CEDH, GRANER c. FRANCE, 2 mai 2019, 84536/17

  • Archives·
  • Document·
  • Consultation·
  • Protocole·
  • Mandataire·
  • Communication·
  • Patrimoine·
  • Atteinte·
  • Secret·
  • Rwanda

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Communiquée le 2 mai 2019

CINQUIÈME SECTION

Requête no 84536/17
François GRANER
contre la France
introduite le 14 décembre 2017

EXPOSÉ DES FAITS

Le requérant, M. François Graner, est un ressortissant français né en 1966 et résidant à Paris. Il est représenté devant la Cour par Me Patrice Spinosi, avocat exerçant à Paris.

A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le requérant est physicien et directeur de recherche au centre national de recherche scientifique (« CNRS ») ainsi qu’à l’université Paris Diderot. Il indique que, parallèlement à son activité scientifique, il conduit depuis plusieurs années un travail d’enquête sur le rôle joué par la France au Rwanda avant, pendant et après le génocide des Tutsis en 1994. Il précise avoir publié en 2014 un ouvrage consacré à ce sujet, intitulé « le sabre et la machette ; officiers français et génocide Tutsi ».

Le 7 avril 2015, le secrétaire général de la présidence de la République française décida « de déclassifier des archives des documents de l’Élysée relatifs au Rwanda entre 1990 et 1995 ».

1.La demande de consultation des archives de la présidence de François Mitterrand

Le 14 juillet 2015, le requérant, qui préparait un livre sur « la politique africaine du président François Mitterrand en Afrique centrale (1981-1995) », demanda au directeur des Archives de France l’autorisation de consulter dix-huit dossiers faisant partie des archives de la présidence de François Mitterrand.

Le 13 août 2015, le directeur des Archives de France transmit cette demande à la mandataire des archives du président Mitterrand. Il précisait dans sa lettre que, selon lui, la communication de deux dossiers ne porterait pas une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi ». Il ajoutait que les seize autres dossiers avaient été « examinés le 5 novembre 2014 par la commission d’examen des archives de la présidence de la République portant sur le Rwanda pour les années 1990 à 1994, (...) réunie sous l’égide du secrétariat de la défense et de la sécurité nationale, [laquelle avait] émis un avis favorable à la déclassification de tous les documents classifiés contenus dans ces articles et estimé que la quasi-totalité de l’ensemble des documents, classifiés ou non, qu’ils cont[enaient], pouvait être consultés par dérogation ». Il spécifiait toutefois qu’il y avait dans ces seize dossiers des documents qui n’avaient pas été déclassifiés par l’autorité compétente ou que la commission d’examen avait estimés non communicables par dérogation. Il indiquait en conséquence que « la communication de ces seize dossiers ne para[issait] pas porter une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi,  à la condition que l’on extraie, au moment de la consultation, les documents classifiés qu’ils cont[enaient] ainsi que (...) le télégramme diplomatique du 11 mars 1993, non classifié, mais relatant les opinions de journalistes encore en activité sur le génocide ».

La mandataire des archives du Président Mitterrand répondit le 7 octobre 2015 qu’elle donnait son autorisation pour la consultation des deux premiers dossiers, mais pas des seize autres, au motif qu’ils étaient « susceptibles de porter une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi ». Elle indiquait en particulier que ces seize dossiers contenaient un ou des documents classés « secret », « secret défense » ou « confidentiel défense ».

Le 7 décembre 2015, le directeur des Archives de France informa le requérant qu’au vu de l’avis de la mandataire du président Mitterrand, il l’autorisait à consulter les deux premiers dossiers mais pas les seize autres.  Il précisait ce qui suit :

« (...) en effet, il s’agit de documents dont la communication est de nature à porter une atteinte aux intérêts protégés par la loi. Après avoir saisi la mandataire du président François Mitterrand, j’émets un avis défavorable à la consultation par dérogation (...) ».

