Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 décembre 2020, 19-16.760, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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TAoMA Partners · 18 mars 2021

La guerre dans le secteur de la grande distribution fait rage et les deux arrêts rendus par la Cour de Cassation le 16 décembre 2020 [1] en sont le parfait exemple. Les enseignes Intermarché et Carrefour reprochaient à l'enseigne Lidl d'avoir fait, au cours des années 2015 et 2016, la promotion télévisée de ventes promotionnelles, pratique pourtant interdite par les dispositions du décret relatif à la prohibition des publicités télévisuelles pour des ventes promotionnelles du secteur de la distribution (Article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992) [2]. La Cour d'Appel de Paris avait, …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 16 déc. 2020, n° 19-16.760
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-16.760
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 23 avril 2019
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042746671
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:CO00832
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

FB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 832 F-D

Pourvoi n° K 19-16.760

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 DÉCEMBRE 2020

La société Lidl, société en nom collectif, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° K 19-16.760 contre l’arrêt rendu le 24 avril 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l’opposant à la société ITM alimentaire international, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Lidl, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société ITM alimentaire international, et l’avis de M. Douvreleur, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s’ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l’audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 24 avril 2019), la société Lidl, ayant pour activité la grande distribution dans l’alimentation, le petit électro-ménager et le bricolage, exploite sur le territoire français une chaîne de supermarchés.

2. La société ITM alimentaire international (la société ITM) est chargée de la stratégie et de la politique commerciale des enseignes de distribution du groupement Les Mousquetaires, et notamment de l’enseigne Intermarché.

3. Reprochant à la société Lidl de ne pas avoir respecté, au cours des années 2015 et 2016, les dispositions de l’article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 prohibant les publicités télévisuelles pour des ventes promotionnelles du secteur de la distribution, la société ITM l’a assignée en réparation de son préjudice résultant de pratiques commerciales déloyales.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Lidl fait grief à l’arrêt de dire qu’en violant l’interdiction de ventes promotionnelles de la grande distribution sur les chaînes de télévision prévue à l’article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992, elle a commis des actes de concurrence déloyale, alors :

« 1°/ qu’en application du principe d’harmonisation complète, dès lors que le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 évoque, même de manière partielle, l’objectif de protection des consommateurs visé par la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales, celle-ci doit s’appliquer ; qu’en relevant néanmoins que la pratique visée à l’article 8 du décret de 1992 n’entrait pas dans le champ d’application de ladite directive dès lors que « son objectif n’est pas de protéger le consommateur, mais de préserver l’attractivité des différents médias par rapport à la télévision, au regard de la publicité des annonceurs », la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2°/ que, s’il devait exister un doute sur l’interprétation, notamment, des articles 3 et 5 de la directive PCD, il appartiendrait à la Cour de cassation, conformément à l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de renvoyer à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante : "Les articles 3 paragraphe 1, et 5 paragraphe 5 de la directive PCD (ou d’autres dispositions de cette directive) doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale aux termes de laquelle la diffusion d’opérations commerciales de promotion à la télévision pour le secteur de la distribution est interdite de manière générale, sans obligation de vérifier au cas par cas le caractère trompeur, agressif ou déloyal d’une telle pratique commerciale ?"

3°/ qu’en tout état de cause, le critère de « l’importance des stocks » mis en vente à l’occasion d’une opération commerciale de promotion, visée à l’article 8 du décret du 27 mars 1992, doit s’appréhender au niveau de l’ensemble des magasins, et non magasin par magasin ; qu’en écartant cette interprétation au motif que le décret de 1992 "prévoit que les produits doivent être offerts à la vente pendant toute la durée de quinze semaines » et que « les campagnes publicitaires télévisées de Lidl étant diffusées sur le territoire national, la présence de ces produits sur tous les lieux de vente situés sur l’ensemble du territoire national était présumée », la cour d’appel a violé les dispositions susvisées. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, aux termes de son considérant 6, la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 a pour objet de rapprocher les législations des États membres relatives aux pratiques commerciales déloyales, y compris la publicité déloyale, portant atteinte directement aux intérêts économiques des consommateurs et, par conséquent, indirectement aux intérêts économiques des concurrents légitimes, mais ne couvre ni n’affecte les législations nationales relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte uniquement aux intérêts économiques de concurrents. Aux termes de son considérant 8, elle protège expressément les intérêts économiques des consommateurs contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises à leur égard, de sorte qu’elle protège aussi indirectement les entreprises légitimes contre les concurrents qui ne suivent pas les règles du jeu fixées par la directive, garantissant ainsi une concurrence loyale dans le secteur d’activité qu’elle coordonne.

