CEDH, Cour (première section), METMATI c. FRANCE, 28 avril 2005, 73551/01
Sur la décision
Référence : | CEDH, Cour (Première Section), 28 avr. 2005, n° 73551/01 |
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Numéro(s) : | 73551/01 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 8 juin 2001 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-69024 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:2005:0428DEC007355101 |
Sur les parties
- Juge : Christos Rozakis
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
Texte intégral
PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 73551/01
présentée par Maamar METMATI
contre la France
La Cour européenne des Droits de l'Homme (première section), siégeant le 28 avril 2005 en une chambre composée de :
MM.C.L. Rozakis, président,
L. Loucaides,
J.-P. Costa,
MmesF. Tulkens,
E. Steiner,
MM.D. Spielmann,
S.E. Jebens, juges,
et de M. S. Quesada, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 8 juin 2001,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Maamar Metmati, est un ressortissant français, né en 1967 et résidant à Nanterre. Il est représenté devant la Cour par Me Metmati, avocate au barreau de Paris. Le gouvernement défendeur est représenté par Mme Edwige Belliard, Directrice des affaires juridiques au Ministère des Affaires Etrangères.
A. Les circonstances de l'espèce
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
1. la procédure litigieuse
Le 10 mai 1999, le requérant fut condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Nanterre, à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, pour des infractions de travail dissimulé et pour des infractions de détention d'arme ou de munitions de 1ère ou de 4ème catégorie. Il fut en revanche relaxé des infractions de distribution d'objets ressemblant à de la monnaie. Le tribunal ordonna la confiscation des prospectus publicitaires et des armes détenus par le requérant.
Le 18 mai 1999, le requérant interjeta appel de ce jugement, uniquement en ce qu'il ordonnait la confiscation d'objets ne présentant aucun caractère de dangerosité. Il précisa vivre au 100 avenue Pablo Picasso à Nanterre, au domicile de ses parents.
Le 20 mai 1999, le ministère public fit également appel.
Le 29 juillet 1999, le parquet général de Versailles émit une cédule pour citation demandant à tout huissier de justice d'assigner le requérant à comparaître à l'audience de la cour d'appel de Versailles du 16 décembre 1999. Le 13 septembre 1999, un huissier se rendit au 100 avenue Pablo Picasso à Nanterre. Il lui fut alors précisé que le requérant résidait chez M. Majoul, 133 rue Moslard à Colombes.
Le requérant affirme que c'est son ami qui reçut l'acte d'huissier le convoquant à l'audience de la cour d'appel de Versailles du 16 décembre 1999 et en accusa réception, mais qu'il ne le lui remit pas.
Le Gouvernement affirme que l'huissier remit la citation à son destinataire, soit le requérant, qui y apposa sa signature.
Le requérant ne fut pas présent à l'audience du 16 décembre 1999, mais son avocat, Me Valigora, substituant Me Lienard (cabinet d'avocats Lienard, Landon, Valigora et autres), fut présent à l'appel des causes. Constatant l'absence de son client, il quitta l'audience, sans solliciter un report d'audience ni demander à le représenter malgré son absence.
Le 3 février 2000, la cour d'appel rendit un arrêt contradictoire à l'égard du requérant et à signifier. Elle le condamna à un an d'emprisonnement, non assorti de sursis, et délivra un mandat d'arrêt à son encontre.
Une copie de cet arrêt fut envoyée le 23 février 2000 à une partie civile et le 10 mars 2000 à Me Landon du cabinet Liénard. Le Gouvernement affirme qu'une copie fut également expédiée le 13 avril 2000 à Me Metmati, ce que conteste cette dernière.
Dans le cadre de la mise à exécution de la peine prononcée, une visite domiciliaire fut effectuée au 100 avenue Pablo Picasso à Nanterre dans le but d'y trouver le requérant. Elle se révéla infructueuse.
En l'absence de domicile et de résidence connus en France, l'arrêt de la cour d'appel fut signifié à Parquet le 20 avril 2000. Faute de pourvoi en cassation dans les cinq jours de cette signification, l'arrêt de la cour d'appel est devenu définitif.
