qui ne soit pas qu’hypothétique de réaliser son projet et de réaliser pendant vingt ans une marge du fait de son exploitation (arrêt, p. 10, § 6).

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Il devait être répondu à une demande dont la complétude était reconnue au 31 août 2010 avant le 30 novembre 2010 et le pétitionnaire devait, si Erdf avait satisfait à son obligation, répondre dans le cas admissible le plus défavorable avant le 1er décembre à minuit en déposant, ce qu’il pouvait être en mesure de faire puisqu’il savait devoir répondre au plus vite à la PTF pour pouvoir bénéficier des avantages tarifaires qu’il espérait en déposant sa demande avant le 1er (décembre). L’existence d’un lien de causalité direct entre la faute commise par Erdf et le préjudice résultant de l’impossibilité de répondre à la PTF avant le 2 décembre 2010 est ainsi établi (arrêt attaqué, p. 10, in fine et 11 in limine).

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Par ordonnance du 15 mars 2017, la Cour de Justice de l’Union Européenne, saisie sur question préjudicielle sur l’interprétation des articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) à l’occasion d’une procédure concernant un autre producteur par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 20 septembre 2016 a répondu que :

— l’article 107, § 1 du TFUE, doit être interprété en ce sens qu’un mécanisme, tel que celui instauré par la réglementation nationale en cause au principal, d’obligation d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d’électricité doit être considéré comme une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État ;

— l’article 108 §3 du TFUE doit être interprété en ce sens qu’en cas de défaut de notification préalable à la Commission européenne d’une mesure nationale constituant une aide d’État, au sens de l’article 107 § 1 du TFUE, il incombe aux juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de cette illégalité, notamment en ce qui concerne la validité des actes d’exécution de cette mesure.

Cette cour a sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne, sans prendre position sur les autres questions.

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a) incidences d’une illégalité sur le caractère réparable du préjudice : Le juge doit appliquer le droit de l’Union, par principe d’application directe, et laisser inappliquée toute disposition contraire du droit national, qu’elle soit antérieure ou postérieure à la norme de l’Union puisque cette dernière le prime ; le mécanisme des tarifs d’achat doit donc être écarté en droit interne s’il est incompatible avec elle et le fait que l’arrêté fixant ces tarifs n’ait pas été critiqué par voie d’action est inopérant. En raison du principe de primauté de la règle européenne sur le droit interne des Etats membres, l’argument tiré de la validation législative de l’arrêté du 12 janvier 2010 par la loi du 12 juillet 2010, dite Grenelle II, est aussi sans portée. L’exception d’illégalité au regard du droit communautaire est donc recevable et n’est pas soumise à la prescription édictée en matière de récupération de l’aide par la commission qui est une autre procédure consécutive à la constatation de l’illégalité d’un texte. Pour qu’un préjudice soit réparable, il convient qu’il soit non seulement certain, direct et actuel, mais aussi de surcroît qu’il soit licite.

Ainsi, si le préjudice allégué trouve sa source dans une situation illégale ou s’il se fonde sur un texte illégal, le préjudice n’est pas réparable. L’action n’est pas fondée sur l’application d’une convention et la notion de cause illicite n’a pas vocation à s’y appliquer, mais repose sur ce que personne ne conteste être un avantage, prévu par l’État, et dont l’appelante aurait été privée par le fait fautif d’Enedis mais qui lui aurait sinon été accordé par un arrêté dont il est demandé de constater l’illégalité.

b) Les tarifs fixés par l’arrêté du 12/01/2010 sont-ils constitutifs d’une aide d’État ? L’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) fonde, dans on alinéa premier, le principe de l’interdiction des aides d’État, lesquelles doivent remplir quatre critères : – 1) une intervention de l’État ou au moyen des ressources d’État, -2) susceptible d’affecter les échanges entre états membres, -3) accordant un avantage à son bénéficiaire, -4) de nature à fausser ou menacer de fausser la concurrence. L’alinéa 2 de l’article 107 du TFUE énonce les aides compatibles avec le marché intérieur et l’alinéa 3 les exceptions formelles à ce principe d’interdiction. Plus particulièrement, en c) du troisième alinéa sont visées comme exception « les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ». L’article 108 §1 du TFUE pose le principe du contrôle de la Commission sur les aides d’État déjà autorisées, le § 3 dispose que les projets d’aide d’État doivent lui être soumis préalablement à leur mise en oeuvre ; le contrôle exercé porte sur les aides d’État existant déjà, comme sur les nouvelles, mais aussi sur celles qui ne lui ont pas été préalablement dénoncées et dont elle est saisie postérieurement à leur entrée en vigueur, et ce quelle que soit leur forme, légale ou réglementaire. Il s’ensuit que toute aide d’État qui n’a pas été soumise à la Commission est illégale jusqu’à ce qu’elle ait statué.