2.L’avis de la commission d’accès aux documents administratifs

Le requérant saisit la commission d’accès aux documents administratifs (« CADA »), qui, le 3 mars 2016, rendit l’avis suivant :

« En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur chargé des Archives de France a informé la commission que tenu par le I de l’article L. 213-3 et l’article L. 213-4 du code du patrimoine, il ne pouvait accéder à la demande de dérogation sans l’accord de la mandataire des archives du président [Mitterrand]. Elle prend note qu’il propose néanmoins, sous réserve de l’accord de [la mandataire], que ces dossiers soient communiqués au demandeur, hormis les pièces classifiées.

La commission rappelle qu’aux termes de l’article L. 213-4 du code du patrimoine, dans sa rédaction résultant de la loi no 2008-696 du 15 juillet 2008, les documents d’archives publiques émanant d’un président de la République versés antérieurement à la publication de cette loi sont régis par le protocole signé entre celui-ci et l’administration des archives. Toutefois, les clauses relatives aux mandataires cessent d’être applicables vingt-cinq ans après le décès du signataire du protocole.

La commission estime qu’il résulte de ces dispositions que, lorsque le protocole prévoit que le président de la République concerné peut s’opposer à la communication par anticipation de ses archives, et que ce dernier ou son mandataire, lors de la période des vingt-cinq années qui suivent le décès du président, n’a pas donné son accord à la divulgation des archives demandées, l’administration se trouve en situation de compétence liée pour refuser la communication par dérogation de ces archives.

La commission constate que les archives demandées sont des archives présidentielles versées sous protocole signé antérieurement à la publication de la loi du 15 juillet 2008. Dès lors qu’en l’espèce la mandataire n’a pas souhaité autoriser la consultation de ces archives par dérogation, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable à la demande ».

3.La saisine du tribunal administratif de Paris et la question prioritaire de constitutionnalité

Le 2 décembre 2016, le ministre de la culture et de la communication, après accord de la mandataire, autorisa le requérant à consulter cinq des seize dossiers litigieux.

Le 12 décembre 2016, le requérant saisit le tribunal administratif de Paris d’une demande tendant à l’annulation de la décision du 7 décembre 2015 et à la condamnation du ministère de la Culture et de la Communication à lui délivrer les documents litigieux. Renvoyant à la jurisprudence de la Cour, il invoquait l’article 10 de la Convention en ce qu’il garantit notamment la liberté de recevoir des informations, ainsi que l’article 13 de la Convention.

a)La question prioritaire de constitutionnalité

Le requérant présenta parallèlement une question prioritaire de constitutionnalité. Il soutenait que les dispositions de l’article L. 213-4 du code du patrimoine étaient contraires à l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en ce qu’elles conféraient au mandataire le pouvoir de s’opposer, seul et sans explication, au droit des citoyens d’accéder librement aux archives publiques. Il ajoutait que le caractère discrétionnaire du refus opposé par le mandataire joint à la situation de compétence liée dans laquelle se trouve le ministre pour refuser l’accès aux archives publiques concernées dans un tel cas ne permettait pas l’exercice du droit à un recours effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Le 2 mars 2017, le tribunal administratif transmit la question au Conseil d’État qui, le 28 juin 2017, la renvoya au Conseil constitutionnel par une décision ainsi motivée :

(...) 4. Les dispositions de l’article L. 213-4 du code du patrimoine sont applicables au litige dont le tribunal administratif de Paris est saisi. Elles n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaissent les articles 15 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen soulève une question qui présente un caractère sérieux. Par suite, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de constitutionnalité invoquée. »

Devant le Conseil constitutionnel, le requérant fit en outre valoir que le dispositif prévu par l’article L. 213-4 du code du patrimoine méconnaissait le droit du public à recevoir des informations, corollaire du droit à la libre communication des pensée et des opinions, et était contraire au droit à un recours effectif.

b)La décision du Conseil constitutionnel du 15 septembre 2017

Le 15 septembre 2017 (décision no 2017-655 QPC), le Conseil constitutionnel déclara le deuxième alinéa et la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 213-4 du code du patrimoine conformes à la Constitution, retenant notamment ce qui suit :

« (...)