6. La Cour de justice de l’Union européenne retient que, pour répondre à la question de savoir si cette directive s’oppose à des dispositions nationales qui prévoient l’interdiction générale d’une pratique, il importe, à titre liminaire, de déterminer si la disposition nationale applicable aux faits de l’espèce poursuit des finalités tenant à la protection des consommateurs, de telle sorte qu’elle soit susceptible de relever du champ d’application de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, et ajoute qu’il ne lui appartient pas de se prononcer, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, sur l’interprétation du droit interne, cette mission incombant exclusivement à la juridiction de renvoi (CJUE, Ordonnance Cdiscount, C-13/15, 8 septembre 2015).

7. L’article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de service de télévision en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat, prohibe la publicité concernant notamment certains produits et secteurs économiques, en particulier celui de la distribution pour les opérations commerciales de promotion se déroulant entièrement ou principalement sur le territoire national, sous réserve de certaines exceptions territoriales, l’opération commerciale de promotion étant entendue comme toute offre de produits ou de prestations de service faite aux consommateurs ou toute organisation d’événements qui présente un caractère occasionnel ou saisonnier, résultant notamment de la durée de l’offre, des prix et des conditions de vente annoncés, de l’importance du stock mis en vente, de la nature, de l’origine ou des qualités particulières des produits ou services ou des produits ou prestations ou accessoires offerts.

8. Après avoir rappelé les termes du rapport au premier ministre relatif au décret n° 2003-960 du 7 octobre 2003 modifiant le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 et de l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 22 juillet 2003 sur les projets de décrets relatifs à la publicité, au parrainage et au télé-achat, que le rapport d’information n° 413 (2004-2005) de la délégation du Sénat ne contredit pas, l’arrêt retient que l’interdiction de la publicité de ventes promotionnelles de la grande distribution sur les chaînes de télévision vise toutes les promotions télévisuelles de ce secteur car son objectif n’est pas de protéger le consommateur mais de préserver l’attractivité des différents médias par rapport à la télévision, au regard de la publicité des annonceurs, afin que la publicité de la grande distribution, qui constitue une source importante de revenus, ne se concentre pas sur les régies publicitaires des chaînes de télévision. Il ajoute que la circonstance, spécifique à l’espèce, que la promotion illégale ait revêtu une forme dissimulée, donc potentiellement déloyale, qualifiée d’ailleurs par la société ITM également sur le fondement du code de la consommation, ne doit pas induire la confusion sur l’objet, distinct, de l’interdiction générale posée par l’article 8 du décret de 1992.

9. De ces énonciations et appréciations, la cour d‘appel a déduit à bon droit que l’article 8 du décret ne tend pas à la protection du consommateur et n’entre donc pas dans le champ d’application de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales, de sorte qu’il n’y a pas lieu de vérifier sa conformité à ladite directive et, par conséquent, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.