La Cour de Justice de l’Union Européenne a précisé dans ses motifs qu’il appartenait à la juridiction de renvoi de déterminer préalablement si la mesure nationale en cause au principale constituait ou non une aide d’État, en vérifiant si les trois autres conditions visés à l’article 107 § 1 étaient remplies dans l’affaire, et que, sous cette réserve, au regard des dispositions de l’article 108 § 3 qui institue un contrôle préventif sur les projets d’aide nouvelle, lequel vise à ce que seules les aides compatibles soient mises à exécution, il en résultait : – qu’une mesure d’aide au sens de l’article 107 §3 du TFUE mise à exécution en méconnaissance des obligations découlant de l’article 108 § 3 est illégale, – que la mise en oeuvre du contrôle préventif instauré à l’article 108 §3 revient d’une part, à la Commission chargée d’apprécier la compatibilité des mesures d’aide avec le marché intérieur et d’autre part, aux juridictions nationales, chargées de veiller à la sauvegarde jusqu’à la décision finale de la Commission, des droits des justiciables face à une méconnaissance éventuelle, par les autorités étatiques, de l’interdiction visée à l’article 108 § 3 du TFUE, – qu’il incombe aux juridictions nationales de garantir aux justiciables que toutes les conséquences d’une violation de l’article 108 § 3 seront tirées conformément à leur droit national, en ce qui concerne tant la validité des actes comportant la mise à exécution des mesures d’aide que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de cette disposition ou d’éventuelles mesures provisoires ; – qu’en cas de défaut de notification préalable à la Commission d’une mesure nationale constituant une aide d’État au sens de l’article 107 § 1 du TFUE, il incombe aux juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de cette illégalité notamment en ce qui concerne la validité des actes d’exécution de cette mesure.

1) La Cour de Justice de l’Union Européenne a considéré dans son ordonnance que l’obligation d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par le consommateur final d’électricité est une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État : il est satisfait au premier critère pour qualifier la fixation des tarifs opérées par l’arrêté du 12 janvier 2010 d’aide d’État.

2) ce mécanisme d’aide a été mis en place afin de développer la production d’électricité par des installations utilisant l’énergie radiative solaire ; les bénéficiaires opèrent sur un marché de l’électricité libéralisé où sont habituellement pratiqués des échanges entre pays membres et il est satisfait au deuxième critère, dès lors que l’aide est susceptible d’affecter ou de fausser la concurrence.

3) Un avantage sélectif est accordé au bénéficiaire, puisqu’il bénéficie, en fonction du respect ou non des règles fixées par l’État d’une rémunération supérieure à celle qu’il aurait obtenue sur le marché : il est satisfait au troisième critère.

4) La concurrence est faussée ou menacée de l’être sur le marché intérieur, ce qui est le cas dès lors que des producteurs bénéficient d’un tarif avantageux dans un marché libéralisé ; il est satisfait au quatrième critère.

La qualification d’aide d’État doit être retenue.

c) Le droit interne pouvait-il et a-t-il validé l’arrêté illégal ? En raison du principe d’effectivité, la loi du 12 juillet 2010, en ce qu’elle a entendu valider la tarification et ses modalités telles que l’arrêté du 12 janvier 2010 les avait fixées, contredite par la norme européenne, est sans effet sur l’illégalité de l’acte, qui ne peut être appliquée en droit interne par une juridiction nationale. Dès lors que l’acte instituant une aide d’État n’a pas fait l’objet d’une notification préalable, il est par principe incompatible avec le marché intérieur et seule la Commission, sous le contrôle de la Cour de Justice de l’Union Européenne, peut se prononcer sur la compatibilité des mesures d’aides avec les règles de l’Union européenne. La question ne lui a pas été soumise et il est acquis aux dires des parties qu’elle ne le sera jamais. Il appartient en tout état de cause aux juridictions nationales de veiller à la sauvegarde des droits des justiciables face à une méconnaissance de l’interdiction visée à l’article 108 §3 du TFUE et l’application de l’arrêté du 12 janvier 2010 ne peut servir de base au principe ou à l’assiette d’un préjudice indemnisable selon les règles du droit interne.

d) Le principe de l’aide est-il remis en cause par l’illégalité de l’arrêté ?

Il est soutenu que l’arrêté ministériel du 10 juillet 2006 serait applicable si l’acte du 12 janvier 2010 ne pouvait servir de support à la demande, mais il ne peut être sérieusement contesté que cet arrêté prévoit, de la même façon, l’octroi d’aides d’État à des producteurs, qu’il n’a pas été notifié préalablement à la Commission, qu’il est illégal pour les raisons précédemment exposées concernant l’arrêté du 12 janvier 2010 et qu’il revient à la Cour d’en écarter l’application aux demandes fondées sur la responsabilité civile d’Enedis.