- Sur le grief tiré de la méconnaissance de l’article 15 de la Déclaration de 1789 :

4. Aux termes de l’article 15 de la Déclaration de 1789 : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Est garanti par cette disposition le droit d’accès aux documents d’archives publiques. Il est loisible au législateur d’apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

5. Selon le premier alinéa de l’article L. 213-4 du code du patrimoine, le versement des documents d’archives publiques émanant du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement peut être assorti de la signature de protocoles, conclus entre la partie versante et l’administration des archives, déterminant notamment les conditions de communication du fonds versé. En application de l’article L. 213-3 du même code, l’autorisation de consultation de ces documents avant l’expiration des délais fixés à l’article L. 213-2, qui varient en fonction des intérêts protégés, peut être accordée aux personnes qui en font la demande « dans la mesure où l’intérêt qui s’attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger ».

6. En application des dispositions contestées, cette consultation anticipée, lorsqu’elle porte sur des archives publiques versées après la publication de la loi du 15 juillet 2008, requiert l’autorisation préalable du signataire du protocole. La consultation anticipée des archives versées avant cette publication, qui demeure régie par les protocoles conclus antérieurement, nécessite l’autorisation du signataire ou, le cas échéant, de son mandataire.

7. En premier lieu, il ressort des travaux préparatoires qu’en conférant au signataire du protocole ou à son mandataire le pouvoir d’autoriser la consultation anticipée des archives publiques émanant du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement, le législateur a entendu, en les plaçant sous le contrôle des intéressés, accorder une protection particulière à ces archives, qui peuvent comporter des informations susceptibles de relever du secret des délibérations du pouvoir exécutif et, ainsi, favoriser la conservation et le versement de ces documents. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général.

8. En second lieu, cette restriction au droit d’accès aux documents d’archives publiques est limitée dans le temps. D’une part, les protocoles relatifs aux archives versées après la publication de la loi du 15 juillet 2008 cessent de plein droit d’avoir effet lors du décès de leur signataire et, en tout état de cause, pour les documents relevant de l’article L. 213-2 du code du patrimoine, à l’expiration des délais fixés par cet article. D’autre part, les clauses relatives à la faculté d’opposition du mandataire figurant dans les protocoles régissant les archives versées avant cette même publication cessent d’être applicables vingt-cinq ans après le décès du signataire.

9. Par conséquent, les limitations apportées par les dispositions contestées à l’exercice du droit d’accès aux documents d’archives publiques résultant de l’article 15 de la Déclaration de 1789 sont justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à cet objectif. Le grief tiré de la méconnaissance de cet article doit donc être écarté.

- Sur les autres griefs :

10. (...) en définissant des conditions spécifiques de communication des archives publiques du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement, les dispositions contestées ne portent pas d’atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication garantie par l’article 11 de la Déclaration de 1789. Le grief tiré de la méconnaissance de cet article doit donc être écarté.

11. (...) les dispositions contestées ne privent pas la personne à qui est opposé un refus de consultation du droit de contester cette décision devant le juge. La circonstance que l’autorité administrative ne puisse surmonter l’absence d’accord du signataire du protocole ou, le cas échéant, de son mandataire n’entraîne par elle-même pas d’atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 16 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté.