10. En second lieu, après avoir rappelé que la publicité à la télévision des opérations promotionnelles du secteur de la distribution est interdite et que doivent être qualifiées de promotions les opérations « éphémères », caractérisées par une exposition à la vente en magasin courte, inférieure, selon l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, à quinze semaines, l’arrêt, retenant que la doctrine de cet organisme, bien que dépourvue de force contraignante, traduit un usage de la profession et permet ainsi d’interpréter l’interdiction de diffusion à la télévision d’opérations commerciales de promotion prévue par l’article 8 du décret de 1992, relève que les cinq produits mis en avant dans les spots télévisés diffusés en avril, mai et juin 2016 n’étaient plus offerts à la vente dans aucun des quatre magasins Lidl visités par l’huissier de justice, le 19 juillet 2016, cependant qu’ils auraient dû y être présents pendant une durée de quinze semaines à compter de la date annoncée de disponibilité en magasin. Il relève également que, dans les vingt-deux magasins visités par les huissiers de justice le 8 décembre 2015, la très grande majorité des vingt-trois produits alimentaires et produits de petit électroménager et de bricolage, mis en avant dans les spots diffusés de septembre à novembre 2015, étaient absents des rayons des magasins visités. Il constate encore que les campagnes publicitaires télévisées de Lidl étaient diffusées sur le territoire national et que les spots n’ont jamais précisé que les produits en cause étaient disponibles dans un nombre limité de points de vente Lidl, ce qui laissait penser qu’ils le seraient sur l’ensemble du territoire national. Il retient enfin que, si la société Lidl démontre l’existence d’un stock résiduel à l’issue de la période de quinze semaines et prétend que la disponibilité des stocks mis en vente doit s’appréhender au niveau de l’ensemble des magasins, soit 1 500 points de vente Lidl en France, les stocks étant disponibles, tous magasins confondus, pendant au moins quinze semaines, il est établi que l’essentiel des ventes des produits ainsi promus intervenait dans les deux à quatre premières semaines de leur mise en vente, que le niveau de stock invoqué était quasiment atteint à l’issue de la quatrième semaine et qu’elle n’avait procédé à aucun réassortiment.

11. En l’état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d‘appel a exactement retenu que les opérations commerciales litigieuses étaient des opérations de promotion dont la publicité par voie de télévision était interdite par l’article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992.

12. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

13. La société Lidl fait grief à l’arrêt de la condamner à payer la somme de 3 700 000 euros à la société ITM, alors :

« 1°/ que la cassation à intervenir sur la base du premier moyen faisant grief à l’arrêt d’avoir dit que la société Lidl s’était rendue coupable d’actes de concurrence déloyale par violation de l’article 8 du décret du 27 mars 1992 entraînera par voie de conséquence, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile l’annulation du chef de l’arrêt attaqué condamnant la société Lidl à payer la somme de 3,7 millions d’euros à la société ITM.

2°/ qu’en tout état de cause, en vertu du principe de la réparation intégrale, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte pour elle ni perte, ni profit ; qu’en allouant à la société ITM, outre une somme mathématiquement justifiée de 2 959 590 euros, une somme de 740 410 euros, sans expliquer par quel calcul mathématique elle était parvenue à cette seconde somme, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article 1240 du code civil, ensemble le principe susvisé ;

3°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des pièces fournies aux débats par les parties ; qu’en considérant que l’attestation de son commissaire du comptes produite par la société Lidl n’était "corroborée par aucune pièce comptable, de sorte qu’elle ne saurait prévaloir sur les données officielles […] et Aréna Média", ces deux organismes n’étant pourtant nullement des sources officielles, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces éléments de preuve et violé le principe susvisé, ensemble l’article 1103 du code civil, anciennement article 1134 du code civil. »

Réponse de la Cour

14. La réponse au premier moyen rend sans portée le grief de la première branche.

15. Après avoir retenu que l’intégralité du préjudice économique ne peut être réparée par la seule indemnisation du coût que représente une campagne publicitaire rapportée à la part de marché de la société ITM pour contrebalancer les effets négatifs des publicités illicites et qu’il y a lieu de tenir compte de ce que cette société, victime des publicités de la société Lidl, qui combinent la visibilité d’une publicité télévisuelle et l’attractivité de la promotion, ne peut utiliser les mêmes armes qu’elle, et de ce que ces publicités télévisuelles conjuguées aux publicités institutionnelles classiques ont un effet fortement fidélisant, augmentant, de ce fait, le coût des campagnes de publicité de reconquête, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la cour d’appel a évalué le préjudice causé à la société ITM et a condamné la société Lidl à lui payer la somme de 3 700 000 euros.