Par ailleurs, le préjudice dont la société Beibi demande l’indemnisation est constituée par la perte d’une chance, appréciée par l’appelante à 100%, de bénéficier d’une marge sur la durée de 20 ans du contrat sur les bases tarifaires prévues par un texte qui n’est pas applicable, pour être nul ; la perte de marge ne peut donc pas être reconnue, pas plus que la chance de l’éviter ; l’illégalité de l’arrêté a ainsi pour conséquence de priver l’intégralité de la demande indemnitaire d’un support légal et non seulement de la limiter dans son appréciation. Il en résulte que la perte d’un avantage dont l’obtention aurait été contraire au droit ne peut caractériser un préjudice réparable.

La société Beibi, si elle démontre l’existence d’une faute de la société Erdf, devenue Enedis, de nature à engager sa responsabilité civile, ne vient pas rapporter la preuve de l’existence d’un préjudice indemnisable. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande en dommages-intérêts ;

1. ALORS QUE la Cour de Justice de l’Union Européenne a dit pour droit, dans son arrêt CELF du 12 février 2008 (C-199/06) que l’article 88, devenu 108, paragraphe 3, dernière phrase, du Traité doit être interprété en ce sens que le juge national n’est pas tenu d’ordonner la récupération d’une aide mise à exécution en méconnaissance de cette disposition, lorsque la Commission des Communautés européennes a adopté une décision finale constatant la compatibilité de ladite aide avec le marché commun au sens de l’article 87, devenu 107, du Traité mais seulement d’ordonner au bénéficiaire de l’aide le paiement d’intérêts au titre de la période d’illégalité ;

que ce n’est qu’en cas de déclaration d’incompatibilité que l’aide doit être intégralement récupérée, avec les intérêts ; que l’illégalité d’une aide d’État, pour absence de notification à la Commission européenne ne suffit donc pas à elle seule à rendre irréparable le préjudice constitué par la privation d’un telle aide, ce qui ne pourrait résulter que d’une déclaration d’incompatibilité par la Commission européenne ; qu’en l’espèce, en déduisant l’absence de préjudice réparable de la société Beibi de l’absence de notification à la Commission de l’arrêté du 12 janvier 2010, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé l’article 108, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne tel qu’interprété par la Cour de Justice de l’Union Européenne, ensemble l’article 11 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 et l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2. ALORS QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit ; qu’en l’espèce, la société Beibi faisait valoir, sans être démentie, que sans la faute de la société Erdf, elle aurait eu une chance de conclure un contrat d’achat d’électricité au tarif fixé par l’arrêté du 12 janvier 2010, lequel contrat serait toujours en cours comme le sont actuellement tous les contrats qui ont été effectivement conclus sous l’empire de cet arrêté et de celui de 2006, et ne pourrait être remis en cause en l’absence de toute action en annulation de ces arrêtés fondée sur leur absence de notification à la commission européenne, désormais impossible du fait de leur abrogation ; qu’en rejetant l’action en responsabilité formée par la société Beibi à l’encontre de la société Erdf, sans rechercher quelle serait sa situation sans la faute du gestionnaire du réseau ni s’expliquer sur le sort des contrats en cours d’exécution, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;

3. ALORS QUE la perte d’une chance est toujours indemnisable, quand bien même elle ne résulterait pas de la lésion d’un droit dont l’exécution aurait pu être réclamée, en l’absence de toute négligence fautive de la part de la victime ; que la société Beibi, qui ne demande pas la conclusion d’un contrat d’achat d’électricité au tarif fixé par l’arrêté du 12 janvier 2010 mais la réparation d’un préjudice, n’étant en rien responsable de l’absence de notification de cet arrêté à la Commission européenne qui résulte de la seule négligence des autorités françaises, ne pouvait se voir opposer cette illégalité pour refuser d’indemniser le préjudice certain qu’elle subit du fait de la perte d’une chance de conclure un contrat d’achat d’électricité au tarif en vigueur à la date à laquelle son dommage s’est réalisé par la faute de la société Erdf ; qu’en affirmant toutefois que le préjudice subi par la société Beibi n’est pas réparable parce que l’arrêté fixant ce tarif serait illégal faute de notification à la Commission, la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4. ALORS QUE la réparation du préjudice constitué par une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et est égale à une fraction de l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée, déterminée en fonction des risques susceptibles d’affecter sa réalisation ; que tenue d’évaluer le préjudice consistant en une perte de chance de conclure un contrat d’achat d’électricité au tarif fixé par l’arrêté du 12 janvier 2010, la cour d’appel, qui a constaté que la Commission européenne ne serait jamais saisie de cet arrêté et ne pourrait donc pas le déclarer incompatible au marché intérieur, n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations, excluant tout risque à venir d’une quelconque obligation générale de remboursement des aides perçues par tous les producteurs ayant conclu un contrat d’achat à ce tarif, en refusant d’indemniser la société Beibi, et a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 septembre 2020, 19-10.184, Inédit