(...) ».

c)Le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 mai 2018

Le 17 mai 2018, le tribunal administratif de Paris décida qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours du requérant pour autant qu’il concernait la consultation des cinq dossiers dont l’accès lui avait été accordé. Il le rejeta pour le surplus par les motifs suivants :

« (...) 4. Considérant que par une décision no 2017-655 QPC du 15 septembre 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le deuxième alinéa et la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 213-4 du code du patrimoine, dans sa rédaction résultant de la loi no 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives ; que, dès lors, le moyen tiré de l’atteinte par ces dispositions aux droits et libertés garantis par la constitution ne peut qu’être écarté ;

5. Considérant que M. Graner soutient que le refus partiel de consultation des archives présidentielles de François Mitterrand sur le Rwanda opposé par sa mandataire est dépourvu de fondement juridique et méconnait le principe selon lequel l’autorité dont émane les documents a la charge d’accorder les autorisation de consultation d’archives ; que, toutefois, la décision de la ministre de la culture, après consultation de la mandataire, a été largement prise au regard des dispositions (...) des articles L. 213-3 et L. 213-4 du code du patrimoine dont il n’appartient pas au juge administratif d’apprécier le bien-fondé ;

6. Considérant qu’en définissant des conditions spécifiques de communication des archives publiques du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du gouvernement dans le but de conserver et de permettre le versement de ces documents, les dispositions de l’article L. 213-4 du code du patrimoine, qui poursuivent un objectif d’intérêt général, ne portent pas atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication garantie par l’article 10 § 1 de la Convention (...) ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;

7. Considérant que M. Graner soutient que les dispositions de l’article L. 213-4 du code du patrimoine méconnaissent le droit au recours protégé par les stipulations des articles 6 § 1 et 13 de la Convention (...) ; que, toutefois, la circonstance que l’autorité administrative ne puisse surmonter l’absence d’accord du signataire du protocole de versement ou, le cas échéant, de son mandataire, et soit tenue, par suite, de refuser la consultation d’archives publiques émanant du Président de la République n’entraîne pas, par elle-même, d’atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction protégé par l’article 13 de la Convention (...) ;

8. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article L. 213-4 du code du patrimoine que l’accord de la partie versante est requis pour autoriser la consultation des archives de la présidence de la République ; qu’il s’ensuit que, compte-tenu du refus partiel opposé par le mandataire des archives de la présidence de François Mitterrand, la ministre (...) était tenue de refuser à M. Graner la consultation des documents en cause, sans avoir à porter une appréciation sur les faits de l’espèce ; que dès lors, les moyens soulevés par M. Graner à l’appui des conclusions en annulation formées contre la décision contestée de la ministre (...) ne peuvent qu’être écartés comme inopérants ;

9. Considérant que si lorsque la délivrance d’une autorisation administrative est subordonnée à l’accord préalable d’une autre autorité, le refus d’un tel accord, qui s’impose à l’autorité compétente pour statuer sur la demande d’autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l’autorité compétente pour statuer sur la demande d’autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision ;

10. Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier et contrairement à ce que fait valoir M. Graner, que d’autres chercheurs auraient eu l’autorisation de consulter les archives en litige ; que, par suite, le moyen tiré d’une rupture d’égalité entre chercheurs doit être écartée ;

11. Considérant que M. Graner soutient que le refus partiel de la mandataire du président François Mitterrand est entaché d’un conflit d’intérêts dans la mesure où elle est membre du conseil d’administration et du conseil scientifique de l’institut François Mitterrand, lequel a pris position sur l’intervention française au Rwanda ; que, toutefois, dans la mesure où l’article L. 213-4 laisse au signataire du protocole le soin de désigner un mandataire sans prévoir d’incompatibilité, le moyen ne peut être qu’écarté comme étant inopérant ; qu’en tout état de cause, et à supposer que M. Graner ait entendu soulever ainsi le moyen tiré du détournement de pouvoir, la circonstance invoquée ne permet pas de l’établir ;