16. En retenant que la société Lidl se contentait de contester le coût de ses campagnes illicites, retenu pour évaluer celui de la publicité que la société ITM devrait diffuser en réponse pour contrebalancer les effets négatifs de ces campagnes sur son propre chiffre d’affaires, sans rapporter la preuve contraire, la cour d’appel n’a pas dénaturé l’attestation du commissaire aux comptes de la société Lidl relative à ses budgets de publicité mais considéré, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que cette pièce n’avait pas la portée que lui prêtait la société Lidl.

17. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Lidl aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lidl ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour la société Lidl.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR dit que la société Lidl, en violant l’interdiction de ventes promotionnelles de la grande distribution sur les chaînes de télévision prévue à l’article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992, avait commis des actes de concurrence déloyale ;

Aux motifs propres que, sur la diffusion à la télévision d’opérations de promotion et sur le caractère illicite de cette pratique, Sur la conformité à la directive PCD, la directive s’applique à l’ensemble des pratiques commerciales déloyales, car celle-ci a un champ d’application matériel particulièrement large, s’étendant à toute pratique commerciale qui présente un lien direct avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs (arrêt CJUE Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag, C-540/08, EU : C:2010:660, point 21) ; que la circonstance que le décret de 1992 ait été pris sur le fondement de la directive 2007/65/CE du 11 décembre 2007 modifiant la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 (et codifiée par la directive 2010/13/UE dite « directive SMA »), ne peut soustraire en soi l’interdiction générale des opérations commerciales de promotion à la télévision pour le secteur de la distribution à la directive PCD ; qu’il convient en premier lieu de déterminer si les pratiques interdites par l’article 8 du décret constituent des pratiques commerciales au sens de la directive et si celles-ci portent atteinte, même partiellement, aux intérêts économiques des consommateurs ; que l’article 3 de la directive PCD prévoit qu’elle s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l’article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit ; que l’article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992, pris pour l’application des articles 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relatif à la publicité et au parrainage audiovisuel et de la directive 89/552/CEE, dispose dans sa dernière version en vigueur (laquelle est issue du décret n° 2003-960 du 7 octobre 2003) qu'« est interdite la publicité concernant, d’une part, les produits dont la publicité télévisée fait l’objet d’une interdiction législative et, d’autre part, les produits et secteurs économiques suivants : (

) distribution pour les opérations commerciales de promotion se déroulant entièrement ou principalement sur le territoire national » ; que le décret de 1992 et l’article 8 plus particulièrement visent, de façon générale, à régir les obligations des éditeurs de services de télévision en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat ; que selon le rapport au Premier Ministre (pièce J-4 des sociétés intimées), la limitation à la publicité de l’article 8 vise à sauvegarder le pluralisme des médias en évitant que la télévision ne constitue le support essentiel de publicité au détriment des autre supports : « La limitation de la publicité portant sur les promotions permettra de contribuer à la sauvegarde du pluralisme en évitant un impact non maîtrisé de l’ouverture sur les ressources globales des médias à moindre potentiel de collecte publicitaire que la télévision, comme la presse écrite régionale ou locale ou les radios locales et généralistes ; que cette évolution maîtrisée permettra d’éviter des transferts brutaux de ressources de la presse et de la radio vers la télévision, contribuant à l’objectif d’intérêt général de réservation du pluralisme et de la diversité des médias (