Lors d'un contrôle de police, le 12 avril 2001, le requérant se vit notifier le mandat d'arrêt décerné contre lui. Il affirme avoir alors pris connaissance de l'arrêt de la cour d'appel.
Il fut immédiatement incarcéré à la maison d'arrêt de la Santé à Paris.
2. la procédure sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale
Le 17 mars 2000, Me Metmati introduisit au nom du requérant une requête auprès de la cour d'appel de Versailles sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale, sollicitant l'examen des conditions dans lesquelles il avait été cité à comparaître dans la procédure litigieuse. Le requérant prétendait que l'arrêt du « 23 février 2000 » aurait dû avoir été rendu par défaut parce qu'il n'avait pas eu « connaissance de sa convocation à l'audience de la cour d'appel. Il expliquait en effet que le 13 septembre 1999, une convocation lui avait été notifiée à une adresse où il ne demeurait plus (chez Majoul Mounir – 16 rue François Mauriac à Colombes), alors qu'à la date de signification, il était domicilié chez ses parents 100 avenue Pablo Picasso à Nanterre, adresse connue de la cour d'appel, et que l'accusé de réception avait été signé par Majoul Mounir qui ne lui avait pas remis la convocation. Ce dernier attestait qu'à son adresse, il avait réceptionné en septembre 1999 un courrier destiné au requérant, car il s'agissait d'une convocation en justice. Le requérant ajoutait que son avocat, Me Landon, n'avait pas été informé de la date de l'audience.
Le requérant ne fut pas présent à l'audience du 11 mai 2000, mais fut représenté par Me Metmati qui fut entendue.
Par un arrêt contradictoire du 25 mai 2000, la cour d'appel déclara la requête irrecevable en la forme, car ne portant pas la signature du requérant, et, irrecevable au fond pour les motifs :
« - que le 13 septembre 1999, l'huissier (...) a tenté de délivrer la citation à l'adresse [du requérant] (selon mention de l'acte d'appel), 100 avenue Pablo Picasso à Nanterre et qu'il lui a été indiqué que l'intéressé demeurait chez M. Majoul – 133 rue Meslard à Colombes,
puis s'était transporté à cette adresse où “parlant à sa personne A.D. (ainsi déclaré) qui a signé l'original”, il a remis ladite citation à son “destinataire” (page 2 de l'acte) [le requérant], qui a apposé sa signature,
l'attestation de M. Majoul Mounir faisant état d'un “courrier” étant, pour le moins, inopérante, puisque l'huissier, ayant délivré la citation à son destinataire, n'a pas, et n'avait pas, à envoyer de courrier recommandé avec accusé de réception,
le requérant (...) n'ayant pas utilement critiqué l'acte d'huissier qui fait foi jusqu'à inscription de faux,
- Maître Valigora, présent le 16 décembre 1999, à l'appel de la cause devant la Cour, et substituant Maître Lienard (cabinet d'avocats Lienard, Landon, Valigora et autres) a quitté l'audience, du fait de l'absence de son client ;
Considérant qu'il a été exposé lors de l'examen de la requête, - au moyen d'une attestation, d'ailleurs non-conforme, datée du 6 mai 2000, signée apparemment de son auteur Majoul Karim, sans que la signature sur ce document ressemble à celle apposée sur la carte nationale d'identité (...) –, que celui-ci attestait “sur l'honneur avoir réceptionné la convocation en justice destinée [au requérant] à (son) ancienne adresse au 133 rue Moslard 92 700 Colombes” et reconnaissait “n'avoir pas remis à son destinataire son courrier”,
attestation aussi peu fiable que la précédente dès lors que selon l'acte du 13 septembre 1999, ([le requérant] demeurant chez M. Majoul au 133 rue Moslard à Colombes) l'huissier n'a pas pu rencontrer “Karim” Majoul domicilié selon sa carte nationale d'identité, au moins depuis le 4 février 1999, 2 rue du 8 mai 1945 à Sartrouville (78) ;
Considérant que les affirmations du requérant contredites par les pièces de procédure, et par les attestations contradictoires produites, ne sont pas de nature à établir l'existence d'un “incident contentieux”, mais tendent au contraire à une tentative de faire rejuger une procédure ayant donné lieu à une décision ayant l'autorité de chose jugée ; (...) ».