12. Considérant enfin, que M. Graner soutient que la décision de la mandataire des archives de la présidence de François Mitterrand est entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de l’atteinte portée, par la consultation demandée, aux intérêts protégés par la loi ; que, toutefois, et alors que la consultation anticipée de ce fonds d’archives constitue une dérogation aux règles instituées par l’article L. 213-2 du code du patrimoine, il n’apporte aucun élément de nature à démontrer que l’intérêt que présenterait la consultation de ces archives avant l’expiration du délai prévu par le code du patrimoine, qui expire en l’espèce en janvier 2021, serait supérieur aux intérêts liés notamment au respect de la vie privée, de la sécurité de l’État et de la prévention de troubles à l’ordre public que la loi a entendu ainsi protéger ; que la circonstance, même à la supposer établie, que ces archives ont été déclassifiées, est à cet égard sans incidence ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être écarté ; (...) ».

Le requérant se pourvut en cassation devant le Conseil d’État. La procédure est pendante.

B.  Le droit et la pratique internes pertinents

Les articles L. 213-1 à L. 213-6 du code du patrimoine sont ainsi libellés (version applicable à l’époque des faits) :

Article L. 213-1

« Les archives publiques sont, sous réserve des dispositions de l’article L. 213-2, communicables de plein droit (...) ».

Article L. 213-2

« Par dérogation aux dispositions de l’article L. 213-1 :

I. Les archives publiques sont communicables de plein droit à l’expiration d’un délai de :

1o Vingt-cinq ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier :

a) Pour les documents dont la communication porte atteinte au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif, à la conduite des relations extérieures, à la monnaie et au crédit public, au secret en matière commerciale et industrielle, à la recherche par les services compétents des infractions fiscales et douanières ou au secret en matière de statistiques sauf lorsque sont en cause des données collectées au moyen de questionnaires ayant trait aux faits et comportements d’ordre privé mentionnées aux 4o et 5o ;

b) Pour les documents mentionnés au 1o du I de l’article 6 de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978, à l’exception des documents produits dans le cadre d’un contrat de prestation de services exécuté pour le compte d’une ou de plusieurs personnes déterminées lorsque ces documents entrent, du fait de leur contenu, dans le champ d’application des 3o ou 4o du présent I ;

2o Vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l’intéressé, pour les documents dont la communication porte atteinte au secret médical. Si la date du décès n’est pas connue, le délai est de cent vingt ans à compter de la date de naissance de la personne en cause ;

3o Cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, pour les documents dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l’État dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l’État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la protection de la vie privée, à l’exception des documents mentionnés aux 4o et 5o. Le même délai s’applique aux documents qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou qui font apparaître le comportement d’une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice.

Le même délai s’applique aux documents relatifs à la construction, à l’équipement et au fonctionnement des ouvrages, bâtiments ou parties de bâtiment utilisés pour la détention des personnes ou recevant habituellement des personnes détenues. Ce délai est décompté depuis la fin de l’affectation à ces usages des ouvrages, bâtiments ou parties de bâtiment en cause ;

4o Soixante-quinze ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, ou un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l’intéressé si ce dernier délai est plus bref :

a) Pour les documents dont la communication porte atteinte au secret en matière de statistiques lorsque sont en cause des données collectées au moyen de questionnaires ayant trait aux faits et comportements d’ordre privé ;

b) Pour les documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire ;

c) Pour les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions, sous réserve des dispositions particulières relatives aux jugements, et à l’exécution des décisions de justice ;

d) Pour les minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels ;

e) Pour les registres de naissance et de mariage de l’état civil, à compter de leur clôture ;

5o Cent ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, ou un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l’intéressé si ce dernier délai est plus bref, pour les documents mentionnés au 4o qui se rapportent à une personne mineure.

Les mêmes délais s’appliquent aux documents couverts ou ayant été couverts par le secret de la défense nationale dont la communication est de nature à porter atteinte à la sécurité de personnes nommément désignées ou facilement identifiables. Il en est de même pour les documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire, aux affaires portées devant les juridictions, sous réserve des dispositions particulières relatives aux jugements, et à l’exécution des décisions de justice dont la communication porte atteinte à l’intimité de la vie sexuelle des personnes.