) » ; que cette finalité a été rappelée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans son avis du 22 juillet 2003 sur les projets de décrets relatifs à la publicité, au parrainage et au téléachat : « L’interdiction des campagnes de promotion en télévision est justifiée en ce qu’elle permet de contenir en partie l’impact de l’ouverture sur les médias les plus exposés (radio et presse quotidienne régionale). Cette interdiction reflète d’ailleurs les contraintes du marché, la télévision nationale étant un média peu adapté à la diffusion d’annonces publicitaires pour des promotions ponctuelles de produits ou de services, souvent réservées à un marché local ; que la circonstance, alléguée par la société Lidl, que le rapport d’information n° 413 (2004-2005) de M. I… E…, fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification et déposé le 21 juin 2005 sur le thème « L’ouverture de la publicité télévisée aux secteurs interdits : quels équilibres entre déréglementation et pluralisme ? » (pièce n° 24 de Lidl) explicite, de façon générale, l’intérêt et les inconvénients de la publicité pour le consommateur, ne saurait modifier cette appréciation ; que s’il en allait ainsi, toutes les pratiques anticoncurrentielles seraient également couvertes par la directive PCD ; que la pratique interdite ne constitue pas une pratique commerciale déloyale au sens de l’article [3] de la directive, en ce sens que l’interdiction de ventes promotionnelles de la grande distribution sur les chaînes de télévision vise toutes les promotions télévisuelles de la grande distribution, qu’elles soient ou non déloyales, car son objectif n’est pas de protéger le consommateur, mais de préserver l’attractivité des différents médias par rapport à la télévision, au regard de la publicité des annonceurs ; qu’au regard de cet objectif, la publicité de la grande distribution qui constitue une source de revenus publicitaires importante ne doit pas se concentrer sur les régies publicitaires des chaînes de télévision ; que la circonstance, spécifique à la présente espèce, que la promotion illégale ait revêtu une forme dissimulée, donc potentiellement déloyale, qualifiée d’ailleurs par la société ITM également sur le fondement du code de la consommation, ne doit pas induire la confusion sur l’objet, distinct, de l’interdiction générale posée par l’article 8 du décret de 1992 ; que la pratique n’entre donc pas dans le champ d’application de l’article 3 ; qu’il n’y a donc pas lieu de vérifier la conformité de l’article 8 à cette directive, ni de poser une question préjudicielle à la Cour de justice ; que, Sur les pratiques de violation de l’article 8, les opérations promotionnelles à la télévision sont interdites ; que peuvent être qualifiées de promotions les opérations « éphémères », caractérisées par une exposition à la vente en magasin courte, inférieure à 15 semaines ; qu’en effet, pour rappel, l’ARPP considère que n’est pas une opération commerciale de promotion une campagne qui s’inscrit dans la durée, c’est-à-dire dont les produits sont en magasin pendant 15 semaines ; qu’or, il résulte des pièces du dossier que les publicités litigieuses constituaient des opérations promotionnelles, interdites à la télévision ; que si Lidl prétend que la disponibilité des stocks mis en vente doit s’appréhender au niveau de l’ensemble des magasins, soit 1.500 points de vente Lidl en France, et ajoute que les stocks étaient disponibles, tous magasins confondus, pendant au moins 15 semaines, cette argumentation contredit le décret de 1992 puisque celui-ci prévoit que les produits doivent être offerts à la vente pendant toute la durée de 15 semaines ;

Et aux motifs adoptés que la société Lidl démontre l’existence d’un stock comptable pendant 15 semaines, mais ne fournit pas la preuve que ce stock était composé de produits disponibles à la vente ; que le tribunal considérera que le stock comptable ne reflète pas l’existence de produits disponibles à la vente ; que la société Lidl a fait de la publicité télévisée pour des produits dont le stock était manifestement limité ; qu’elle a donc violé l’interdiction de faire volontairement de la publicité pour un produit dont le stock est limité et non renouvelable, prévue à l’article 8 du décret du 27 mars 1992 ; que le tribunal dira que, violant cette interdiction, la société Lidl a commis des actes de concurrence déloyale ;

1°) Alors qu’en application du principe d’harmonisation complète, dès lors que le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 évoque, même de manière partielle, l’objectif de protection des consommateurs visé par la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales, celle-ci doit s’appliquer ; qu’en relevant néanmoins que la pratique visée à l’article 8 du décret de 1992 n’entrait pas dans le champ d’application de ladite directive dès lors que « son objectif n’est pas de protéger le consommateur, mais de préserver l’attractivité des différents médias par rapport à la télévision, au regard de la publicité des annonceurs », la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2°) Alors que, s’il devait exister un doute sur l’interprétation, notamment, des articles 3 et 5 de la directive PCD, il appartiendrait à la Cour de cassation, conformément à l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de renvoyer à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante : « Les articles 3 paragraphe 1, et 5 paragraphe 5 de la directive PCD (ou d’autres dispositions de cette directive) doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale aux termes de laquelle la diffusion d’opérations commerciales de promotion à la télévision pour le secteur de la distribution est interdite de manière générale, sans obligation de vérifier au cas par cas le caractère trompeur, agressif ou déloyal d’une telle pratique commerciale ? »