Cet arrêt est définitif, n'ayant pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation.
B. Le droit interne pertinent
Article 710 du code de procédure pénale
« Tous incidents contentieux relatifs à l'exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence ; cette juridiction peut également procéder à la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans ses décisions (...). »
GRIEFS
1. Invoquant l'article 6 de la Convention, le requérant se plaint de n'avoir pas bénéficié d'un procès équitable. Il explique que le droit de se défendre emporte obligation pour l'Etat d'assurer la comparution personnelle de l'accusé au procès pénal ; or, il était absent devant la cour d'appel, n'ayant pas été touché par la convocation à l'audience du 3 février 2000. Il estime de plus que ses droits de la défense ont été violés, puisqu'il n'a pas bénéficié de l'assistance d'un avocat devant la cour d'appel.
2. Invoquant l'article 13 de la Convention, le requérant se plaint d'avoir été privé de la possibilité d'exercer toute voie de recours contre l'arrêt de la cour d'appel. Il explique que malgré son absence, la cour d'appel a rendu une décision contradictoire, et qu'il ne disposait alors que d'un délai de cinq jours pour se pourvoir en cassation. Or, ce délai avait déjà expiré lorsqu'il a eu connaissance, le 12 avril 2001, de l'arrêt de la cour d'appel. Il estime qu'il aurait dû être jugé par défaut et qu'il a donc été privé de tout recours effectif.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint d'une violation des droits de la défense et invoque l'article 6 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
3. Tout accusé a droit notamment à :
(...)
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. »
1. Les observations des parties
a) Le Gouvernement
Le Gouvernement estime en premier lieu que le requérant n'a pas épuisé les voies de recours internes.
Il rappelle, tout d'abord, que l'avocat du requérant était présent à l'audience du 16 décembre 1999 et souligne qu'il n'a ni sollicité le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure ni demandé à pouvoir représenter son client en son absence alors qu'il aurait pu invoquer l'article 6 de la Convention pour demander à le défendre.
Il estime ensuite que le requérant était en mesure de se pourvoir en cassation de l'arrêt du 3 février 2000, puisque le délai courait jusqu'au 26 avril 2000, et conteste l'affirmation du requérant selon laquelle il n'en avait eu connaissance que le 12 avril 2001. Il relève à cet égard qu'une expédition de cet arrêt fut délivrée le 13 avril 2000 à Me Landon, avocat du cabinet Lienard, Landon et Valigora, mais surtout, que dès le 17 mars 2000, le requérant avait introduit une requête devant la cour d'appel pour contester les conditions dans lesquelles il avait été cité à comparaître dans la procédure litigieuse. Il précise à cet égard que Me Metmati, l'avocate représentant le requérant devant la Cour, le représentait également dans cette procédure et affirme qu'elle avait obtenu, le 13 avril 2000, une copie de l'arrêt litigieux. Il estime en conséquence qu'au lieu de se pourvoir en cassation le requérant avait opté pour un autre recours, inefficace en l'espèce, puisque ne pouvant pas redresser la prétendue violation de la Convention dont il se plaint.
Finalement, il précise que le requérant aurait pu demander au Premier Président de la Cour de cassation l'inscription de faux de la citation par huissier qu'il conteste.
En second lieu, le Gouvernement estime que les diligences des autorités étaient parfaitement adaptées et suffisantes. Il souligne que le requérant reste toujours très imprécis quant à son adresse exacte et ne s'explique pas la présence de Me Valorga à l'audience du 16 décembre 1999 si le requérant n'avait pas été touché en personne par l'huissier.