II. Ne peuvent être consultées les archives publiques dont la communication est susceptible d’entraîner la diffusion d’informations permettant de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes nucléaires, biologiques, chimiques ou toutes autres armes ayant des effets directs ou indirects de destruction d’un niveau analogue. »

Article L. 213-3

« I. L’autorisation de consultation de documents d’archives publiques avant l’expiration des délais fixés au I de l’article L. 213-2 peut être accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l’intérêt qui s’attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Sous réserve, en ce qui concerne les minutes et répertoires des notaires, des dispositions de l’article 23 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, l’autorisation est accordée par l’administration des archives aux personnes qui en font la demande après accord de l’autorité dont émanent les documents.

Le temps de réponse à une demande de consultation ne peut excéder deux mois à compter de l’enregistrement de la demande.

II. L’administration des archives peut également, après accord de l’autorité dont émanent les documents, décider l’ouverture anticipée de fonds ou parties de fonds d’archives publiques. »

Article L. 213-4

« Le versement des documents d’archives publiques émanant du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement peut être assorti de la signature entre la partie versante et l’administration des archives d’un protocole relatif aux conditions de traitement, de conservation, de valorisation ou de communication du fonds versé, pendant la durée des délais prévus à l’article L. 213-2. Les stipulations de ce protocole peuvent également s’appliquer aux documents d’archives publiques émanant des collaborateurs personnels de l’autorité signataire.

Pour l’application de l’article L. 213-3, l’accord de la partie versante requis pour autoriser la consultation ou l’ouverture anticipée du fonds est donné par le signataire du protocole.

Le protocole cesse de plein droit d’avoir effet en cas de décès du signataire et, en tout état de cause, à la date d’expiration des délais prévus à l’article L. 213-2.

Les documents d’archives publiques versés antérieurement à la publication de la loi no 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives demeurent régis par les protocoles alors signés. Toutefois, les clauses de ces protocoles relatives au mandataire désigné par l’autorité signataire cessent d’être applicables vingt-cinq ans après le décès du signataire. »

Article L213-5

« Toute administration détentrice d’archives publiques ou privées est tenue de motiver tout refus qu’elle oppose à une demande de communication de documents d’archives. »

Article L213-6

« Les services publics d’archives qui reçoivent des archives privées à titre de don, de legs, de cession ou de dépôt sont tenus de respecter les stipulations du donateur, de l’auteur du legs, du cédant ou du déposant quant à la conservation et à la communication de ces archives. »

GRIEFS

Invoquant l’article 10 de la Convention, le requérant dénonce une restriction arbitraire de son droit à consulter des archives publiques en vue d’effectuer un travail de recherche historique et du droit du public à recevoir des informations d’intérêt général.

Invoquant l’article 13 de la Convention, le requérant se plaint de ce qu’il ne disposait pas d’un recours effectif permettant de faire valoir son droit à la liberté d’expression.

QUESTIONS AUX PARTIES

1.  La procédure interne étant pendante devant le Conseil d’État, le requérant a-t-il épuisé les voies de recours internes conformément aux exigences de l’article 35 § 1 de la Convention ? Quelles conséquences convient-il de tirer à cet égard de la décision no 2017-655 QPC du Conseil constitutionnel du 15 septembre 2017, et du fait que, selon l’avis de la commission d’accès aux documents administratifs du 3 mars 2016, l’administration se trouvait dans une situation de compétence liée ?

2.  Y a-t-il eu violation de l’article 10 de la Convention du fait du rejet partiel de la demande du requérant tendant à la consultation de dossiers faisant partie des archives présidentielles de François Mitterrand ?

3.  Le requérant a-t-il eu accès à un recours effectif, au sens de l’article 13 de la Convention, pour faire valoir son grief tiré de l’article 10 de la Convention ?

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, GRANER c. FRANCE, 2 mai 2019, 84536/17