3°) Alors qu’en tout état de cause, le critère de « l’importance des stocks » mis en vente à l’occasion d’une opération commerciale de promotion, visée à l’article 8 du décret du 27 mars 1992, doit s’appréhender au niveau de l’ensemble des magasins, et non magasin par magasin ; qu’en écartant cette interprétation au motif que le décret de 1992 « prévoit que les produits doivent être offerts à la vente pendant toute la durée de 15 semaines » et que « les campagnes publicitaires télévisées de Lidl étant diffusées sur le territoire national, la présence de ces produits sur tous les lieux de vente situés sur l’ensemble du territoire national était présumée » (arrêt, p. 18), la cour d’appel a violé les dispositions susvisées.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société Lidl à payer la somme de 3,7 millions d’euros à la société ITM ;

Aux motifs que, sur le préjudice subi par ITM, il s’infère nécessairement d’actes constitutifs de concurrence déloyale un trouble commercial générant un préjudice, fût-il seulement moral ; qu’en l’espèce, l’impact des publicités télévisuelles est établi par l’étude […] menée en décembre 2015 et 2016 (pièces 42 et 25 d’ITM) ; que l’absence de corrélation parfaite entre les baisses de chiffres d’affaires d’ITM et les périodes des campagnes publicitaires illicites de Lidl ne saurait remettre en question le lien de causalité entre elles et le préjudice subi par ITM ; que ce principe de préjudice ne dispense toutefois pas la victime de démontrer son étendue, pour en demander réparation au titre non pas des publicités télévisuelles dans leur ensemble, mais des publicités télévisuelles illicites ; que les constats versés aux débats ont permis de mettre en évidence le caractère illicite de certaines publicités télévisuelles mises en oeuvre par la société Lidl ; qu’il convient d’établir le périmètre de la faute délictuelle à 19 campagnes publicitaires illicites, ce qui n’est pas sérieusement contesté par les parties ; que le tribunal a, à bon droit, écarté la méthode de calcul du préjudice fondée sur la comparaison entre les parts de marché qu’aurait eues la société Lidl en l’absence de ses pratiques déloyales et celles qu’elles a eues effectivement ; que toutefois, la société ITM souligne à juste titre qu’il n’est pas pertinent de limiter l’indemnisation du préjudice subi par ITM aux seules infractions constatées dans les magasins concernés par les constats ; qu’en effet, le préjudice subi par ITM ne se limite pas au manque à gagner de ces seuls magasins, les constats versés aux débats ayant permis, par une sélection aléatoire des magasins, de démontrer l’illicéité des pratiques du réseau Lidl de dimension nationale ; que LIDL n’a pas été en mesure d’apporter la preuve contraire du respect de la réglementation dans ses autres magasins que ceux concernés par les constats ; que la société ITM demande que soit pris en compte, pour évaluer son préjudice, le coût de la publicité qu’elle devrait diffuser en réponse à chacune des campagnes illicites de Lidl, pour contrebalancer l’effet de captation de ces campagnes à son détriment ; que selon les chiffres communiqués par ITM, et détaillés par campagne, dans les tableaux de la page 51 de ses conclusions : pour la diffusion des 14 spots télévisés, de septembre à novembre 2015, Lidl a engagé près de 17 millions euros bruts (pièce ITM n° 37, Montant des investissements publicitaires relatifs aux 14 spots publicitaires et pièce ITM n° 38, Attestation du Directeur général d’Arena Media), pour la diffusion télévisée des 5 spots diffusés d’avril à juin 2016, les frais se sont élevés à près de 5,2 millions euros bruts (pièce ITM n° 22, Données […] sur les investissements publicitaires de LIDL relatifs aux 5 spots publicitaires) ; que ces chiffres sont contestés par la société Lidl qui verse aux débats une attestation de son commissaire aux comptes (pièce n° 18 de Lidl), selon laquelle les dépenses relatives à l’achat d’espaces publicitaires pour la publicité télévisuelle sur des produits non alimentaires serait seulement de 10,628 millions d’euros pour 2016 et 10,312 millions d’euros pour 2017 (sic), pour calculer le coût moyen d’un spot de produit non alimentaire, soit 234 090 euros par campagne (pour 2015 : 10,6 millions d’euros / 37 = 286 486 euros par campagne et pour 2016 : 10,3 millions d’euros / 44) ; que cette attestation n’est toutefois corroborée par aucune pièce comptable, de sorte qu’elle ne saurait prévaloir sur les données officielles […] et Aréna Media ; que la société Lidl réplique qu’il s’agit de chiffres bruts dont il faudrait soustraire les remises ; que la cour rappelle cependant qu’il appartient à la société Lidl de rapporter la preuve de ses investissements publicitaires télévisuels, et notamment des campagnes visées par le présent litige et aussi du montant des remises dont elle a pu bénéficier ; qu’elle seule est en mesure de les fournir ; que la cour retiendra donc les chiffres d’ITM ; que la société ITM qui est victime, comme les autres enseignes, de ces pratiques, devra réaliser, pour contrebalancer les effets négatifs de ces publicités illicites sur son propre chiffre d’affaires, une campagne proportionnelle à sa part de marché pour la période considérée, soit 13,3 %, soit engager une dépense de 2 959 590 euros (13,3 % de 22 230 000 euros) ; que toutefois, cette somme ne correspond pas à l’intégralité du préjudice économique réel subi par la société ITM ; qu’en effet, la cour souligne qu’elles ne peuvent utiliser les mêmes armes que la société Lidl, puisqu’elle est victime de publicités illicites qui combinent la visibilité de la publicité télévisuelle et l’attractivité de la promotion, que ces publicités promotionnelles télévisuelles, conjuguées aux publicités institutionnelles classiques ont un effet fortement fidélisant, de sorte que les campagnes de publicité licites pour les combattre auront un coût nécessairement plus élevé et que l’effort de reconquête sera long, et enfin que cet effet fidélisant est encore amplifié par la diffusion du slogan « Meilleure Chaîne de Magasins » ; que la cour condamnera donc la société Lidl à payer à la société ITM la somme de 3,7 millions d’euros ; que le jugement entrepris sera donc infirmé sur le quantum alloué.