A titre subsidiaire, le Gouvernement estime que les solutions retenues par la Cour dans ses arrêts Colozza c. Italie (arrêt du 12 février 1985, série A no 89), Goddi c. Italie (arrêt du 9 avril 1984, série A no 76) et Ekbatani c. Suède (arrêt du 26 mai 1988, série A no 134) ne sont pas transposables à la présente espèce. Il estime, eu égard à la marge d'appréciation des autorités nationales, que la condamnation du requérant par un arrêt contradictoire à signifier ne s'analyse pas en une atteinte à l'article 6 § 1 de la Convention.
b) Le requérant
Le requérant estime qu'il y a bien eu épuisement des voies de recours internes, puisqu'il n'a eu connaissance de l'arrêt du 3 février 2000 que le 12 avril 2001, soit après l'expiration du délai de pourvoi en cassation.
Il affirme qu'il aurait formé un pourvoi dans les délais légaux s'il avait eu connaissance de la signification à Parquet. D'ailleurs, il s'interroge sur cette signification à Parquet, puisque l'adresse de l'ami chez qui il résidait avait été indiquée à l'huissier le 13 septembre 1999, adresse à laquelle l'huissier affirme lui avoir remis en mains propres la citation à comparaître.
Il conteste également l'affirmation du Gouvernement selon laquelle Me Metmati avait reçu une expédition de l'arrêt.
Finalement, il explique que n'ayant reçu aucun mandat de sa part à cet effet, Me Valigora ne pouvait pas le représenter à l'audience du 16 décembre 1999.
2. L'appréciation de la Cour
La Cour rappelle qu'aux termes de l'article 35 § 1 de la Convention elle ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes et dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive.
Elle rappelle que cette disposition ne prescrit que l'épuisement des recours à la fois relatifs à la violation incriminée, disponibles et adéquats. A cette fin, le requérant ne doit pas seulement avoir saisi les juridictions nationales, mais doit également avoir soulevé devant ces juridictions, au moins en substance et dans les formes et délais du droit interne, les griefs qu'il entend ensuite formuler devant la Cour (voir, mutatis mutandis, Ankerl c. Suisse, arrêt du 23 octobre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996‑V, § 34). La Cour rappelle également qu'un requérant qui a utilisé une voie de droit apparemment effective et suffisante ne saurait se voir reprocher de ne pas avoir essayé d'en utiliser d'autres qui étaient disponibles mais ne présentaient guère plus de chances de succès (Aquilina c. Malte [GC], no 25642/94, CEDH 1999‑III).
En l'espèce, le requérant, assisté de Me Metmati, a saisi la cour d'appel de Versailles, le 17 mars 2000, afin que soient réexaminées les conditions dans lesquelles il avait été cité dans la procédure ayant donné lieu à l'arrêt du « 23 février 2000 ». Il indiquait dans son recours qu'un arrêt « contradictoire à signifier » avait été rendu à son encontre suite à son appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Nanterre et l'avait condamné à la peine d'un an de prison ferme. Ainsi, dès le 17 mars 2000, le requérant était assisté d'un avocat et savait qu'un arrêt avait été rendu à son encontre. Or, à cette date, le requérant n'était pas hors délai pour se pourvoir en cassation. La Cour estime en conséquence que le requérant aurait pu se pourvoir en cassation dès le 17 mars 2000.
En l'espèce, au lieu de se pourvoir en cassation, le requérant a choisi de saisir les juridictions internes d'une requête en incident contentieux. Pourtant, et même à supposer que ce recours était effectif et suffisant, la Cour constate que le requérant ne l'a pas exercé dans les formes et délais légaux puisqu'il n'a pas signé la requête introductive d'instance.
La Cour remarque de plus qu'il n'a pas exercé les voies de recours internes ouvertes contre l'arrêt rendu dans le cadre de cette procédure.
Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
2. Le requérant se plaint d'avoir été privé de la possibilité d'exercer toute voie de recours contre l'arrêt de la cour d'appel et invoque l'article 13 de la Convention, qui se lit comme suit :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »
Au vu de la conclusion à laquelle elle est parvenue sur le point précédent, la Cour estime qu'une voie de recours s'ouvrait en droit interne mais que le requérant ne l'a pas utilisée.
Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Santiago QUESADAChristos ROZAKIS
Greffier adjointPrésident
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