1°) Alors que la cassation à intervenir sur la base du premier moyen faisant grief à l’arrêt d’avoir dit que la société Lidl s’était rendue coupable d’actes de concurrence déloyale par violation de l’article 8 du décret du 27 mars 1992 entraînera par voie de conséquence, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile l’annulation du chef de l’arrêt attaqué condamnant la société Lidl à payer la somme de 3,7 millions d’euros à la société ITM ;

2°) Alors qu’en tout état de cause, en vertu du principe de la réparation intégrale, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte pour elle ni perte, ni profit ; qu’en allouant à la société ITM, outre une somme mathématiquement justifiée de 2 959 590 euros, une somme de 740 410 euros, sans expliquer par quel calcul mathématique elle était parvenue à cette seconde somme, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article 1240 du code civil, ensemble le principe susvisé ;

3°) Alors que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des pièces fournies aux débats par les parties ; qu’en considérant que l’attestation de son commissaire du comptes produite par la société Lidl (pièce Lidl n° 18) n’était « corroborée par aucune pièce comptable, de sorte qu’elle ne saurait prévaloir sur les données officielles […] et Aréna Média » (pièces ITM n° 22, 37 et 38) (arrêt, p. 25, § 3), ces deux organismes n’étant pourtant nullement des sources officielles, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces éléments de preuve et violé le principe susvisé, ensemble l’article 1103 du code civil, anciennement article 1134 du code civil.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 décembre 2020, 19-16.760, Inédit